21 septembre 2023

Prolongement de carrière pour une partie du parc TGV

Une étude du cabinet Trans-Missions vient bien confirmer l'importante contraction du nombre de rames à grande vitesse dans les effectifs de SNCF Voyageurs, passant de 482 à son apogée en 2012 à 376 à l'été 2023 soit une baisse de 22 %. Contrairement à ce qu'indique l'opérateur, le remplacement des rames à un niveau par des rames à deux niveaux, pas plus que la version Ouigo, n'a compensé la perte de capacité offerte. Elle n'a fait que l'amortir puisque le nombre de sièges est passé de 220 447 à 188 842, soit une diminution de 15 %. Bien évidemment, des trains plus capacitaires mais moins nombreux, cela joue forcément sur le nombre de circulations, la fréquence des dessertes. C'est quand même ce qui intéresse en premier le voyageur (qui se moque éperdument du nombre de places offertes dans la rame dans laquelle il embarque !).

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Moulins-en-Tonnerois - 27 juillet 2023 (ci-dessus) et 30 juillet 2023 (ci-dessous) - Les rames Duplex joueront les prolongations, du moins pour les premières, arrivées à la fin des années 1990. Il est encore prévu d'augmenter les effectifs de Ouigo. Ainsi, SNCF Voyageurs poursuit sa stratégie d'augmentation de capacité des trains et de réduction des fréquences au fil de l'eau... tout en segmentant son offre en deux produits strictement parallèles. © transportrail

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SNCF Voyageurs a décidé de prolonger la carrière d'une partie de son parc à grande vitesse avec une opération baptisée Botox. L'allusion à la chirurgie esthétique est laissée à l'appréciation de chacun... Pour la réaliser, 19 rames seront cannibalisées pour constituer un stock de pièces destinées à du renouvellement sélectif des composants et pour réaliser une rénovation des aménagements intérieurs. La majorité du parc devrait néanmoins être concernée par une opération relativement légère, principalement de confort, pour prolonger leur carrière de 2 à 6 ans. Certaines rames Duplex pourront circuler 10 ans de plus grâce à une opération plus lourde et à leurs caisses en aluminium tenant en principe mieux dans le temps.

En parallèle, 12 rames supplémentaires seront transformées en Ouigo, portant l'effectif à 50 rames.

Enfin, à ce stade, SNCF Voyageurs envisage de ne pas aller au-delà de 115 rames TGV-M, considérant que les orientations de l'Etat visant à faire financer l'augmentation des dotations de SNCF Réseau pour l'infrastructure pour une ponction supplémentaire sur les résultats de l'opérateur (qui atteint déjà 900 M€ par an) brideront ses capacités d'auto-financement.

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15 janvier 2023

De nouveaux opérateurs à grande vitesse en France ?

Deux entreprises ont été constituées de toutes pièces au cours des deux dernières années en ciblant des créneaux assez différents, tous deux à grande vitesse, mais confrontées toutes les deux à la nécessité de trouver du matériel roulant et surtout de le financer.

Le Train Voyage

La cible de ce premier opérateur potentiel est clairement l’utilisation de la LGV Sud Europe Atlantique. Elle a notifié des projets de service à l’Autorité de Régulation des Transports, posant de nombreuses questions concernant la compatibilité réelle de ces intentions avec la capacité du réseau (transportrail avait décortiqué ces demandes, avec des espacements à 2 minutes de certaines circulations demandées).

Certaines idées sont potentiellement intéressantes car elles viendraient proposer des relations qui n’existent pas aujourd’hui, ou les complétant. C’est par exemple le cas d’une liaison Bordeaux – Nantes / Rennes, au prix d’un rebroussement à Saint-Pierre-des-Corps puis à Angers pour la rame à destination de Rennes qui transiterait par le raccordement de Sablé. En revanche, une liaison La Rochelle – Poitiers – Bordeaux ne semble pas présenter d’intérêt, puisque le temps de trajet serait bien plus long que par la transversale Nantes – Bordeaux, même en l’état actuel.

Même réserve sur les parcours sur ligne classique entre Poitiers, Ruffec et Angoulême dont la justification apparaît incertaine : le coût d’une circulation de matériel à grande vitesse sur un parcours à 160 km/h de moins de 30 minutes, sur une mission de type régionale, semble tout de même dissuasif.

Le projet Le Train Voyage envisage une desserte fournie sur la section Bordeaux – Arcachon, ce qui pose évidemment la question de la cohabitation avec les autres circulations, à commencer par le service régional et le cadencement à la demi-heure de ce maillon essentiel du RER bordelais.

Kevin Speed

Au-delà de l’appellation atypique, l’objectif serait de développer des liaisons à grande vitesse économiques pour les « grands navetteurs » franciliens et des grandes métropoles. Pour ce futur candidat, l’élément déterminant est évidemment la capacité dans les grands nœuds ferroviaires et singulièrement à l’arrivée en Ile-de-France, mais aussi en ligne sur les tronçons centraux des LGV, et dans les gares visées pour les terminus de ces services. L’hypothèse d’origine-terminus dans les gares situées sur les LGV est plus que compromise puisqu’elle n’est pas prévue et semble difficilement réalisable.

Les relations visées devraient être annoncées dans le courant de l’année : Kevin Speed ayant été créée après Le Train Voyage, il n’y a pas encore de notification de projet de service auprès de l’Autorité de Régulation des Transports.

Le matériel roulant : un élément clé

Après consultation de 6 industriels, Le Train Voyage a annoncé à l’automne être entré en négociation exclusive avec un constructeur pour 10 rames de 350 places : il s'agirait de Talgo avec des rames Avril (comme les S-106 de la RENFE). L’autre point sensible, c’est évidemment le modèle économique du service, qui amènera probablement à reconsidérer une partie des intentions notifiées à l’ART, avec en point d’orgue la tarification de l’usage de la LGV SEA.

Un protocole d’exclusivité a été conclu par Kevin Speed avec un opérateur pour des rames aptes à 300 km/h, à un seul niveau, comprenant 14 portes par face. Il serait question d’un matériel plutôt capacitaire ciblant des trajets plutôt brefs. L’homologation est envisagée en 2026.

Il est souvent évoqué la position de la SNCF, qui ne met pas à disposition son matériel pour de nouveaux opérateurs. Outre une réglementation qui s’oppose à des cessions de matériels anciens encore potentiellement amiantés (sur des parties bien définies et déjà confinées), on peut s’interroger sur la cohérence de la revendication. Certes, la mise au rebut des rames Atlantique (sauf 28 rattrapées in extremis) et d’une partie des rames Réseau suscite un peu d’incompréhension, mais l’obsolescence des équipements informatiques embarqués n’est pas le moindre des éléments contrariants. En tout état de cause, rien n’oblige un exploitant à céder du matériel pour permettre à un autre de s’installer sur son marché. Le libéralisme a quand même quelques limites !

Il n’en reste pas moins qu’à ce jour, en Europe, une seule entreprise, Italo en Italie, a réussi à s’installer en partant de zéro – avec succès mais non sans mal – face à l’opérateur historique sur le marché de la grande vitesse.

En France, avec un opérateur historique qui, depuis plus de 15 ans, élague invariablement son offre, libérant de la capacité sur l’ensemble des lignes à grande vitesse (même sur Paris – Lyon !), il y a forcément de la place pour de nouveaux candidats à condition de bien choisir le(s) marché(s), de ne pas négliger les éléments invariants dans la construction de la stratégie commerciale, notamment ceux liés aux fonctionnalités du réseau, et donc d’avoir un projet commercial suffisamment solide pour attirer des investisseurs d’abord, des clients ensuite.

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24 septembre 2022

Grande vitesse : encore plus vite ?

C'était une question récurrente dans la presse grand public, et qui émaille les discussions finalement depuis les origines du chemin de fer : faut-il aller encore plus vite ? La présentation la semaine dernière de la première rame TGV-M a marqué une rupture puisqu'elle n'ira pas plus vite que les actuelles rames. Ses bénéfices sont ailleurs, sur l'investissement, la capacité, la modularité et l'empreinte énergétique et environnementale.

Des matériels aux ambitions de plus en plus marquées

Depuis les années 1990, en France, circuler à 300 km/h est devenu une performance banale. Les années 2000 ont encore relevé le plafond à 320 km/h et certains faisaient déjà des 360 km/h le prochain cap à atteindre. Très conquérant sur le marché européen, Trenitalia communique sur les 400 km/h accessibles avec les Frecciarossa 1000, alias ETR400. Talgo n’est pas en reste avec des rames prévues pour 330 km/h et la nouvelle génération Avril voudrait atteindre sinon dépasser les 350 km/h. Mais pour l’instant, il n’en est rien : même en Espagne où les lignes à grande vitesse réalisées depuis les années 2000 sont tracées pour 350 km/h, la vitesse de croisière est généralement de 300 km/h et les possibilités au-delà ne sont mises à profit que pour rattraper un retard et ne pas devoir indemniser les voyageurs. Alstom avait développé l'AGV dans la perspective de pratiquer les 350 km/h.

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Innotrans est évidemment le lieu pour observer l'évolution des tendances de l'industrie ferroviaire : voici les deux derniers exemples de matériel à grande vitesse exposés, mettant en avant une conception pour des performances plus élevées que celles des rames connues à ce jour. En 2008, Alstom exposait le démonstrateur de l'AGV et en 2014, le groupement Bombardier - Hitachi était venu avec un Zefiro italien. © transportrail

Le mirage des descendants de l'Aérotrain

Le débat sur la vitesse s'exprime aussi au travers de l'attrait toujours marqué des médias pour des concepts tels qu'Hyperloop ou SpaceTrain affichant des vitesses jusqu'à 1300 km/h. Pour le premier, le bail du site de Toulouse-Francazal a été résilié par la Métropole, qui a perdu près de 6 M€. Officiellement, la société Hyperloop TT lorgne sur un autre terrain du côté de Muret pour un tube expérimental de 10 km. Mais les collectivités ont été - enfin ! - refroidies. Compréhension rapide... mais il faut expliquer longtemps. Quant à SpaceTrain, le concept passe des pages technologiques à la chronique judiciaire, d'abord suite à une plainte pour non-versement de salaires et ensuite pour de fausses déclarations de chômage partiel pour bénéficier des aides de l'Etat, alors que certains salariés auraient continué à travailler... tandis que d'autres avaient déjà démissionné.

Et dès lors que Elon Musk lui-même a reconnu que le concept n'avait pour seul but de torpiller le projet de TGV en Californie, il n'est point besoin de s'étendre sur la questioN.

Comme un goût de pragmatisme

Ce plafonnement de la vitesse a plusieurs raisons d'ordre économique et liés pour partie aux choix de conception des lignes à grande vitesse en France, notamment le choix de la voie ballastée, la valeur de l'entraxe des voies et l'aérodynamique du matériel roulant. Ainsi, passer de 300 à 320 km/h entraîne déjà une augmentation des coûts de maintenance de 25 à 30% de l'infrastructure, et une consommation d'énergie plus importante. Nous y revenons par la suite. Autre élément à ne pas négliger, le bruit et les riverains, même si l'acceptabilité des lignes nouvelles n'a jamais été très élevée : tout le monde veut profiter du service, mais à condition qu'il passe loin de chez soi... pour critiquer ensuite une accessibilité difficile.

Du côté des gains, abordons d'abord quelques principes : il ne faut pas oublier que le système ferroviaire est fondé pour large partie sur des coûts fixes par paliers : c’est lorsque l’augmentation de la vitesse permet de faire la même offre avec moins de matériel ou une desserte accrue à iso-parc qu’apparaît le gain réel, sauf – évidemment – à concevoir des dessertes sur le seul critère de la rotation du matériel et à ne pas intégrer la structuration en horaire cadencé (comme Ouigo), mais en négligeant un peu la sensibilité du voyageur. Exemple : il faudrait pouvoir relier Paris à Lyon Perrache en 1h45 maximum au lieu de 2h08 pour gagner une rame dans une desserte cadencée à l'heure, à condition de généraliser de façon fiable des crochets aux terminus en 30 minutes. Qui plus est, le bénéfice d'une vitesse accrue ne vaut que sur de longs parcours sans arrêts : il est par exemple possible de tenir 1h48 sur Paris - Strasbourg sans pour autant dépasser 300 km/h.

Et dans l'absolu, on peut en profiter pour souligner un paradoxe français, qui ne lésine pas sur les investissements à quelques dizaines de millions d’euros par minute gagnée, mais qui ne s’offusque pas de voir une rame coûtant plus de 30 M€ circuler sur plusieurs kilomètres à 30 ou 40 km/h pour accéder aux grandes gares. Le temps gagné, c’est aussi celui qu’on ne perd pas… Avantage global pour le système ferroviaire, agir sur ces zones pour relever la vitesse à au moins 60 km/h ne bénéficierait pas qu'aux liaisons longue distance à grande vitesse, mais à tous les trains. « Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous ».

Conception de l'infrastructure : une autre limitation de la vitesse

Le classicisme dans la conception des lignes à grande vitesse française, essentiellement sur voie ballastée, tranche avec le recours à la voie sur dalle en béton dans la plupart des autres pays. C'est plus cher à la construction, mais plus économique en maintenance courante. La question ne se pose que pour le renouvellement, plus complexe. La voie sur dalle autorise, à rayon de courbe constant, des dévers accrus donc des vitesses légèrement supérieures, mais aussi une réduction de l’entraxe entre les voies, donc des emprises moins gourmandes en foncier. Une aérodynamique plus poussée du matériel, comme au Japon, permet des vitesses accrues.

Sur JR East, les rames du Shinkansen larges de 3,40 m (contre 2,89 m en France) peuvent circuler à 320 km/h avec un entraxe de 4,20 m comme celui de la LGV Sud-Est qui admet entre 270 et 300 km/h. En outre, les rames japonaises sont généralement encore plus légères : exemple avec la série E7 apte à 320 km/h, composée de 10 voitures dont 8 motorisées, développant 10 MW avec une masse de 453 tonnes réparties sur 40 essieux, soit 11,3 tonnes à l’essieu (à vide) et une puissance massique de 22 kW / t. Les rames Duplex Océane disposent d’une puissance massique légèrement supérieure (9280 kW pour 399 tonnes soit 23,3 kW / t), avec une motorisation concentrée sur les 8 essieux des 2 motrices, et une charge à l’essieu de 15,3 tonnes (à vide). Un écart non négligeable quant à la sollicitation de la voie, surtout sur plateforme ballastée. Le coût de maintenance supplémentaire entre 300 et 320 km/h a été évalué entre 20 et 30%.

L'aérodynamique joue aussi sur l'insertion des infrastructures et limite le recours aux murs anti-bruit, qui obèrent l'agrément de voyage en privant les voyageurs de la contemplation de certains paysages. Ceci dit, il y aussi le syndrome de la trumite, qui consiste à avoir des places assises borgnes, entre deux fenêtres...

La nouvelle génération de TGV français, développé par Alstom et SNCF Voyageurs, améliore son aérodynamique mais d’abord dans un souci de réduction de la consommation d’énergie : il n'est plus question d'une vitesse accrue, même si le profil en courbe, le dévers et l'entraxe des lignes réalisées depuis les années 1990 est compatible avec une vitesse théorique de 350 km/h, car l'ensemble des requis ne sont pas réunis.

Un peu de géographie pour finir

Enfin, rouler plus vite suppose de s'arrêter le moins souvent possible pour que le bénéfice soit réel, ce qui remettrait sur la table des discussions le lien entre la grande vitesse ferroviaire et le maillage du territoire. L'intérêt de pratiquer une vitesse plus élevée n'aurait de sens sur le plan commercial que pour de très longues distances entre deux gares, donc essentiellement sur des trajets au départ de Paris vers des destinations très éloignées. Le plus long parcours sans arrêt sur LGV reste Paris - Marseille, mais seule la partie au sud de Valence TGV dispose d'une vitesse de tracé de 350 km/h. Sur Paris - Bordeaux, trajet plus court, c'est après Tours que l'infrastructure est en théorie calibrée pour aller au-delà de 320 km/h. Reprendre l'entraxe des voies et rectifier certaines courbes est une option bien peu crédible au regard de l'investissement à consentir et du bénéfice réel.

Aussi, même dans une optique européenne, le bénéfice resterait modeste : sur un Paris - Barcelone, il faudrait, pour vraiment obtenir un gain de temps significatif, non seulement réduire le nombre d'arrêts desservis (par exemple Valence TGV), convertir CNM en LGV (le tracé le permet) au détriment du fret et avec l'épineuse question du choix entre les gares de Nîmes Pont du Gard et de Montpellier Sud de France et enfin réaliser LNMP en ligne à grande vitesse de bout en bout ce qui n'est pas le schéma retenu. Bref, beaucoup de conditions qui, à ce jour, rendent peu crédibles les perspectives de trains à plus de 320 km/h en France.

02 août 2022

Pouvoir, vouloir : question de terme

« On ne pourra pas tout faire » a déclaré le ministre délégué aux Transports dans un entretien au Journal du dimanche, dans lequel, sans surprise, il cite pêle-mêle les lignes nouvelles, le renouvellement du réseau, sa modernisation et l’avenir des lignes de desserte fine du territoire. On sait comment cela se termine mais attend un état des lieux du réseau. Il est assurément dans son bureau car une certaine Elisabeth Borne l’avait demandé en 2017 quand elle était arrivée à ce poste. Depuis, SNCF Réseau transmet une mise à jour annuelle de ce document.

Le nouveau ministre se distingue par un bel impair, considérant que l'actuel contrat Etat - SNCF Réseau permet de stopper le vieillissement de l'infrastructure : il n'y guère que lui (et ceux qui ont rédigé et signé le contrat) pour le croire.

Pour le rail, on réfléchit. Comme d’habitude.

Pour la route en revanche, l’automobiliste est de plus en plus choyé. La remise de 18 centimes sur le prix des carburants va passer à 30 centimes en septembre-octobre avant de revenir à 10 centimes à partir de novembre. Le même ministre délégué demande aux concessions autoroutières de ne pas répercuter toute l’inflation sur le prix des péages et aux raffineurs de faire des efforts pour réduire leur marge et abaisser encore un peu plus le prix des carburants.

Pour la route, on ne compte plus les largesses de l’Etat… et on n’évoquera pas les multiples projets de voies rapides et autres autoroutes, sempiternellement justifiés par le « maillon manquant du désenclavement ».

En revanche, les signaux en faveur de l’usage du train se font toujours attendre :

  • Depuis combien de temps est réclamé l’abaissement de la TVA à 5,5% sur tous les transports publics, conventionnés ou librement organisés ? La France n'a pratiqué aucune politique d'incitation à l'usage du train ;
  • Cet été, la SNCF se réjouit d’une demande très forte, qui lui assure un remplissage d’autant plus élevé de ses trains qu’elle n’a pas rétabli l’intégralité du service de référence (il manque 10 à 20% d’offres selon les axes), et une marge accrue du fait de la hausse des tarifs, qui semble cette fois-ci bien réelle, alors qu’une comparaison entre l’hiver 2021 et l’hiver 2022 n’avait guère de sens car le début d’année 2021 était marqué par un trafic faible en sortie de restrictions pandémiques ;
  • L’Etat semble toujours passif quant à son rôle sur l’offre longue distance, soit en tant qu’autorité organisatrice, soit en tant qu’actionnaire unique de l’opérateur…
  • Quant à la gestion de l'infrastructure, il sera difficile d'enterrer les promesses électorales sur les grands projets, mais plusieurs voix semblent mettre la situation du chemin de fer en France où chaque euro supplémentaire est âprement contesté, alors que la facture des Jeux Olympiques de 2024 devrait fortement s'alourdir sans manifestement susciter quelque interrogation que ce soit...

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27 octobre 2021

Comment financer les TET ?

L'Assemblée Nationale a adopté une mesure fiscale dans le domaine ferroviaire, conduisant à supprimer en 2022 la Cotisation de Solidarité entre les Territoires et en 2023 la Taxe sur le Résultat des Entreprises Ferroviaires. Acquittées notamment par les activités librement organisées de la SNCF (en clair, les TGV), elles contribuaient à financer la convention sur les Trains d'Equilibre du Territoire. Bref, une forme de péréquation indirecte allant de la SNCF à la SNCF via le ministère des Finances. Avec l'ouverture du marché intérieur et l'arrivée potentielle de nouveaux opérateurs, il devenait naturellement inéquitable de ne faire supporter cette taxe qu'à la seule entreprise historique, et manifestement, sa généralisation à l'ensemble des entreprises n'était pas évidente, ne serait-ce que parce qu'elle aurait été immédiatement perçue comme une barrière à l'ouverture du marché.

Cette mesure représente pour les TGV une économie de 200 M€ qui devrait redonner un peu d'air à cette activité : la SNCF annonce qu'elle devrait passer le rythme d'acquisition de la nouvelle génération de rames de 9 à 12 unités par an. En revanche, il va falloir assurer une continuité de financement pour les TET, puisque manifestement l'Etat campe sur cette distinction et sur un périmètre restreint, ce qui revient à poser la question déjà exprimée par transportrail en particulier s'agissant de liaisons province-province : l'offre longue distance sur le territoire français ne doit-elle dépendre que d'activités librement organisées par un ou plusieurs opérateurs ou doit-il y avoir une organisation définie par la puissance publique, avec une contribution financière de base ? Celle-ci pourrait être considérée comme un soutien à la réduction de l'empreinte environnementale des déplacements : ce serait un signal plutôt favorable, qui pourrait avoir pour conséquence d'inciter les opérateurs à pratiquer une offre plus consistante. 

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Avignonet - 24 septembre 2021 - La rame Duplex 761 assure un TGV Lyon - Toulouse, exploité aux risques et périls par SNCF Voyageurs. Pourtant, l'Etat envisage de créer des TET conventionnés sur le même parcours (avec pour seule différence la desserte d'Avignon). La BB26006 avec une rame de récupération est en tête d'un Marseille - Bordeaux (alors dévié par CNM suite aux inondations du côté de Lunel), qui est aujourd'hui une desserte TET conventionnée... mais qu'en serait-il si elle était exploitée à grande vitesse, ce qui est possible en théorie dès à présent, en transitant par la LN5 (donc en desservant Aix en Provence et Avignon) ? Plus que jamais, il va falloir que l'Etat construise une politique cohérente de desserte nationale, mais l'agenda politique ne semble guère favorable. © transportrail

Si la réponse n'est probablement pas dans un conventionnement intégral (comprenez « tous des TET »), du moins y aurait-il matière à envisager les différentes situations ne serait-ce qu'en Europe. Si les franchises à l'anglaise ne semblent pas les plus appropriées, ne serait-ce qu'au regard des récentes décisions du gouvernement britannique, on pensera en revanche au modèle espagnol, pris sous un angle capacitaire et fondé sur un équilibre entre des destinations à fort trafic et des liaisons au bilan économique plus modeste, voire déficitaire. Cependant, ce schéma suppose un renforcement de l'organisation, soit au sein du ministère des Transports, soit en confiant cette responsabilité au gestionnaire d'infrastructures, ce qui est le cas en Espagne, les appels d'offres ayant été pilotés par ADIF. Mais pour cela, il faudrait construire une stratégie de desserte du territoire.

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22 septembre 2021

40 ans du TGV : la maturité à grande vitesse

Le 22 septembre 1981, le Président de la République inaugurait la grande vitesse ferroviaire française avec la première section de la LGV Paris – Lyon et les rames TGV Sud-Est. C’était probablement l’événement ferroviaire le plus marquant de l’histoire de la technique ferroviaire en France depuis l’après-guerre. Il ne s’agissait pas de créer un nouveau train, mais bien de créer un couple entre une infrastructure et un matériel roulant, mais sans pour autant aboutir à un isolat, comme ne l’était le projet de l’aérotrain, ou comme l’est le Shinkansen japonais (à l’écartement standard des rails contrairement au réseau historique). Cette capacité à diffuser les effets de la grande vitesse au-delà des infrastructures nouvelles allait faire sa force et sa réussite.

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Lyon Perrache - 27 septembre 1981 - Premier jour de circulation commerciale. La rame 13 se met à quai avant de remonter à Paris, en 2h40 et à 260 km/h. Outre la vitesse, c'est bien l'allure totalement nouvelle de ce train qui suscita la curiosité... et contribua au succès commercial du TGV. © D. Simon

L’autre atout de la grande vitesse ferroviaire française résidait dans l’addition d’une série de progrès dans la traction, l’alimentation électrique, la signalisation, sur un ensemble voie-plateforme très – et peut-être trop ? – classique. Bref, vraiment du « train à grande vitesse », tirant le meilleur profit de l’expertise ferroviaire accumulée depuis les années 1950.

L’allure du TGV, ce train pas comme les autres, allait aussi faire sa notoriété, avec cette livrée orange, symbole de la puissance d’un train « dans son temps ».

La réussite technique est évidemment indiscutable, au même niveau qu’un autre projet lancé un peu plus tôt : la fusée Ariane. Si la grande vitesse a été ensuite développée en Europe (Allemagne, Italie, Espagne, Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni) et bien évidemment au Japon, la Chine est aujourd’hui loin devant avec plus de 38 000 km de lignes aptes à la grande vitesse. La Corée du Sud et le Maroc restent à ce jour les seuls cas d’exportation hors du continent européen du TGV français.

Aujourd’hui, le « toujours plus vite » a cédé la place à d’autres attentes économiques et énergétiques. Déjà, la rame Duplex avait réussi le tour de force d’augmenter la capacité d’emport tout en restant dans la limite des 17 tonnes à l’essieu. Désormais, il faut aller encore plus loin dans l’optimisation : c’est un des enjeux de la nouvelle génération de rames, qui arrivera à partir de 2024, plus capacitaire, plus modulaire et surtout plus économe en énergie.

40 ans TGV records

Villeneuve Saint Georges - 18 septembre 2021 - Un anniversaire coïncidant avec les traditionnelles Journées du Patrimoine : les 3 bêtes de concours sont côte à côte : la rame 16 (380 km/h le 26 février 1981), la rame 325 (482,4 km/h le 5 décembre 1989 et 515,3 km/h le 18 mai 1990) et la rame 4402, titulaire toujours pas détrônée avec 574,8 km/h le 3 avril 2007. (cliché SNCF)

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Au cours des Journées du Patrimoine, les manifestations pour les 40 ans du TGV (au demeurant plutôt modestes), ont permis au grand public de découvrir la maquette grandeur nature du nouveau nez, plus profilé, de la nouvelle génération de rames. © transportrail

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Les premières esquisses de sièges. A gauche, la seconde classe semble marquer un recul vers une prestation assez proche des actuels Ouigo. A droite, la première classe se veut un peu plus cossue, mais avec une apparence moindre (notamment la tablette et les accoudoirs) que les actuelles rames Océane. Mais ce ne sont que des prototypes. © transportrail

La grande vitesse ferroviaire en France, c’est aussi quand même un paradoxe : au prix de la minute gagnée, la situation de nombreuses gares tête de ligne, à Paris (sauf à la gare du Nord) mais aussi les nœuds ferroviaires des grandes métropoles ont été insuffisamment adaptés à l’évolution des performances du matériel roulant : tant de gares sont encore limitées à 30 ou 40 km/h sur plusieurs centaines de mètres, voire plusieurs kilomètres, du fait de plans de voie obsolètes ou – pire – renouvelés à l’identique.

Il y a aussi une question territoriale, qui a émaillé ces 40 années : si la technique du TGV lui permet de desservir des villes au-delà des infrastructures nouvelles, le principe « avion sur rails » n’a pas profité aux territoires qui ne sont que traversés par ces lignes. Symbole : des gares nouvelles situées parfois à portée de main d’infrastructures existantes en activité, mais sans connexion (Le Creusot, Mâcon, Vendôme, Haute Picardie, Louvigny).

Et naturellement, ce débat entre les moyens alloués au développement du réseau à grande vitesse et ceux destinés au réseau préexistant : la consistance du maillage en a été affecté, la performance aussi, et comme les petits ruisseaux qui font les grandes rivières, la dynamique économique de la grande vitesse ferroviaire en France suppose indiscutablement des correspondances de qualité y compris hors des grands pôles urbains.

A l’heure où l’Etat semble prendre le contrepied de sa propre position de juillet 2017 en multipliant les annonces sur de nouveaux grands projets, il serait utile de tirer les leçons du passé car au fil du temps, l’insuffisance de financement du réseau ferroviaire remonte des lignes de desserte fine du territoire vers des lignes de moins en moins anodines...

21 juin 2021

Organiser le report de l'avion sur le train

C'est le sujet de l'étude réalisée par le Réseau Action Climat, confiée à Egis Rail. Elle a porté sur les 23 liaisons aériennes intérieures dont le trajet en train dure moins de 4 heures, aux 14 liaisons pour lesquels le trajet en train dure 4 à 5 heures maus aussi à la liaison Paris - Nice, au-delà de 5 heures mais aujourd'hui la plus émettrice de gaz à effet de serre.

Il est évident que le seuil actuel de la Loi Climat et Résilience est trop bas : à 2h30, une poignée de liaisons sont concernées et le train est en situation largement dominante grâce au TGV. Le dossier de transportrail sur le rôle du train et de l'avion proposait un seuil à 3h30 fondée sur la réalité commerciale : le train est encore plus que majoritaire avec ce temps de parcours, intégrant par exemple les liaisons depuis Paris vers Montpellier et Marseille, mais aussi depuis Lyon vers Lille et Strasbourg.

Certains chiffres de cette étude sont intéressants et donnent matière à relativiser le rôle de certains aéroports : si on dénombre 8812 voyageurs aériens par jour sur la liaison Paris - Toulouse, ils ne sont que 160 à Lorient, 135 à Brive et 30 à Limoges. Certaines transversales connaissent un usage anecdotique : moins de 20 voyageurs au départ de Bordeaux vers Rennes, Strasbourg et Montpellier.

La conclusion de l'étude confirme la capacité opérationnelle du mode ferroviaire à absorber le report du trafic actuellement par voie aérienne, généralement à infrastructures constantes, moyennant quelques circulations supplémentaires et l'augmentation de capacité des trains. Du point de vue de transportrail, ce propos doit être précisé et nuancé :

  • sur certaines liaisons, le basculement vers le train nécessitera des investissements pour compléter le réseau à grande vitesse : sur Paris - Toulouse par exemple, même si la LGV SEA a fait progresser l'usage du train, la réalisation de la ligne nouvelle Bordeaux - Toulouse sera quand même l'étincelle qui devrait provoquer un effet similaire à celui de la LGV Méditerranée (qui vient d'avoir 20 ans) sur les liaisons vers Marseille, Nîmes et Montpellier ;
  • augmenter la capacité des trains, notamment avec les rames Duplex et la nouvelle génération de TGV est évidemment un facteur intéressant, mais il ne faut pas négliger le rôle de la fréquence dans la commodité d'usage et l'attractivité du train : le voyageur est généralement peu intéressé par le nombre de sièges dans la rame, mais s'avère sensible - outre au prix - à la régularité de l'offre dans la journée. Or de ce point de vue, la quasi-généralisation des Duplex et l'essor de Ouigo, principalement en remplacement de liaisons Intersecteurs, ont eu des effets contrariants sur la fréquence et la rémanence de l'offre tout au long de la journée.

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Bordeaux Saint Jean - 3 juillet 2020 - La mise en service de la LGV Sud Europe Atlantique et une offre conséquente ont nettement modifié l'équilibre entre le train et l'avion au départ de Bordeaux... mais surtout vers Paris pour le moment. Les liaisons vers les autres métropoles attendent une amélioration de la consistance des dessertes. © transportrail

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Saint Malo - 13 septembre 2020 - La diffusion de la grande vitesse par le réseau classique pose aussi la question de certains aéroports d'intérêt local. La plupat des sites régionaux ne survivent qu'à coups de subventions pour un trafic réel des plus limités. La Bretagne devra par exemple faire des choix, puisque la LGV Bretagne Pays de la Loire a mis par exemple la pointe du Finistère à moins de 3h30... et Saint Malo à un peu plus de 2 heures. © transportrail

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Marseille Saint Charles - 15 février 2014 - Depuis 20 ans, le TGV affiche une part de marché de 80% sur la liaison Marseille - Paris. La cité phocéenne bénéficie aussi d'un bon éventail de liaisons vers les métropoles (Lyon évidemment, mais aussi Nantes, Rennes, Strasbourg, Lille) qui méritent d'être (re-)développées. La transversale sud semble devenir une priorité nationale... © transportrail

Il apparaît aussi dans cette étude, une fois de plus, que le train de nuit peut être une solution parfaitement complémentaire aux TGV pour amplifier cette stratégie de report modal, et qu'il sera nécessaire de renforcer la coordination des offres. Elle passera tout particulièrement par le renforcement des liaisons Intersecteurs qui desservent Roissy, mais aussi par une réflexion plus large, ce qui conforterait le projet de transformation de la gare de Pont de Rungis pour la desserte de l'aéroport d'Orly, mais aussi pour la desserte d'autres aéroports. Ce sera le cas à Nice avec la nouvelle gare longue distance de Saint Augustin, complétant Nice Ville. Mais on pourrait aussi élargir la réflexion à d'autres aéroports chez nos voisins, dont la chalandise va bien au-delà des frontières nationales. Si l'accès à Genève-Cointrin depuis la France n'est pas aisé, on pensera en revanche à Francfort et Zurich. Mais évidemment, il faudra aussi une cohérence des services entre le train et l'avion. En Allemagne, la coopération semble franchir un palier supplémentaire.

Et si on le faisait aussi en France ? Un peu d'ordre et de méthode, une dose de cohérence en guise d'ingrédients avec l'indispensable coordination entre les besoins de déplacement, le service et l'infrastructure... et un effet de ciseau par un raisonnement multimodal entre la consistance de l'offre ferroviaire (nombre et panel de destinations, temps de parcours, qualité de service, régularité) et le rôle du transport aérien. Sur le papier, rien de bien compliqué... si ce n'est une constance de l'action publique... et un subtil équilibre entre volontarisme et pragmatisme.

29 mars 2021

La Cour des Comptes s'inquiète pour la SNCF

C'est quand même assez rare pour être souligné et à transportrail, on a déjà eu l'occasion d'observer une propension au grand écart des Sages de la rue Cambon en matière ferroviaire, avec des analyses à la pertinence assez inégale. Et cette fois-ci, il y a tout lieu de considérer que le chapitre du rapport annuel 2021 intitulé SNCF : mobilisation réussie mais un modèle fragilisé pourrait se situer du bon côté de la barrière.

Outre son titre qui souligne que la SNCF a globalement réussi à tenir le cap dans la crise sanitaire en dépit d'obstacles de tous ordres, la Cour s'inquiète de la situation du groupe ferroviaire dans les prochains mois et prochaines années. En 2020, l'excédent brut avant impôts, taxes et amortissements (Ebitda si vous êtes rompus aux finances), a plongé à -5 MM€.

Le rapport s'inquiète à plusieurs titres, et pas seulement financiers :

  • le spectre d'une SNCF qui continue de s'endetter, alors que l'Etat s'est engagé à reprendre 35 MM€ de dette historique dans la réforme ferroviaire de 2018 ;
  • les 4,05 MM€ de recapitalisation annoncés par l'Etat dans le plan de relance ne concernent que SNCF Réseau, essentiellement pour couvrir des dépenses identifiées mais démunies de ressources, et donc absolument pas pour financer les investissements de modernisation nécessaires du réseau ferroviaire ;
  • les efforts de productivité demandés à SNCF Réseau vont peut-être au-delà de sa capacité réelle de restructuration et ne sont en aucun cas suffisants pour couvrir les besoins de modernisation ;
  • la situation de SNCF Réseau est aussi fragilisée par la diminution des recettes liées aux circulations (-1,11 MM€ en 2020) ;
  • SNCF Voyageurs a pu résister grâce au concours des activités subventionnées, notamment les TER et Transilien, mais la chute du trafic est forte, le rythme du retour est incertain car les évolutions de comportements de la population pourraient laisser des traces : aussi, les autorités organisatrices doivent être soutenues et donc bénéficier de la compensation des coûts induits par la crise sanitaire, car les impacts pourraient être assez durables et on n'en connaît pas encore totalement la vigueur ;
  • la situation des activités commerciales de SNCF Voyageurs, et donc du TGV, devient dans ce contexte particulièrement préoccupante puisque l'exploitant ne pourra pas rétablir un niveau de desserte tel que celui d'avant le 16 mars 2020 si la clientèle ne revient pas (surtout si elle en est empêchée...) : pour la Cour des Comptes, une activité TGV structurellement déficitaire ferait courir le risque d'un effondrement du financement du système ferroviaire français.

On retient donc de ce rapport qu'il pointe assez clairement les responsabilités de l'Etat, ce que la réponse du Premier Ministre ne semble pas apprécier. La critique d'un Contrat de Performance (du moins qualifié comme tel...) conçu dans l'unique objectif de limiter les engagements de l'Etat au financement du réseau ferroviaire tombe au bon moment, même si elle ne doit irriter nombre d'oreilles ministérielles. La relance de l'activité ne pourra faire l'économie de puissants investissements publics et ce principe d'inspiration keynesienne ne semble guère être contredit. Ce serait l'occasion pour l'Etat de rattraper le retard ferroviaire français. Cela tombe bien, la loi Climat et Résilience a débuté son cycle parlementaire. Malheureusement, elle est d'une déprimante pauvreté en la matière. L'Etat n'arrive toujours pas à considérer le chemin de fer comme une industrie et non comme une administration... alors qu'il a imposé le passage en Société Anonyme dans la dernière réforme.

On savait de longue date qu'il y avait urgence sur les infrastructures. Il y a aussi un sujet de fond, plus complexe, sur les dessertes, et pour l'instant, Etat et SNCF Voyageurs semblent jouer leur propre partition mais sans vision d'ensemble, il est vrai plus difficile à établir avec malgré tout l'ouverture du marché intérieur. 

26 février 2021

Il y a 40 ans, le premier record du TGV

Joyeux anniversaire : il y a 40 ans, le 26 février 1981, la rame TGV PSE n°16 bat le record du monde de vitesse sur rails de mars 1955 en atteignant 380 km/h entre Saulieu et Avallon. Elle se payait le luxe de faire l'ouverture des journaux de 20 heures sur TF1 et Antenne 2, dans une actualité pourtant chargée, notamment après la tentative de putsch militaire en Espagne.

Pour le grand public, le TGV passait véritablement de l'objet de recherche à quelque chose de bien plus réel, d'autant que certaines rames avaient commencé à circuler sur des rapides entre Paris et Lyon pour tester à 160 km/h les réactions des voyageurs habitués aux voitures TEE Mistral 69 et aux Corail alors toutes récentes. L'inauguration eut lieu le 22 septembre suivant.

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07 décembre 2020

VGE et le TGV : une certaine ambiguïté

Le décès de l'ancien Président de la République Valéry Giscard d'Estaing a été l'occasion ces derniers jours d'évoquer le TGV, construit durant sa présidence. Cependant, il convient de rétablir quelques repères historiques.

Au début des années 1970, il faisait partie des opposants au projet : ministre des Finances sous les gouvernements de MM. Chaban-Delmas et Messmer, il demandait à la SNCF de s'occuper de son déficit avant de se lancer dans des projets jugés ruineux. Il rejoignait évidemment Air Inter, l'influent Marcel Dassault ou encore la Chambre de Commerce et d'Industrie de Lyon et - plus surprenant - la DATAR (Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale). Pourtant, le rapport Coquand (en 1971) et Le Vert (en 1973), confirmaient l'intérêt économique du TGV, projet de transport le plus rentable de tous ceux élaborés depuis 1945. L'influence de Jean Bertin sur le ministère des Finances et celui de l'Equipement était réelle et se traduisait aussi par une petite mesquinerie ferroviaire : il fut interdit au TGV001 de battre le record du monde de vitesse de 1955 (il se limita à 318 km/h)...

Le projet de liaison à grande vitesse entre Paris et Lyon fut inscrit au Conseil Interministériel du 5 mars 1974 puis au Conseil des Ministres du 6 mars 1974, l'un des derniers présidé par Georges Pompidou, dont l'état de santé n'était plus un mystère que pour ceux qui ne voulaient plus le voir, sous l'action influente de la SNCF qui craignait d'une victoire de VGE ne relègue le TGV aux oubliettes. A l'époque, la star, c'était l'aérotrain. Après son élection, VGE tenta de reprendre le dossier pour l'enterrer (comme il le fit d'ailleurs pour le RER). Jacques Chirac, alors à Matignon (mais ça n'allait pas durer !), valida le 12 février 1976 le marché relatif à l'acquistion des rames TGV en traction électrique et signa le 23 mars 1976 la déclaration d'utilité publique du projet Paris - Sud-Est. 

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