Train / Autocar : quelle perception des usagers ?
Le CEREMA a réalisé en 2015 une étude de perception des modes de transport et a fait de la relation Voiron – Grenoble un de ses premiers cas d’application sur un panel d'une douzaine de lignes. A l’époque, 59 allers-retours d’autocars TransIsère et 53 TER reliaient les 2 villes. Environ 550 voyageurs ont été sondés dans chaque mode, soit 30% des clients du car et 11% des clients du train. Liaison périurbaine disposant de deux offres à forte fréquence, cet axe était donc d'un grand intérêt.
Premier résultat : une grande fidélité au mode de transport choisi : 56% des clients du train font leur trajet exclusivement par ce mode, et même 64% pour l’autocar. Le taux augmente à l’heure de pointe. Pour les autres, lorsqu’ils changent de mode de transport, c’est d’abord pour prendre la voiture. Le choix se fait donc entre transport individuel et transport collectif, et non pas entre transports collectifs, d’autant que la moitié des sondés dispose d’une voiture particulière.
Sur la connaissance des offres, si les usagers du car connaissent à 98% l’offre TER, en revanche, 84% des usagers du train connaissent l’offre TransIsère.
Sur le motif du choix modal, le train prend l’ascendant sur les critères de confort, d’écologie, de vitesse et sur la possibilité d’avoir une activité pendant le trajet. En revanche, l’autocar prend l’avantage sur la fréquence, la fiabilité, la ponctualité et la continuité du service (« pas de grèves »). Voilà de quoi assurément faire réfléchir…
Autocar et TER font jeu égal sur le critère du coût, mais avec des nuances : seuls les abonnés du TER mettent en avant cet argument, alors que les abonnés du car ont un point de vue différent car leur titre de transport intègre aussi les transports urbains de Grenoble et Voiron :
- Billet à l’unité : 4,70 € en autocar contre 5,70 € en train
- Abonnement mensuel : 78,90 € en autocar contre 58,40 € en train
- Abonnement mensuel + réseau grenoblois : 78,90 € en autocar contre 87,40 € en train
Au fait, pourquoi TER + TAG est plus cher que TransIsère + TAG… alors que TER seul est moins cher que TransIsère ?
Il est aussi intéressant de constater que tant les utilisateurs du car que ceux du train considèrent la voiture plus chère, plus lente et plus pénible.
Conclusion : lorsqu’existent des offres routières de haut niveau (et c’est le cas ici), l’autocar est jugé crédible même sur des déplacements périurbains pour lesquels le train bénéficie en principe d’un net avantage du fait d’une infrastructure dédiée et de meilleurs temps de parcours. Mais la qualité de service péjore fortement l’image du train, plus que le coût du trajet, et le choix modal semble donc assez dépendant de ce critère. L'aménagement de couloirs réservés aux autocars de transports en commun, dont bénéficie déjà la ligne Voiron - Grenoble étudiée, pourrait renforcer la concurrence avec le train...
Atlantique 2017 : ça commence mal ?
Le plantage de la gare Montparnasse hier a évidemment fait les choux gras des médias qui n'ont pas grand chose à se mettre sous la dent en été, qui plus est un dimanche. Ceci dit, l'incident est suffisamment sérieux pour être relaté, et il tombe mal, sur l'un des deux week-ends du traditionnel chassé-croisé entre juilletistes et aoutiens.
Premier effet médiatique, il met dans l'ombre les résultats du 1er semestre 2017 marqués par une hausse du trafic de 8,4% par rapport au 1er semestre 2016, quoique celui-ci ait été émaillé de nombreuses grèves. Le remplissage des TGV a progressé de 4 points. SNCF Mobilités en a profité pour réitérer son couplet sur le niveau trop élevé des péages (40% des recettes), sur le déficit de la majorité des relations TGV (deux tiers seraient concernées) et sur l'examen d'une réduction des dessertes, et pas seulement sur les Intersecteurs.
Cependant, l'incident de ce 30 juillet à Paris Montparnasse n'est pas vraiment ordinaire, d'abord par son ampleur, mais ensuite par son contexte. Il survient à peine un mois après la mise en service des 2 LGV BPL et SEA présentées comme la "révolution" ferroviaire de l'arc Atlantique. Or le bilan de la production sur ce premier mois n'est pas glorieux : il y a déjà eu un autre incident lourd le 17 juillet, concernant cette fois la caténaire, et l'examen de la régularité des trains donne quelques sueurs froides. La régularité au départ oscille entre 50 et 60%, et entre 60 et 70% à l'arrivée. Certes, la production a été largement réorganisée mais on n'a pas connu pareilles difficultés depuis la mise en service de la LGV Méditerranée en 2001. Roulements des rames jugés trop tendus, difficulté à respecter les durées normées de certaines opérations (coupe-accroche à Poitiers) et à jongler entre la LGV et la ligne classique pour les dessertes intermédiaires.
Autant dire que le diagnostic du rapport sur la robustesse de l'exploitation - que nous aborderons prochainement dans un dossier spécial - résonne déjà dans certaines têtes. D'autres ne manqueront pas de souligner que 11 MM€ ont été investis pour réaliser SEA et BPL, et que 100 M€ ont été consacrés - seulement ? - à la tête de ligne parisienne, confirmant l'impérieuse nécessité de moderniser le réseau classique et de faire une pause dans les grands projets.
Auvergne - Rhône-Alpes : pas de convention TER pour l'instant
Elle compte parmi les Régions qui "pèsent lourd" dans l'activité TER et la mécanique se grippe, à peu près comme partout ailleurs. Certes, à l'approche des élections législatives et présidentielle, il est toujours bon de hausser le ton et de montrer qu'on cherche à défendre l'intérêt des citoyens, mais il faut aussi admettre un fond de vérité.
Ainsi, la Région Auvergne - Rhône-Alpes a décidé de suspendre les négociations avec la SNCF pour la nouvelle convention TER unifiant les deux Régions, qui devait entrer en application le 1er janvier 2017. Raison principale : un différend financier. Comme d'habitude dans cet exercice dans lequel la tutelle publique se retrouve de facto en situation d"infériorité par rapport à un opérateur monolithique, le coût du service augmente de façon disproportionnée alors que les dessertes sont au mieux constantes.
La Région paiera donc la SNCF sur la base de la convention 2009-2015, qui avait été prorogée d'un an. En revanche, la Région demande l'exécution du service demandée, alors que la SNCF réplique par une proposition d'ajustement à la baisse de l'offre face au refus de prendre en charge les coûts supplémentaires, de l'ordre de 10 à 15% sur une convention de 510 M€.
Autres différends entre la Région et la SNCF : la prise en charge des pénalités pour services non assurés du fait des grèves, de celles liées à l'irrégularité et aux suppressions inopinées de trains, qui atteignent environ 20 M€. Dernier grain de sable dans la mécanique, les trains de nuit Paris - Savoie. La Région maintient qu'elle refusera toute convention avec la SNCF tant que cette dernière n'aura pas proposé une solution pour le rétablissement de ces liaisons.
Manifestement, la Région Auvergne - Rhône-Alpes, comme PACA, le Grand Est et maintenant les Pays de Loire, attendent que Matignon tienne ses engagements d'un cavalier législatif autorisant l'expérimentation de la délégation de service public après appel d'offres, comme pour les transports urbains. Six mois après l'annonce, les Régions ne voient toujours rien arriver : la vacance parlementaire pré-électorale arrivant fin février, on peut supposer que l'actuel gouvernement laissera moisir ce sujet en le laissant à la prochaine majorité.
Les enjeux ferroviaires de 2016 en France
L'année nouvelle sera marquée par une série de dossiers particulièrement sensibles, à commencer par la poursuite de la réforme ferroviaire votée en 2014, mais aussi par la définition de la politique de services ferroviaires aussi bien sur le plan national qu'en Régions.
Un nouveau cadre social
L'objectif fixé par le législateur est de parvenir à une seule convention collective d'ici le 30 juin prochain. Les syndicats les plus à gauche cherchent à imposer les règles de la SNCF aux opérateurs arrivés depuis 2005, mais le sujet est si sensible qu'il devra être manié avec précaution : le risque d'un conflit lourd n'est pas à écarter sur fond d'acquis sociaux d'un côté et d'amélioration de la compétitivité des coûts du transport par rail dans un contexte de concurrence renforcé avec la route. Même sujet sur la négociation d'un accord d'entreprise et la nouvelle organisation du travail dans les deux entités Réseau et Mobilités, notamment chez Réseau, du fait d'une part importante de salariés en CDI de droit privé issus de RFF.
L'Etat stratège attendu
La réforme ferroviaire implique aussi des devoirs pour l'Etat qui doit engager la négociation d'un contrat de performance pour les 5 prochaines années avec ses établissements publics (Réseau et Mobilités). L'enjeu est particulièrement déterminant pour SNCF Réseau puisqu'il s'agira des moyens accordés à la rénovation du réseau et évidemment à sa consistance. Les premiers signaux ne sont guère optimistes et l'Etat semble toujours incapable de jouer le rôle qu'il s'est lui même défini, c'est à dire construire une politique cohérente des transports et de l'aménagement du territoire.
Le sort des Intercités
Après les préconisations de la commission Avenir des TET présidée par Philippe Duron, le gouvernement avait missionné le Préfet François Philizot pour organiser la concertation avec les Régions sur le devenir de ces dessertes. Sans attendre, la SNCF a encore réduit l'offre (on prendra pour exemple la limitation à Toulouse du Paris - Cerbère de jour ou les allègements sur Nantes - Bordeaux). La première des 34 nouvelles rames Coradia Liner commandées sur le marché Régiolis est en phase d'essais et la mise en service est espérée en fin d'année.
Le TER et les nouvelles majorités régionales
Les élections régionales passées, l'heure est d'abord à la mise en place des exécutifs régionaux et à la prise en charge progressive de l'important dossier des transports. La fusion des Régions impose une réflexion sur la consistance des offres. Parmi les dossiers les plus chauds, la crise du shuntage des X73500, toujours pas résolue, et occasionnant toujours des allègements de dessertes allant jusqu'à l'arrêt complet de l'exploitation ferroviaire. Sur l'autel de la sécurité, elle offre un boulevard aux partisans de l'exploitation par autocars de nombreuses lignes régionales. Jusqu'à présent, les "mauvaises nouvelles" avaient été prudemment mises sous le tapis le temps des élections. L'année 2016 risque d'être celle de la reprise des vagues de fermetures. Elles pourraient être massives et la déréglementation du marché de l'autocar même sur moins de 100 km donne un argument aux partisans de la contraction ferroviaire.
Le train face à la concurrence routière
Le train est désormais confronté à la rude concurrence routière sur les liaisons moyenne et longue distances avec d'une part le covoiturage qui ne cesse de se développer. SNCF Mobilités pointe toujours - mais plus discrètement, réforme oblige - la hausse des péages, alors que la hausse des coûts de production hors péages depuis 2008 avoisine les 6% par an. L'essor de l'autocar, libéralisé depuis l'été 2015, bouscule la comparaison des prix et place le train en difficultés. La SNCF répond par une politique de tarifs promotionnels multiples, mais sans aller au-delà de ces opérations de communication.
Marchés et projets
L'industrie ferroviaire attend de nouvelles commandes dans les marchés actuellement ouverts que sont le Dualis (Alstom), le Régiolis (Alstom), le Régio2N (Bombardier) et le Francilien (Bombardier) ainsi que l'attribution en Ile de France du RERng destiné aux RER E puis D. On surveillera aussi de près la situation des industriels, notamment d'Alstom désormais concentré sur sa seule branche Transport, mais aussi de Bombardier qui a connu un vaste renouvellement de ses dirigeants au niveau mondial suite aux mauvais résultats de la branche aéronautique. On aura aussi noté la contraction en France de Siemens aux activités liées aux métros automatiques, et les espoirs de CAF sur différents projets urbains et régionaux pour éviter au marché français de sombrer dans un monopole d'Alstom.
L'Etat a annoncé dans le cadre du Programme d'Investissements pour le Futur le lancement d'un partenariat entre Alstom et l'ADEME pour la conception du "TGV du futur" plus économe en énergie, moins onéreux à la maintenance et capable de transporter 750 passagers contre 510 dans les actuelles rames Duplex.
Au sujet des TGV, la question du financement des infrastructures nouvelles reste évidemment prégnante, alors même que l'Etat ne dégage pas les moyens nécessaires à la pérennisation du réseau existant, et alors même que le modèle économique du TGV n'a toujours pas été repensé face à la nouvelle situation du marché. SEA et BPL restent dans une situation de forte incertitude sur leur viabilité économique et on attend l'issue de la mise en faillite de TP Ferro, concessionnaire de la section Perpignan - Figueras.
Qualité de service
La régularité ferroviaire reste toujours un handicap à l'attractivité du train pour les voyageurs comme pour les marchandises. La fin d'année 2015 a été émaillée de nombreuses grèves qui ont pénalisé la circulation des trains régionaux, offrant autant d'arguments aux sites de covoiturage et aux compagnies d'autocars. Les nouveaux exécutifs régionaux auront fort à faire pour imposer à leur opérateur obligé un programme d'actions pour redresser la qualité du service, sans coût supplémentaire puisque celui-ci est déjà payé, et plutôt plus cher qu'il ne devrait l'être, plutôt que des opérations coups de poing surtout destinées à assurer le plan de communication de l'entreprise plus qu'à agir sur le fond. Un seul exemple : PACA où l'on ne compte plus les programmes aux noms tout aussi communicatifs les uns que les autres, mais au résultat voisin du néant puisque la régularité n'a pas retrouvé une situation normale...
Régularité : PACA récupère 16 M€ sur 10 ans
Au terme d'une longue procédure de contentieux, la Région PACA et la SNCF ont convenu d'un accord portant sur la restitution de 16 M€ de subventions non méritées compte tenu de la qualité de service insuffisante des TER et des suppressions chroniques, sur la période 2003-2012. 16 M€ sur 10 ans, c'est finalement très peu, symbolique serait-on tenté de dire, compte tenu de l'accumulation de minutes perdues par les voyageurs. Sans aller jusqu'à mettre en face le coût de la minute dans les instructions officielles des évaluations socio-économiques, on peut tout de même considérer qu'il s'agit d'un geste minimal de l'opérateur à l'égard de son client principal - la Région - censé représenter plus de 100 000 voyageurs quotidiens souffrant de trains dans un état déplorable (nettoyage aléatoire des intérieurs, tags à foison sur les voitures y compris sur les fenêtres), et à l'irrégularité chronique.
Régularité : Que choisir fait les comptes
L'association de consommateurs UFC Que Choisir fait les comptes sur la régularités des trains en France et en Europe. Selon la SNCF, 89,4% des trains régionaux arrivent à l'heure... mais tout de même avec une tolérance de 5 minutes. La comparaison avec quelques pays voisins n'est pas vraiment flatteuse d'autant que dans ces pays, l'offre ferroviaire y est souvent plus dense qu'en France : l'argument de la saturation devient donc difficilement recevable. Le résultat pour la Suisse, de 87,5% ne figure pas dans ce tableau car la méthode de calcul aux CFF sur les trains régionaux n'est pas à 5 minutes de marge mais à 3.
L'association va plus loin en soulignant l'écart sur la ligne Paris - Beauvais, parmi les plus utilisées de France, avec 90,6% selon la SNCF et 77,1% en pointe et 80,2% en journée selon les usagers qui ont organisé leur propre comptage. Plusieurs associations en Ile de France pointent des écarts de 10 à 20 points entre les remontées de leurs adhérents, notamment sur le RER D et sur Saint Lazare.
Elle note aussi que la France connaît depuis 10 ans une inflation de 87% des coûts d'exploitation hors péages, passant en moyenne de 13 à 18 € du km, atteignant 33% d'écart par rapport à l'Allemagne, sans que cela ne se traduise par des améliorations dans la qualité du service ou l'indemnisation des clients pour un service non réalisé.
Cela dit, on peut aussi rappeler que le meilleur moyen de faire arriver les trains à l'heure est de les faire partir à l'heure, ce qui serait déjà, au quotidien, un gain substantiel pour les statistiques françaises.
TER PACA : ça ne s'améliore - toujours - pas
Les chiffres publiés par l'Autorité de la Qualité de Service dans les Transports, agrégeant les données pour l'année 2014, ne sont guère flatteurs pour la SNCF en PACA. En dépit des annonces, des promesses et autres engagements, de plans d'urgence en thérapies de choc, PACA est, avec Languedoc-Roussillon, la Région dans laquelle la qualité de service s'est dégradée par rapport à 2013 : l'irrégularité atteint 18,3% en 2014, contre 16,6% en 2013. Le taux moyen de suppression de circulations reste encore anormalement élevé par rapport aux autres régions françaises : 6,5% en 2014 contre 7,2% en 2013.
On attend donc l'annonce du nouveau plan d'urgence, qu'importe si les précédents n'ont pas fait leurs preuves.
TER PACA : les plans de redressement échouent
Chaque année ou presque, son plan de redressement du fonctionnement des TER en PACA, précédé par un échange d'amabilités entre la Région et la SNCF, vif mais feutré car de toute façon, l'opérateur en situation de monopole sait très bien qu'il ne risque rien, hormis quelques courriers et de maigres pénalités rapidement réinvesties dans des programmes d'amélioration de la qualité de service qui échoueront à leur tout. Il y a eu BoosTER, PrioriTER, voici Rebond.
Le bilan est sec : plus de 8% de trains supprimés en 2014 et une régularité qui plafonne à 75%. Au total, une pénalité pour la SNCF de 4 M€. Ridicule au regard des minutes perdues chaque jour par les voyageurs, qu'on peut aisément monétiser, même au tarif horaire du SMIC de 9,61 € brut ou 8,10 € net. Les 4 M€ rapporté à ce tarif horaire net correspondraient à 493 827 minutes perdues, soit 4 min 30 par voyageur et par an pour chacun des 110 000 voyageurs quotidiens des TER PACA.
Comparaison n'est pas raison, mais ce petit calcul illustre le côté dérisoire des pénalités demandées à la SNCF, qui met en cause l'organisation des travaux, couplet habituel qu'il faudra changer, puisque le Président lui-même l'a dit : il n'y aura plus de problèmes de cohabitation entre les travaux et les trains qui circulent grâce à la réforme ferroviaire. Sont aussi en cause les grèves, qui ont atteint un niveau record de 75 jours, soit en moyenne un jour sur 5.
En février, la SNCF a imposé un allègement du service avec une réduction de 7,5% des dessertes pour remédier aux problèmes habituels de disponibilité du personnel et du matériel roulant. La qualité insuffisante de la maintenance à Marseille est maintenant clairement identifiée comme un point plus que critique dans la production, tout comme la culture du conflit parmi une partie du personnel.
En dépit de son rôle d'autorité organisatrice, la Région manque le véritables leviers pour affirmer son pouvoir de contrôle sur son prestataire de service et le maintien du monopole la place systématiquement dans une position de faiblesse entretenue également par des positions de principes relevant du jeu politicien. En attendant, les voyageurs trinquent...
Normandie : grogne sur la qualité de service
Une fois de plus, une Région met sur la place publique ses critiques à l'égard de la SNCF sur la qualité du service aux voyageurs. La Région Haute Normandie, régulièrement sollicitée par les associations de voyageurs, monte au créneau et demande un redressement de la situation de la part de l'entreprise sur les relations TER et Intercités. Sans même parler de la propreté des trains, la régularité est sans surprise la première pointée du doigt et les statistiques officielles sont de plus en plus mises en doute par les voyageurs qui organisent une collecte d'information et produisent leurs propres chiffres, systématiquement inférieurs à ceux de l'opérateur. Autre élément mis en exergue, la capacité des trains et plus précisément le respect des compositions. Nombre de trains assurés en rame Corail circulent avec 8 ou 9 voitures au lieu de 10. Les TER2Nng se retrouvent parfois en unité simple au lieu d'une double rame. Conséquence, des voyageurs debout, entassés, jusque dans les toilettes et - pour les Corail - dans l'ancien fourgon à bagages de la voiture pilote et des interrogations sur la réalité de la primauté à la sécurité.
Même chose en Basse Normandie sur la liaison Paris - Caen - Cherbourg, où le déficit de capacité est chronique, accentué par une corrélation insuffisante entre le nombre de billets vendus et la capacité réelle des trains. Conséquence, il n'est pas rare de voir des voyageurs avec réservation en 1ère classe se retrouver assis... dans les toilettes. Comment peut-on imaginer que le système de vente de billets ne puisse pas être automatiquement plafonné au-delà de la capacité nominale du train ?
Compte tenu de la "captivité" de la clientèle, essentiellement des domicile-travail, et de la saturation de l'A13, la SNCF n'est pas forcément tentée de s'investir pour proposer des conditions de transport décentes. La communication de l'opérateur est bien rodée et la direction annonce que tout rentrera dans l'ordre au 15 décembre, au changement de service. On explique aussi à la SNCF que les Régions ne voulant pas généraliser la réservation, il lui est impossible de prévoir la demande réelle. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, quand on faisait du chemin de fer avant d'être prestataire de mobilités, les trains de dédoublement étaient fréquents en fin de semaine. En outre, le système de vente actuel permet de flécher un billet sur un train pour connaître son occupation. Nul besoin d'aller vers la réservation obligatoire payante façon "Téoz" pour améliorer la situation.
La Région et les usagers jugeront sur pièces. La première envisage des sanctions financières dans la convention TER. Les seconds organisent régulièrement une grève des titres de transport.
L'heure c'est l'heure
La CFDT cheminots a réalisé entre la mi-janvier et la mi-février un sondage sur plus de 1900 trains circulant en heures de pointe pour mesurer la ponctualité réelle des circulations. Un sondage qui n'a pas de valeur exhaustive, mais qui veut éclairer le débat de façon décalée par rapport aux chiffres officielles, alors que 80% des français considèrent que la qualité des prestations de la SNCF s'est dégradée.
Résultat du sondage concernant 1964 circulations sur 20 lignes :
- 33.5% des trains ont circulé à l'heure (retard d'au plus une minute)
- 35.5% des trains sont arrivés avec un retard compris entre une et cinq minutes
- 24% des trains avaient plus de cinq minutes de retard à l'arrivée
Si on s'en tient à la règle des 5 minutes, cela veut quand même dire que 76% des trains d'heures de pointe sondés sont dans la norme. C'est peu. Par famille de trains, seuls 25% des TER sondés étaient parfaitement à l'heure, 35% des TGV et 31% des Transilien. En élargissant la tolérance à cinq minutes, 75% des TER sont dans la norme, 63% des Transilien et 69% des TGV.
D'après l'enquête, un tiers des retards sont imputables à l'exploitant, parfois par des carences de moyens humains pour entretenir le matériel et les installations, mais on ne saurait omettre des responsabilités de l'entreprise, dans la réactivité ou parfois - comme dans toute activité humaine - le souci du travail bien fait. Pour les deux tiers restants, la saturation des infrastructures, leurs faiblesses et les actes de malveillance (qui explosent) sont pointés du doigt.
Et le chef de l'Etat de rappeler dans une nouvelle lettre de mission au Président de la SNCF la nécessité de garantir une qualité de service au meilleur niveau. Enfin, si les comptes de la SNCF repassent dans les vert, les marges d'autofinancement sont insuffisantes selon le directeur financier de l'entreprise : 7.1% du chiffre d'affaires contre au moins 10% nécessaires. Bref, les marges de manoeuvre risquent d'être étroites...