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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Westbahn : un premier concurrent en Autriche

Westbahn est une entreprise ferroviaire créée en 2008 par un ancien dirigeant des ÖBB et un homme d'affaires autrichien. En 2011, le groupe SNCF, via SNCF Participations, est entré au capital, initialement à hauteur de 26 %, puis à 35 % en 2013. Quatre ans plus tard, la composition du capital a évolué, l'opérateur français n'ayant plus que 17,4 %. La famille Haselsteiner détient 49,9 % des actions et la Augusta-Holding 32,7 %.

2011 : la concurrence s'installe en Autriche

Il ne s'est écoulé que trois années entre la création de l'entreprise et le lancement des premiers trains. Dans ce laps de temps, toutes les procédures ont été menées de front pour d'une part sanctuariser dans un accord-cadre les sillons, acquérir le matériel roulant, former et habiliter le personnel etc...

A l'horaire 2011, Westbahn a lancé sa première desserte cadencée à l'heure entre Vienne et Salzburg, desservant 6 arrêts intermédiaires dont un à Hutteldorf qui donne correspondance à la ceinture S45 et à la ligne U3 du métro de Vienne. Ce choix a facilité l’accès aux quartiers nord et ouest par rapport aux Railjet et aux Intercity des ÖBB ne desservant que le centre de Vienne.

Ce premier service a été assuré avec 7 automotrices Kiss fournies par leur constructeur Stadler, également chargé de leur maintenance (avec une disponibilité supérieure à 97 %).  Longues de 150 m avec 6 voitures, elles disposent 501 places (incluant le bar) selon trois niveaux de confort : First (à 3 sièges de front), Comfort et Standard, disposant tous de sièges en cuir avec un pas de sièges assez généreux dans leur catégorie.

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Salzburg - 14 mai 2015 - Dans une gare complètement rénovée et agrandie, cette rame Kiss est prête au départ 2 minutes avant de quitter Salzburg pour Vienne. Le personnel de bord est encore sur le pas de porte pour accueillir les voyageurs. © transportrail

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Grunddorf - 29 mars 2016 - Sur une des sections nouvelles entre Vienne et Salzburg, cette rame file à 200 km/h. Les Kiss de Westbahn ont été les premières à être conçues pour circuler à cette vitesse. © M. Hanish

En dépit d'une fréquentation prometteuse, Westbahn n'a pas réussi à équilibrer ses comptes. En décembre 2017, la compagnie a fait le choix de développer l'offre en passant à une fréquence de 30 minutes, grâce à l'acquisition de 10 rames Kiss supplémentaires dont une en version 6 caisses (avec une capacité portée à 523 places) et 9 en version 4 caisses (longues de 100 m) disposant de 323 places. Ces rames se distinguaient des 7 premières par leurs portes à un seul vantail, plus adaptées aux parcours à 200 km/h en tunnel.

Cette nouvelle mission présentait la particularité d'être amorcée à la gare du Praterstern et traversait Vienne par le tunnel de la S-Bahn.

2019 : brouillard chinois

Le renforcement de la desserte n'a pas modifié le bilan économique de Westbahn, qui dut adopter en 2019 une stratégie de repli qui ne manqua pas de dérouter les observateurs :

  • la desserte est revenue à une cadence horaire. Les perspectives de prolongement à Munich ont été différées, privilégiant une coopération avec l'opérateur Meridian assurant une desserte toutes les heures entre Salzburg et la capitale bavaroise ;
  • le matériel a été mis en vente. On vit parallèlement la DB et les ÖBB lancer des appels d'offres pour la fourniture de rames en tous points identiques à celles de Westbahn. C'est finalement l'opérateur allemand qui reprit le parc ;
  • des discussions ont été engagées avec le constructeur chinois CRRC pour fournir une quinzaine de rames de 6 voitures, copie presque conforme des Kiss, selon un nouveau modèle de financement. Les rames auraient été apportées par le constructeur qui aurait perçu une partie de la recette commerciale. Cependant, les délais de fabrication, d'acheminement et d'homologation de ces rames se sont révélés bien plus longs que prévus.

Revirement côté autrichien : Stadler se vit attribuer la fourniture de 15 rames Kiss de troisième génération, en version 6 caisses avec une capacité portée à 506 places dont 34 en First, 106 en Comfort et 366 en Standard. Ces rames sont équipées de la dernière version ERTMS niveau 2 (Baseline 3). Elles ont été engagées en service commercial en août 2021.

Différence de taille, ces rames n'ont pas été acquises en direct par Westbahn mais via un crédit-bail : la charge du matériel roulant passe donc en dépenses de fonctionnement et non en section d'investissement, avec un amortissement sur une durée plus longue.

Cependant, CRRC a bien engagé la production de rames DEMU2, l'une d'elle ayant même été envoyée en juin 2022 sur l'anneau d'essais de Velim en République Tchèque. Il était envisagé d'utiliser ces rames à partir de l'été 2023 mais cette hypothèse n'a pas été confirmée.

La desserte en 2023

Westbahn propose 26 allers-retours entre Vienne (Westbahnhof) et Salzburg dont 5 sont prolongés à Munich et 4 à Innsbruck. Si les trains plafonnent à 200 km/h contre 230 km/h pour les Railjet, les temps de parcours donnent d'intéressants résultats puisque les Kiss relient Vienne à Salzburg en 2h30 contre 2h25 pour les Railjet, alors que Westbahn dessert 7 arrêts intermédiaires contre 2 pour les Railjet.

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Tunnerfeld - 22 mars 2023 - Quand le train fait sa propre promotion : cette rame Westbahn est entièrement pelliculée pour faire la promotion du Klimatciket à 49 € par mois puisque la compagnie fait partie des opérateurs sur lequel ce forfait particulièrement avantageux est valable. La rame circule ici sur une des sections nouvelles, à la vitesse maximale de 200 km/h. (cliché X)

On en déduit donc que les montées en vitesse, les freinages et les temps de stationnement procurés par les automotrices Kiss, notamment avec leurs 12 portes larges de 1,30 m et leurs accès de plain-pied, font plus que compenser la vitesse maximale plus faible sur les sections nouvelles. Les temps de stationnement sont particulièrement optimisés : seul l'arrêt à Linz est tracé à 2 minutes. Il n'est que d'une minute à Salzburg pour les trains poursuivant vers Innsbruck et Munich.

A bord de Westbahn (en 2015)

Pour concurrencer les services des ÖBB déjà fortement implantés, il fallait proposer un service fréquent et se distinguer par les prestations à bord. L'identité de Westbahn repose largement sur l'absence de vente en gare, mais uniquement en ligne ou directement dans le train auprès du personnel. C'est aussi une autre particularité : il y a un agent par voiture chargé de l'accueil, de la vente et du contrôle des billets mais aussi du service dans les espaces bar. On en compte 4 par rame dont 3 au niveau des intercirculation et dans la salle basse d'une des voitures centrales. Ce personnel assure aussi la petite maintenance pour assurer un bon niveau de propreté des rames tout au long du parcours.

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Intérieur cuir, siège réglable et prise 220 V même pour la classe économique avec un pas de siège de 2 m généreux dans cette rame Kiss de première génération depuis vendue à la DB. Les bagageries en salle haute sont en revanche absentes. (photo Westbahn)

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Aménagement d'un espace bistrot dans l'une des intercirculations d'un Kiss de première génération. La polyvalence du personnel de bord est probablement une des clés de la stratégie de la compagnie. (photo Westbahn)

L'accès au train est commode, notamment les salles basses, directement accessibles depuis les plateformes, conséquence du gabarit en hauteur plus généreux qu'en France. Deux escaliers permettent l'accès à la salle haute, préférable pour profiter du paysage car le parcours comprend de nombreux écrans antibruit qui masquent la vue des voyageurs en salle basse.

L'optimisation de la capacité assise se fait au détriment des bagageries, franchement insuffisantes en salle haute. Les sacs et valises de taille modeste peuvent passer sous le siège.

L'insonorisation est de très bon niveau tout comme la gestion de l'effet piston dans les nombreux tunnels du parcours. Il s'agit véritablement d'une version adaptée aux longs parcours à haute vitesse.

L'ergonomie du siège est très agréable, plus que celle qu'on retrouve sur la plupart des matériels Siemens, et en particulier sur les Railjet en seconde classe. Les cuirs sont de belle facture. Sur les sièges en file, la tablette est bien dessinée et de format compatible avec l'utilisation d'un ordinateur, ce qui donne un autre avantage aux prestations à bord de Westbahn.

Passons à l'exploitation. Les accélérations annoncées, soutenues pour un matériel apte à 200 km/h (0,85 m/s² de 0 à 60 km/h) résultent à la fois des aptitudes du matériel roulant, des installations électriques du réseau et des pratiques de conduite du personnel. Il est aussi intéressant de mesurer les accélérations résiduelles dans les hautes vitesses : 29 secondes pour passer de 90 à 160 km/h et 27 secondes supplémentaires pour atteindre 200 km/h. Les 5 minutes d'écart entre les horaires Westbahn et Railjet sont donc très faibles compte tenu d'une desserte à 7 arrêts intermédiaires et non 2, grâce à des marches plutôt tendues, rendant les 30 km/h de différence de vitesse maximale relativement insignifiantes.

Evolution des aménagements sur les nouvelles rames

En attendant de pouvoir voyager à nouveau à bord d'une rame Westbahn, voici quelques vues des aménagements des rames Kiss de troisième génération en service depuis 2021.

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Un des espaces mini-bar au droit des intercirculations, à proximité d'une voiture de première classe. (photo Westbahn)

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Trois niveaux de confort sont proposés par Westbahn à bord de ses rames : tous proposent des sièges en cuir de belle facture. L'ergonomie est bien pensée. On notera que sur les deux premiers clichés, les places sont toutes en face des fenêtres et en vis-à-vis. En classe Standard, l'objectif est quand même d'optimiser le nombre de places assises quitte à réduire un peu le champ de vision du voyageur sur l'extérieur. (photos Westbahn)

On peut rapidement conclure sur le fait que Westbahn a réussi à créer un service de bonne facture sur une liaison déjà largement desservie par les ÖBB. Les choix commerciaux et les prestations à bord sont finalement devenus assez conformes aux pratiques de la population, faisant de plus en plus l'acquisition des billets par Internet. La possibilité de l'acheter directement à la montée dans le train est finalement une exception dans les pratiques européennes surtout sur des liaisons de type Intercity. Certaines dispositions, comme les espaces de restauration, sont bien conçus et mériteraient d'inspirer d'autres opérateurs (dont l'un figure à l'actionnariat de Westbahn...).

Signalons enfin que la compagnie a reçu des compensations pendant la crise sanitaire de 2020-2022, ce qui lui a permis de se relancer à la fin des restrictions de déplacement, et qu'elle a fait partie du groupement du fameux Klimaticket autrichien.

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