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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Tours - Loches : une trop longue léthargie

La ligne de Loches fait partie de ces quelques cas emblématiques de sous-utilisation du potentiel du réseau ferroviaire, entretenu par des croyances idéologiques, non seulement sur le principe même de l'existence de celles qu'on appelle lignes de desserte fine du territoire mais sur la consistance des besoins de la population vivant autour de celle-ci.

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Loches - 30 juillet 2014 - Le bâtiment de la gare de Loches, terminus de la desserte ferroviaire voyageurs : la voie vers Châteauroux, neutralisée, disparaît ensuite sous la végétation mais est encore circulée par des trains de céréaliers sur le versant castelroussain. © transportrail

Déclarée d'utilité publique le 19 juin 1868, la ligne de Tours à Châteauroux et Montluçon se greffa à la ligne des Sables-d'Olonne en gare de Joué-lès-Tours. Concédée aux chemins de fer de la Vendée en 1874, elle fut mise en service de Joué à Loches le 15 juillet 1878 et atteignait Châteauroux le 18 juillet 1880. La section de Châteauroux à Montluçon était ensuite rétrocédée au Paris-Orléans.

La section Loches - Châteauroux est privée de desserte voyageurs depuis le 15 janvier 1970. Le service a été reporté sur la route, ne maintenant qu'une activité marchandises sur cette section, essentiellement liée au trafic céréalier. Quant au trafic voyageurs, contrairement à la ligne de Chinon, il échappa miraculeusement à la disparition.

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Loches - 2 mai 1992 - L'X4430 dans sa traditionnelle livrée rouge et crème telle que définie depuis 1976 va passer la nuit en gare de Loches avant le service du matin. Les matériels modernes ne faisaient guère mieux que ces autorails poussifs et à transmission mécanique du fait des ralentissements. © Ph. Richards

Pourtant, le service voyageur y était des plus limité avec seulement 2 allers-retours Tours - Loches auxquels fut ajouté très modestement une rotation de mi-journée vers Reignac lorsque la Région Centre engagea une politique de développement du service à partir de 1997. Pourtant, la RD943 (ex-RN143) supporte un trafic de 9000 à 28 000 véhicules par jour entre Loches et l'entrée dans l'agglomération tourangelle. La desserte relève donc d'abord d'autocars avec 13 allers-retours par jour en semaine, qui doivent être régulièrement doublés voire triplés en pointe.

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Loches - 30 juillet 2014 - La ligne routière Tours - Châteauroux connaît un trafic important. Reprise en gestion directe par la Région Centre, ses Lion's Régio arboraient alors une agréable livrée. Quoique soumis aux aléas de la circulation à l'entrée de Tours, le service est apprécié. La réouverture de la voie ferrée Loches - Châteauroux est un des voeux de la Région : mais à quel prix et pour quelle efficacité ? © transportrail

A cette époque, ont été lancées les premières études pour moderniser la section Joué-lès-Tours - Loches afin d'envisager un développement du service, mais sans pour autant aboutir. En cause, outre le niveau des budgets mobilisables, il ne faut pas écarter que la Région ait un peu trop pensé à la liaison Tours - Châteauroux, qui peut sans attendre être réalisée plus rapidement via Vierzon, et intégralement en traction électrique depuis 2008.

D'abord pérenniser l'infrastructure

Mesure prioritaire : sauver l'existence même de la liaison ferroviaire. La cause était évidente mais l'inertie politique régionale a failli précipiter le destin de Tours - Loches. Il est vrai qu'après tant d'années de sous-investissement, la facture ne pouvait être qu'importante, d'autant qu'un programme complet de revitalisation nécessiterait de traiter aussi la capacité de la ligne et les points d'arrêts.

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Loches - 30 juillet 2014 - L'X72581/2 ex-Bourgogne entre en gare de Loches en provenance de Tours : ce matériel très puissant est sous-utilisé sur cette ligne où la voie est en état très moyen avec prédominance de rails double champignon de 1965. Les rames tricaisses ont apporté un surcroît de capacité. © transportrail

Ainsi, au printemps 2019, 3,8 M€ ont été consacrés à des mesures d'urgence afin d'éviter que la situation n'empire. Puis, au premier semestre 2022, la section Joué - Reignac a été quasiment complètement renouvelée, grâce à 51 M€ de financement régional. Il reste une troisième phase à engager sur la section Reignac - Loches.

Cependant, malgré ces travaux et le rétablissement des performances nominales de la ligne, entre 75 et 85 km/h, les temps de parcours n'ont pas été revus. Les restrictions de vitesse étaient il est vrai assez modestes avec des zones à 60 km/h et un ouvrage sensible (sur l'axe Paris - Bordeaux) à 40 km/h. Avec un trajet en 1h01, les autorails soutiennent cependant encore la comparaison avec la voiture. Quant aux autocars, seuls les services express Tours - Châteauroux parviennent à aller plus vite que le train entre Tours et Loches.

Un premier pas sur la desserte

Il ne faut jamais désespérer : en septembre 2022, une nouvelle desserte a été instaurée en semaine comprenant 6 allers-retours Tours - Loches, soit le maximum admis par le régime d'exploitation en voie unique à signalisation simplifiée. C'est déjà mieux, même si c'est encore perfectible. En décembre suivant, l'offre du samedi et du dimanche a été elle aussi améliorée passant d'un seul à 4 allers-retours. Situation cocasse : il existe un train le dimanche matin de Tours à Loches alors qu'il n'y en a pas de Tours à Chinon, alors que la gare de Joué est bien ouverte à l'exploitation le dimanche matin...

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Loches - 6 décembre 2022 -  Cela fait bien longtemps que les voies de la gare de Loches avaient été aussi garnies en milieu de matinée. La nouvelle desserte fait au maximum des possibilités du cantonnement téléphonique. Notez la voie plus qu'obsolète, qui attend la suite du renouvellement à partir de Reignac. © transportrail

A cette date, la Région a finalement décidé d'engager des X73500 sur la ligne, pouvant assurer le service avec un unique agent.

Moderniser efficacement Tours - Loches

Une approche systémique doit être engagée pour augmenter la desserte en maîtrisant non seulement les coûts d'investissement mais aussi les coûts d'exploitation.

Le verrou capacitaire passera par l'instauration d'un block automatique entre Joué et Reignac, section où les trains régionaux doivent cohabiter avec des circulations fret. Au-delà, le régime de navette peut être appliqué, puisqu'il pourrait autoriser une desserte toutes les heures de Loches (la révolution !). La création d'un terminus intermédiaire doublerait la desserte sur la section périurbaine, pour en faire une branche du RER tourangeau.

Pour améliorer l'exploitation, le relèvement de la vitesse à 100 ou 110 km/h est tout aussi nécessaire que possible : possible car le profil en courbe le permet ; nécessaire car le temps de parcours Tours - Loches serait réduit à 50 à 52 minutes. De la sorte, une rame ferait l'aller-retour en 2 heures, optimisant le couple fréquence - moyens de production et donc les coûts de fonctionnement pour la Région : 1 rame pour le cadencement aux 2 heures, 2 rames pour le cadencement à l'heure. Le renfort périurbain devrait idéalement ne mobiliser qu'une seule rame pour une rotation dans l'heure : Cormery semble difficilement atteignable (il faudrait gagner au moins 7 minutes), mais Esvres pourrait être une solution de repli. Ainsi, avec 3 rames, la desserte pourrait proposer 2 trains par heure et par sens sur le périmètre périurbain et un train par heure vers Loches.

En complément, la desserte routière Tours - Châteauroux aurait probablement vocation à rester directe, sans correspondance imposée à Loches, du moins en heures de pointe.

Dernier volet : se passer du gasoil. La longueur de la ligne étant limitée, le champ des possibles est vaste. L'exploitation en traction électrique sur batteries, au rendement énergétique supérieur aux solutions à hydrogène, ne nécessiterait que peu d'investissements : une station de recharge en gare de Loches, en équipant chacune des voies de caténaires (150 à 200 m par voie suffiront) et idéalement le kilomètre entre la bifurcation de Joué et la gare, afin de changer facilement de mode à l'arrêt et optimiser ainsi le temps de recharge sur les installations tourangelles. Pour ce faire, il faudra évidemment engager un matériel compatible : ce n'est pas le cas des X73500 à transmission hydraulique. Mais avec une offre ainsi transformée, nul doute qu'il faudra engager des rames plus capacitaires...

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