Brive - Aurillac : défaut d'alignement des Régions
Dans la catégorie des lignes sur la corde raide, la relation Brive - Aurillac figure régulièrement en tête de liste et plus particulièrement le maillon central entre Saint Denis près Martel et Viescamp sous Jalles, deux localités que seuls les ferroviphiles peuvent connaitre quand on n'est pas du coin (et encore...)
Elle est déjà handicapée par l'accumulation de ralentissements, qui coûtent environ 15 minutes aux trains :
- sur Brive - Saint Denis près Martel, tronc commun aux relations vers Rodez et Aurillac, avec une vitesse limitée à 80 km/h pour une vitesse nominale de 90 à 110 km/h ;
- sur Saint Denis - Bretenoux, à 60 km/h au lieu de 90 km/h ;
- et entre Bretenoux et Viescamp, à 55 km/h au lieu de 75 km/h.
Ajoutez les fréquentes interceptions de l'exploitation à l'automne en raison de la chute des feuilles morts dans les gorges de la Cère, générant des problèmes de shuntage, les effets de la chaleur estivale sur la dilatation des rails dont les plus jeunes ont 60 ans et les plus anciens 101 ans. Cela fait déjà beaucoup.
Mieux, la relation est à cheval sur 3 Régions : Nouvelle Aquitaine, Occitanie et Auvergne Rhône-Alpes, qui ne sont pas sur la même longueur d'onde. D'un côté, le duo Nouvelle Aquitaine - Occitanie a programmé le financement de travaux de renouvellement entre Brive et Lamativie. Ils se dérouleront entre avril et septembre 2019 pour un montant total de 33,5 M€ dont 13,5 M€ sur la section Brive - Saint Denis près Martel et 20 au-delà jusqu'à Lamativie. Au menu, un RVB sur la section Brive - Bretenoux et un remplacement de rails et de traverses de Bretenoux à Lamativie avec évidemment pour objectif de lever les ralentissements et restaurer un temps de parcours de l'ordre de 1h35.
Puybrun - 23 juillet 2010 - L'X73537 vient de franchir l'ouvrage sur la Dordogne, de type pont-cage, avec piliers maçonnés. La desserte est assurée par du matériel estampillé Auvergne, mais les trois Régions concernées par la relation Brive - Aurillac (Nouvelle Aquitaine, Occitanie et Auvergne Rhône-Alpes) ne sont pas forcément sur la même longueur d'onde... © transportrail
Côté Auvergne Rhône-Alpes, la ligne est vue avec beaucoup de circonspection : seul investissement consenti, l'installation de compteurs d'essieux pour éviter les problèmes de shuntage, mais pas de travaux pour la levée du ralentissement. Bref, une posture d'attente...
Ce n'est pas la première fois que les Régions Nouvelle Aquitaine et Occitanie se heurtent à leur voisine : la première a essuyé récemment un refus sur le retour à Lyon de l'ex-Intercités Bordeaux - Montluçon tandis que la seconde constate le manque de volonté sur le duo Causses-Cévennes.
Dans ces conditions, imaginer une relance de l'offre ferroviaire entre Brive et Aurillac reste encore prématuré. Le trafic routier est assez modeste, de l'ordre de 3000 véhicules / jour sur les routes départementales parallèles. Les 4 allers-retours actuels, généralement tracés avec 6 arrêts, relient les deux villes en 1h50, avec une perte de temps de l'ordre de 15 minutes par les ralentissements. Leur suppression restaurerait la compétitivité du temps de parcours par rapport à la route (1h44 en conditions normales). Le positionnement horaire est assez surprenant car les trains sont principalement destinés à donner des correspondances sur les IC Paris - Brive - Toulouse, avec en conséquence une large amplitude horaire : le premier train quitte Aurillac pour Brive à 5h15 et le derrnier quitte Brive à 22h10. Au départ de Brive, le premier train de la journée est à 11h30 tandis que le dernier depuis Aurillac est à 17h10. Ce service nécessite tout de même 3 rames, pour les départs du matin d'Aurillac et la croix du midi calée sur les correspondances de Brive : il y aurait certainement matière à concevoir un meilleur service avec seulement 2 rames...
A lire, également l'article bien documenté du site indépendant ActuTER Occitanie.
Régions de France : 2 partenariats sur les transports
En un mois, Régions de France a conclu 2 partenariats sur le domaine des transports et notamment le secteur ferroviaire, l'un avec RATP Dev et l'autre avec Arriva.
Le premier porte sur un large panel de sujets, traitant de l'innovation dans le domaine des transports, des apports du numérique dans la connaissance des besoins et dans les outils au service des voyageurs, sur l'intermodalité et la conception des gares, sur les enjeux énergétiques et sur l'évolution du marché ferroviaire régional dans le contexte d'ouverture à la concurrence du marché intérieur.
Le second est centré sur ce dernier point et devrait permettre aux Régions de diversifier les points de vue quant à l'évolution de l'organisation des services, la coordination entre les différents modes et la revalorisation d'un réseau ferroviaire caractérisé par un faible usage.
RATP Dev est la filiale de l'opérateur francilien et Arriva est la filiale de la DB sur les marchés régionaux en Europe, l'équivalent de Keolis au sein du groupe SNCF. Le signal envoyé par les Régions est assez clair...
Régions de France : l'Etat à nouveau bousculé
Le cadre était presque parfait pour une réconciliation : le soleil de Marseille, la vue sur le Vieux Port, la Major et la Bonne Mère depuis un palais du Pharo plein à craquer.
L'an dernier, à Orléans, les Régions avaient décidé de quitter la Conférence Nationale des Territoires pour manifester leur désaccord face aux positions de l'Etat quant aux ressources des collectivités locales en général et des Régions en particulier. On se souvient même que Philippe Richert avait démissionné de la présidence du Grand Est et de Régions de France.
Cette année, le Premier Ministre avait à nouveau fait le voyage. Ce n'était pas prévu, mais la pression était forte. Jeudi 26 au soir, les présidents des associations des collectivités locales ont lancé un appel en faveur du rétablissement d'une politique de décentralisation respectueuse des territoires. En ligne de mire, un peu plus de 18 mois d'action d'un gouvernement considéré trop jacobin et cherchant à reprendre - parfois directement - la main sur des compétences décentralisées.
Les intervenants ont changé : Hervé Morin, Président de la Région Normandie, a tenu le micro pendant une heure pour dresser un réquisitoire d'autant plus sévère à l'encontre du gouvernement qu'il l'adressait à un de ses partenaires politiques de longue date. La même rudesse a été constaté dans la faconde - quoique franchement usée - de Jean-Claude Gaudin, toujours maire de Marseille, mais aussi de Renaud Muselier à la tête de la Région PACA. En guise de réponse, un Premier Ministre clairement sur la défensive, mais dont le discours est passé à côté de la cible : il fallait apaiser et jeter les bases d'une réconciliation... il n'y eut qu'une démonstration technocratique froide.
Au cours de cette journée, Elisabeth Borne est repartie avec les louanges affichées des élus régionaux sur la réforme ferroviaire mais le discours était un peu plus modéré en coulisse : s'agissait-il de créer un clivage au sein du gouvernement ? Le propos de la ministre, à l'expression toujours aussi serrée, était sans surprise, reproduisant les messages déjà diffusés, notamment le 10 M€ par jour pendant 10 ans, recouvrant bien trop d'éléments disparates. En revanche, il semble que se confirme une progression de la dotation de renouvellement du réseau à hauteur de 3,2 MM€ à horizon 2021 ou 2022.
A propos des transports, la question ferroviaire a occupé une partie de la matinée, avec en particulier le devenir des lignes de desserte fine du territoire (appellation SNCF). Patrick Jeantet en a profité pour réitérer l'inflexion de la politique du gestionnaire d'infrastructure, mais la question des moyens a été soigneusement esquivée... Pas tant que cela, car les élus régionaux n'ont pas manqué de préciser que jamais les CPER n'ont connu de si faibles taux d'exécution à mi-pacours... notamment en raison de la défaillance de l'Etat qui n'honore pas sa signature (et qui ne dote pas SNCF Réseau des moyens d'honorer celle qui est prise en son nom).
Surtout, avec l'évolution des compétences régionales, désormais élargies aux offres routières interurbaines jusqu'alors gérées par les Départements, il a été largement question d'intermodalité, de coordination des modes de transport et de fluidité dans le transport collectif mais aussi entre les moyens individuels, partagés et collectifs. La Loi d'Orientation sur les Mobilités qui sera présenté le mois prochain préfigure de nouvelles évolutions avec l'élargissement du périmètre de compétence : elles pourront envisager la création de services de transport collectif sur des territoires où ils ne sont pas organisés par des intercommunalités.
Autre élément, évidemment : l'ouverture du marché intérieur, singulièrement sur le transport régional. La position de la Région PACA a été singulière : sans convention TER avec la SNCF, elle continue de critiquer sa production de qualité insuffisante tout en se retrouvant dans une situation inédite et de surcroît en train de préparer le premier appel d'offres ferroviaire.
En fil conducteur de toutes ces interventions : un axe majeur a été maintes fois rappelé : transition énergétique - aménagement du territoire - poursuite des efforts en faveur du transport régional, et notamment du transport ferroviaire. Sera-t-il entendu ?
Le livre blanc des Régions pour la mobilité
Livre Blanc : on s'attendait à plus copieux qu'une présentation de 7 pages, mais ce n'est pas la quantité qui fait la qualité d'un document surtout lorsqu'il s'agit de faire passer des messages. On évaluera la qualité à l'ampleur des réactions qu'il provoque au ministère mais on apprécie l'esprit synthétique.
Des coûts de production en hausse, des prestations insuffisantes
Sous l'égide du président de la commission Infrastructures et Transport, Michel Neugnot (Bourgogne Franche-Comté), Régions de France a donc présenté son Livre Blanc sur les Mobilités. Elle a surtout dressé un portrait assez sombre de la situation du secteur ferroviaire : insuffisante maîtrise des coûts d'exploitation, qualité de service insuffisante, péages en hausse alors qu'il y a péril sur un tiers du réseau et, pour couronner le tout, augmentation de la pression fiscale.
Rappelant que les Régions ont dépensé en 2017 pas moins de 4,5 MM€ pour l'exploitation des transports régionaux et investi 1,7 MM€ sur le matériel roulant et l'infrastructure, l'association souligne d'abord le décalage entre les ressources et les missions, avec les premiers effets de la nouvelle étape de décentralisation : 2 MM€ pour les transports routiers interurbains jusqu'à présent compétence départementale, 1,7 MM€ pour les transports scolaires et un premier budget de 100 M€ pour la reprise progressive des Intercités. Face à cela, des dotations budgétaires qui baissent de plus en plus nettement.
En outre, les coûts du secteur ferroviaire sont eux aussi à la hausse : la contribution publique depuis 2002 a augmenté de 96% avec un coût du km-train moyen de 23,50 €. Un quasi doublement des coûts pour un quart d'offre supplémentaire sur la même période et 44% d'augmentation du trafic (en voyageurs-km).
Bègles - 28 juin 2016 - Matériel neuf de grande capacité, mais gare de banlieue à l'équipement minimaliste et fréquences insuffisantes pour être attractives dans la desserte de la métropole bordelaise, du fait d'une forte hétérogénéité des circulations (TER périurbains, intervilles, TET et TGV). La mise de fonds pour atteindre un niveau de desserte correct autour des grandes villes - la "RERisation" dont parle régulièrement la ministre des transports - est inatteignable dans les conditions actuelles, tant pour l'investissement que l'exploitation. © transportrail
Fiscalités, péages, TET : l'Etat continue de se défausser
Or d'autres mauvaises nouvelles sont apparues, avec l'impact de l'augmentation des cotisations sociales, se répercutant à hauteur de 15 à 20 M€ par an sur le budget régional des transports, et l'évolution de la taxe sur les salaires non compensée, représentant 140 M€ qualifiés "d'enrichissement de l'Etat sans cause" puisque ce coût devrait normalement être compensé aux Régions. Autre mauvaise nouvelle, l'évolution des seuils de TVA sur le transport scolaire, à hauteur de 50 à 100 M€.
Pour couronner le tout, la hausse des péages à hauteur de 3% par an jusqu'en 2026 suscite la colère des Régions alors que, parallèlement, l'Etat et SNCF Réseau financent de moins en moins le renouvellement du patrimoine ferroviaire (c'est le locataire qui paie à la place du propriétaire la remise à neuf de la plomberie, de l'électricité et la pose du double-vitrage...), soit environ 125 M€ de coût supplémentaire par an... sans aucune garantie de pérennité du réseau ferroviaire.
Régions de France rappelle aussi à l'Etat ses engagements sur le financement du nouveau matériel des Intercités transférés aux Régions, sur les projets inscrits dans les CPER, en soulignant que, concernant essentiellement des lignes utilisées par les TER, ces investissements sont au coeur des sujets de mobilité du quotidien.
Libéralisation, intermodalité, tarification, nouvelles recettes : les propositions des Régions
Après la rubrique des critiques, Régions de France passe aux prises de position. En tête de gondole, elle enjoint l'Etat à créer les conditions équitables d'une libéralisation du marché ferroviaire, tant pour l'organisation de contrats de DSP que la perspective d'une reprise en régie ou par un établissement public régional de l'exploitation des lignes régionales : on serait tenté de poser la question "et de la propriété de l'infrastructure ?" pour certaines lignes.
Cependant, les Régions sont traversées par des clivages : toutes ne sont pas favorables à la fin du monopole de principe voire hostiles au principe de demander à d'autres ce qu'ils seraient capables de produire. De même, quelques élus régionaux esquissent la possibilité de récupérer la propriété de lignes du RFN menacées pour les maintenir sous une autre forme juridique, mais sont-ils prêts à porter le sujet sur le plan législatif pour amender la loi et le permettre ?
Toujours sur la libéralisation du marché, elle demande une totale transparence de la SNCF sur les données liées à l'éxécution du service public, notamment sur le trafic et le volume de personnel directement nécessaire à la réalisation du service financé par les Régions. Sujet sensible puisque la SNCF se retranche derrière le secret commercial (en situation de monopole, c'est curieux), tandis que pour les DSP urbaines, les collectivités n'ont pas les mêmes difficultés alors que les délégataires sont régulièrement mis en concurrence au renouvellement des contrats.
Désormais chef de file de la mobilité depuis la dernière réforme territoriale, les Régions esquissent la possibilité de prendre la main sur les sujets d'intermodalité jusqu'à la coordination de la distribution des titres de transport : on serait tenté de dire "jusqu'à la conception des gammes tarifaires ?" tant le retard français en matière de communauté intermodale est criant dès qu'on a l'idée d'aller voir comment fonctionnent les réseaux chez nos voisins et la facilité qu'ont les voyageurs à passer du train à l'autocar, du tramway à la S-Bahn, que seuls les franciliens connaissent réellement. Mais il faudrait aussi que les Régions freinent leurs élans sur certains dispositifs tarifaires dont l'impact sur le trafic reste discutable, alors que celui sur les recettes est bien réel. Tarification incitative oui, démagogique, est-ce durable ?
Enfin, Régions de France prend l'initiative sur les questions fiscales en proposant une palette de solutions, un "bouquet fiscal" à étudier et moduler, comprenant diverses possibilités : un Versement Transport régional (déjà essayé mais aussitôt torpillé sur l'autel du ras-le-bol fiscal), l'affectation d'une part supplémentaire de la TICPE (la fiscalité sur les produits pétroliers) aux Régions, voire une redevance régionale sur l'utilisation des infrastructures routières (ne dites plus "écotaxe"), ce qui du point de vue juridico-fiscal semblerait nécessiter le transfert des routes concernées aux Régions.
Rail et réforme territoriale en Normandie : dossier mis à jour
Autre dossier ayant besoin d'une actualisation, notre réflexion sur les conséquences de la réforme territoriale en Normandie, avec la fusion des deux Régions mais aussi le transfert de la gestion des Intercités des axes Paris - Le Havre, Paris - Cherbourg, Paris - Granville et Caen - Tours à cette nouvelle entité, l'arrivée à partir de 2019 des nouvelles rames Omneo Premium destinées à remplacer les rames Corail, les études de marché en vue d'une recomposition de la desserte ferroviaire et nos propres propositions dans ce cadre.
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France : 20 ans de régionalisation ferroviaire
Depuis l'expérimentation de 1997, 20 ans ont passé. A la sortie des grèves de 1995, deux réformes avait été engagées. La première portait sur la séparation entre l'opérateur ferroviaire et le gestionnaire d'infrastructures, aboutissant en 1997 à la création de RFF. Les subtilités politiques françaises avait donné naissance à une organisation bâtarde : RFF était initialement d'abord censé héberger la dette ferroviaire pour soulager la SNCF avant d'être un étrange gestionnaire d'infrastructures qui avait obligation de confier toute la conception et l'exécution des travaux d'entretien et de renouvellement du réseau à la branche Infrastructure de la SNCF.
L'autre réforme portait sur la gestion de l'offre de transport. Déjà, les Régions depuis le début des années 1980, finançaient certaines dessertes en plus du programme de base défini par la SNCF et validé par l'Etat seul. Elles s'étaient aussi engagées dans des investissements sur le matériel roulant, avec la rénovation de certains autorails puis l'acquisition de nouvelles rames, comme les X72500.
Alors que la SNCF menaçait de supprimer au moins 6500 km de lignes déficitaires et qu'elle considérait sans intérêt, la voie choisie par l'Etat fut alors de confier aux Régions la gestion de l'organisation des dessertes. Dans un premier temps, 7 Régions ont été volontaires pour expérimenter cette mission, l'Etat prenant en charge le socle du déficit en 1997 et les Régions les écarts liés à leurs propres orientations sur la consistance du service. Une démarche assez avantageuse, qui s'est immédiatement traduit non seulement par le renforcement des services Transports dans les Régions (en faisant notamment appel à des fonctionnaires territoriaux amateurs de trains, dont certains lecteurs avisés de notre site...), mais aussi par un puissant essor de l'offre embarquant ensuite des investissements sur le renouvellement du matériel roulant (X73500, TER2N, AGC, Régiolis, Régio2N, sans compter les rénovations diverses), sur la modernisation des gares et la tarification.
La Rochefoucauld - 26 septembre 2015 - Matériel moderne, performant, confortable, certes un peu lourd, mais une infrastructure à bout de souffle, des ralentissements parsemant l'itinéraire et une signalisation qui certes faisant joli sur la photo mais peu compatible avec un chemin de fer en phase avec les aspirations du 21ème siècle. 20 ans de régionalisation... mais il reste tant à faire : qui en a la volonté ? les moyens ? © transportrail
Vingt ans après le lancement de cette phase expérimentale, qui prit fin en 2002 avec l'adoption de la loi SRU généralisant le rôle d'autorité organisatrice à toutes les Régions, un premier bilan peut être fait. Avant tout, il est évident que sans cette régionalisation, le transport ferroviaire en France aurait été réduit à peau de chagrin. Mais pour autant, l'avenir n'est pas serein. Les Régions ont dû investir sur le renouvellement des infrastructures, au-delà de leur compétence, puisque l'Etat se défile et que RFF puis SNCF Réseau ne reçoit pas de l'Etat les moyens nécessaires. Il y a bien quelques "danseuses" contestables, caprices politiques inapproprié alors que la crise sur la pérennité du réseau, trop longtemps relégué au second plan derrière des investissements plus visibles et électoralement plus payants, ne s'est pas éteinte et connait une nouvelle poussée de fièvre avec le Contrat de Performances.
Le mur d'investissement est devant elles alors qu'elles n'ont quasiment plus aucune liberté budgétaire quant à leurs ressources. Il sera d'autant plus difficile à franchir que le coût de production du train régional reste parmi les plus élevés d'Europe, que la contribution publique par voyageur transporté donne des arguments aux partisans de la route, et qu'en conséquence, le réseau reste sous-utilisé même sur des lignes desservant des territoires périurbains ou du moins positionnés sur des corridors où les flux de déplacements sont conséquents. Et comme si la barque n'était déjà pas suffisamment remplie, une nouvelle étape a été franchie en 2016 en imposant aux Régions de récupérer le déficit d'exploitation des TET.
Le nouveau dossier de transportrail revient sur 20 ans de régionalisation et s'interroge sur les défis de la décennie à venir. A vos commentaires !
Population française en 2040 : perspectives ferroviaires
C'est une carte à la représentation certes insolite mais qui offre une lecture intéressante sur l'évolution de l'implantation de la population française. Quels sont les territoires qui vont voir leur population augmenter ? Mécaniquement, comment évoluera la demande de transports dans ces départements ?
Quatre constats apparaissent de façon flagrante :
- la "diagonale du vide" est une réalité toujours d'actualité, entre les Ardennes et les Hautes Pyrénées ;
- l'augmentation de la population concernera d'abord l'arc Atlantique, l'arc Méditerranéen, le sillon rhodanien et le sillon alpin ;
- elle sera d'abord le fait de départements déjà très urbanisés ;
- le bassin parisien et les Hauts de France continueront de peser lourd dans la population française mais leur croissance sera moins forte.
En se rapprochant un peu pus près, Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Toulon, Grenoble et dans une moindre mesure Nice et Marseille concentreront probablement la majorité de l'augmentation de la population.
En adoptant une grille de lecture ferroviaire, quelques enseignements apparaissent évidents :
- l'axe Rennes - Nantes - La Rochelle - Bordeaux devra être restructuré et sa desserte intensifiée puisqu'il traverse des départements qui comptent parmi les plus dynamiques sur le plan démographique : avec 3 allers-retours Nantes - Bordeaux et des correspondances aléatoires pour Rennes, il est évident que le train risque de demeurer "hors concours" face à la route ;
- la transversale sud et l'arc méditerranéen sont assurément des axes d'avenir mais avec une interrogation sur l'équilibre entre les déplacements longue distance (type Bordeaux - Marseille) et moyenne distance (comme Bordeaux - Toulouse ou Marseille - Montpellier) ;
- malgré les récents efforts et la modernisation, le sillon alpin dispose d'un potentiel de trafic considérable, et la pollution récurrente dans les vallées alpines illustre la nécessité d'une offre ferroviaire plus intense ;
- même chose pour le sillon rhodanien, où la complémentarité entre TGV et TER peut encore progresser ;
- outre ces liaisons intervilles, le besoin de systèmes RER / S-Bahn autour des grandes métropoles est évident, faute de quoi, l'automobile restera le mode de transport dominant dans des bassins urbains au développement encore trop consommateur d'espaces ruraux.
Enfin, on notera les prévisions de forte croissance de départements ruraux voire très ruraux : Lozère, Ardèche, Hautes Alpes, Alpes de Haute-Provence, Gers, Ariège : de quoi relativiser le célèbre théorème "pas de trafic, pas de potentiel, pas d'avenir" à l'appui d'une politique de renoncement sur les lignes secondaires régionales.
Il est donc urgent de ne pas injurier l'avenir : l'aménagement du territoire, qu'il soit porté par l'Etat ou les Régions, commande manifestement de renoncer à une politique de contraction du réseau ferroviaire, de relancer une politique d'offre fondée sur une meilleure connaissance des besoins de déplacements, sur lesquelles s'adosserait une politique d'investissements planifiée au moins sur une décennie.
Rail et réforme territoriale : le Grand Sud-Ouest
Suite de notre dossier entamé au printemps dernier consacré aux conséquences de la réforme territoriale sur l'organisation des dessertes régionales : transportrail s'est penché sur la fusion Aquitaine - Poitou-Charentes - Limousin. Ce vaste ensemble aura Bordeaux pour capitale, avec au nord un réseau de villes relativement dense, Poitiers, Limoges et La Rochelle en tête puis des villes comme Angoulême, Brive, Périgueux et Agen, alors qu'au sud, le système est plus contracté avec l'agglomération littorale de Bayonne à la frontière et Pau au pied des Pyrénées. La desserte ferroviaire régionale est aujourd'hui fortement structurée par les capacités résiduelles laissées par le TGV, mais aussi autour des correspondances qu'il procure pour rejoindre Paris d'abord, Lille et Strasbourg ensuite. l'axe Paris - Toulouse traverse la grande Région sur son flanc est tandis que quatre lignes transversales la desservent également, avec des fortunes diverses, entre Lyon - Bordeaux devenue "théorique", Nantes - Bordeaux, Bordeaux - Marseille et Toulouse - Hendaye.
Le nouveau dossier de transportrail attend vos commentaires...
Rail et réforme territoriale : Bourgogne - Franche-Comté
Nouveau volet de notre série consacrée aux enjeux de desserte des nouvelles Régions, avec cette fois-ci Bourgogne et Franche-Comté. La première a consenti au cours des dix dernières années de notables efforts pour renforcer la desserte régionale, notamment sur l'axe structurant Paris - Dijon - Lyon, tandis que la seconde a recomposé son service à l'occasion de l'ouverture de la LGV Rhin-Rhône. Avec la fusion des deux collectivités, l'axe Dijon - Besançon - Belfort prendra forcément du galon : si le TGV est déjà implanté, une offre complémentaire par TER est indispensable pour les déplacements de cabotage et les liaisons intervilles hors système de réservation obligatoire.
Pour la Bourgogne, les enjeux interrégionaux sont forts, notamment avec Rhône-Alpes et Centre. Pour la Franche-Comté, les liens avec l'Alsace sont déjà assez forts. Vers la Lorraine, la liaison entre la LGV Est et la LGV Rhin-Rhône est déjà une piste de réflexion. Enfin, la connexion avec la Suisse est à approfondir, vue l'influence de Bâle et de Neuchâtel sur la géographie des déplacements quotidiens.
Transport Rail consacre son nouveau dossier à l'ensemble Bourgogne - Franche-Comté. A vos commentaires !
Auvergne ou un exemple d'enclavement ferroviaire
C'est une remarque glissée dans l'excellent numéro Hors-Série de la revue Le Train consacré à l'axe Clermont Ferrand - Toulouse qui a attiré notre attention. Le nombre de villes directement accessibles par train depuis Clermont Ferrand ne cesse de se réduire. En se limitant au dernier quart de siècle, l'enclavement ferroviaire auvergnat a connu une spectaculaire accélération avec la suppression des relations vers Besançon, Metz, Limoges, Bordeaux, Marseille et Montpellier.
Ne restent donc que les relations vers Paris et Lyon relativement fournies, une seule rotation vers Dijon et une autre vers Toulouse et 3 vers Nîmes. Le sort de la relation avec Saint Etienne est plus qu'incertain, ce qui s'avère surréaliste dans la perspective de la fusion des Régions Rhône-Alpes et Auvergne : comme déjà dit dans notre dossier sur les enjeux ferroviaires autour de la réforme territoriale, s'il n'y a pas de potentiel entre deux agglomérations de plus de 300 000 habitants pour l'une et de près de 400 000 habitants pour l'autre, alors le chemin de fer est vraiment dans une mauvaise passe...
Villefranche de Rouergue - 26 juillet 2014 - Deux X72500 Auvergne se croisent en Midi-Pyrénées sur la relation Clermont - Toulouse qui ne comprend qu'un seul aller-retour par jour. Alors que le temps de parcours en train n'est pas forcément mauvais par rapport à la voiture, l'absence d'offre discrédite le train... © transportrail
Bref, la Région Auvergne, autorité organisatrice des transports, n'a pas fait grand chose pour améliorer l'ouverture interrégionale affirmée comme essentielle par la Région Auvergne instance politique.
On notera qu'en comparaison, la SNCF s'attend à une occupation moyenne de 40 voyageurs par train sur l'unique aller-retour direct Lyon - Clermont Ferrand tracé en 2h11 / 2h13, avec 5 M€ de charges pour 900 000 € de recettes. Alors que le Président de la SNCF a récemment considéré que les trains avec moins de 90 occupants à bord n'avaient pas d'intérêt, il y a des questions à se poser...