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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Nice - Digne régionalisée mais un avenir à dessiner

Les CP repris par la Région : début de la modernisation

En 2007, la Région PACA reprenait la concession de la ligne, après plusieurs années de débats parfois difficiles avec les Départements. Elle engagea un programme de modernisation de la ligne, d’un montant de 55 M€.

Il comprenait 4 volets principaux :

  • l'infrastructure, avec la rénovation des sections les plus fragiles. Cependant, si le renouvellement était effectué aux normes suisses dans la basse plaine du Var, la pose de voies en courtes barres alternées éclissées (et donc sans soudures) restait de mise au-delà de Plan-du-Var. Il faut en revanche souligner que sur la partie périurbaine, et notamment dans Nice, les travaux ont anticipé une future électrification (en courant continu) en modifiant le gabarit des ouvrages par abaissement de la plateforme ;
  • la signalisation, avec la mise en BAPR de la section Nice - Plan-du-Var pour étoffer la desserte périurbaine ;
  • les quais, avec une première série d'aménagements, notamment dans la banlieue niçoise, mais en conservant les contraintes d'insertion, d'où une largeur parfois très réduite. A la station Saint-Sauveur, l'accès au centre commercial situé de l'autre côté de la voie rapide fut amélioré ;
  • le matériel roulant, avec la commande de 4 autorails modernes AMP800, similaires à ceux acquis en Corse, furent commandés tandis que des voitures suisses, venant notamment de l’Appenzellerbahn, furent modernisées pour le service touristique. Par ailleurs, la rame Soulé, endommagée par un incendie en 2008, fut réparée et rénovée.

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Saint Martin-du-Var - 29 décembre 2015 - Les gares périurbaines ont bénéficié d'aménagements améliorés, notamment de quais neufs pour assurer un meilleur service. L'accessibilité n'est procurée que sur les trains assurés par les AMP800. Il faut aussi remarquer la voie entièrement renouvelée dans la plaine du Var. © transportrail

Au premier janvier 2014, l’ère des CFTA s’achevait. La Région souhaitait en effet réexaminer les conditions contractuelles et le niveau de service. Elle adopta finalement le principe d’une exploitation en régie, fondant la Régie Régionale des Transports dont l'exploitation était placée évidemment sous la réglementation du STRMTG, cmome toutes les infrastructures hors du réseau ferré national.

Quelques chiffres

La régionalisation semblait donc mettre fin à une période d'incertitudes sur le devenir de la ligne, d'autant que la croissance du trafic était assez soutenue. Les CP transportaient  plus de 500 000 voyageurs en 2016 : un résultat évidemment tiré par la desserte de la banlieue niçoise, la desserte de l'arrière-pays et un fort cabotage entre les villages desservis, comme nos reportages à suivre à bord des trains le relatent.

Le service 2016 prévoit 4 allers-retours de Nice à Digne, un aller-retour Nice – Annot et un service à vocation scolaire entre Annot et Digne. S’y ajoutent les trains à vocation périurbaine dans la plaine du Var, avec 10 Nice – Plan-du-Var et 9 Nice – Colomars. Au total, 24 allers-retours sont proposés sur la section la plus densément peuplée, en complément des services d'autobus et autorcars empruntant notamment la voie rapide parallèle dans la plaine du Var, fréquemment encombrée. Le train transportait alors environ 1200 voyageurs par jour entre Nice et Plan-du-Var. Cependant, les deux routes encadrant le Var supportent près de 55 000 véhicules par jour, dont environ 60 % sur la rive gauche parallèle au train.

A cette date, la contribution de la Région s'élevait à 12 M€ par an soit environ 24 € par voyageur. Le coût du kilomètre-train ressortait à 17,5 €, soit 35% moins cher que le km-train facturé par la SNCF. En comparaison, en Corse, le km-train reste à un niveau assez élevé de 27 €, principalement du fait du caractère très montagnard du réseau. Pour autant, la contribution par voyageur en Corse a été raménée en 5 ans à une valeur de 17 €. La ligne des CP est moins exigeante. Sur les lignes de Bretagne autour de Guingamp, affermées à Transdev, le coût du km-train est en revanche inférieur de moitié à celui des CP, mais sur des itinéraires cette fois nettement plus faciles et avec une exploitation nécessitant moins de personnel puisque comprenant moins de gares de croisement.

L'enjeu pour les CP réside donc dans l'augmentation de la fréquentation, par une politique commerciale attractive, et par la maîtrise des coûts pour parvenir à maîtriser la contribution publique par voyageur.

Les CP savent mettre en valeur les atouts de cette ligne atypique en proposant des services complémentaires aux voyageurs du quotidien ou aux voyageurs occasionnels. Par exemple, le « train des Neiges » en hiver consiste en une liaison couplée train + autocar vers les stations de ski du Val d'Allos (pour plus d'informations, voir le site Internet des CP).

On notera également la circulation à vocation touristique (un aller-retour les dimanches de mai à octobre) du Train des Pignes à vapeur entre Puget Théniers et Annot, exploité par l’association GECP (Groupe d’Etude pour les Chemins de fer de Provence).

Un service soumis à des accidents

Nice - Digne n'est pas une ligne vertigineuse, mais elle a toutes les caractéristiques d'une ligne de moyenne montagne du fait de sa topographie. Au début de l'année 2014, la chute d’un bloc rocheux de 20 tonnes sur l’un des AMP800 entraîna l’arrêt temporaire de l’exploitation de la ligne. L'engin n'a pas été réparé, privant donc les CP de l'un des autorails les plus modernes de la ligne, accroissant les tensions sur l'exploitation.

En 2019, un accident sur le chantier de rénovation du tunnel de Moriez a intercepté l'exploitation de la section Digne - Saint-André, assurée par autocars, privant la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence de tout service ferroviaire. La procédure judiciaire a été longue, du fait du décès d'un ouvrier du chantier. Les travaux ont été ensuite retardés par la crise sanitaire. La consolidation de cet ouvrage de près de 1200 m a été achevée en 2022 mais sans reprise de l'exploitation dans l'attente d'une autorisation des services de la Préfecture.

Quelles perspectives ?

Pour renforcer la capacité du service de banlieue, la Région avait fait l'acquisition de 6 autorails doubles venant de Majorque, dont l'adaptation a confiné au fiasco industriel : il était prévisible car ces rames étaient conçues pour la desserte de quais hauts de 1 m. La création d'emmarchements sur les 4 larges portes (1,30 m) n'a pas trouvé d'issue positive.

En attendant, le matériel ancien joue les prolongations, mais sa capacité est devenue insuffisante pour la desserte périurbaine. Les AMP800 et l'X351 sont les seuls matériels capacitaires, mais demeurent insuffisamment nombreux.

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Annot - 27 février 2023 - Assurant une liaison entre Nice et Saint-André, l'X303 joue encore les prolongations de carrière à 51 ans après une nouvelle rénovation, compte tenu de l'échec - prévisible - de l'affaire des autorails de Majorque. © transportrail

Des discussions avec les Chemins de fer de Corse ont été engagées compte tenu de potentielles synergies, notamment pour le développement des dessertes périurbaines de Nice, Bastia et Ajaccio. L'un des scénarios consisterait en la cession des AMP800 à la Corse, de sorte à étoffer le parc destiné aux liaisons intervilles, et de commander un matériel adapté aux dessertes plus urbaines, qui pourrait être commun. Cependant, les échanges n'ont pas encore abouti.

En 2023, la Région PACA a annoncé un plan d'investissement de 100 M€ incluant principalement :

  • 5 M€ pour réaliser les travaux de rénovation du tunnel de Moriez et rétablir enfin la continuité de service jusqu'à Digne ;
  • 56 M€ pour l'acquisition de 8 nouvelles rames hybrides (+ 3 en tranche conditionnelle) qui pourront circuler partiellement ou totalement en mode électrique sur la partie urbaine du parcours (au moins jusqu'à Colomars) ;
  • 28 M€ pour la construction d'un nouveau dépôt à Lingostière, en charge du nouveau matériel ;
  • 7,2 M€ pour la modernisation de la signalisation avec l'objectif d'assurer une desserte toutes les 20 minutes en pointe et toutes les 40 minutes en journée dans la plaine du Var.

Sur ce dernier point, il faut souligner que l'infrastructure existante dispose de points de croisement espacés d'environ 9 minutes, ce qui limite à ce niveau la capacité de la ligne. Un intervalle de 40 minutes serait tout de même à proscrire, car non répétitif d'une heure à l'autre : il faudrait tendre vers un intervalle à la demi-heure, mais compte tenu du potentiel de trafic sur cette section, il serait probablement plus adapté de maintenir toute la journée la cadence aux 20 minutes.

Le nouveau matériel roulant devrait être conçu pour circuler en mode électrique sur la partie périurbaine : une chaîne de traction et un pantographe pour du 1500 V continu semblent indispensables, d'autant que le gabarit des ouvrages a été dégagé dans cet objectif au début des années 2010. Une batterie serait utile au-delà, pour fonctionner en mode hybride afin de récupérer l'énergie au freinage et assurer un démarrage en mode électrique au moins jusqu'à 30 km/h. La partie thermique devra évidemment se passer de combustibles d'origine fossile.

La liaison Digne - Saint-Auban

Depuis 1989, Digne est privée de desserte ferroviaire vers l'axe Marseille - Briançon. La Région avait financé une étude pour rouvrir cette ligne dans ses caractéristiques historiques, à voie normale et dans le réseau national. Estimation présentée alors par RFF : 135 M€ pour 22 km. Inaudible pour la Région, ce devis était plombé par les protections à installer le long de l’usine Arkéma de Saint-Auban et probablement un surdimensionnement des installations pour une ligne qui pourrait fonctionner sous le régime de navette, avec une seule rame à l'instant t sur la ligne, que ce soit pour des services de rabattement sur les trains de la vallée de la Durance ou des liaisons directes vers Aix-en-Provence et Marseille.

Alternative pour la Région : reprendre l'infrastructure par un transfert de propriété pour l'intégrer au réseau des CP et la rénover à voie métrique. Cependant, ce scénario ne semble pas susciter un grand enthousiasme de la Région. En attendant, le trafic sur la RN85 parallèle à la voie ferrée, supportait déjà 13 700 véhicules / jour en 2006.

En 2023, la SNCF a proposé une autre alternative à l'aide de concepts innovants, incompatibles avec la ligne Marseille - Briançon et les Chemins de fer de Provence. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Suite du dossier

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