Pendulation : comme un regret ?
Reçu à la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale, le président du groupe SNCF a été questionné sur de nombreux sujets dont - sa surprise - la situation de l'axe POLT.
Surprise : dans sa réponse aux députés (à 4h06 min de cette session), M. Farandou a évoqué les essais de trains pendulaires et a regretté que cette solution ait été écartée. C'est étonnant car en son temps, l'entreprise n'a pas ménagé ses efforts pour ne pas l'envisager. Si ses bénéfices sont moindres que dans d'autres pays où les insuffisances de dévers tolérées en courbe sont plus faibles qu'en France, où on roule déjà un peu plus vite que chez nos voisins, il n'en demeure pas moins que cette solution a été un peu trop souvent méprisée pour réduire les temps de parcours sur certaines liaisons classiques.
Evidemment, cette déclaration n'aura aucune suite... si ce n'est de vous inviter à relire notre dossier sur le désamour français pour la pendulation ferroviaire...
Grandes lignes : nos dossiers mis à jour
Actualisations de printemps à transportrail : pour commencer, notre série consacrée aux grandes lignes classiques et à une prospective de développement de ceux qu'on appelle aujourd'hui Trains d'Equilibre du Territoire. Après des années de déclin, une nouvelle période a commencé. Le renouvellement du matériel roulant a débuté avec l'arrivée fin 2017 des Coradia Liner puis le lancement du remplacement des voitures Corail et des BB26000 avec les Confort 200. La desserte de la transversale sud a été recomposée et améliorée avec succès (de fréquentation, la régularité, c'est autre chose). Nantes - Bordeaux a retrouvé un quatrième aller-retour (mais l'état de l'infrastructure au sud de Saintes reste un souci majeur), Nantes - Lyon son troisième avec une desserte quotidienne de Nantes qui contribue aux bons résultats de fréquentation. Les dessertes de Paris vers Toulouse et Clermont-Ferrand seront remaniées avec les nouvelles rames et les premiers programmes d'investissement en cours sur l'infrastructure.
Saint-Michel sur Orge - 29 juin 2018 - 14 voitures pour cet Intercités de l'axe Paris - Toulouse. Plus que quadragénaires, les voitures Corail vont bientôt être remplacées par de nouvelles automotrices qui signifieront aux BB26000 leur retraite. Le débat sur la consistance de la desserte n'est peut-être pas encore totalement clos. Quant aux installations électriques entre Paris et Vierzon, c'est un des dossiers du moment, pour arriver à concilier travaux et circulations. © transportrail
Cependant, plusieurs chantiers restent à engager. Il y a assurément une demande non satisfaite, pour compléter la desserte des lignes existantes, créer de nouvelles relations, peut-être même jusqu'à doubler certaines radiales à grande vitesse qui laissent de côté certains territoires. SNCF Voyageurs expérimente des services classiques hors convention avec l'Etat mais ces prestations sont précaires car leur économie repose sur un matériel largement amorti : après tout, le label TET n'a pas nécessairement vocation à se cantonner à des liaisons déficitaires ! Il y aurait probablement un avantage pour le public à clarifier l'offre, y compris par un échange avec les Régions pour renforcer la cohérence d'ensemble des services. D'autres opérateurs veulent s'engager sur le segment des liaisons classiques interrégionales mais les annonces restent sans effet à ce jour.
Enfin, la fin de la période de transition en matière de libéralisation amène à questionner à court terme non seulement l'évolution du service, mais aussi la gestion du matériel roulant : signe d'une amorce de virage, les Confort 200 ne porteront pas une livrée définie par l'opérateur mais par l'autorité organisatrice.
Notre mise à jour concerne d'abord les liaisons diurnes. Comme vous le constaterez, il existe une passerelle - on serait tenté de dire que c'est un viaduc ! - entre ces relations classiques et les relations province-province à grande vitesse, d'où l'engagement en parallèle d'une révision de notre dossier à ce sujet et complété d'une nouvelle réflexion sur la gestion des dessertes sur LGV pour des raisons assez similaires.
Nous reviendrons prochainement sur les trains de nuit et nos reportages à bord de ces trains.
Notre fil conducteur ? L'investissement dans une politique de dessertes ferroviaires plus riches et mieux coordonnées est un levier important d'une transition des déplacements vers des solutions non seulement décarbonées mais aussi au coeur d'une politique de développement plus équilibré d'un territoire - et d'un réseau - qui ne se limite pas qu'à Paris et une dizaine de métropoles.
POLT : un axe dans le feu des projecteurs
Ces dernières semaines, l'axe Paris - Orléans - Limoges - Toulouse a été l'objet de nombreux reportages de différents médias. Trois points ont été particulièrement abordés : la régularité, le matériel roulant, le temps de parcours.
La régularité d'abord : il est évident que les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes légitimes des voyageurs qui ont l'impression que la succession de travaux qui pénalisent l'exploitation n'ont pas d'effets sur la fiabilité des infrastructures. Cependant, les plus gros incidents ne sont pas toujours de la responsabilité de l'entreprise ferroviaire : quand une voiture s'engage sur un passage à niveau fermé par exemple. Bref, il faudrait distinguer les problèmes liés à l'organisation de la SNCF des phénomènes qu'elle subit.
Le matériel roulant : il n'est pas innocent dans les résultats moyens de régularité. Les BB26000 n'ont certes qu'une trentaine d'années, mais elles ont assez mal vieilli, révèlent des fragilités, probablement amplifiées par des contraintes budgétaires sur l'entretien. Les voitures Corail posent plutôt des difficultés d'ordre qualitatives, comme lorsque les blocs de climatisation rendent l'âme en plein été. La sécurité peut être parfois en jeu, quand les portes ont du mal à être maintenues fermées. Ajoutez aussi l'apparence et notamment la propreté parfois très relative des compositions.
Pierre-Buffière - 24 juillet 2020 - Après Limoges, la ligne Paris - Toulouse se fait plus sinueuse et la performance s'en ressent évidemment. La compétition avec l'autoroute A20 qu'on aperçoit en arrière-plan se fait plus forte. © transportrail
Le temps de parcours : les mythes font de la résistance et certains continuent d'exprimer des objectifs irréalistes. La dégradation actuelle est réelle mais elle est la conséquence d'un programme d'investissement de renouvellement et de modernisation. On ne fait pas d'omelettes sans casser des oeufs. L'effet des travaux est d'autant plus fort que le réseau est structurellement peu résilient : sans banalisation, avec trop peu d'installations permanentes de contresens, la cohabitation travaux - circulation est rendue plus difficile... voire impossible. Il lui faut aussi composer avec des moyens dont tout observateur sait de longue date qu'ils sont insuffisants. La séquence de rattrapage est donc rude à encaisser.
Autre dimension de la performance, la fréquence : le service actuel ne comprend que 8,5 allers-retours et il subsiste dans chaque sens un important intervalle sans service pouvant approcher les 5 heures. Bref, des trains assez rares, pas très rapides, à la ponctualité médiore et aux prestations plus vraiment au goût du jour, il faut bien reconnaître qu'il y a matière à critiques.
Il faut également être lucide : la vocation de POLT a changé. Cette mutation a commencé en 1990 avec la création des TGV Paris - Bordeaux - Toulouse. L'enjeu est donc moins le temps de parcours entre Paris et Toulouse que le renforcement du maillage du territoire (Berry, Limousin, Quercy), avec une nouvelle organisation de la desserte.
Il y a quand même quelques signaux positifs : le projet de service 2025 prévoit non seulement une desserte remise à plat organisée autour de 11 allers-retours entre Paris et Limoges, mais aussi l'arrivée des nouvelles automotrices Confort 200, pouvant non seulement moderniser le confort et les services à bord pendant le voyage et autoriser un réexamen à la baisse des temps de parcours. A cette échéance, 2 allers-retours accélérés relieront Paris à Limoges en 2h51 avec un seul arrêt à Châteauroux. C'est donc un peu mieux que le Capitole (2h50 sans arrêt). Pour les 9 autres, le temps de trajet sera de 3h06 avec 4 arrêts intermédiaires.
Pour aller plus loin dans cette analyse, le dossier de transportrail sur l'axe POLT a été mis à jour.
Confort 200 : CAF produira le successeur des Corail
Faisons le point sur cette nouvelle automotrice qui arrivera - en principe - entre 2023 et 2026 sur les axes Paris - Clermont-Ferrand et Paris - Toulouse afin de remplacer les voitures Corail et les BB26000. Baptisée Confort 200, elle marque la première entrée de CAF sur le marché ferroviaire français. Le défi à relever n'est pas mince puisque les voitures Corail constituent pour nombre d'observateurs et de professionnels un summum en matière de confort. Il faut bien reconnaître que la réputation s'est usurpée au fil du temps et que ces voitures, si réussies furent-elles, ont vieilli et que les voyageurs attendent d'autres fonctionnalités d'un train pour les grandes lignes.
La nouvelle automotrice Confort 200 de CAF aura la lourde tâche de succéder aux voitures Corail jouissant d'une réputation flatteuse quoiqu'un peu nostalgique. Elle marque aussi l'amplification du déclin des rames tractées en France. (document CAF-SNCF)
Le nouveau dossier de transportrail fait la synthèse des connaissances actuelles de ces automotrices et esquisse une réflexion sur leur usage. Avec 28 unités dans la tranche ferme et 75 en tranche optionnelle, il y a matière à débat.
TET : un pas de plus pour CAF
De prime abord, il est étonnant de voir un communiqué de SNCF Mobilités évoquer le désignation du candidat pressenti d'un appel d'offres de matériel roulant piloté par l'Etat dans son rôle d'autorité organisatrice. Passons.
Donc comme nous l'indiquions déjà le 22 août dernier, CAF remporterait le marché du matériel roulant des TET Paris - Toulouse et Paris - Clermont-Ferrand avec une tranche ferme de 28 rames à livrer entre 2023 et 2025. Montant du marché, autour de 700 M€ Pour l'instant, le lobbying d'Alstom ne semble pas avoir fonctionné, d'autant qu'il était sous certains aspects caricatural... mais on sait qu'en France, tant que le contrat n'est pas signé, rien n'est définitivement joué.
Dans la vidéo présentée par SNCF Mobilités sur Twitter, on peut tirer quelques enseignements sur le nouveau train :
- une porte par voiture, large manifestement d'au moins 900 mm, avec 2 marches d'accès, sauf sur la voiture recevant l'emplacement pour les fauteuils roulants disposant d'une porte accessible de plain-pied depuis un quai de 550 mm, comparable à une Z21500 ;
- une architecture qui semble dériver de la plateforme Civity, avec 10 voitures articulées sur 189 m : les voitures 5 et 6 reposant sur un bogie propre ; à noter que les caisses ne tirent pas profit de leur longueur limitée : 2,86 m, soit à peu près l'équivalent des voitures Corail ;
- des aménagements qui apparaissent relativement cossus, assez proches des rames Océane.
SNCF Mobilités annonce également que la production du matériel par CAF, en Espagne et sur le site de Bagnères de Bigorre, avec environ 250 emplois directs et, selon la Région Occitanie, environ 100 emplois indirects sur le site français.
Chez Alstom, on fait grise mine, car les pressions habituelles ne semblent pas avoir fonctionné cette fois-ci, même en mettant dans la balance le devenir du site de Reichshoffen. La sécheresse ne concerne pas le carnet de commandes d'Alstom, qui a engrangé ces derniers mois plusieurs centaines de commandes en tous genres (TGV, RER, métro, tramway). Le véritable sujet serait donc plutôt le surdimensionnement de l'appareil de production d'Alstom en France par rapport au niveau des besoins tant pour le réseau ferroviaire que les réseaux urbains.
En revanche, le site de Bagnères de Bigorre de CAF peut respirer car après avoir vu filer par le passé plusieurs marchés (tramways pour Avignon, Aubagne, Paris par deux fois, mais aussi le RERng), cette commande, bien modeste au regard des commandes récemment attribuées à Alstom, lui assure son activité jusqu'en 2025.
Il n'en demeure pas moins que les caractéristiques de ce nouveau train ne correspondent pas vraiment aux besoins de ces relations. Ce n'est pas la faute du constructeur, mais de celui qui a écrit le cahier des charges. Citons d'abord le plafonnement de la vitesse à 200 km/h, qui ne tire pas profit des meilleures performances au freinage pour rouler à 220 km/h sur les sections aujourd'hui aptes à 200 km/h (3 à 4 minutes gagnées sur les deux axes)... et qui n'est pas du tout adapté à l'axe Bordeaux - Marseille, sur lequel, redisons-le encore, il aurait fallu un matériel apte à 250 km/h afin de circuler sur la LN5 entre Marseille et Manduel pour desservir Aix en Provence TGV et Avignon TGV. Autre grief pour cette transversale, la capacité insuffisante (400 places environ) pour une besoin moyen de l'ordre de 600 places. L'exploitation en UM2 serait préjudiciable sur le plan économique mais aussi sur les performances : sous un 1500 V faiblard, les UM2 seront bridées et ne tireraient pas profit des meilleures aptitudes d'une rame à motorisation répartie. Ce qui démontre que la complexité du système ferroviaire n'a pas été totalement appréhendée dans cet appel d'offres !
CAF remporte le marché des TET
Une première pour l'Etat et une compétition limitée à deux acteurs
La toujours bien informée Mobilettre a révélé que le premier appel d'offres d'acquisition de matériel roulant Grandes Lignes piloté par l'Etat - et non pas par la SNCF - devrait être attribué à CAF. On apprend aussi que Bombardier, Siemens et Stadler ont fait un pas de côté, considérant que concourir à ce marché risquait de faire perdre du temps et de l'argent à ces entreprises dans une compétition qu'elle ne jugeait pas loyale.
L'Etat était donc à la recherche d'un matériel de 200 m de long, d'une capacité de 400 places assises, apte à 200 km/h, pour équiper en tranche ferme les axes Paris - Toulouse et Paris - Clermont-Ferrand en remplacement des voitures Corail. L'équipement de la liaison Bordeaux - Marseille figurait lui en tranche optionnelle.
On se souvient que la SNCF avait par le passé essayé de placer des TGV Sud-Est en fin de vie sur les deux premières lignes. De son côté, Alstom avait, dès la publication de l'appel d'offres, essayé de placer une version longue distance du Régiolis, qui suscitait des réactions plus que contrastées chez les élus locaux, entre ceux considérant qu'il s'agissait d'un matériel au rabais et ceux qui semblaient un peu top dans la position du lapin dans les phares de la voiture...
Cet appel d'offres qui n'en finit pas a même réservé une petite surprise puisqu'Alstom avait proposé deux solutions : la première est effectivement dérivée de la gamme Coradia, alors que la seconde est plus inédite, ressemblant à un ICE2 : une locomotive, issue de la nouvelle génération de TGV, et des voitures classiques dont la dernière munie d'une cabine de conduite. Sauf qu'on cherche les voitures voyageurs dans le catalogue d'Alstom...
De son côté, CAF dispose de plusieurs références dans son catalogue, sur les plateformes Civity, apte à 200 km/h, et Oaris, apte à au moins 250 km/h. Laquelle a servi de base pour le produit français ? Cela reste à confirmer : Oaris est le produit le plus récent, mais il est d'abord taillé pour les hautes vitesses, au moins 250 km/h, un segment auquel la France ne s'intéresse pas : entre le train classique et le TGV, point de salut ? transportrail avait mené l'enquête en Europe et en France.
Sur le plan stratégique, il n'est pas à exclure qu'Alstom essaie de réagir pour emporter finalement le marché (doit-on faire la liste des précédents ?), mais il sera difficile de contester à CAF la capacité industrielle à produire une petite série (moins de 30 rames pour la tranche ferme), tandis que la récente commande surprise de 12 TGV Océane, s'ajoutant aux 100 TGV2020 l'année dernière, devrait nourrir les différents sites de production pour quelques années, sans compter le RERng et les rames de métro pour l'Ile de France... Ceci dit, ce ne serait pas la première fois : doit-on rappeler justement le RERng ou certains marchés de tramways pour lesquels CAF peut avoir l’impression d’avoir joué le lievre ?
En revanche, les autres industriels pourraient avoir quelques regrets de ne pas avoir consacré plus de temps à ce marché...
Moulins - 11 février 2018 - Si les BB26000 ont tout passé la mi-vie, les voitures Corail sont de leur côté proches de la retraite et il a fallu jouer les prolongations d'un appel d'offres lancé tardivement et qui a trainé en longueur. L'arrivée de ce matériel est très attendue, notamment par les élus locaux, mais l'amélioration de la qualité de service passera aussi par la fiabilisation de l'infrastructure et des progrès dans la gestion du trafic, même sur des lignes peu chargées, comme Paris - Clermont-Ferrand et Paris - Toulouse... © transportrail
Un appel d'offres bien calibré ?
Il est d'abord un peu dommage d'avoir mis autant de temps à engager le renouvellement des Trains d'Equilibre du Territoire et à concrétiser cette procédure, surtout pour une tranche ferme de seulement 29 unités. On peut aussi déplorer que le nouveau matériel roulant, qui devrait circuler probablement jusqu'en 2065, ne soit pas l'occasion de tirer le meilleur profit des aptitudes du réseau :
- la vitesse maximale a été fixée à 200 km/h, alors que sur Paris - Toulouse et Paris - Clermont-Ferrand, il aurait fallu un train apte à au moins 220 km/h de sorte à pouvoir gagner 20 km/h dans les zones actuellement autorisées à 200 km/h (gain de l'ordre de 3 minutes), grâce aux meilleures performances au freinage d'une rame automotrice, selon un principe déjà appliqué sur le TGV Atlantique (Tours - Bordeaux par la ligne classique, Le Mans - Nantes et les quelques sections sur les radiales bretonnes) ;
- sur Bordeaux - Marseille, l'aptitude à 200 km/h est inappropriée puisque la ligne existante plafonne à 160 km/h : il aurait fallu un matériel apte à 250 km/h de sorte à dévier ces trains via la LGV Méditerranée entre Manduel et Marseille, avec au passage l'intéressante desserte d'Avignon TGV et de Aix en Provence TGV, sans gêner les TGV à 300 / 320 km/h. Un train apte à 250 km/h aurait également pu être admis sur la probable future LGV Bordeaux - Toulouse, avec un écart de performance d'une dizaine de minutes en intégrant les arrêts dans les futures gares nouvelles d'Agen et de Bressols.
Il aurait donc été plus logique de concevoir un marché pour des trains aptes à 250 km/h, équipés en option pour la circulation sur les LGV (sachant que le prééquipement ERTMS est de toute façon obligatoire), ouvrant au demeurant des perspectives intéressantes pour d'autres usages en France.
Autre limite du marché actuel, la capacité des rames : avec une jauge minimale de 400 places, les besoins des deux radiales sont logiquement correctement couverts, d'autant que les schémas directeurs ouvrent la voie à des évolutions d'offre qui favoriseront un meilleur lissage du flux. Une onzième relation devrait être créée vers Limoges à l'issue des travaux de renouvellement et avec l'arrivée du nouveau matériel, tandis qu'une neuvième est étudiée vers Clermont-Ferrand (mais en maintenant un train direct).
En revanche, sur Bordeaux - Marseille, la dynamique de trafic sur cette liaison entre des métropoles millionnaires en habitants nécessite aujourd'hui des compositions de 10 voitures dont le remplissage est élevé, sauf pour les trains rapides (ce qui montre au passage le rôle du trafic de cabotage). Une capacité d'au moins 550 places aurait été plus appropriée, de sorte à limiter le recours à des UM2 aux trains vraiment les plus chargés et à ajustement le dimensionnement du parc donc le coût global d'investissement.
C'est une fois de plus la démonstration d'un déficit de pilotage stratégique de l'Etat dont on attend toujours qu'il présente le Schéma National des Services de Voyageurs, qui aurait dû être remis 6 mois après l'adoption de la réforme ferroviaire... de 2014 !
C'est l'occasion aussi de se replonger dans notre dossier sur le schéma directeur des Trains d'Equilibre du Territoire.
POLT : dossiers mis à jour
En lien direct avec le dossier POCL, il nous est apparu également nécessaire de toiletter les dossiers que nous avions consacrés à l'axe POLT (Paris - Orléans - Limoges - Toulouse), et à l'évolution des temps de parcours.
A propos de l'axe POLT, nous vous invitons également à (re-)découvrir l'étude que nous avions consacré aux raisons du désamour français à l'égard de la pendulation.
Chroniques de l'horaire : l'axe POLT
Nouvelle rubrique à transportrail : les chroniques de l'horaire se plongent dans l'examen des performances sur certaines relations ferroviaires. Mais pourquoi donc n'arrive-t-on plus à tenir les horaires des années 1970 et 1980 ?
Premier axe à passer au révélateur : POLT. Il est loin le temps du Capitole en 2h50, voire même 2h46, record absolu sur une liaison Paris - Limoges en 2003. Depuis des années, nombre d'élus locaux, d'associations, militent dans tous les sens pour réduire les temps de parcours, quitte à verser dans l'excès avec des slogans aussi péremptoires qu'infondés.
Prenez votre chrono et suivez-nous dans ce nouveau dossier qui attend évidemment vos commentaires !
Limousin : les étranges conclusions de la Mission Delebarre
Suite à l'enterrement - laborieux - du projet de LGV à voie unique entre Poitiers et Limoges, l'ancien gouvernement avait chargé le sénateur Michel Delebarre - qui fut ministre des transports dans les années 1990 - d'une mission sur la desserte du Limousin afin de proposer une nouvelle trajectoire.
Sans surprise, il entérine l'abandon de la LGV au bilan économique négatif, même si elle ne coûtait "pas cher"... ce qui semble au moins montrer qu'on n'évalue pas les projets "au kilo". L'hypothèse POCL est écartée tout simplement car trop incertaine et trop lointaine.
Limoges Bénédictins - 26 septembre 2015 - L'accès à Limoges au centre de ce rapport : après l'abandon d'un TGV très - trop - politique, il va falloir remettre de l'intelligence sur le réseau classique. © E. Fouvreaux
Ce rapport contient une analyse assez complète des forces, faiblesses et potentialités du réseau ferroviaire, sans se limiter à la question de l'accès à Paris : SNCF Réseau a manifestement profité de l'occasion pour attirer l'attention sur l'importance des relations entre le Limousin et Bordeaux d'une part et vers Lyon d'autre part. Sur la base d'une approche progressive de la performance, SNCF Réseau considère que la combinaison de la modernisation engagée de l'axe POLT, de l'arrivée d'un nouveau matériel automoteur sur la ligne et d'une révision de la conception de la marge de régularité permettraient de placer Limoges à 2h45 tout au plus de Paris avec des trains sans arrêt et 2h55 avec 2 arrêts.
Pour autant, les préconisations de cette mission remettent en scène une proposition écartée lors du débat public de la LGV Poitiers - Limoges, à savoir un TGV empruntant la LGV de Paris à Poitiers puis la ligne existante Poitiers - Limoges modernisée. Le coût de cette opération est très élevé, 750 M€, puisque la ligne n'est pas au gabarit ni de l'électrification ni des matériels à deux niveaux. Le rapport considère qu'il serait possible de ramener le temps de parcours Poitiers - Limoges à 1h en améliorant l'infrastructure existante, ce qui permettrait de relier Paris à Limoges en 2h20 par des TGV "autonomes".
Or cette perspective est contrariée d'abord par le faible marché qui avait abouti à la solution de rames couplées à Poitiers avec des TGV Paris - La Rochelle ou Paris - Bordeaux desservant Poitiers, et ensuite par la capacité résiduelle limitée sur Paris - Courtalain, le tronc commun de la LN2, du moins tant qu'ERTMS niveau 2 n'y est pas déployé et tant que les TGV Atlantique moins performants n'ont pas disparu. En réalité, il faut plutôt miser sur un temps minimum de 2h30... et encore en considérant acquise la possibilité de ramener le temps de parcours sur la ligne classique à une heure. Il est permis d'en douter puisqu'il faudrait a minima relever la vitesse à 140 voire 160 km/h sur une ligne conçue au mieux pour 100 km/h.
En revanche, il ne semble plus question de proposer un TGV par heure, mais seulement 4 à 5 allers-retours dans la capacité résiduelle de la desserte TER Poitiers - Limoges.
Surtout, cela n'a pas l'air d'effrayer la mission Delebarre qui, au contraire, considère que viser 2h45 sur POLT est au-delà du raisonnable compte tenu du coût des travaux sur POLT. Légèrement incohérent... et particulièrement consommateur de budget : le programme de modernisation de l'axe POLT représente près d'un milliard d'euros d'investissement, auquel il faudrait ajouter au moins 750 M€ pour la transformation de la ligne Poitiers - Limoges... pour un nombre de circulations assez modeste. Certes, les TER Poitiers - Limoges seraient aussi bénéficiaires de l'amélioration des performances de l'axe, mais les conclusions du rapport semblent tout de même assez orientées par principe en faveur d'un tracé via Poitiers.
Brive la Gaillarde - 26 septembre 2015 - Comment améliorer les performances sur POLT ? SNCF Réseau a des propositions, optimisant le programme de renouvellement déjà prévu et en misant sur l'arrivée du nouveau matériel automoteur, qui intrinsèquement peut déjà faire gagner 6 minutes entre Paris et Brive. Si des relèvements de vitesse restent possibles au nord de Limoges, la définition de la marge de régularité est bien le premier foyer de gain de temps sur l'axe. Sujet sensible... © transportrail
On notera enfin que le rapport préconise la relance de la liaison TGV Brive - Limoges - Roissy - Lille, l'amélioration de la desserte aérienne de Limoges et Brive et l'achèvement des travaux de mise à 2 x 2 voies de la RN147.
Etonnantes conclusions...
Evidemment, certains vautours s'emparent du dossier pour promouvoir Hyperloop en annonçant une réalisation possible en 2025 et Limoges à 25 minutes de Paris. Hyperloop entourloupe ?
"Un homme d'action ne devrait jamais s'égarer dans le concret. L'âme des affaires, c'est l'abstrait : l'abstrait, il n'y a que cela de vrai. Il est cent fois plus facile de morceler le cosmos à l'usage des claustrophobes que de vendre un terrain à Barbizon !" (Michel Audiard par la voix de Paul Meurisse, Quand passent les faisans)
TGV sur Intercités : vents contraires et vues d'esprit
Rebondissement dans le feuilleton des TGV EuroDuplex annoncés en octobre 2016 pour remplacer les Corail sur la Transversale Sud Bordeaux - Marseille. Le montage juridique fait question au sein de la SNCF qui a mis en avant le fait que la commande de 21 rames supplémentaires dépasserait le volume maximal du marché auquel elle s'adosserait, y compris en intégrant la marge de tolérance généralement de 10%. Bref, pas question d'augmenter de 50% la taille d'un marché initialement défini à 40 unités. En outre, les modalités de financement de l'acquisition de ces rames ne sont toujours pas clarifiées. L'Etat ne peut directement passer commande puisque c'est la SNCF qui est la personne juridique porteuse du marché. Donc l'Etat n'a d'autre solution que de subventionner la SNCF pour confirmer cette commande... dont par ailleurs elle remet implicitement en question la pertinence compte tenu du sureffectif du parc (pour le cas de la Transversale Sud) et de l'évolution du trafic (sur Paris - Milan). Bref, un drôle de jeu, dont le tournant politique se renforce à l'approche des élections : pour sauver les meubles, il faut concrétiser le énième sauvetage d'Alstom (au moins jusqu'au prochain). C'est l'illustration, une fois de plus, que l'Etat considère la SNCF comme une administration plutôt que de la gérer comme une entreprise.
L'Etat annonce que la SNCF devra renégocier le prix de ces rames avec Alstom pour rentrer dans l'épure compatible avec le montant du marché initial. Mais la partie s'annonce vaine quand l'industriel se retrouve en position dominante dans cette affaire hautement politique.
En attendant, ces TGV suscitent des appétits. Dans un premier temps, les élus de l'axe POLT avaient demandé que la commande de rames annoncées pour Bordeaux - Marseille soient prioritairement engagées sur POLT... avant de se raviser puisque les rames EuroDuplex ne passent pas sur l'axe POLT qui ne dégage pas le gabarit 3.3 nécessaire à la circulation des rames à deux niveaux. Pour ne pas trop se déjuger, ces élus demandent maintenant l'emploi des TGV Atlantique qui vont être pour partie libérés par l'arrivée des EuroDuplex "Océane".
Selon eux, l'utilisation des TGV Atlantique combinée à l'achèvement des travaux en cours de renouvellement sur l'axe POLT permettraient d'atteindre un temps de parcours de 2h20 sur la liaison Paris - Limoges, contre actuellement 3h02, en circulant 20 km/h plus vite que les rames tractées. Dans la catégorie "les Pieds nickelés font du chemin de fer", cette assertion mérite une place de choix :
- historiquement, le meilleur temps de parcours obtenu sur Paris - Limoges est de 2h50... sans arrêt (alors que les 3h02 actuels sont avec 2 arrêts) ;
- le gain de 20 km/h n'est au mieux envisageable que sur les sections aptes à 200 km/h entre Guillerval et Cercottes et entre Orléans et Vierzon, c'est à dire environ 150 km, et non sur la totalité du parcours Paris - Limoges ;
- les TGV Atlantique ne sont pas réputés pour être très performants, encore moins sous 1500 V, du fait de leur composition à 10 voitures ;
- la capacité de 485 places est compatible avec les actuelles compositions de 7 voitures Corail (402 places) mais inadaptées pour les renforcements à 14 voitures ;
- or l'exploitation en UM2 des TGV Atlantique conduiraient à des restrictions de puissance dégradant les temps de parcours par rapport aux performances actuelles.
Ou comment perdre du temps à vouloir en gagner par de pseudo-solutions évidentes...