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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Marseille - Briançon : de la mer à la montagne

Aux origines de la ligne des (pré-)Alpes

La genèse de la partie méridionale de la ligne des Alpes, officiellement de Lyon à Marseille par Grenoble, remonte à 1861, quand la section de Avignon à Gap avec embranchement sur Aix-en-Provence reçut sa déclaration d’utilité publique, au titre d'un itinéraire alternatif à la vallée du Rhône. Aix était déjà reliée à Marseille, mais via Rognac. L’approbation de l’itinéraire via Gardanne intervint deux ans plus tard. Le parcours de Veynes à Marseille, long de 204 km, fut achevé en 1877 avec la mise en service de Marseille – Gardanne – Aix, ligne sinueuse et vallonnée, avec des rampes de 15 ‰, 10 tunnels et 2 viaducs, dont celui du vallon de l’Arc (560 m et 38 arches).

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Sisteron - 6 août 2010 - Deux X72500 entrent en gare de Sisteron, dont la gare offre un sympathique coup d'oeil sur la citadelle. Ces automoteurs fragiles se font plus rares sur l'itinéraire, où les B81500 plus capacitaires sont désormais privilégiés. © transportrail

Après le seuil de Venelles et la descente sur la vallée de la Durance, la ligne jouit d’un profil relativement facile jusqu’à Sisteron. Après le tunnel sous la citadelle et le viaduc de 230 m, l’ascension du seuil de Laragne en rampe de 18 ‰, la ligne s’engage dans le défilé de Serres, surplombant le Buech. En amont de Veynes, la voie unique venant de Marseille rejoint la double voie accueillant les lignes de Grenoble et de Livron, fusionnant sur la seule section à double voie « historique » de l’axe.

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Au début du 20ème siècle, la desserte comprenait 3 allers-retours de Marseille à Veynes dont 2 pour Grenoble parmi lesquels un rejoignait Lyon. S’y ajoutaient 5 rotations vers Aix-en-Provence et 2 pour Pertuis. L’arrivée des autorails en 1935 sur la relation Grenoble – Digne donna un premier coup d’accélérateur à la ligne des Alpes, dont la partie sud connaissait en outre un trafic de marchandises croissant avec un trafic de sel et de bauxite à Saint Auban, les mines de lignite de Manosque, le charbon et la bauxite de Gardann.

Quinze ans plus tard, la création du raccordement direct de Meyrargues permit d’éviter le crochet par Pertuis, vestige d’une géographie de l’itinéraire d’abord envisagé depuis Avignon.

La haute vallée de la Durance

Le chemin de fer progressa en direction des Alpes avec l'ouverture de la section Veynes - Gap en 1875. La remontée de la haute vallée de la Durance allait prendre plus de temps compte tenu de la difficulté du parcours : le train atteignait Montdauphin en 1883 et Briançon l'année suivante.

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Ce parcours de 109 km commence par l'ascension du seuil de La Freissinouse, avec une rampe 15 à 17 ‰ côté Veynes mais de 25 ‰ côté Gap. Le profil est ensuite en dents de scie jusqu'à Embrun, avec des rampes de 20 à 25 ‰. Le parcours se fait plus facile jusqu'à L'Argentière, au pied de l'ascension finale vers Briançon avec à nouveau des taux de 20 à 25 ‰. L'itinéraire comprenait initialement trois sections à double voie entre Aspres et Chorges, entre Embrun et L'Argentière et de Prelles à Briançon, pour gérer la redescente des locomotives de renfort.

L'itinéraire revêtait un enjeu stratégique militaire vers la forteresse et la frontière avec l'Italie. Cependant, le caractère international de la ligne n'a jamais été concrétisé. Pourtant, deux tracés avaient été étudiés : par la vallée de la Clarée et un tunnel sous le massif de l'Echelle, ou par un tunnel sous le Montgenèvre. Aucun n'a cependant été concrétisé.

En 1943, la ligne a été mise à une seule voie, compte tenu de l'amélioration des performances des locomotives à vapeur et de l'usage relativement précoce d'autorails. La desserte était alors relativement limitée comprenant 6 à 8 allers-retours, dont le train de nuit et 3 liaisons locales depuis Veynes ou Gap vers Briançon.

La mise en eau du barrage de Serre-Ponçon imposa la déviation de la ligne - pour ne pas la fermer - sur 14,6 km entre Chorges et Embrun. Par la suite, une rationalisation des gares fut opérée pour réaliser des économies, certaines devenant temporaires, ouvertes uniquement pour les besoins, alors grandissants, des pointes hivernales avec les trains d'amateurs de ski et de randonnée en montagne.

Un terrain de prédilection pour les autorails

C’est au cours de la décennie 1950 que les autorails prirent complètement le relais de la vapeur sur les services voyageurs, d’abord avec les Decauville puis les X2400 épaulés par des X3800. Plus capacitaires, les X4500 firent rapidement main basse sur les courses omnibus Marseille – Aix, tandis que les X4200 panoramiques investirent les services express avec les X2400. Le transport de marchandises abandonnait lui aussi la vapeur au profit de BB66000 mais il se contractait d'année en année, surtout dans la décennie 1960.

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Saint-Auban - Château-Arnoux - 28 septembre 2018 - A droite, le train de l'usine Péchiney, seule circulation fret régulière dans la vallée de la Duranche, qui rejoint la vallée du Rhône via Pertuis et Cavaillon. L'AGC assurant le Marseille - Briançon attend l'arrivée de son homologue de sens contraire. © transportrail

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Volx - 15 février 2019 - Le même train de fret, un autre jour... mais avec la même machine ! C'est aujourd'hui l'unique client fret de la ligne du val de Durance, dans une région cependant assez peu industrielle. Jadis, fruits, légumes, bois et bestiaux nourrissaient le trafic ferroviaire. © O. Savoye

L’arrivée des X4900 en 1975 donna un coup de jeune à la desserte : cette version à 3 caisses des EAD, plutôt correctement motorisée pour l’époque et aux intérieurs un peu plus modernes, fut cependant insuffisante en nombre pour s’arroger la totalité du service, panachant donc avec des X4500.

La restauration de l’Alpazur en 1981, la liaison Genève – Nice en correspondance à Digne sur les Chemins de fer de Provence, constituait un symbole plus qu’un véritable élan sur le service, demeurant encore assez maigre, malgré les renforts notamment entre Marseille et Aix. Assurée en RGP1 plus de la première jeunesse, la relation comprenait même une tranche pour Lyon. Son existence fut cependant éphémère puisqu’elle disparut en 1989, quand la SNCF décida de fermer la section Saint-Auban – Digne.

L’opération Val de Durance 

En 1988, l’opération Val de Durance devait incarner le renouveau de la desserte ferroviaire entre Marseille, Gap et Briançon. Au menu, des travaux de modernisation de la voie (LRS sur rail léger type U33), incluant une soixantaine de ripages de courbes, des gares de Sisteron, Saint-Auban et Meyrargues, transformées en voie directe, avec installation d'un PRS à Saint-Auban et Meyrargues, et d'un PRG à Veynes. Entre Aix et Serres, la ligne reste gérée en Block Manuel Unifié et un BAPR simplifié était installé entre Serres et Veynes. Ces travaux autorisaient des relèvements de vitesse à 120 voire 130 km/h dans la vallée de la Durance entre Meyrargues et Sisteron. En revanche, au-delà de Veynes, hormis une courte section jusqu'à Montmaur puis le parcours Montdauphin - L'Argentière autorisant 120 km/h pour les automoteurs, les vitesses oscillent entre 80 et 100 km/h, correspondant aux valeurs maximales du profil en courbe.

La SNCF introduisait un nouveau matériel roulant, remplaçant les X4900 par des RRR tractées par des BB67400. Certes légères et associées à des locomotives alors encore dans la pleine force de l’âge, ces compositions abaissaient le trajet Marseille - Briançon à moins de 4 heures, mais n’avaient pas rencontré un grand succès du fait du confort tout de même assez frustre. Bilan, la SNCF avait fait machine arrière et affecter des voitures Corail mais surtout des USI et UIC, à l’assise meilleure, dotées de la climatisation (du moins pour les Corail) mais avec des détentes horaires à la clé.

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Aix-en-Provence - Août 2005 - Compte tenu de la fiabilité médiocre des X72500, amplifiée par un entretien pas toujours au niveau, la SNCF dut réengager des rames tractées, avec des horaires détendus. La BB67565 entre en gare avec une composition bigarrée de voitures Corail et USI rénovées. © transportrail

Le trafic fret se réduisait alors essentiellement aux flux générés par l'usine Péchiney de Saint-Auban et aux importations de bauxite arrivant par trains de 3000 tonnes entre Fos-sur-mer et Gardanne via Rognac et Aix, alors confiés à 2 UM2 de BB67000. Néanmoins à la fin des années 1990, deux marchés avaient été remportés par la SNCF avec des acheminements de gypse entre Laragne et Chambéry via Meyragues, Cavaillon et la vallée du Rhône (détour imposé par la rudesse de l'itinéraire le plus court via Veynes et Grenoble), et des eaux minérales de Chorges. Deux flux ultérieurement perdus volontairement par la SNCF au gré des purges successives imposées au fret...

Vingt ans après l'opération Val de Durance de 1988, il n’était pas véritablement question de reconquête, du moins pas encore. Il s’agissait plutôt d’assurer les bases de l’avenir c’est-à-dire renouveler l’infrastructure pour la pérenniser. Les ralentissements ont fleuri au fil du temps mais ont pu être endigués à coup d’investissements financés par la Région (beaucoup), l’Etat (un peu) et RFF (puis SNCF Réseau).

Des travaux successifs pour « rester dans le coup »…

Première pierre à l’édifice, une réouverture de ligne, certes modestes : en septembre 2001, la section Meyrargues – Pertuis retrouvait une desserte voyageurs après 30 années de fermeture.

L’arrivée des X72500, censé incarner la renaissance du transport régional, ne fut guère couronnée de succès compte tenu de la médiocre fiabilité de ce matériel : il fallut réintroduire des rames tractées, ave des BB67400 commençant à fatiguer et des voitures USI et UIC plus franchement dans le coup. La situation devait néanmoins s’améliorer avec l’introduction des AGC (séries 76500 et 81500) à partir de 2006… juste avant l’engagement de grands travaux financés par le CPER pour accroître encore la capacité de la section Marseille – Aix, visant une cadence aux 20 minutes.

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Saint-Auban - Château-Arnoux - 28 septembre 2018 - Assuré par le B81613/4, ce Briançon - Marseille va croiser le train de sens contraire précédemment illustré. Evidemment, on ne manquera pas de rappeler que c'est dans cette gare qu'était amorcée l'antenne de Digne dont la réouverture (et probablement sa transformation à voie métrique pour intégration aux Chemins de Fer de Provence) se fait toujours attendre... © transportrail

Cette quête de capacité s’est avérée indispensable pour essayer de préserver un trafic de plus en plus tenté – voire séduit ! – par les autocars départementaux, proposant une cadence de 5 minutes, tant pour le direct  par l’autoroute que pour le service de cabotage par la nationale.

Le programme, réalisé au moyen d’une interception du trafic pendant 2 ans, de décembre 2006 à décembre 2008, comprenait :

  • le remplacement du block manuel par du BAPR ;
  • la création de 3 nouvelles haltes à Marseille : Picon-Busserine, Saint-Joseph et Saint-Antoine où a été aménagé un terminus intermédiaire ;
  • la mise à double voie sur 12 km dans Marseille (jusqu’à Saint-Antoine) puis de Septèmes à Bouc-Cabriès

Ces travaux n’ont pas modifié la notoriété de la ligne : la desserte, comprenant 42 allers-retours en 2018 pour Aix et au-delà (Pertuis, Gap, Briançon) et 5 navettes Marseille – Saint-Antoine, reste handicapée par une qualité de service des plus médiocres et une réputation peu flatteuse de certaines gares des quartiers nord de Marseille. Il est vrai que voir entrer dans le train un scooter moteur hurlant, trainé par son utilisateur, sous le regard désabusé des voyageurs, n’a rien de surprenant…

Une deuxième salve de travaux a été engagée, pour accroître encore la capacité de la ligne, toujours dans l’objectif de proposer la fréquence la plus élevée, en l’occurrence une cadence au quart d’heure. Les travaux sont assez considérables et ont nécessité plusieurs longues coupures du trafic, dont les trois mois de l’été 2018 pour amorcer la modification du plan de voies d’Aix,  mais le programme n’est pas exempt de critiques au regard du coût des travaux (191 M€) vis-à-vis du gain escompté.

Cependant, à l'horaire 2023, on ne compte que 36 allers-retours, avec un omnibus toutes les demi-heures, renforcés de missions accélérées provenant soit de Pertuis soit du val de Durance.

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Aix-en-Provence - 7 août 2018 - Durant les travaux de la phase 2 de la modernisation de Marseille - Aix, les rares trains maintenus étaient limitées au parcours Aix - Briançon. On notera qu'en à peine deux mois d'interception du trafic, la végétation a largement envahi certaines voies inutilisées, alors que les travaux réalisés sont assez criticables... © transportrail

Suite du dossier : quelles dessertes ?

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