Normandie : grogne sur la qualité de service
Une fois de plus, une Région met sur la place publique ses critiques à l'égard de la SNCF sur la qualité du service aux voyageurs. La Région Haute Normandie, régulièrement sollicitée par les associations de voyageurs, monte au créneau et demande un redressement de la situation de la part de l'entreprise sur les relations TER et Intercités. Sans même parler de la propreté des trains, la régularité est sans surprise la première pointée du doigt et les statistiques officielles sont de plus en plus mises en doute par les voyageurs qui organisent une collecte d'information et produisent leurs propres chiffres, systématiquement inférieurs à ceux de l'opérateur. Autre élément mis en exergue, la capacité des trains et plus précisément le respect des compositions. Nombre de trains assurés en rame Corail circulent avec 8 ou 9 voitures au lieu de 10. Les TER2Nng se retrouvent parfois en unité simple au lieu d'une double rame. Conséquence, des voyageurs debout, entassés, jusque dans les toilettes et - pour les Corail - dans l'ancien fourgon à bagages de la voiture pilote et des interrogations sur la réalité de la primauté à la sécurité.
Même chose en Basse Normandie sur la liaison Paris - Caen - Cherbourg, où le déficit de capacité est chronique, accentué par une corrélation insuffisante entre le nombre de billets vendus et la capacité réelle des trains. Conséquence, il n'est pas rare de voir des voyageurs avec réservation en 1ère classe se retrouver assis... dans les toilettes. Comment peut-on imaginer que le système de vente de billets ne puisse pas être automatiquement plafonné au-delà de la capacité nominale du train ?
Compte tenu de la "captivité" de la clientèle, essentiellement des domicile-travail, et de la saturation de l'A13, la SNCF n'est pas forcément tentée de s'investir pour proposer des conditions de transport décentes. La communication de l'opérateur est bien rodée et la direction annonce que tout rentrera dans l'ordre au 15 décembre, au changement de service. On explique aussi à la SNCF que les Régions ne voulant pas généraliser la réservation, il lui est impossible de prévoir la demande réelle. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, quand on faisait du chemin de fer avant d'être prestataire de mobilités, les trains de dédoublement étaient fréquents en fin de semaine. En outre, le système de vente actuel permet de flécher un billet sur un train pour connaître son occupation. Nul besoin d'aller vers la réservation obligatoire payante façon "Téoz" pour améliorer la situation.
La Région et les usagers jugeront sur pièces. La première envisage des sanctions financières dans la convention TER. Les seconds organisent régulièrement une grève des titres de transport.
Du fret de voyageurs ?
Le trafic fret se porte bien en France. Non, transportrail n'a pas perdu la tête : le trafic fret va bien, dès lors qu'il s'agit de transporter des voyageurs.
Deux exemples, pris avec 18 mois d'écart. Deux exemples parmi tant d'autres (si vous avez des expériences, n'hésitez pas à nous en faire part en commentaire), mais pris avec suffisamment de distances temporelle et géographique pour contrebalancer les discours éculés sur la priorité accordée aux transports de proximité et à la satisfaction du voyageur.
Samedi 7 juillet 2012 : thrombose à Orléans
Parti à 15h27 de Paris Austerlitz, l'Intercités 14053 arrive à son terminus d'Orléans à 16h38 avec 6 minutes de retard. Le train est formé de 11 voitures Corail. Les voyageurs à destination du val de Loire (Blois et Tours) doivent changer de train, depuis que la desserte Aqualys directe a été sacrifiée sur l'autel du cadencement et de la productivité du parc Intercités. Heureusement, le TER 16825 - départ théorique 16h40 - assure la correspondance.
Orléans - 7 juillet 2012 - L'Intercités 14052 arrive à son terminus mais n'ira pas jusqu'aux heurtoirs : le carré à quai imposera aux voyageurs une trentaine de mètres à pied... © transportrail
Malheureusement, l'Intercités s'arrête à 40 m du heurtoir, obligeant les voyageurs à parcourir cette distance à pied, allongeant le délai de la correspondance qui n'est pas prévue "même quai en face".
Comme un malheur n'arrive jamais seul, le 16825 est assuré par une Z21500 offrant 220 places alors que plus de 500 personnes souhaitent l'emprunter. Contractuellement, la SNCF est tenue d'adapter la composition des trains à la fréquentation observée ou prévisible. Un samedi de départ en vacances peut entrer dans la catégorie des fortes affluences prévisibles. Pas à la SNCF manifestement.
Orléans - 7 juillet 2012 - Le TER 16825 assuré en Z21500 n'offre que 220 places pour "accueillir" 3 fois plus de monde. Finalement l'Interloire 60007 (à droite) assurera l'appoint, ou comment démontrer les carences d'un exploitant "de référence mondiale" ... © transportrail
Les voyageurs s'empilant dans l'automotrice pendant que les hauts-parleurs leur demandaient de ne pas gêner la fermeture des portes devant des agents de gare goguenards et méprisants à l'égard des clients faisant remarquer l'absurdité de la situation. Pour la SNCF, la faute vient de l'autre : du voyageur (pourquoi ne prend-il pas sa voiture ?), de la Région (qui pourrit la vie de l'exploitant à demander un minimum de service), de RFF (c'est le démantèlement du service public).
Au final, la police monte à bord du train chargé comme un RER un jour de grève et le 16825 quitte Orléans avec 20 minutes de retard, mettant ainsi en retard l'Interloire 60007 pour Le Croisic contraint à effectuer des arrêts supplémentaires pour éponger le surplus de voyageurs qui n'a pas pu prendre place dans le 16825.
La correspondance systématique à Orléans avait été présentée par la SNCF comme une amélioration de la régularité. Or étant donné que le TER Orléans - Tours doit attendre les Intercités Paris - Orléans, l'un est forcément dépendant de l'autre... et réciproquement. Aussi, l'ancienne exploitation Paris - Orléans - Tours n'était pas plus irrégulière, ni moins rapide puisque le stationnement de 10 minutes a été remplacé par une correspondance en 12 minutes ! Du moins évitait-elle aux voyageurs allant au-delà d'Orléans de changer de train. Surtout, la capacité offerte entre Paris et Tours était constante évitant tout risque capacitaire. L'art du "progrès régressif".
21 avril 2014 : Montélimar s'emmêle les nougats
Lundi de Pâques en Provence : il ne faut pas être devin pour envisager le niveau de fréquentation de la deuxième gare de la Drôme pour un retour de week-end pascal. Sur le quai pour Lyon et Paris, pas moins de 800 personnes attendent qui leur TER pour Lyon, qui leur TGV pour Paris.
Lorsque le TER 17718 Marseille - Lyon Part Dieu se présente à 17h18, il affiche déjà 8 minutes de retard à l'horaire. Il est composé de 7 voitures Corail dont une de 1ère classe et 6 de 2nde classe. Dans ces 6 voitures, on compte évidemment la voiture pilote B5uhx, comprenant un espace UFR, mais aussi 2 B7uh elles aussi équipées pour les UFR. Au final, 3 voitures UFR soit la bagatelle d'une soixantaine de places assises perdues.
Outre le fait que la capacité résiduelle du train, quasi nulle, se retrouve de fait notoirement inférieure au nombre de montants (au bas mot 300), le stationnement se prolonge et dure finalement 10 minutes, mettant en retard un TER de renfort Pierrelatte - Mâcon assuré en UM TER2N (Z23500 + Z24500) à peine suffisant pour éponger le flux.
L'usager moyen se pose trois questions : pourquoi ne pas prévoir l'affluence (surtout un lundi de Pâques) en allongeant la rame ? Ce ne sont pas les voitures Corail qui manquent ! Pourquoi se retrouver avec des voitures de faible capacité (les B7uh) obligeant les voyageurs à rester debout pendant au bas mot 1h30 ? Pourquoi s'évertuer à faire entrer tous les voyageurs dans le premier train sachant que le renfort suit derrière à faible distance ? Au final, pourquoi ne pas s'occuper de transporter des voyageurs dans des conditions décentes ?
Conclusion : ces deux exemples illustrent les faiblesses (pour rester poli) d'un exploitant dont les actes sont en complet déphasage par rapport aux discours et dont la passivité face à ces situations trahit dans le meilleur des cas une impuissance et dans le pire une stratégie de dissuasion.
Si on voit bien où est la notion de sévice au public, on cherche le concept de service public au travers de ces deux situations :
- une offre inadaptée aux besoins, tant en quantité qu'en qualité : ne parlons même pas de l'état de crasse des voitures Corail
- une gestion calamiteuse des correspondances
- un personnel dépassé au comportement inacceptable à l'égard de clients
- des retards en cascade sur les trains en aval
La régression ne valant que si elle est partagée pas tous, alors oui le fret se porte bien à la SNCF... le fret de voyageurs bien évidemment. Combien seront-ils à privilégier l'automobile lors de leur prochain déplacement, grâce aux sites de covoiturage ?
La SNCF tente l'apaisement avec les Régions
La SNCF tente d'apaiser les mouvements d'humeur de nombre de Présidents de conseils régionaux qui depuis plusieurs mois, haussent le ton sur la qualité de service de l'opérateur ferroviaire sur les TER et sur les factures sans cesse croissantes qui sont présentées, avec parfois des taux d'inflation à offre constante approchant les 9%.
Le nouveau directeur Proximités de la SNCF n'est autre que l'ancien Président de la Région Haute Normandie : une stratégie étonnante et un discours qui est martelé : "s'il y a quelques raisons de protester, il y a un bruit de fond injuste". Et la SNCF de jouer encore une fois l'autruche en se bornant à aligner des statistiques de régularité qui, pour la plupart, sont inférieures aux objectifs contractuels définis avec les Régions. Faut-il en outre rappeler que ces chiffres ne prennent pas en compte les trains qui n'ont pas circulé, représentant parfois jusqu'à 15% de l'offre journalière ?
Pour donner des signes positifs, la SNCF annonce une réorganisation de la maintenance de l'ensemble des flottes TER, afin d'augmenter la productivité des technicentres d'environ 12% en 5 ans, en tirant profit de l'expérience menée sur la mini-flotte TGV Ouigo, qui, à défaut d'augmenter la part de marché du rail, constitue un laboratoire d'évolution des méthodes de travail. Elle prépare également un renforcement net de l'autorité des directeurs TER dans chaque Région et une plus grande transparence des comptes, Région par Région... mais exclut de présenter des chiffres à la baisse malgré les efforts de productivité.
Enfin, la SNCF conteste toujours l'audit réalisé par la Région Lorraine qui concluait à 25 M€ de coûts non justifiés sur une facture annuelle de 165 M€...
Conclusion : des annonces sans surprise, destinées à réagir à chaud plutôt qu'à agir véritablement sur le fond : les suppressions de train, les compositions de train non respectées, la cause "exploitant" des retards, l'information des clients et la justification des coûts dans une période de forte tension budgétaire qui amènera à des coupes sombres si la SNCF ne se met pas au diapason des capacités financières des Régions qui constituent aujourd'hui sa principale source de bénéfices... un comble !
Régions : un manifeste pour le ferroviaire
L'Association des Régions de France a publié son manifeste pour le renouveau du système ferroviaire. Les autorités organisatrices se montrent prudentes sur la question de l'ouverture à la concurrence considérant qu'il ne faut rien modifier avant l'échéance de 2019. Néanmoins, dans Les Echos, son Président se montre extrêmement critique à l'égard du comportement de la SNCF.
Il souligne que les coûts d'exploitation de l'opérateur ont augmenté de 90% en 12 ans soit 4 fois plus vite que l'évolution de l'offre. Alain Rousset demande où sont passées les promesses d'amélioration de la productivité, c'est à dire de la saine utilisation de l'argent du contribuable (qui peut être cheminot !). Le Président de la Région Aquitaine en rajoute en disant que les Régions "financent tout mais ne contrôlent rien". Elles ne veulent plus être un guichet à subventions mais souhaitent pouvoir vérifier l'usage des subventions versées à la SNCF, d'où l'exigence, maintes fois renouvelée, de la présentation de comptes transparents par ligne.
L'ARF ne ferme pas la porte à l'ouverture du marché mais considère que la SNCF doit préalablement ouvrir en totalité ses livres de compte pour que les Régions puissent connaître la réalité de l'usage de leurs subventions, avant de pouvoir engager une comparaison avec d'autres opérateurs. En conclusion, Alain Rousset est très clair : si la SNCF refuse d'être transparente, elle poussera les Régions dans les bras de la concurrence. Une manière très claire de renvoyer l'accusation sur l'opérateur.
Du point de vue de la gouvernance, l'ARF demande à l'Etat de jouer pleinement son rôle d'autorité organisatrice sur les liaisons nationales (TGV et TET), d'arbitrer en faveur de l'intégration des gares dans le nouveau gestionnaire d'infrastructures et de donner au réseau les moyens de sa rénovation en priorisant les lignes existantes sur le développement de lignes nouvelles.
Midi-Pyrénées ne paie plus la SNCF
Une nouvelle fois, le Conseil Régional de Midi-Pyrénées exprime sa colère à la SNCF. En dépit des investissements colossaux de la Région pour renouveler les 3/4 du matériel roulant et remettre à neuf les infrastructures ferroviaires au travers d'un Plan Rail de 800 M€, la Région constate que la qualité de service ne cesse de se dégrader. Selon elle, la SNCF dispose des moyens budgétaires pour accomplir le service commandé. Dans ces conditions, les élus régionaux sanctionnent leur prestataire en bloquant le paiement des prestations réalisées.
Ce n'est pas la première fois... et ce n'est certainement pas la dernière. On peut quand même s'étonner, pour rester modéré, de l'incapacité de l'entreprise qui se qualifie elle-même d'exploitant ferroviaire de référence mondiale ("à l'exclusion de tous les autres" dirait Clémenceau !), à exploiter correctement des infrastructures qui ont été remises à neuf tant sur la voie que sur la signalisation, avec des rames elles aussi renouvelées par des séries atteignant de bons niveaux de fiabilité. Les usagers ont supporté vaille que vaille des années de travaux avec des fermetures et une exploitation par autocars, dans la perspective d'une progression significative de la qualité du service. Le résultat n'est non seulement pas à la hauteur des attentes... mais s'avère finalement pire que la situation antérieure avant les travaux.
Alors évidemment, on attend une envolée de la présidence de la SNCF qui ne manquera pas de sortir du chapeau magique un nouveau concept de plan de redressement, comme en PACA, mais comme d'habitude, sorti du four, le soufflé se dégonflera bien vite et les voyageurs continueront de subir la médiocrité d'un service négligé et qui coûte cher à la collectivité eu égard aux prestations. L'autocar a de l'avenir devant lui : ça tombe bien, c'est le nouvel Eldorado de la SNCF...
L'Auvergne s'inquiète pour son réseau ferroviaire
Après avoir largement financé le développement du réseau routier et autoroutier, notamment avec l'A75 Clermont - Montpellier, la Région Auvergne se retrouve confronté aux carences du réseau ferroviaire, et tout particulièrement au sud de Clermont Ferrand. La suspension du trafic - appellation pudique d'une fermeture - entre Laqueuille et Ussel supprimera déjà au printemps prochain la possibilité de rejoindre Limoges, Brive et Bordeaux depuis la capitale auvergnate.
RFF a en outre indiqué que la pérennité au-delà de 2020 de plusieurs lignes n'était pas garantie à ce jour. Il s'agit de :
- Montluçon - Guéret
- Aurillac - Brive
- Clermont - Nîmes
- Clermont - Béziers
- Le Puy - Firminy (axe Saint Etienne - Le Puy)
- Thiers - Noirétable (axe Clermont - Saint Etienne)
Pourtant, la Région Auvergne s'est déjà engagé dans le financement d'un Plan Rail de 180 M€, dont 60 apportés par la Région, qui complète le budget ferroviaire du CPER, atteignant 196,5 M€. A ces montant s'ajoutent les 33 M€ apportés par RFF sur demande de l'Etat au titre de la liaison Lyon - Bordeaux.
Si on ne peut nier que les infrastructures sont largement obsolètes, l'ensemble de ces moyens semblerait donc insuffisant, ce qui a de quoi apparaître plus que surprenant : avec au total 409.5 M€, il y a matière à rénover en profondeur les infrastructures ferroviaires d'autant plus efficacement que le niveau de trafic modeste autorise des fermetures temporaires pour dégager des plages de plusieurs semaines au profit des travaux. En revanche, le programme minimaliste du Plan Rail sur les lignes des Causses, des Cévennes, Thiers - Noirétable et Clermont - Laqueuille n'augure rien de positif...
Un redécoupage territorial profitable au rail ?
Dégraisser le millefeuille administratif ?
C’est un des sujets politiques de ce début d’année 2014 : pour engager le processus de réduction de la dépense publique à hauteur de 50 MM€ comme l’a annoncé le chef de l’Etat au cours de sa récente conférence de presse, le redécoupage administratif du territoire fait partie des possibles… du moins dans son principe car depuis cette annonce, nombre d’élus locaux de tous bords et de ministres se sont exprimés de façon au mieux réservée voire franchement hostile à une simplification du millefeuille administratif français.
Pourtant, entre les 36800 communes (le quart de l’ensemble de l’Union Européenne), les 95 départements de métropole, les 22 régions et la nébuleuse des intercommunalités en tous genres, la rationalité n’est pas forcément de mise. En comparaison, les 80 millions d’allemands sont répartis en 8000 communes et 15 landers.
La partition des compétences sur les transports
Ce découpage territorial et cette superposition de strates conduit à un morcellement de la gestion des services publics. En matière de transports, les communes et intercommunalités s’occupent des réseaux urbains (bus, tramway, métro). Les départements chapeautent les lignes interurbaines routières et les services scolaires. Les régions sont quant à elles en charge des transports ferroviaires et des lignes routières interdépartementales.
Beauvais - 22 juillet 2012 - Plus de 15 ans d'implication des Régions dans le transport ferroviaire régional : le matériel roulant est aussi le support de la visibilité des Régions au travers des spécificités de décoration, ici pour une rame Picardie. © transportrail
Cette répartition apparaît en soi cohérente mais présente des limites dans l’exercice quotidien de la responsabilité d’autorité organisatrice. La coordination des dessertes, que ce soit dans les agglomérations et singulièrement dans les franges périurbaines ou en zone rurale, est handicapée par ce fonctionnement à acteurs multiples. Pire, la concurrence existe entre les différents services : on a vu certaines agglomérations priver d’accès à la zone centrale les lignes départementales (Montpellier et Lyon en guise d’exemple), et des départements lancer des tarifications à 1 ou 2 € sans mesurer l’impact sur l’économie du transport ferroviaire.
En matière ferroviaire plus précisément, le découpage en 22 régions conduit à multiplier les accords entre autorités organisatrices pour gérer les liaisons à cheval sur deux territoires, qui ne tiennent que tant que les acteurs politiques convergent sur l’intérêt de ces liaisons.
Alors que pourrait apporter une révision de la carte administrative française ?
Pour transportrail, la priorité est à la rationalisation du rôle d’autorité organisatrice. Une synergie semble devoir s’imposer entre le transport ferroviaire et le transport routier de voyageurs afin d’éviter la concurrence intermodale et aboutir à des schémas régionaux de transports permettant de faire de l’autocar à la fois un complément au maillage ferroviaire – là où le train a disparu – et un moyen d’accroître la fréquentation des trains par une politique de coordination efficace des offres, notamment par un rabattement vers les gares régionales. L’autocar doit être utilisé d’abord comme l’outil d’accès au réseau ferroviaire constituant la structure élémentaire de la desserte des territoires, et ensuite comme moyen de compléter ce maillage lorsque les solutions ferroviaires n’existent pas ou n’offrent pas une performance suffisante pour inciter au report modal.
Autre apport potentiel de la réforme territoriale, une simplification de l’organisation des transports dans les grandes agglomérations avec une coordination limitée à 2 acteurs : l’intercommunalité – qui doit devenir l’unité administrative de base du territoire – pour les transports urbains et la région pour l’organisation des dessertes ferroviaires, y compris en agglomération, afin de maintenir le principe d’interlocuteur unique vis-à-vis de l’exploitant (aujourd’hui la SNCF) et du gestionnaire de l’infrastructure (RFF). La multiplication d’autorités organisatrices sur le réseau ferroviaire n’apparaît pas souhaitable au regard de la complexité de l’exploitation.
Enfin, le regroupement de certaines régions procurerait de multiples opportunités dans le domaine ferroviaire. Comme l’a indiqué le gouvernement, les collectivités fusionnant bénéficieraient d’une prime dans leur dotation de décentralisation. Ces regroupements entraîneraient ipso facto la mutation du caractère de certaines relations ferroviaires passant du statut interrégional au statut intrarégional.
Quelques exemples
Parmi les lignes les plus concernées par cette réforme territoriale, les transversales : mal lôties de longue date, souvent moribondes et délaissées par la SNCF qui les considère au mieux comme des fardeaux et plus vraisemblablement comme des boulets dont il faudrait se défaire au plus vite.
Nantes - Bordeaux est aujourd'hui partagée entre 3 Régions et demain pourrrait ne l'être qu'entre un Grand Centre / Val de Loire et une Aquitaine élargie jusqu'au Poitou. Les liaisons entre les 3 villes - Nantes, La Rochelle, Bordeaux - en intégrant le giron des dessertes "intrarégionales" pourraient être gagnantes et on peut espérer une coordination des deux "super-Régions" pour intensifier l'offre de bout en bout.
Bordeaux - Lyon : si le temps des 3 allers-retours via Limoges de 1974 en RTG est bel et bien révolu, la liaison endormie (euthananasiée ? assassinée ?) est à cheval sur 4 Régions. Le redécoupage pourrait entraîner une division par 2 dans les schémas les plus radicaux, entre Rhône-Alpes / Auvergne et une Aquitaine intégrant le Limousin, ou la réduction a minima à 3 Régions, si le Limousin était maintenu ou fusionné avec l'Auvergne, auquel cas l'itinéraire serait central pour l'aménagement du territoire.
Clermont Ferrand – Limoges : aujourd’hui, cette relation ne revêt qu’un intérêt limité puisqu’elle relie d’abord deux capitales régionales aux franges de leur territoire, autour d’Ussel : il s’agit en réalité plus de la mise bout à bout de liaisons Clermont – Ussel et Ussel – Limoges que d’une vraie liaison entre agglomérations de 250 000 à 300 000 habitants. Dès lors, elles revêtent un caractère moins structurant et la récente fermeture de la section centrale de cette liaison, coupant Ussel de Clermont Ferrand, ne suscite ni une opposition ni une mobilisation de premier plan des deux régions. La fusion de l’Auvergne et du Limousin ferait au contraire des liaisons Clermont – Limoges et Clermont – Brive des éléments fondamentaux d’une politique d’aménagement et de développement économique d’un territoire « massif central ». La fermeture de la section Eygurandes – Ussel apparaîtrait alors inacceptable (si elle ne l’est pas déjà…).
Caen – Rouen : les deux Normandie peuvent s’inscrire dans la même approche même si la dynamique des territoires est peu comparable à celle de l’Auvergne et du Limousin, ne serait-ce que par une relative proximité de Paris et d’un tissu économique et industriel plus fourni autour de Rouen, Le Havre, Caen et Cherbourg. Avec 6 allers-retours aujourd'hui, avec un temps de parcours oscillant entre 1h35 et 1h51, l'offre s'avère insuffamment visible et donc compétitive avec la route qui ne fait guère mieux. Dans une Normandie unifiée, Caen - Rouen justifierait a minima une desserte à l'heure alternant les liaisons de cabotage et les liaisons intervilles desservant Elbeuf, Bernay, Lisieux et Mézidon.
Orléans – Nantes : le réseau de villes ligériennes – Orléans, Blois, Tours, Saumur, Angers, Nantes, Saint Nazaire – est partagé entre deux Régions, de part et d’autres de Tours, et la coopération interrégionale se limite aux 3 allers-retours Interloire. La question de la fusion des Régions Centre et Pays de la Loire a été évoquée : elle entraînerait la constitution d’un vaste territoire unissant les côtes vendéennes, le Berry, l’Indre ou encore la Sarthe, autant de contrées aux liens relativement limités. Qui plus est, le sort de la Région Poitou-Charentes n’est pas évident.
D'autres questions ne manqueront assurément pas de revenir sur la table quand la cartographie des Régions aura été dessinée : on pourrait penser à la liaison Nantes - Poitiers, aux dessertes depuis Nantes vers la Bretagne...
Aussi, si dans certains cas, des fusions de Régions peuvent s’avérer pertinentes (on pensera à Bourgogne et Franche Comté), la combinaison de la réforme territoriale et de la nouvelle loi de décentralisation devrait aussi avoir pour objet de renforcer les coopérations interrégionales.
Mais on peut aussi s’interroger sur le sort des lignes d’équilibre du territoire puisque le regroupement de certaines régions pourrait rendre ce statut quasiment caduc, surtout lorsque ces liaisons ne relient que deux régions, comme celles du bassin parisien vers la Normandie, le Berry, la Touraine ou la Picardie. Sur ces axes, les TER sont déjà très présents et la coordination des moyens pourrait être un levier d’amélioration d’organisation et de l’efficacité de la desserte ferroviaire en la confiant à une seule autorité organisatrice.
La réforme territoriale combinée à une nouvelle étape de la décentralisation ne seraient-elles pas les moyens de transférer nombre de ces relations aux « grandes régions » constituées et en ne conservant dans le giron national que de grands axes comme Paris – Toulouse, Paris – Clermont Ferrand et Bordeaux – Nice ?
Elle suppose un effort de transparence de l’Etat pour que la modification du périmètre de compétence ne se fasse pas si l’affectation des moyens actuellement employés pour les TET pour l’exploitation comme pour l’investissement sur le renouvellement du matériel roulant : les marchés Régiolis et Régio2N pourraient ainsi être mis à profit et assurer un optimum économique pour le remplacement des Corail et la recherche d’une amélioration des dessertes. La transparence devra aussi venir de la SNCF, pour obtenir un diagnostic précis des comptes par axe et ainsi constituer le socle d’une restructuration des relations. L’axe Paris – Amiens semble pilote en la matière puisque la Région Picardie et l’Etat se sont mis d’accord en ce sens.
Le redécoupage du territoire semble devoir pouvoir procurer de nouvelles opportunités en faveur d’une nouvelle politique du transport ferroviaire. Les intérêts particuliers – à commencer par ceux des élus puisque qui dit redécoupage et fusion dit moins de sièges à pourvoir – sauront-ils s’effacer devant l’intérêt général ?
PACA : un énième plan pour redresser la régularité
Il y avait eu PrioriT en 2010. Passé l'effet d'annonce et le coup de communication - plutôt réussi - de la SNCF, le bilan reste invariablement le même. La qualité des prestations de la SNCF pour le compte de la Région PACA n'est pas au niveau des coûts réclamés et encore moins du niveau de service demandé par la Région. Alors que les conditions de circulation routière dans l'agglomération marseillaise et sur la Côte d'Azur sont des plus difficiles, le piètre niveau de fiabilité des TER continue de dissuader une partie des potentiels usagers du rail d'abandonner leur voiture.
Avec dans certains cas tout juste 80% des trains à l'heure, déduction faite des - nombreuses - suppressions, la SNCF se retrouve une fois de plus en ligne de mire et profite de l'occasion pour lancer une nouvelle opération sauvetage, avec communication "frappante" à la clé : après PrioriT, voici BoosTER !
En réalité, PrioriT avait pour objectif d'augmenter la disponibilité du parc en repoussant les opérations de maintenance légère, ce qui a produit son effet pendant quelques mois, mais à force de repousser les échéances, la disponibilité du matériel est repartie à la baisse, d'où ce nouveau plan, rustine sur l'échec de la précédente opération. A force de s'occuper de la communication plutôt que des sujets de fond...
D'un montant de 45 M€ sur 3 ans, la SNCF se fixe l'objectif - du moins dans son communiqué de presse - d'améliorer la maintenance du matériel roulant en faisant tourner le technicentre de Marseille Blancarde 7 jours sur 7 et en 3x8, ce qui ne manque pas de susciter de nettes réticences syndicales. La cause "matériel roulant" reste encore élevée en PACA, au-delà de la moyenne nationale qui se situe entre 20 et 25 %, en dépit d'une flotte largement renouvelée par 15 ans d'investissements de la Région sur le matériel (X72500, AGC, TER2N).
Reste que l'échec de PrioriT est le fait d'un contexte social plus que tendu en PACA entre la direction de la SNCF et "la base", mais aussi d'outils et de méthodes de production de moins en moins adaptées à l'augmentation de la fréquentation. C'est un secret de Polichinelle : l'exploitation ferroviaire en PACA répond plus aux oukazes des organisations du personnel qu'aux procédures réglementaires ou à la satisfaction de l'intérêt général.
Un seul exemple : le temps minimum pour le rebroussement d'un train est fixé à 7 minutes. A Marseille Saint Charles, c'est 14 minutes. L'effet du soleil ou du Mistral, voire des deux... sous couvert de "robustesse" et de "régularité pour les clients"... mais plus vraisemblablement pour acheter - au prix fort - la paix sociale.
Pourtant, les investissements de fond sur le réseau n'ont pas manqué : réouverture de Cannes - Grasse, 1ère phase de la 3ème voie Antibes - Nice, doublement partiel de Marseille - Aix, arrivée imminente de la 3ème voie Marseille - Aubagne... L'effet sur la qualité de service des centaines de millions d'euros investis par la collectivité n'est pas encore véritablement perceptible...
BoosTER ou PrioriT, il faudra agir radicalement sur les méthodes au quotidien .
Menaces sur le réseau secondaire (suite)
Nous avions déjà évoqué le sujet le 30 octobre dernier, et il semble prendre de l'ampleur. La FNAUT a dressé un inventaire des lignes menacées à un horizon de moins de 10 ans, du fait de la hausse continue des coûts d'exploitation facturés par la SNCF aux Régions et du besoin important de moyens pour la rénovation de ces lignes au trafic modeste voire faible. En cause, la faiblesse de l'offre, la démographie limitée des Régions traversées, l'inadéquation des horaires aux besoins et les coûts d'exploitation par voyageur transporté difficilement soutenables.
La FNAUT liste les sections suivantes :
- Morlaix - Roscoff
- La Roche sur Yon - Thouars
- Limoges - Brive via Saint Yrieix
- Périgueux - Agen
- Rodez - Séverac le Château
- Bédarieux - Saint Chély d'Apcher, soit l'essentiel de la ligne des Causses
- Clermont Ferrand - Ussel
- Brioude - Alès
- Montréjeau - Luchon
- Villefranche de Conflent - La Tour de Carol, c'est à dire le Train Jaune de Cerdagne
- Carcassonne - Quillan
- Livron - Veynes (liaison Valence - Gap - Briançon)
- Breil sur Roya - Coni
- Thiers - Boën, coupant la liaison Saint Etienne - Clermont Ferrand
- Paray le Monial - Lozanne
- Andelot - Nurieux (la ligne des Hirondelles dans le Jura)
- Epinal - Saint Dié
- Nancy - Culmont Chalindrey par Vittel
- Laon - Hirson
- Ascq - Orchies
- Etaples - Saint Pol sur Ternoise
- Abbeville - Le Tréport
Les discussions en cours entre l'Etat et la Région sur les prochains Contrats de Plan seront assurément décisives pour la consistance du réseau ferroviaire français. En revanche, les questions économiques sur les coûts d'exploitation de la SNCF, quoique de plus en plus soulevées par les Régions, ne trouvent aucun débouché, entre une SNCF qui fait de l'autocar son nouvel Eldorado et des élus enfermés dans une position politico-syndicale contre la mise en appel d'offres, et donc l'ouverture à la concurrence, de l'exploitation de ces lignes par délégation de service public.
Dossier AGC
700 automoteurs, soit la plus importante commande jamais passée pour une série de matériel moderne. L'AGC a connu un succès au-delà des espoirs fondés au lancement du projet : au commencement était une version plus capacitaire de l'X73500, et il en est résulté une gamme complète comprenant autorails, automotrices et rames bimodes, constituant une véritable nouveauté appréciée des autorités organisatrices et des exploitants.
L'AGC a été également le premier marché remporté par Bombardier "seul", ce qui n'avait pas manqué de surprendre après une période marquée par le principe du marché négocié avec un seul industriel, qui redistribuait une partie de la production à différentes entreprises.
Dominant aujourd'hui très nettement les dessertes régionales, l'AGC s'expose dans notre dossier Générations TER. A vos réactions !