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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

CNM : un dédoublement utile, des choix contestables

Un choix logique pour le fret

Du fait de la réduction de la voilure sur la LGV Méditerranée, la ligne classique a supporté une partie le trafic supplémentaire des TGV et la hausse des dessertes régionales, entre Manduel et Montpellier, le tout dans un contexte d’érosion du trafic fret. Côté longue distance, la tendance à la baisse correspond à la stratégie de SNCF Voyageurs, raisonnant sur le taux d’occupation des trains lors du remplacement des rames Sud-Est par des rames Duplex. En revanche, les trains régionaux frôlent la saturation, malgré le renforcement de la desserte intervenu en 2020.

Les perspectives de doublement du trafic fret, envisagées à la fin des années 1990, mettaient en évidence le risque de saturation de la ligne Tarascon - Narbonne, en particulier entre Nîmes et Montpellier. L'idée de dédoubler l'itinéraire historique a donc été réexaminée d'abord sous l'angle des besoins du fret. Il est apparu qu'ils ne pouvaient suffire à justifier un tel investissement, d'où l'évolution vers une ligne mixte, taillée cependant pour la grande vitesse... mais avec un profil compatible avec le fret.

Autre décision, le choix de recourir à un partenariat public-privé chargé de la construction et de la maintenance. CNM a obtenu sa déclaration d'utilité publique le 16 mai 2005 et le concessionnaire a été désigné le 12 janvier 2012. Le péage sur les deux itinéraires est équivalent pour inciter les circulations fret à éviter le passage par l’axe existant traversant le centre de Nîmes et Montpellier.

CNM comprend 80 km d'infrastructures dont 60 km au coeur du dispositif entre Manduel et Lattes, 10 km entre Manduel et la ligne de rive droite du Rhône à Saint Gervasy et 10 km de raccordements avec les sections existantes pour un coût de 2,3 MM€.

Le tracé de CNM est compatible avec une évolution future en ligne à grande vitesse à 320 km/h, moyennant la dépose du BAL et le passage du niveau 1 au niveau 2 ERTMS. Une prédisposition logique, mais pas forcément envisagée à moyen terme. L'objectif de base reste la déviation du fret des traversées centrales des deux agglomérations.

Pour les voyageurs : comment perdre du temps en allant plus vite ?

Contournement fret devenu ligne nouvelle avec trains de voyageurs, l’acceptabilité politique du projet a été obtenue moyennant la création de gares dans chacune des deux agglomérations.

La première est située à Manduel. Elle a l’avantage d’être connectée à la ligne historique, moyennant le report de l’arrêt historique de Manduel-et-Redessan à cette nouvelle gare. Mise en service en décembre 2019, après de nombreux tumultes sur l'élaboration du projet, elle est desservie par tous les TER de la nouvelle offre régionale mis en oeuvre par la Région Occitanie à la même date. Cependant, la moitié des TGV continue à desservir - heureusement - la gare centrale de Nîmes (et celle de Montpellier). Pour le voyageur, elle réduit le temps passé dans le TGV, mais allonge le temps d’accès à Nîmes, sans compter l’ajout d’une seconde correspondance pour les voyageurs allant vers la ligne des Cévennes ou vers Le Grau-du-Roi. La perte moyenne est d’environ 20 minutes.

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Nîmes - 9 août 2013 - Croisement de 2 TGV assurés en matériel Duplex, en gare de Nimes. Celle-ci ne dispose que de 4 voies, ce qui s'avère insuffisant pour absorber à terme l'évolution du trafic, notamment l'indispensable desserte périurbaine de Nîmes et de Montpellier. D'où la nécessité de dévier pour commencer tout le trafic fret. © transportrail

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L'aménagement retour pour gare de Nîmes Pont du Gard. (document Nîmes Métropole)

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Nîmes Pont du Gard - 16 mai 2023 - Première gare nouvelle, celle du bassin nîmois : elle a l'avantage d'être connectée à la ligne classique, sur laquelle l'ancienne gare de Manduel-et-Redessan a été remplacée pour créer cette correspondance. Néanmoins, elle fait perdre du temps pour les nîmois et ne facilite pas l'accès aux lignes du Grau-du-Roi et des Cévennes. Le prolongement des trains de la première serait possible. Pour la seconde, c'est beaucoup moins évident. Donc il y aura toujours des trains à grande vitesse dans la gare centrale de Nîmes... et potentiellement plus que dans la gare de Manduel. © transportrail

La nouvelle gare montpelliéraine est située au sud du quartier Odysseum. Renouant avec les mauvaises habitudes françaises qu'on espérait oubliées, elle n'est pas connectée au réseau ferroviaire... ni au réseau urbain. 

Montpellier Sud France

La gare de Montpellier Sud de France : des dimensions généreuses, un accès difficile, une desserte peu lisible et un bénéfice pas franchement évident pour la métropole héraultaise. 135 M€ quand même. (cliché X)

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Montpellier Sud de France - 16 mai 2023 - Il y a quand même des voyageurs à la descente de ce TGV pour Perpignan : hormis pour les voyageurs à destination du sud de l'agglomération montpellieraine, et ceux qui ne font que passer en restant dans le train, cette gare privée de toute correspondance est une perte de temps. Rappelons que les deux tiers des habitants de la Métropole de Montpellier habite au nord de la ligne historique. © transportrail

Une montée en puissance très progessive

Mise en service avec CNM en juillet 2018, elle a été rapidement conspuée pour son coût (135 M€) et ses médiocres fonctionnalités puisque les trains qui la desservent font gagner du temps aux voyageurs qui restent dans les trains. Pour ceux qui montent ou descendent à Montpellier Sud de France, la perte de temps peut dépasser la demi-heure par rapport à la gare historique compte tenu des conditions d'accès et sa localisation au sud d'une agglomération dont les deux tiers de la population vivent au nord de la ligne PLM... Seuls les habitants des communes des étangs et du littoral gagnent un peu de temps... mais les conditions de circulation sont difficiles compte tenu de l'insuffisant dimensionnement des transports en commun.

Le prolongement de la ligne 1 du tramway a été engagé en 2023, mais elle est en limite de capacité et rejoint le centre en un peu plus de 20 minutes. En outre, contrairement à ce qui avait été prévu à la construction des ouvrages de la gare, le tramway n'arrivera pas sur le parvis, mais en amont. Il restera environ 150 m à parcourir à pied. On perd donc bien du temps à aller plus vite…

Jusqu’en décembre 2019, elle n’a été utilisée que par une paire d'allers-retours Bordeaux - Marseille, mais ces trains ont vu leur fréquentation chuter du fait d'un accès médiocre à l'agglomération et de la suppression de certaines correspondances. CNM n'ayant pas prévu la circulation de rames tractées voyageurs, la vitesse de ces trains était limitée à 140 km/h. Au service 2020, les Intercités ont - heureusement pour les voyageurs - déserté CNM, la gare étant desservie par une douzaine de TGV InOui et Ouigo.

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Montpellier Sud de France - 2017 - Ephémère présence d'une paire d'Intercités Bordeaux - Marseille sur CNM avec à gauche du cliché un Ouigo, qui peut stationner en gare sans aucune contrainte capacitaire ! Depuis décembre 2019, la gare dispose d'une douzaine d'allers-retours, créant un alternat de desserte peu lisible pour les montpellierains. (cliché X)

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Baillargues - 27 décembre 2011 - Manifestement, ce n'est pas demain la veille que les TGV quitteront la ligne classique entre Nîmes et Montpellier compte tenu du positionnement des gares sur CNM, éloignées de leurs clients... © transportrail

Il faut aussi noter que de façon très exceptionnelle, suite à des intempéries notamment, des trains régionaux ont circulé sur tout ou partie de CNM.

Peut-on améliorer la desserte de Nîmes et Montpellier ?

CNM pose des questions de fond. Le report sur la ligne nouvelle de certaines dessertes à grande vitesse a certes augmenté la capacité disponible sur la ligne classique, surtout pour développer les dessertes régionales et périurbaines.

Les deux tares originelles de CNM sont des « économies de bout de chandelle » puisqu’elles ont été « compensées » par la création de deux gares nouvelles au prix fort :

  • L’abandon du raccordement de Saint-Brès, à l’est de Montpellier, pour réduire le coût du projet : il aurait permis l’emprunt de la ligne nouvelle tout en desservant la gare centrale ;
  • La non-prise en compte de la possibilité d’un raccordement à l’ouest de Nîmes par la ligne du Grau-du-Roi, pour desservir Nîmes centre puis emprunter la ligne nouvelle.

carte-CNM-2021

La réponse à la question ci-dessus peine donc à trouver une réponse facilement positive, sauf à transiter de bout en bout par la ligne classique : retour à la case départ, le fret en moins… mais comment se fait-il qu’un tiers des 37 trains de fret transitant en moyenne chaque jour par l’arc languedocien utilise encore la ligne historique, alors que le recours aux locomotives bicourant y est généralisé… et que les péages sont à coût équivalent quel que soit l’itinéraire ?

Il faut enfin ajouter l'intérêt à moderniser la signalisation de cet itinéraire de sorte à disposer de l'ERTMS de niveau 2 sur la ligne nouvelle mais aussi sur la ligne historique : sur la première, c'est évidemment pour améliorer encore l'interopérabilité sur l'itinéraire de prédilection du fret européen ; sur la seconde, c'est surtout pour augmenter le débit (les actuels cantons sont un peu trop longs) et faciliter la cohabitation de trains de vitesses moyennes différentes, notamment avec le développement d'une desserte de type RER.

Suite du dossier : la ligne nouvelle Montpellier - Perpignan

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