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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Relancer la ligne des Hirondelles ?

Oyonnax - Saint-Claude, victime de mésentente politique

Après l'opération Haut-Bugey, la Région Rhône-Alpes n’a pas manifesté grand intérêt pour cette desserte et seuls 3 allers-retours ont été remis en service, l’autocar étant jugé plus pertinent. On se demande selon quels critères… La spirale du déclin était belle et bien engagée, amplifiant l’isolement du Haut-Jura subissant déjà une dépression économique et démographique. Entre 1975 et 2010, Saint-Claude perdait le quart de sa population (13 000 habitants en 1975). Même chose à Morez (de 7000 à 5000 habitants) et Champagnole (de 10 000 à 7900 habitants), mais sur la seule période 1990-2010 !

Seule Oyonnax, bastion de la plasturgie française, a connu un développement important depuis les années 1950, amplifié par un regroupement communal précoce : la ville compte plus de 22 000 habitants.

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Lavans - Saint-Lupicin - Juillet 2017 - Le matériel moderne ne doit pas faire illusion : le manque d'entente entre les Régions reliées par la section Oyonnax - Saint-Claude a aussi précipité le sort de cette section. Le trafic routier compose donc avec un itinéraire sinueux aux conditions météorologiques rudes en hiver. Qui se soucie du rôle du train, notamment pour que Saint-Claude puisse accéder au bassin d'emplois réputé d'Oyonnax ? (cliché X)

La dégradation de l’infrastructure était connue de longue date, mais les deux Régions ont continué de se regarder en chiens de faïence. Historiquement, la Région Rhône-Alpes ne s’y est pas vraiment intéressée tandis que la Franche-Comté attendait que sa voisine fasse le premier pas. Bilan de cette incompréhension, des ralentissements à foison, et le couperet de la suspension des circulations.

Le CPER 2015-2020 ne prévoyait que 6 M€ pour un besoin estimé à 40 M€. La mésentente entre les deux Régions condamnait donc la section Oyonnax – Saint-Claude, alors qu’elle apparaît la plus utile pour accéder à un bassin d’emplois dynamique. Au nord, en revanche, un investissement minimal, réalisé en 2020, permit de tenir la ligne, mais la section Morez – Saint-Claude demeure dans une situation des plus fragiles avec un ralentissement à 40 km/h.

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 Saint-Claude - 20 octobre 2017 - L'état de l'infrastructure n'annonce rien de bon. Ce n'est plus une impression d'abandon mais une quasi-certitude : compte tenu des ralentissements frappant la section Saint-Claude - Morez, l'avenir est des plus sombres pour cette section. © transportrail

Le 10 décembre 2017, les trains abandonnaient donc la section Oyonnax – Saint-Claude, trajet alors effectué en 38 minutes, soit 3 minutes de plus qu’en 1978… mais les trains desservaient 4 arrêts intermédiaires (Dortan-Lavancia, Jeurre-Vaux, Molinges, Lavans - Saint-Lupicin). Comble de l’ironie, il faut – dans le meilleur des cas – 41 minutes en voiture pour relier les deux villes. Avec près de 8000 véhicules / jour sur l’ensemble RD436-RD31 reliant les deux villes, difficile de ne pas considérer qu’il existe un marché pour le transport ferroviaire, surtout sur un territoire où les conditions de circulation sont difficiles en particulier en hiver. Mais qui s’en soucie vraiment ?

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 Andelot - 20 octobre 2017 - Retour à la modernité : la ligne des Hirondelles rejoint l'axe Dijon - Dole - Vallorbe - Lausanne. Le rebroussement permet de prendre quelques photos d'ambiance : l'affluence du vendredi est plus importante et les X73500 affichent complet du fait des internes des lycées de Morez et Champagnole, rejoignant la plaine. © transportrail

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Saint-Claude - 20 octobre 2017 - Arrivée de l'autocar TER Bourg-en-Bresse – Saint-Claude... On devrait plutôt parler de minicar compte tenu de la maigre capacité disponible et du confort pour le moins frustre de ce type de véhicule. Mais selon certains, c'est l'avenir : eh bien, cet avenir-là, on leur laisse ! © transportrail

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Morez - 20 octobre 2017 - Ambiance plus que brumeuse dans la vallée de la Bienne : l'avenir du chemin de fer se perd de vue...© transportrail

Un nouvel envol ?

La situation actuelle n’est évidemment pas tenable et le risque d’arrêt d’exploitation n’est pas écarté car les travaux récemment réalisés sont de consistance minimaliste faute de moyens suffisants de la part de l’Etat et d’une Région aux positions ferroviaires de plus en plus ambiguës. Quel est l’intérêt de préserver cette ligne sans remettre à plat son utilisation de faible consistance et à l’organisation quelque peu perfectible ?

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Les trains faisant terminus à Andelot sont en correspondance avec la relation Dole – Pontarlier.

Plus difficile est le cas du versant sud de la ligne. On ne peut nier, au regard du trafic routier, l’importante attractivité de territoires de fait inaccessibles par voie ferrée, notamment le bassin genevois, incluant le pays de Gex. C’est une « cause perdue ». En revanche, le sort de la section Oyonnax – Saint-Claude devrait être réexaminé, compte tenu d’un flux – lui aussi routier – non négligeable lié à la situation industrielle de la ville plutôt dynamique et de ses alentours. Et au-delà, c’est l’accès à Bourg-en-Bresse puis à Lyon.

Cependant, entre la versatilité bourguignonne et le refus rhônalpin de financer les infrastructures ferroviaires, nul doute que cette section restera délaissée dans les années à venir.

En attendant, à investissement minimal, le devenir de la ligne des Hirondelles passe par la stabilisation de son état et une amélioration de sa desserte. Même avec son régime de cantonnement téléphonique, l’absence de circulation de fret devrait assouplir les règles d’exploitation, comme sur Grenoble – Veynes ou Chartres – Courtalain, pour proposer jusqu’à 8 allers-retours.

Pontarlier et Saint-Claude : destins communs ?

C’est une hypothèse : coupler, depuis la plaine, les dessertes de ces deux lignes jusqu’à Andelot, confirmant un matériel unique. Pour l’instant, les X73500 y sont engagés même s’ils circulent partiellement – ou totalement vers Pontarlier – sous caténaires. Les Hirondelles font donc le matériel roulant. Ce n’est pas forcément idéal, mais c’est tout de même plus adapté que les cogitations de certains sur des concepts légers à l’intérêt improbable.

Ne resterait alors qu’à statuer sur la destination de ces trains : Dole ou Besançon ? La première destination favorise l’accès à la principale ville du Département du Jura (qui n’est pas la préfecture), la seconde la principale agglomération franc-comtoise. Une étude sur les flux de déplacements serait bien utile. Dole pourrait être une solution à condition d’organiser la correspondance à Mouchard avec les relations Lons-le-Saunier – Besançon.

Sur ce point, une étude fine des déplacements locaux sera utile : elle aura aussi pour but de révéler la part de trafic local (typiquement entre Champagnole, Morez et Saint-Claude), en distinguant les flux scolaires, de salariés et les autres motifs de déplacement, sans négliger les déplacements de loisirs, notamment en moyenne montagne. Pour cela, le développement de lignes d’autocars facilitant l’accès aux sites les plus attractifs apparaît indispensable. On pourrait donc suggérer une liaison Morez – Les Rousses – La Cure – Le Brassus, mettant en correspondance la ligne des Hirondelles avec le NStCM (vers Nyon) et la ligne de la vallée de l’Orbe (qui depuis mi-2022 est intégrée au RER vaudois jusqu’à Lausanne).

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Morez - 25 juillet 2023 - Par un temps pas vraiment estival mais franchement orageux, la triplette de fin d'après-midi partie de Saint-Claude est ici observée sur le site aussi célèbre que quasiment déserté par le trains des viaducs. C'est le dernier train de la journée vers Andelot, et il est un peu plus de 18 heures quand ils quittent Morez ! © transportrail

Dans un scénario dissociant Saint-Claude et Pontarlier, pourrait-on imaginer la superposition des services, quitte à proposer une cadence à l’heure jusqu’à Andelot ? C’est peut-être beaucoup, du moins dans un premier temps. En revanche, il serait possible de croiser les destinations : Dole vers Pontarlier (en misant sur le car pour aller à Besançon) et Besançon vers Saint-Claude.

Enfin, la desserte du sud de la ligne : si, un jour, la section Oyonnax – Saint-Claude était rétablie, il faudrait peut-être plancher sur une liaison Bourg – Oyonnax – Saint-Claude – Morez, la capitale de la lunetterie pouvant apparaître comme un potentiel terminus naturel. Mais ce n’est pas pour demain…

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