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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Rive droite du Rhône : un an après la réouverture

Les trains de voyageurs sont revenus sur la section sud de la ligne de rive droite du Rhône le 29 août 2022, avec 5 allers-retours entre Pont-Saint-Esprit et Avignon, dont 2 poursuivent leur service jusqu’à Nîmes. Un an après, quel premier bilan ?

Il faut d’abord rappeler que les horaires proposés résultent de l’optimisation des moyens engagés devant tenir compte du rebroussement… au Teil, 37 km plus au nord. Ainsi un seul retour en train est possible depuis Avignon le soir, à 18h22. Les cars régionaux assurent la complémentarité… La Région annonce avoir transporté 75 000 voyageurs. C’est peu, très peu même : en moyenne 205 utilisateurs par jour, avec des pointes à 500.

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Pont-Saint-Esprit - 28 septembre 2023 - Le deuxième départ du matin reçoit une fréquentation encore très modeste en dépit d'une arrivée à Avignon avant 10 heures. Il va falloir encore du temps pour faire connaître le service, l'étoffer par de nouvelles fréquences et surtout la desserte d'autres gares pour capter une chalandise plus importante. © transportrail

L’analyse doit également distinguer les deux sections, de part et d’autre d’Avignon. Au départ de Pont-Saint-Esprit, la fréquentation reste très modeste : lors de notre expérience matinale, seuls 7 voyageurs avaient pris place dans la rame et les parkings des gares de Pont-Saint-Esprit et Bagnols-sur-Cèze étaient peu garnis. Pourtant, le temps de parcours est imbattable : 30 minutes.

Entre Avignon et Nîmes, l’occupation du train est nettement meilleure compte tenu de la taille de ces deux agglomérations et d’une desserte complétant les liaisons existantes Avignon – Arc languedocien. A noter que les trains peuvent transiter soit par Remoulins (avec rebroussement à Avignon), soit par Tarascon, mais sans arrêt dans cette ville, ni à Nîmes – Pont du Gard. 

La desserte d’Avignon impose en principe un rebroussement assez pénalisant car l’arrêt dure 12 à 14 minutes. Il faut ajouter le double parcours depuis Villeneuve, à 60 km/h maximum : au total, le voyageur voulant aller à Nîmes perd quasiment 30 minutes. Cependant, même si la desserte relie des communes gardoises, l’attractivité d’Avignon est un fait indéniable, tout simplement parce que c’est moins loin… et que l’unité urbaine compte plus de 450 000 habitants. Alors, la rive droite, maillon d’un RER avignonnais ?

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Avignon - 28 septembr 2023 - Frontière de nombreuses dessertes régionales entre les Régions Provence - Alpes - Côte-d'Azur, Occitanie et Auvergne - Rhône-Alpes, la gare d'Avignon est le barycentre de la desserte de la rive droite du Rhône. © transportrail

Cette desserte est provisoire, l’objectif est – pour simplifier – de proposer à terme 1 train par heure. Mais c’est un parcours semé d’embûches par l’EPSF et l’Autorité Environnementale. Seules deux gares ont été rouvertes avec des réaménagements limités aux quais (passés entre temps de SNCF Réseau à SNCF Gares & Connexions suite à la dernière réforme ferroviaire), du fait de la capacité de SNCF Réseau dans ce délai. Il faudra donc présenter un nouveau dossier pour le projet complet incluant les 6 gares supplémentaires : Laudun – L’Ardoise, Roquemaure, Villeneuve-lès-Avignon, Aramon, Remoulins et Marguerittes. L’instance de sécurité ferroviaire a imposé cette situation en raison de l’augmentation du risque lié à la présence de voyageurs ou de passants sur les passages à niveau et sur les quais, ainsi que l’augmentation du temps passé fermé des barrières. L’Autorité Environnementale exige quant à elle la procédure la plus lourde (et couteuse !) pour le réaménagement des 6 autres gares. Mariage d’Ubu et de Kafka, les quais de la gare de Remoulins ont été remis à neuf, mais les trains n’ont pas le droit de s’y arrêter !

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Pont-Saint-Esprit - 28 septembre 2023 - Face à la gare, la voirie a été remaniée avec aménagement d'un parking et d'un emplacement pour les autocars régionaux ainsi que le service urbain communal. Cependant, ces opérations sont rendues aussi complexes que des créations ex-nihilo. Incompréhensible. © transportrail

Revenons sur le terminus : tant que les installations de retournement ne sont pas réalisées à Pont-Saint-Esprit, les trains continueront à vide sur 37 km jusqu’au Teil, où ils peuvent repasser voie 1 pour redescendre à Avignon : encore un exemple de la faiblesse des équipements favorisant la souplesse de l’exploitation du réseau !

Or Le Teil est en Ardèche, donc en Région Auvergne - Rhône-Alpes, qui tergiverse toujours sur la desserte de la rive droite du Rhône, et qui doit en outre être encore un peu plus refroidie par l’expérience de sa voisine. Tous les ingrédients sont réunis pour faire préférer au mieux l’autocar, au pire la voiture !

Ajoutez que le train arrive plus qu’en marche à vue à Pont-Saint-Esprit avant son départ vers Avignon : le passage à niveau reste fermé pendant 5 minutes montre en main (annonce à 9h05 pour une libération à 9h10), ce qui est intrinsèquement un facteur majeur de risque de traversée piétonne ou de forcement par un véhicule routier. Bref, l’abus de sécurité procédurière peut nuire à la sécurité réelle ! Qui plus est, il existe un passage souterrain pour les piétons, certes étroit et très bas de plafond (si vous faites plus de 1,80 m, baissez la tête…).

Pourtant, l’EPSF n’a pas son mot à dire quand une desserte est renforcée ou quand des trains de fret supplémentaires circulent sur une ligne déjà exploitée. La reprise de la desserte voyageurs sur la rive droite du Rhône est donc assimilée à une création ex-nihilo : c’est bien là le problème, incompréhensible puisqu’il y a toujours eu du trafic voyageurs sur la rive droite, avec des détournements de TGV et trains GL (jusqu’en 2001) et de TER, mais surtout 1 à 2 AR quotidiennement tracés depuis de nombreuses années entre Avignon et Nîmes via Remoulins.

Quant aux procédures préalables aux aménagements en gare imposées par l’Autorité Environnementale, on peut envisager 3 hypothèses : l’excès de zèle, les erreurs de la maîtrise d’ouvrage (donnant le fouet pour se faire battre, car opposée au projet à ses débuts) ou une orientation de l’instance assez anti-ferroviaire. Elles pourraient être, au moins en partie, cumulatives. Ubu et Kafka sont de retour : lorsque les quais sont refaits à l’issue d’un RVB, l’Autorité Environnementale n’intervient pas (nous venons peut-être de leur donner une mauvaise idée). Désormais, l’objectif est de traiter les gares comme autant d’individualités.

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Pont-Saint-Esprit - 28 septembre 2023 - Terminus pour les voyageurs, mais le train doit parcourir encore 37 km à vide pour repartir vers Avignon. Exemple d'un défaut d'alignement des Régions, au détriment de la population... et du contribuable puisque ce parcours à vide ne rapporte par définition aucune recette ! © transportrail

Enfin, il faut aussi souligner l’état de l’infrastructure : la voie est relativement correcte entre Pont-Saint-Esprit et Villeneuve, mais franchement médiocre au-delà, malgré des composants le plus souvent neufs ou très récents : les mouvements latéraux semblent trahir un défaut de géométrie lié à la plateforme, dans l’attente de la poursuite du renouvellement de voie prévu en 2026.

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