14 avril 2023

Matériel roulant : une association Nouvelle-Aquitaine - Occitanie

Les deux Régions du sud-ouest ont décidé de créer une Société Publique Locale commune pour la gestion de leurs parcs respectifs de matériel roulant, baptisée Société Publique Interrégionale des Investissements en faveur des Transports. La terminologie est assez vague et pourrait ouvrir la voie à d'autres missions au sein de cette SPL.

Nouvelle-Aquitaine a déjà engagé la procédure administrative pour devenir pleinement propriétaire de ses rames. Occitanie a délibéré en ce sens à la fin du mois de mars. Cependant, les stratégies sont assez différentes. Du côté de Bordeaux, a été préparée la constitution de lots qui pourraient faire l'objet d'appels d'offres à l'issue de l'actuelle convention Région - SNCF Voyageurs. A Toulouse, c'est l'inverse : la convention de 10 ans signée en 2018 a été cassée à mi-parcours afin d'en conclure une nouvelle de même durée de sorte à échapper à l'échéance d'obligation d'attribution des services publics après appel d'offres. La méthode est quelque peu cavalière, l'Autorité de Régulation des Transports semble même un peu tousser. Mais SNCF Voyageurs est pleinement satisfaite pour des raisons stratégiques, et la Région pour des raisons politiques.

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Toulouse Saint-Agne - 24 septembre 2021 - Assurément la livrée Occitanie ne passe pas inaperçue et met en avant d'abord l'identité du réseau régional avant celle de l'opérateur qui vient de bénéficier d'une décision politique qui maintient sa position, quitte à user d'une ficelle un peu voyante... © transportrail

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Marcheprime - 15 avril 2022 - Même matériel dans la Région d'à-côté : depuis 1992, les Régions font cause commune via l'Association des Régions de France quand il s'agit de mutualiser les réflexions et les marchés pour un futur matériel, comme ce fut évidemment le cas pour le Régiolis. © transportrail

Or le principal intérêt d'une SPL sur le matériel roulant est de permettre à l'autorité organisatrice de conserver la main sur la stratégie de gestion du parc indépendamment des contrats de service public avec un ou des opérateurs, en mettant les rames à disposition. En outre, l'intérêt mis en avant, évoquant les futurs besoins en nouveaux matériels, semble un peu court car les Régions savent très bien unir leurs efforts sur ce sujet depuis le début des années 1990, en définissant les caractéristiques fonctionnelles des trains dont elles souhaitent se doter. Indiscutablement, il y aura une évolution forte dans les années à venir puisque les Régions n'auront plus comme partenaire imposé - il pourra être choisi, ce qui est tout de même différent - les différents services de SNCF Voyageurs (activité TER, ingénierie du matériel, direction des achats), mais jusqu'à présent, les Régions qui ont créé une SPL ont toujours associé cette création à l'évolution du cadre juridique d'organisation du service public.

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02 mars 2023

Matériel roulant : de nouvelles stratégies en Régions

Jusqu'à présent, et à de très rares exceptions, le matériel roulant financé par les Régions demeurait la propriété de la SNCF. L'ouverture du marché intérieur à la concurrence change la donne puisque dans la majorité des cas, les appels d'offres prévoient la mise à disposition du parc existant pour les différents lots mis en délégation de service public. A ce jour, seule la Région PACA a fait exception avec le lot Marseille - Nice, prévoyant la fourniture des rames (16 Omneo Premium) par l'opérateur (Transdev) dans un contrat de 15 ans. Pour la Région, c'est le moyen de réduire la pression sur son budget d'investissement en faisant passer en coûts d'exploitation la charge du renouvellement des voitures Corail et des BB22200 sur cet axe.

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Nice Ville - 20 janvier 2020 - Le contrat de 15 ans pour la liaison Marseille - Nice intègre la fourniture du matériel roulant destiné à succéder aux voitures Corail et aux BB22200 plus que quadragénaires. Elles sont déjà moins présentes, du fait de l'engagement de TER2Nng pas forcément très adaptées à des liaisons Intervilles. © transportrail

La Région Nouvelle Aquitaine a engagé le processus pour devenir formellement propriétaire du matériel qu'elle a subventionné. La stratégie de gestion de la flotte n'est pas encore connue : elle pourrait être confiée par exemple au syndicat mixte Nouvelle-Aquitaine Mobilités dont les missions s'élargiraient. La Région Grand Est a créé la Société Publique Locale Grand Est Mobilités qui va progressivement prendre en charge le pilotage des futurs contrats d'exploitation et la gestion du matériel roulant. En décembre dernier, la Région Hauts-de-France a annoncé la constitution d'une structure similaire, d'abord sur le seul sujet du matériel roulant.

Cette évolution de structure n'exclut néanmoins pas le recours à des prestataires pour la gestion technique de ces flottes, mais on peut supposer que, dans la plupart des cas, les contrats de service public intègrent les prestations de maintenance du parc. Mais qu'en sera-t-il pour les opérations patrimoniales (révision mi-vie, rénovation...) ?

Progressivement, semble donc émerger un nouveau schéma dans lequel les Régions logeraient leur compétence sur les transports dans une structure publique dédiée, potentiellement ouverte aux autres collectivités locales : c'est déjà le cas en Nouvelle-Aquitaine, en Grand Est et en Hauts-de-France, même si la présence dans cette dernière de la Métropole amiénoise semble plutôt symbolique (2 %) mais elle est indispensable puisqu'une SPL ne peut être créée par une seule collectivité.

Cette dissociation est le cas aussi en Ile-de-France, dont l'expérience peut être riche d'enseignements : la délimitation précise des domaines de compétence des collectivités et de la structure dédiée, en particulier sur les investissements. Le risque est bien connu : la préservation de baronnies technico-politiques.

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Karlsruhe Hauptbahnhof - 5 décembre 2022 - Le Land du Bade-Wurtemberg a créé sa propre structure chargé de l'acquisition et de la gestion de la flotte de matériel roulant répartie entre les différents lots mis en appel d'offre. Ici, un Desiro High Capacity, comprenant 4 voitures dont les 2 centrales à 2 niveaux, affecté à DB Regio. © transportrail

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Amiens - 21 juin 2019 - La création de la SPL chargée du matériel roulant en Hauts-de-France semble pour l'instant s'inspirer du cas allemand ci-dessus et a précédé l'attribution des lots de délégation de service public. © transportrail

Pour les Sociétés Publiques Locales créées par les Régions, il faut y voir un potentiel levier facilitant le développement de tarifications vraiment multimodales sur des périmètres correspondants aux bassins de vie et aux flux de déplacements, équivalent des communautés tarifaires qu'on connaît notamment dans les pays germanophones. Mais plus que la structure, c'est d'abord la convergence de vue dans la durée entre les élus qui les dirigent qui importe. Et ce n'est pas forcément le plus simple !

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30 novembre 2017

Saint Gervais - Vallorcine : vers la sortie du RFN ?

C'est l'annonce d'Eric Fournier, président de la communauté d'agglomération de Chamonix. La ligne à voie métrique reliant Saint Gervais à Vallorcine puis à Martigny en Suisse pourrait, sur sa partie française, sortir du réseau ferré national : la ligne deviendrait propriété de la Région. Une disposition prévue par la loi du 4 août 2014, celle de la réforme ferroviaire, qui autorise cette solution uniquement pour les lignes physiquement étanches vis à vis du reste du réseau. Les lignes à voie métrique rentrent donc dans ce cadre.

L'exploitation pourrait être assurée par une régie régionale (situation de Nice - Digne), une société publique locale (cas de la Corse) ou par un délégataire à l'issue d'un appel d'offres ouvert. Evidemment, on ne peut pas oublier que la partie suisse est exploitée par les Transports de Martigny et Région, une régie cantonale. Le caractère transfrontalier de la ligne lui ouvre une autre possibilité : le Groupement Européen de Coopération Transfrontalière, qui permettrait par exemple de confier justement aux TMR l'exploitation de la ligne jusqu'à Saint Gervais.

On ne manquera pas de rappeler que depuis cet été, la ligne dispose, de Saint Gervais à Martigny, d'un seul et même système de signalisation... suisse !

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Chamonix - 12 mars 2016 - Le Mont Blanc Express va-t-il changer de statut et quitter le giron du réseau ferré national ? Après tout, le caractère national de cette ligne est quelque peu questionné par ses caractéristiques qui la cantonnent à la desserte de la vallée de Chamonix et à la liaison avec la plaine du Rhône à Martigny. Une vraie ligne d'intérêt local comme on en trouve des dizaines de l'autre côté de la frontière et qui suscitent tant de louanges : il faut franchir le pas ! © E. Fouvreaux

Quel intérêt à s'engager sur cette voie ? La ligne est déjà une "unité de production" quasi indépendante vis à vis du reste de l'organisation de SNCF Mobilités, avec son propre atelier de maintenance à Saint Gervais (pendant de celui des TMR à Vernayraz). Couper le cordon ombilical entérinerait le principe de la PME ferroviaire ou "Opérateur Voyageur de Proximité", dont il est aisé de constater, en voyageant un peu hors de nos frontières, qu'il peut être un puissant levier de dynamisation du trafic avec une structure entièrement concentrée sur cette ligne, plus agile, plus réactive, ce qui s'avère en général plus économique du point de vue de la contribution publique par voyageur transporté (-40% en Corse depuis 2012).

Cette évolution pourrait être le pivot d'une nouvelle organisation des transports dans la vallée de Chamonix un rapprochement avec la Compagnie du Mont-Blanc ouvrirait la voie à la constitution d'une offre unique, coordonnée, entre les 3 lignes de chemin de fer (Martigny, Montenvers, Nid d'Aigle), les téléphériques et le réseau de bus (exploité par Transdev actuellement).

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Taconnaz - 16 septembre 2017 - Outre le service ferroviaire, l'agglomération de Chamonix gère un réseau de bus, assurant une desserte plus fine encore de la vallée. Une gestion unifiée irait dans le sens d'une complémentarité accrue entre les deux modes. © transportrail

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Téléphérique de la Flégère - 16 septembre 2017 - Une gestion complètement locale de l'ensemble des transports en commun dans la vallée de Chamonix avec des offres coordonées : un véritable atout pour des millions de touristes et une incitation forte à délaisser la voiture pour les courts trajets ! © transportrail

Ne manque plus que le retour des trains de nuit à Saint Gervais (incorrigibles que nous sommes, on ne pouvait pas conclure autrement !)