Prolongement de carrière pour une partie du parc TGV
Une étude du cabinet Trans-Missions vient bien confirmer l'importante contraction du nombre de rames à grande vitesse dans les effectifs de SNCF Voyageurs, passant de 482 à son apogée en 2012 à 376 à l'été 2023 soit une baisse de 22 %. Contrairement à ce qu'indique l'opérateur, le remplacement des rames à un niveau par des rames à deux niveaux, pas plus que la version Ouigo, n'a compensé la perte de capacité offerte. Elle n'a fait que l'amortir puisque le nombre de sièges est passé de 220 447 à 188 842, soit une diminution de 15 %. Bien évidemment, des trains plus capacitaires mais moins nombreux, cela joue forcément sur le nombre de circulations, la fréquence des dessertes. C'est quand même ce qui intéresse en premier le voyageur (qui se moque éperdument du nombre de places offertes dans la rame dans laquelle il embarque !).
Moulins-en-Tonnerois - 27 juillet 2023 (ci-dessus) et 30 juillet 2023 (ci-dessous) - Les rames Duplex joueront les prolongations, du moins pour les premières, arrivées à la fin des années 1990. Il est encore prévu d'augmenter les effectifs de Ouigo. Ainsi, SNCF Voyageurs poursuit sa stratégie d'augmentation de capacité des trains et de réduction des fréquences au fil de l'eau... tout en segmentant son offre en deux produits strictement parallèles. © transportrail
SNCF Voyageurs a décidé de prolonger la carrière d'une partie de son parc à grande vitesse avec une opération baptisée Botox. L'allusion à la chirurgie esthétique est laissée à l'appréciation de chacun... Pour la réaliser, 19 rames seront cannibalisées pour constituer un stock de pièces destinées à du renouvellement sélectif des composants et pour réaliser une rénovation des aménagements intérieurs. La majorité du parc devrait néanmoins être concernée par une opération relativement légère, principalement de confort, pour prolonger leur carrière de 2 à 6 ans. Certaines rames Duplex pourront circuler 10 ans de plus grâce à une opération plus lourde et à leurs caisses en aluminium tenant en principe mieux dans le temps.
En parallèle, 12 rames supplémentaires seront transformées en Ouigo, portant l'effectif à 50 rames.
Enfin, à ce stade, SNCF Voyageurs envisage de ne pas aller au-delà de 115 rames TGV-M, considérant que les orientations de l'Etat visant à faire financer l'augmentation des dotations de SNCF Réseau pour l'infrastructure pour une ponction supplémentaire sur les résultats de l'opérateur (qui atteint déjà 900 M€ par an) brideront ses capacités d'auto-financement.
Pourquoi les trains sont plutôt rares en France ?
Le débat revient presque tous les jours dans les journaux, à la radio et à la télévision. Après la crise du Covid-19, beaucoup pensaient que la fréquentation dans les transports en commun mettrait de longues années à retrouver le rythme de croissance des années 2010. Si la situation des réseaux urbains n'est pas toujours facile, dans les trains, qu'ils soient régionaux ou nationaux, la demande atteint des niveaux particulièrement élevés.
Lyon Part-Dieu - 15 juillet 2023 - Vers 10 heures du matin, on ne peut pas dire que la gare déborde de trains puisqu'on ne compte que 3 InOui en Duplex (au premier plan pour Toulouse et au second plan le croisement sur la relation Paris - Lyon) et un train régional pour Grenoble non visible sur ce cliché. Certes, le 14 juillet permettait de partir dès le jeudi soir, mais quand même... © transportrail
Pourtant, la France ferroviaire se singularise par une relative - et très inégale - rareté des trains. A cela plusieurs raisons d'ordres stratégique, économique, mais aussi des postures de principe. La récente étude publiée par Trans-missions constitue le déclencheur de l'analyse de transportrail.
Ouigo : le recyclage des Corail continue
Au fur et à mesure de la libération de voitures Corail à la faveur de l'arrivée de matériels neufs, SNCF Voyageurs envisage le développement des dessertes Ouigo classiques. Après pelliculage aux couleurs particulièrement voyantes, ces rames sont donc engagées depuis avril 2022 sur des liaisons à bas coût, comptant 2 allers-retours par jour, tant vers Lyon que vers Nantes (l'un via Les Aubrais et Saint-Pierre-des-Corps, l'autre via Chartres et Le Mans).
Dans les dernières notifications à l'ART, SNCF Voyageurs manifeste l'intention de développer ces prestations vers l'ouest en restaurant une liaison Paris - Bordeaux (qui a existé sous l'appellation Intercités Eco) et en créant une desserte vers Rennes à l'horaire 2025.
Comme pour les liaisons vers Nantes et Lyon, Ouigo classique souhaite amorcer ses trains à Paris Austerlitz (ou Paris Bercy) et desservir des gares de banlieue parisienne. Ainsi, en direction de Bordeaux, les trains marqueraient des arrêts à Juvisy, aux Aubrais, à Saint-Pierre-des-Corps, au Futuroscope puis à Poitiers et Angoulême. Vers Rennes, il faudrait emprunter la Grande Ceinture, avec un arrêt à Pont-de-Rungis (qui à cette échéance disposera d'une correspondance avec la ligne 14 du métro parisien), Massy-Palaiseau, Versailles Chantiers puis Chartres, Le Mans et Laval.
Chartres - 2 juin 2023 - La desserte Ouigo entre Paris et Chartres comprend déjà un aller-retour sur la relation Paris - Nantes. Cependant, le trajet via la Grande Ceinture est très peu performant. De ce fait, ce train intéresse soit les voyageurs peu pressés de ou vers Paris et les chartrains qui peuvent plus commodément aller vers Angers et Nantes... mais une seule fois par jour. © transportrail
Igny - 21 avril 2023 - Les Ouigo Paris - Nantes empruntent donc la Grande Ceinture entre Versailles et l'axe Paris - Orléans pour concentrer les activités au départ de la gare d'Austerlitz. Les voyageurs gagnent une petite promenade, le plus souvent à 60 km/h dans le sud de la banlieue parisienne. Les voitures ont été simplement pelliculées et conservent leurs aménagements remontant parfois au milieu des années 1990. Pas de changements non plus pour les BB22200... © transportrail
- Vers Bordeaux, départs à 6h52 et 15h07 ;
- Depuis Bordeaux, départs à 7h23 et 14h39 ;
- Vers Rennes, départs à 8h25 et 13h44 ;
- Depuis Rennes, départs à 13h07 et 18h59, sans possibilité de liaison matinale donc.
Les temps de parcours varient fortement : de 4h55 à 5h39 vers Bordeaux, de 3h51 à 4h21 vers Rennes. La liaison bretonne est particulièrement peu performante de bout en bout du fait de l'itinéraire retenu pour concentrer ses services (et les redevances en gare) sur une seule gare parisienne. Il faut ainsi 1h30 pour aller de Paris à Chartres par cette bucolique promenade par la vallée de la Bièvre.
L'analyse sur ces services pose toujours les mêmes questions :
- ces matériels libérés étaient utilisés par des activités conventionnées (régionales ou nationales) : comment s'effectue comptablement le transfert vers un service librement organisé ?
- quel avenir pour ces prestations le jour où les voitures Corail seront réformées ? On peut penser que pour la traction, s'il fallait continuer ces services, il serait probablement possible de louer des locomotives.
Ouigo tente l'Italie
Ce devrait être la réponse de SNCF Voyageurs à la percée - encore modeste - de Trenitalia en France : Ouigo s'installerait en 2026 sur le réseau à grande vitesse italien. Le projet révélé par Le Parisien, porterait sur 9 allers-retours sur l'axe Milan - Rome, dont 2 amorcés à Turin et 4 prolongés à Naples, et 4 allers-retours Turin - Venise.
Les dessertes devraient être confiées à des rames TGV-M, probablement les 15 commandes additionnelles récentes. Le positionnement de l'opérateur français est motivé par les prestations haut de gamme de Trenitalia et Italo : une analyse surprenante puisque leurs trains comprennent tous 3 à 4 niveaux de prestations. Qui plus est, ils sont déjà bien implantés (doux euphémisme) :
- Trenitalia aligne 16 Turin - Milan, 14 Milan - Venise, 40 Milan - Rome et 27 Rome - Naples ;
- Italo n'est pas en reste avec 32 allers-retours sur Milan - Rome, 13 sur Turin - Milan, 21 entre Rome et Naples et 6 entre Milan et Venise.
Autant dire qu'il ne sera pas facile d'exister en face de tels services, même avec des prix très bas : par exemple sur Milan - Rome dans un mois (26 avril), 54 à 95 € l'aller par Trenitalia, 27 à 70 € par Italo.
En revanche, la desserte Paris - Milan de SNCF Voyageurs passerait alors de 3 à 2 allers-retours.
Ouigo en Espagne : nouvelle offre vers Valence
Deuxième étape de la percée de la SNCF en Espagne, sous la bannière de Ouigo : l'opérateur français a lancé un service comprenant 5 allers-retours entre Madrid et Valence, en 1h50. Les départs de Madrid Chamartin ont lieu en semaine à 7h20, 10h15, 13h45, 17h20 et 19h25, et de Valence Joaquin Sorolla à 7h35, 10h10, 13h30, 16h50 et 20 heures.
Pour mémoire, l'offre entre Madrid et Barcelone comprend également 5 allers-retours et les horaires sont relativement similaires, mais sur une amplitude plus importante puisque le premier train quitte Barcelone dès 6h45 alors que le dernier, parti à 20h45, arrive à Madrid à 23h30. Même chose vers Barcelone, avec un premier train à 7h05 et le dernier à 21 heures.
La SNCF lancera 2 allers-retours Madrid - Alicante en 2023. Les destinations vers l’Andalousie sont également visées mais il faudra attendre le remplacement du LZB par ERTMS niveau 2 sur la première des lignes à grande vitesse d’Espagne.
En outre, sous la bannière française de Ouigo, 2 allers-retours Paris - Barcelone seront proposés, remplaçant l'offre préexistante qui était labellisée InOui, avec une troisième relation en été. Les voyageurs auront bien du courage à voyager plus de 6 heures dans des trains au confort si limité, et avec une politique d'arrêt dissymétrique. Les trains partiront à 9h42 et 14h56 de Paris, à 10h33 et 14h32 de Barcelone. La liaison Paris - Barcelone d'après-midi se distinguera ainsi en desservant les gares excentrées de Nîmes Pont du Gard et de Montpellier Sud de France, alors que les autres passeront par les gares centrales.
La RENFE n'est pas en reste puisqu'elle annonce lancer prochainement sur cette relation ses S112 en version AVLO, sur le même segment du marché. L'opérateur espagnol historique semble donc vouloir répondre à la SNCF avec la même logique de séparation des gammes tarifaires par l'horaire (AVE - AVLO étant l'alter ego du tandem français InOui - Ouigo). Dans un peu plus d'un mois, Trenitalia arrivera sous la marque Iryo, avec des trains proposant tous les tarifs à chaque horaire. Il sera donc intéressant d'évaluer dans la durée la réaction du public sur ces stratégie très différenciées, même s'il est probable que la RENFE et ses AVE continueront d'avoir l'ascendant, ne serait-ce que parce qu'elle a remporté le lot de sillons le plus consistant. Néanmoins, avec 2 sillons par heure en particulier sur Madrid - Barcelone, les prestations d'Iryo seront à suivre.
15 TGV supplémentaires à vocation européenne
SNCF Voyageurs a annoncé ce vendredi par communiqué de presse son intention de lever une option de 15 rames au marché TGV-M, s'ajoutant aux 100 rames déjà commandées et dont la première rame a été assemblée. Si cette tranche ferme est destinée au trafic intérieur, cette nouvelle commande est destinée aux relations entre la France et les pays voisins. Pour l'instant, SNCF Voyageurs se contente d'annoncer que les rames pourront aller partout en Europe : elles seront dotées de motrices quadricourant 1500 V, 3000 V, 15000 V 16 2/3Hz et 25000 V 50 Hz. Il leur faudra aussi être dotées des équipements de signalisation des différents réseaux, ce qui n'est pas le moindre des défis.
Le coût de cette commande atteint 590 M€, soit 39,3 M€ par rame. A comparer avec la tranche ferme de 2,7 MM€ pour 100 rames soit 27 M€ l'unité : cet écart peut s'expliquer probablement d'une part par les équipements particuliers liées à la vocation de ces rames et à l'inflation. Cependant, il est si important qu'il ne manquera pas de poser quelques questions.
Reste à clarifier les destinations visées : il est probable que l'Allemagne en fera partie. Le cas de l'Espagne est un peu trouble car SNCF Voyageurs a rompu le partenariat avec la RENFE après le lancement de son activité Ouigo España. On peut se douter de l'envie d'aller en Italie puisque Trenitalia a lancé ses Frecciarossa sur Paris - Lyon - Milan. Et il faudra bien remplacer les 6 rames Réseau série 4500 aptes à circuler en Italie.
Le cas des liaisons vers la Belgique et les Pays-Bas est un peu différent : si le trafic Thalys, surtout entre Paris et Bruxelles, pourrait justifier depuis plusieurs années l'usage de rames Duplex, l'engagement de la fusion Thalys-Eurostar pourrait offrir à ces liaisons une solution capacitaire alternative. Puisque la desserte vers le Royaume-Uni reste inférieure à ce qu'elle était en 2019 (effets conjugués de la pandémie et du Brexit), les Velaro (e320) sont moins utilisés et pourraient être engagées sur les relations Paris - Bruxelles et au-delà les plus fréquentées, avec à la clé un gain de plus de 150 places par train par rapport à des UM2 de rames PBA-PBKA.
Pouvoir, vouloir : question de terme
« On ne pourra pas tout faire » a déclaré le ministre délégué aux Transports dans un entretien au Journal du dimanche, dans lequel, sans surprise, il cite pêle-mêle les lignes nouvelles, le renouvellement du réseau, sa modernisation et l’avenir des lignes de desserte fine du territoire. On sait comment cela se termine mais attend un état des lieux du réseau. Il est assurément dans son bureau car une certaine Elisabeth Borne l’avait demandé en 2017 quand elle était arrivée à ce poste. Depuis, SNCF Réseau transmet une mise à jour annuelle de ce document.
Le nouveau ministre se distingue par un bel impair, considérant que l'actuel contrat Etat - SNCF Réseau permet de stopper le vieillissement de l'infrastructure : il n'y guère que lui (et ceux qui ont rédigé et signé le contrat) pour le croire.
Pour le rail, on réfléchit. Comme d’habitude.
Pour la route en revanche, l’automobiliste est de plus en plus choyé. La remise de 18 centimes sur le prix des carburants va passer à 30 centimes en septembre-octobre avant de revenir à 10 centimes à partir de novembre. Le même ministre délégué demande aux concessions autoroutières de ne pas répercuter toute l’inflation sur le prix des péages et aux raffineurs de faire des efforts pour réduire leur marge et abaisser encore un peu plus le prix des carburants.
Pour la route, on ne compte plus les largesses de l’Etat… et on n’évoquera pas les multiples projets de voies rapides et autres autoroutes, sempiternellement justifiés par le « maillon manquant du désenclavement ».
En revanche, les signaux en faveur de l’usage du train se font toujours attendre :
- Depuis combien de temps est réclamé l’abaissement de la TVA à 5,5% sur tous les transports publics, conventionnés ou librement organisés ? La France n'a pratiqué aucune politique d'incitation à l'usage du train ;
- Cet été, la SNCF se réjouit d’une demande très forte, qui lui assure un remplissage d’autant plus élevé de ses trains qu’elle n’a pas rétabli l’intégralité du service de référence (il manque 10 à 20% d’offres selon les axes), et une marge accrue du fait de la hausse des tarifs, qui semble cette fois-ci bien réelle, alors qu’une comparaison entre l’hiver 2021 et l’hiver 2022 n’avait guère de sens car le début d’année 2021 était marqué par un trafic faible en sortie de restrictions pandémiques ;
- L’Etat semble toujours passif quant à son rôle sur l’offre longue distance, soit en tant qu’autorité organisatrice, soit en tant qu’actionnaire unique de l’opérateur…
- Quant à la gestion de l'infrastructure, il sera difficile d'enterrer les promesses électorales sur les grands projets, mais plusieurs voix semblent mettre la situation du chemin de fer en France où chaque euro supplémentaire est âprement contesté, alors que la facture des Jeux Olympiques de 2024 devrait fortement s'alourdir sans manifestement susciter quelque interrogation que ce soit...
Frictions franco-espagnoles
Le Figaro propose un article sur les relations ferroviaires entre la France et l'Espagne, sur le versant méditerranéen, et le prochain divorce entre la SNCF et la RENFE. La focalisation des opérateurs sur la longue distance, pour concurrencer l'avion au départ de Paris, en dépit de l'existence d'un marché de moyenne distance, est évidente. L'offre est largement sous-dimensionnée et incite à l'usage de la voiture ou de l'avion sur des parcours depuis Montpellier, Toulouse, Perpignan vers Barcelone : transportrail s'était déjà penché sur la question dans ce dossier.
La SNCF a lancé ses relations Ouigo entre Madrid et Barcelone et la RENFE s'intéresse de près au marché français. Néanmoins, pour l'instant, la situation est plutôt confuse car 12 rames françaises Duplex 3UH, aptes France - Espagne, sont concentrées sur cette nouvelle offre. Elles étaient pour partie engagées en trafic intérieur en complément des relations Paris - Barcelone.
Côté espagnol, les AVE S100, type TGV Atlantique, peuvent circuler en France, mais avec pour l'instant des restrictions techniques : des interférences avec la TVM300 ont été détectées, les privant d'un accès à Paris. Elles sont donc pour l'instant limitées à Lyon sur le réseau à grande vitesse. Il y aurait cependant déjà de quoi faire.
La RENFE mise également beaucoup sur sa nouvelle série S106 Avril, mais Talgo semble peiner à fournir les rames en temps et en heure. Ces rames sont composées de caisses courtes et très larges (3,20 m), nécessitant une vérification de compatibilité avec le gabarit réel des infrastructures, à la charge désormais de l'opérateur. Et, petit détail qui devient commun à nombre de matériels à grande vitesse (c'est déjà le cas des Zefiro et de la nouvelle génération de TGV) : une longueur accrue de 2 m (202 m au lieu de 200 m) qui va elle aussi donner du fil à retordre pour assurer la compatibilité avec les voies de remisage, les longueurs de quai disponibles dans certaines gares, la position des portes par rapport à certaines contraintes à quai... ou la position des portillons de contrôle d'embarquement dans certaines gares françaises (sujet sur lequel nous reviendrons prochainement).
S'ajoute à cela la disponibilité limitée en équipements de signalisation française (KVB, TVM) source de bien des débats, plutôt stériles puisque la réciproque est vraie : à ce jour, le LZB d'origine allemande est impératif pour circuler au sud de Madrid vers l'Andalousie, ce qui renvoie aux stratégies de déploiement d'ERTMS sur les réseaux nationaux, fortement lié à l'investissement des Etats. C'est in fine la conclusion en France de l'Autorité de Régulation des Transports dans un récent rapport.
La grande vitesse n’est pas le seul objet des tensions de part et d’autre des Pyrénées : les trains régionaux d’Occitanie et le train de nuit venant de Paris ne sont plus admis en gare de Port-Bou, étant donné qu’il est désormais exigé des conducteurs la maîtrise de la langue espagnole (ouf, ils auraient pu demander le catalan). A ce rythme, l’Europe ferroviaire n’est pas pour demain : la voiture et l’avion ont de beaux jours devant eux !
A propos de la desserte Paris - Toulouse
A l'heure où la Région Occitanie renforce ses pressions sur l'Etat pour assurer la réalisation de la ligne nouvelle Bordeaux - Toulouse, en dépit de prises de position opposées du côté de Bordeaux, il n'est pas inutile de se pencher sur la desserte proposée par la SNCF sur la relation Paris - Toulouse. Outre les 4 allers-retours par Trains d'Equilibre du Territoire sur l'axe Paris - Orléans - Limoges - Toulouse, (3 allers-retours de jour et 1 aller-retour de nuit), la desserte par trains à grande vitesse, via Bordeaux, comprend 5 allers-retours InOui et 2 allers-retours Ouigo (en bleu ci-dessous) :
- sens Paris - Toulouse : départs à 6h45, 8h52, 10h52, 12h21, 13h52, 16h52, 18h52 ;
- sens Toulouse - Paris : départs à 6h51, 8h50, 11h55, 14h26, 15h51, 17h49, 18h51.
Toulouse Matabiau - 27 septembre 2021 - Parmi les 7 liaisons à grande vitesse au départ de Toulouse Matabiau vers Paris, 2 Ouigo : les voyageurs à petits budgets devront donc composer avec le siège type TER pendant un peu plus de 4 heures. La troisième classe par des horaires spécifiques constitue un handicap de plus pour les voyageurs qui n'ont guère de solution de report s'ils doivent changer de train... © transportrail
On notera évidemment le cadencement approximatif (qui se prolonge en ligne selon que les trains desservent ou non Agen et Montauban) et le positionnement des Ouigo sur des créneaux intéressants : sans le sens impair, il faut être franchement matinal pour espérer arriver avant midi à Toulouse en voyageant confortablement, et dans le sens pair, le départ de 17h49 impose en symétrie un retour assez tardif.
Les temps de parcours ont évidemment bénéficié des gains procurés par la LGV SEA, de l'ordre de 50 minutes par rapport aux meilleurs temps avant les travaux de réalisation de cette nouvelle ligne. Avec un temps de parcours autour de 4h15 à 4h25, le train a commencé à réduire l'écart de parts de marché par rapport à l'avion. C'est encore un peu long (on va plus vite de Paris à Bordeaux que de Bordeaux à Toulouse), mais le principal facteur bridant la fréquentation n'est pas celui-là, si on en juge par le remplissage assez élevé des rames.
En revanche, la desserte constitue le principal point faible. Rapide comparaison avec une autre ville d'Occitanie avec un temps de parcours à peu près équivalent... et d'une taille bien plus réduite : Béziers. La sous-préfecture de l'Hérault dispose de 7 allers-retours par jour, comme Toulouse, dont l'agglomération compte pourtant 15 fois plus d'habitants !
Béziers - 1er octobre 2019 - Est-il logique que la desserte Paris - Toulouse soit de même consistance que la desserte Paris - Béziers ? Outre le débat sur la ligne nouvelle, il existe dès à présent une interrogation sur le niveau de desserte actuel... © D. Gubler
On pourra notamment rappeler que, dans les prévisions de trafic présentées lors de l'enquête publique de la LGV Sud Europe Atlantique, étaient mentionnés 10 à 12 allers-retours Paris - Toulouse, ce qui serait un peu plus conforme au marché pour ce temps de parcours : c'était à peu près la desserte de Marseille entre 1994 et 2001 quand la LGV s'arrêtait aux portes de Valence. Et à l'époque, il n'était pas question de segmenter la tarification par l'horaire...
Si déjà Toulouse disposait d'une dizaine d'allers-retours, il possible de gagner quelques parts de marché à l'avion mais aussi de structurer plus clairement la desserte d'Agen et de Montauban.
Enfin, on pourra rappeler que Flixtrain avait manifesté son intention de créer 2 allers-retours Paris - Toulouse via Limoges, signe qu'il y a aussi un marché sur cet itinéraire, principalement pour des parcours interrégionaux...
Une concurrence à grande vitesse
Entre opérateurs ferroviaires européens, la concurrence monte en puissance à grande vitesse : les compagnies publiques française, italienne et espagnole ne cachent plus leurs intentions d'aller faire rouler leurs trains chez leurs voisins. Si le marché de la longue distance est évidemment en tête d'affiche, les appels d'offres pour des contrats de service public sont également l'objet de convoitises.
La SNCF a donc lancé depuis plusieurs mois une offre Ouigo en Espagne, en débutant par la liaison Madrid - Barcelone, en étant lauréate d'une des franchises d'exploitation attribuées par ADIF, le gestionnaire d'infrastructure ferroviaire en Espagne.
En réponse, la RENFE confirme ses intentions de pénétrer le marché intérieur français en créant une succursale installée à Paris destinée à de futures activités en France. L'opérateur public espagnol vise d'abord des activités librement organisées à grande vitesse sur l'axe Paris - Lyon - Marseille : elle avait déjà notifiée à l'ART ses premières intentions sur l'axe Lyon - Marseille, où l'offre de la SNCF laisse des intervalles assez conséquents, notamment en milieu de journée.
Elle révèle en outre qu'elle postule à des appels d'offres pour l'exploitation de services régionaux conventionnés dans le Grand Est mais aussi dans les Hauts de France.
De son côté, Trenitalia prépare la commercialisation dans un premier temps de 2 allers-retours Paris - Lyon - Chambéry - Turin - Milan, mais il ne s'agira que d'un échauffement puisque 14 rames ETR400 ont été équipées pour la circulation en France, ce qui laisse supposer que l'opérateur à d'autres perspectives en tête. Dans le même temps, Trenitalia se prépare à lancer ses trains en Espagne, étant lauréate du deuxième lot mis en appel d'offres par ADIF.
Comme l'opérateur public italien arrive sur le marché français, la SNCF réplique en annonçant son intention de lancer ses propres trains de l'autre côté des Alpes pour se frotter non seulement à Trenitalia mais aussi à Italo, qui occupent déjà assez largement le marché. La SNCF annonce même vouloir débarquer avec la nouvelle génération de TGV et encore une fois en se focalisant sur le créneau du low-cost.
Et sur le marché intérieur, SNCF Voyageurs a aussi - et d'abord - comme concurrent des entreprises françaises bien connues : évidemment Transdev, qui a remporté le marché Marseille - Nice, mais aussi RATP Dev, qui, avec RegioNeo en partenariat avec Getlink ne cache plus ses intentions. La position de Keolis, filiale du groupe SNCF n'est pas simple.
Pour l'instant, la DB semble plutôt sage sur le créneau des longues distances, même si elle est certainement intéressée avec Arriva - qui est toujours sa filiale - par les contrats régionaux, mais jusqu'à quand ? Il ne faut en outre pas oublier que d'autres avaient aussi quelques idées en tête : on se souvient de la SNCB qui avait procédé à des essais avec ses locomotives HLE18 pour proposer des liaisons classiques Paris - Belgique via Saint Quentin.
Enfin, dans une organisation - en apparence - partenariale, les ÖBB relanceront mi-décembre le train de nuit Paris - Munich - Salzburg - Vienne.
Voilà qui assurément va aussi bousculer SNCF Réseau chargé de l'attribution des capacités du réseau ferroviaire, et qui est astreinte à un devoir de non-discrimination, tout en étant intégrée au groupe SNCF aux côtés de SNCF Voyageurs notamment...