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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Sud France : deux ensembles distincts, une survivante

Une concession abandonnée par le PLM

Dès 1845, la question d’une liaison entre Nice et Grenoble apparaît dans les débats publics, mais ce n’est véritablement qu’après le rattachement à la France du Comté de Nice que le projet put réellement être mis à l’étude afin de desservir notamment le versant méditerranéen du massif alpin. Dans le Plan Freycinet de 1879 figuraient quatre lignes répondant à cet objectif, dont une liaison de Nice à Puget-Théniers, prolongée en 1882 par une section de Puget à Saint-André-des-Alpes afin de rejoindre le projet de voie ferrée Digne – Saint-André-des-Alpes alors concédé au PLM.

Le début des travaux révéla leur complexité du fait d’une géographie très escarpée. Aussi l’Etat décida, au vu des premiers chantiers, de revoir le projet et d’adopter la voie métrique. Le PLM abandonna sa concession, et la Société Marseillaise de Crédit Industriel récupéra l’ensemble des infrastructures à créer, fondant la Compagnie des chemins de fer du Sud de la France pour la construction et l’exploitation des lignes Nice – Digne, Nice – Grasse – Draguignan – Meyrargues et du projet de liaison Saint-André-des-Alpes – Draguignan.

Les travaux débutèrent en 1891 sur la ligne de Nice, menés parallèlement à ceux de la ligne de Draguignan. Ils furent interrompus au début du 20ème siècle suite à un scandale politico-financier éclaboussant la compagnie. L’Etat reprit la construction des infrastructures et, en 1911, l’achèvement de la section Annot – Saint-André-des-Alpes marqua la fin de la construction du réseau, totalisant 328,5 km, sans jonction avec les lignes de la côte également concédées au « Sud France ».

Ces lignes disposaient néanmoins d’un profil relativement modeste pour des lignes de montagne avec des rayons descendant certes à 150 m, mais avec des rampes n’excédant pas 30 ‰. L’ensemble a été d’emblée conçu pour une éventuelle conversion à la voie normale. L’armée française demanda d’ailleurs très rapidement l’installation d’un troisième rail entre Nice et Saint-Martin-du-Var ainsi qu’entre Colomars et Draguignan au cas où les relations avec le voisin italien se dégraderaient.

La tête de ligne à Nice fut établie au nord de la gare du PLM. Mise en service en 1892, elle fut raccordée dès 1899 au réseau du PLM pour l'échange de marchandises, par la voirie et avec une voie à double écartement, puis, deux ans plus tard, avec les Tramways de Nice et du Littoral. La gare du Sud France, dessinée par Prosper Babin, intègre une verrière de grande hauteur, récupérée du pavillon de Russie de l’Exposition Universelle de Paris en 1889.

Lignes-CFSF

1963_raccordementCP-SNCF

Nice - 1963 - Le raccordement entre les réseaux CP et SNCF était établi à double écartement pour que des wagons à voie normale puissent être tractés par des locotracteurs à voie métrique. A l'époque, le passage d'un train de marchandises en pleine rue commençait à poser problème compte tenu du niveau limité de la circulation... © J.H. Manara

La ligne de Nice à Digne, l'unique survivante

Longue de 150 km, la ligne principale de la compagnie comprend 33 tunnels dont celui de La Colle Saint Michel, long de 3457 m. Elle culmine à 1023 m côté Digne. Quatre gares assuraient en ligne des correspondances avec les lignes départementales : au pont Charles-Albert (tramway de Roquestéron), à La Vésubie (tramway de Saint-Martin de Vésubie), à La Mescla (ligne de Saint-Sauveur-sur-Tinée) et au pont de Gueydan (vers Guillaumes).

Ce réseau prospéra avant-guerre grâce à la desserte de territoires éloignés des grands axes et grâce au développement d’un trafic de marchandises lié à l’extraction de bauxite et aux productions maraîchères et horticoles. Il était alors question de passer à la voie normale et même d’électrifier la ligne, tout en assurant la jonction avec le réseau du littoral, quoique le projet de ligne de Draguignan à Saint-André-des-Alpes dût être abandonné.

gare-CP

La façade monumentale de la gare du Sud France à Nice. Le cliché de cette carte postale est pris depuis l'actuelle avenue Malausséna, à hauteur de la station du tramway.

Ainsi, en 1914, le Sud France exploitait sur le réseau des Alpes pas moins de 52 locomotives, 78 voitures, 24 fourgons et 964 wagons. La première guerre mondiale interrompit les projets du Sud France. Le contexte économique entraîna une chute de plus de la moitié du trafic, mettant l’entreprise en difficulté. Le Sud France céda sa place aux Chemins de fer de la Provence (CP).

Après une suspension de l’exploitation (en juillet 1933), l’Etat reprit sous séquestre le réseau et essaya de moderniser son exploitation pour en diminuer les coûts. D’abord avec un autorail sur pneumatiques Michelin. Finalement, en 1935, deux autorails Renault ABH1 furent livrés, suivis de 4 autorails supplémentaires en 1936. L’autorail permit de redonner un bol d’air au réseau en abaissant à 3h35 le temps de parcours Nice - Digne. Entre 1942 et 1945, les CP parvinrent à se doter de 6 ABH5 et de 7 locomotives, ces dernières ayant été souhaitées par l’armée d’occupation pour acheminer la bauxite.

1980_ABHsaint-andre2

Saint-André-des-Alpes - 1980 - L'Alpazur assuré par un ABH, démarrant vigoureusement en direction de Digne. A l'époque, le devenir de la ligne était assez incertain et les investissements réduits au minimum, d'où le maintien en exploitation d'autorails déjà passablement obsolètes. © J.H. Manara

Le réseau fut durement touché par les bombardements de Provence en 1944. La ligne de Digne put être rétablie dès le mois de décembre. En revanche, celle de Meyrargues fut largement détruite entre Colomars et Tanneron et dut être abandonnée définitivement en 1949, après une tentative de maintien d’un service provisoire.

L’année 1951 fut marquée par l’amorce du remplacement de la traction vapeur par la traction Diesel sur les services de marchandises avec l’arrivée de 4 locomotives Brissonneau-et-Lotz mais aussi par l’acquisition de voitures et de fourgons métalliques pour le service voyageurs et les messageries.

Deux ans plus tard, les CP créaient la liaison Alpazur entre Genève et Nice, avec changement à Digne, d’abord sur un autocar puis sur un autorail grâce à une coordination des horaires avec la SNCF. A cette occasion, le plan de voie de Digne fut retouché de sorte à aménager une correspondance quai à quai entre les deux réseaux.

281215_BVdigne

Digne - 28 décembre 2015 - A gauche, le bâtiment d'origine Sud France et à droite, celui du PLM au style très classique « 5 portes et 2 ailes ». Aujourd'hui, les CP sont installés dans le bâtiment ex-SNCF où subsiste encore une boutique de vente de billets. © transportrail

Les années 1960 bénéficièrent de quelques développements positifs alors que la plupart des lignes départementales avaient disparu : un trafic de ciment redonna temporairement un peu d’allant aux marchandises et un service de banlieue fut instauré entre Nice et Colomars en 1968. Confronté à de faibles ressources (puisqu’à l’époque, les crédits vont à la route), les CP récupérèrent quelques autorails Billard et quelques locomotives Brissonneau-et-Lotz pour compléter leurs effectifs et éliminer totalement la traction vapeur.

1967_marchandises-entrevaux

Entrevaux - 1969 - Tracté par une locomotive Diesel Brissonneau-et-Lotz, ce train de marchandises descend vers Nice. A cette époque, le rail a aussi une vocation industrielle et agricole, qui alimentait le trafic et valorisait le chemin de fer, devant affronter la concurrence de la route objet de toutes les attentions. © J.H. Manara

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Nice - 1969 - Remarquable vue d'ambiance de la gare de Nice et de son dépôt avec une pléiade d'autorails Billard venant d'être récupérés sur différentes lignes CFD venant de fermer. A gauche, on aperçoit aussi deux ABH. © J.H. Manara

Toujours en 1968, les Départements des Basses-Alpes et des Alpes-Maritimes décidèrent d’investir pour assurer la pérennité de la ligne face aux menaces grandissantes de l’Etat. Ainsi fut constitué le Syndicat Mixte Méditerranée – Alpes (SYMA) qui confia en 1970 l’exploitation de la ligne aux CFTA et lança l’acquisition de 6 autorails SY de 50 places auprès de CFD, puis d’une rame double de 120 places auprès de Soulé. Livrée en 1984, cette rame a atteint 115 km/h en essai dans la plaine du Var.

1983_gare-nice-cp

Nice - 1983 - Sur cette vue, on note d'abord la hauteur imposante de la marquise, les trois autorails SY (à gauche le 305 ou le 306 à face profilée, au centre un élément en livrée d'origine et à droite un élément en livrée Capitole) et la rationalisation du plan de voie au profit de parkings qui ne tarderont pas à s'approprier la totalité du site ! © J.H. Manara

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Annot - 1986 - La rame Soulé dans ses premières prestations, relevant la correspondance de la RGP en gare de Digne pour la liaison Alpazur. De conception fragile, la motorisation d'origine Poyaud donna bien des soucis aux CP qui durent corriger les défauts de conception de cet autorail sans pour autant parvenir à un résultat totalement satisfaisant. © J.H. Manara

Par ailleurs, le SYMA fit l’acquisition de 2 nouvelles locomotives chez Brissonneau-et-Lotz, aménagea des remorques pour le service des messageries et se dota de nouveaux engins de maintenance de l’infrastructure.

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Nice - 1980 - Les deux derniers SY livrés présentent une évolution de leur caisse plus profilée. Des engins similaires ont été livrés aux Chemins de fer de Corse dont un circule désormais sur Nice - Digne. Ces engins sont toujours en service et donnent satisfaction à l'exploitant. © J.H. Manara

En 1984 également, la SNCF engagea des éléments RGP modernisés sur l'Alpazur désormais limité au parcours Genève - Digne, la setion Genève - Grenoble étant assurée par turbotrain. La liaison perdura jusqu’en 1989, année de fermeture de la ligne SNCF de Saint-Auban à Digne. Deux ans plus tard, la gare niçoise fut abandonnée et reculée d’environ 200 m, laissant la place d’abord à un terrain vague puis à un parking de supermarché. Depuis lors, les nouvelles installations terminales de la ligne sont éloignées des transports en commun circulant sur l’avenue Malausséna, pénalisant l’intermodalité.

1984_BILLARDnice

Nice - 1984 - On pouvait encore voyager en service régulier dans un autorail Billard au milieu des années 1980. L'X212 avait même été rénové, adoptant au passage une livrée Capitole dérivée des CC6500 de la SNCF. © J.H. Manara

1984_ABHannot

Annot - 1984 - Les ABH ont connu de multiples livrées au cours de leurs six décennies d'exploitation : marron, bleu et gris, Capitole et cette variante bleue à l'issue d'une rénovation conséquente marquée notamment par l'apparition de nouveaux blocs-phares. © J.H. Manara

L’année 1994 faillit marquer la fin de la ligne après les violentes crues du Var entraînant la destruction partielle de la ligne, emportant notamment le pont du Gueydan, reconstruit grâce au secours des troupes du 5ème génie, intervenu après une vaste campagne de mobilisation locale pour sauver la ligne Nice – Digne. Il fallut deux années de travaux pour restaurer la continuité de l’exploitation.

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