09 juin 2022

De la diversité dans la maîtrise d'ouvrage ferroviaire ?

C'est peu dire que la politique des transports en France brille par son inconsistance et, en même temps, son extraordinaire versatilité. Ce n'est pas un fait nouveau, mais chaque fois, le mouvement de balancier va un peu plus loin. Ainsi, le système ferroviaire a été rigidifié avec une première réforme en 2014 (la réintégration du groupe SNCF, critiquée par l'ART et l'Autorité de la concurrence). La deuxième, en 2018, en parallèle à la Loi d'Orientation sur les Mobilités, a mué les EPIC en Société Anonyme, idée saugrenue notamment pour l'entité en charge de l'infrastructure. Elle a désendetté en partie le gestionnaire d'infrastructure, en contrepartie du transfert de propriété à l'Etat du réseau, et a ouvert une première brêche dans la gouvernance : les Régions peuvent demander à récupérer des missions de maîtrise d'ouvrage pour les études et les travaux, voire le transfert complet de la gestion des lignes de desserte fine du territoire, qui changeraient d'affectataire (de SNCF Réseau à la Région demandeuse).

Une autre brêche est peut-être en train de s'ouvrir puisque la Société du Grand Paris a validé le 12 mai dernier la création d'une filiale destinée à conduire des études puis, éventuellement, la maîtrise d'ouvrage de travaux au-delà du périmètre du Grand Paris Express. Un premier pas qui en attend un deuxième, d'ordre législatif cette fois, et qui devra intégrer une dimension financière : pour l'instant, la SGP bénéficie d'une recette affectée dédiée aux nouvelles lignes de métro et, par extension, à quelques projets ferroviaires franciliens. La SGP se pose donc la question de son avenir au-delà du Grand Paris Express - mais la dernière mise en service ne devrait pas avoir lieu avant une décennie - et semble lorgner sur les éventuelles sociétés de projet qui pourraient émerger afin de piloter techniquement et financièrement les lignes nouvelles confirmées par le précédent gouvernement. En effet, il est question de monter des sociétés de projet dédiées pour LNPCA, GPSO, voire la première section de LNMP.

Des intentions sont prêtées à la SGP à propos du Réseau Express Grand Lille, devenu Réseau Express Hauts de France, incluant une traversée souterraine de Lille et notamment une infrastructure nouvelle entre Lille et Hénin-Beaumont (encore que pour ce dernier, il est probable que des gains comparables puissent être obtenus en se limitant à la dénivellation des bifurcations à niveau dans le périmètre Lille - Douai - Arras - Lens - Lille).

Ce positionnement de la SGP pourrait aussi provoquer des remous dans les ingénieries déjà implantées, dont certaines dont détenues au moins en partie par des capitaux publics (cas de Systra ou d'Egis).

Ce foisonnement n'est pas sans risque car, quel que soit le montage du projet, il faudra bien gérer les interfaces avec le réseau existant, demeurant - pour l'instant ? - dans la musette de SNCF Réseau. Le gestionnaire historique se retrouve confronté non seulement à une dotation structurellement insuffisante pour assurer la pérennité des lignes dont il a la gestion pour le compte de l'Etat, mais ses ressources en ingénierie et en travaux sont elles aussi inférieures aux besoins, ce qui l'amène de plus en plus fréquemment à externaliser des études et des travaux... ce qui requiert donc malgré tout une capacité intrinsèque à encadrer efficacement les prestations externalisées. C'est un métier... et la tendance actuelle, faute de ressources suffisante, n'est pas sans risques.

C'est finalement une question de confiance entre l'Etat et SNCF Réseau... ou de défiance, selon les points de vue !


19 novembre 2021

Financement du réseau : Sénat et Cour des Comptes inquiets

Alors que le nouveau contrat Etat - SNCF Réseau a été présenté au conseil d'administration du gestionnaire d'infrastructures début novembre et qu'il entame son processus de consultation prévu par la loi, le Sénat et la Cour des Comptes tirent conjointement le signal d'alarme, constatant que la situation du réseau ferroviaire reste extrêmement fragile en raison d'un niveau d'investissements insuffisant... et de surcroît calculé hors inflation, ce qui ne fait que réduire l'enveloppe réellement utilisable.

Il faut néanmoins souligner plusieurs points. Si les coûts globaux de SNCF Réseau restent élevés, c'est en partie en raison de ce retard d'investissements. On parle beaucoup de centralisation de la commande du réseau et du déploiement d'ERTMS sur le réseau principal, mais les investissements associés (évalués à 35 MM€) se font toujours attendre du fait d'un contrat trop malthusien. Qui plus est, ce projet ne porte que sur les grands axes, essentiellement gérés en block automatique : les gains de productivité les plus élevés sont sur les lignes où le trafic est géré encore par un block manuel voire du cantonnement téléphonique. Mais cela concerne les lignes de desserte fine du territoire.

Venons-en à elles : revient une nouvelle fois la réflexion sur la consistance du réseau, mais de façon moins brutale que ne l'avait fait le rapport de M. Spinetta en 2018. Les messages sont passés et tant le Sénat que la Cour des Comptes formulent le souhait d'une étude sur la possibilité de développer l'usage de ces lignes. N'oublions pas que s'il y a peu de voyageurs sur nombre d'entre elles, c'est d'abord parce qu'il n'y a pas beaucoup de trains : pour les deux tiers de ces lignes, l'offre ne dépasse pas 5 allers-retours par jour.

A leur sujet encore, Sénat et Cour des Comptes convergent vers les dispositions de l'article 172 de la LOM pour transférer la gestion de certaines lignes de SNCF Réseau aux Régions. Mais celles-ci sont majoritairement prudentes car le mécanisme semble complexe et pose des questions relatives à l'exploitation pour gérer de futures interconnexions entre gestionnaires d'infrastructure. En outre, la loi grave dans le marbre un principe de neutralité financière pour SNCF Réseau. Ce n'est donc pas un levier de désendettement puisque toute économie devra être également versée aux Régions demandeuses.

Autre facteur de productivité : l'organisation des chantiers. Les moyens techniques mis en oeuvre sont fonction des capacités d'investissement : ceux-ci étant limités, les travaux sont effectués selon des processus qui sont d'une efficacité moyenne au regard du linéaire de renouvellement par jour. De plus, faute d'équipement adapté, leur impact est fort sur les circulations, ce qui pénalise les recettes commerciales. Sur ce domaine aussi, des investissements sur l'équipement du mainteneur et sur l'infrastructure (installations de contre-sens, banalisation) pourraient améliorer la performance des travaux et préserver une partie des recettes.

Le niveau des redevances d'utilisation du réseau est aussi pointé par les deux documents : c'est en France qu'elles sont parmi les plus élevées d'Europe, dans l'espoir de couverture du coût complet de l'infrastructure par le trafic. Comme l'intensité d'usage du réseau est moyenne, sinon médiocre, cet objectif est évidemment hors de portée. Le maintien de péages élevés permet à l'Etat de se défausser sur les opérateurs, à commencer par SNCF Voyageurs... à qui on ne cesse de demander de verser des dividendes à SNCF Réseau, là encore pour que l'Etat échappe à ses responsabilités. Et sur un réseau désormais ouvert à la concurrence, ce mécanisme apparaît inéquitable, tandis que le trio péages élevés - capacité limitée - fiabilité moyenne aura tendance à dissuader les candidats à l'aventure en services librement organisés.

Conclusions convergentes des analyses du Sénat et de la Cour des Comptes : les dernières réformes ferroviaires sont de portée insuffisante, la reprise de 35 MM€ de dette était nécessaire mais ne fait pas une politique et aucun dispositif réel ne permet à ce jour d'éviter ni une nouvelle spirale d'endettement ni de nouvelles menaces sur la consistance et la performance du réseau.

Faudra-t-il appliquer des restrictions sévères de vitesse sur le réseau structurant pour faire comprendre l'acuité de la crise ferroviaire ? Mais qui serait capable de porter un tel scénario sans risquer la révocation en Conseil des Ministres ? Surtout à moins de 6 mois des élections nationales...

15 octobre 2021

Ferroviaire : l’auto-satisfaction est de mise

Un Goldorak ferroviaire ?

Dans notre récent article sur la stratégie nationale pour le fret ferroviaire, nous évoquions une autre stratégie, celle de la communication gouvernementale, caractérisée par une propension prononcée à l’auto-satisfaction.

Illustration avec l’entretien du ministre des Transports dans Le Monde daté du 16 septembre dernier. « Sur la route et le rail, nous avons rattrapé les errances du passé ». Rien que ça !

Le macronisme ferroviaire a 3 traits de caractère bien affirmés :

  • Le « en même temps » : à 30 mois d’écart, affirmer qu’il est temps de faire une pause durable sur les grands projets pour privilégier la modernisation du réseau existant puis les ériger à nouveau en priorité nationale ;
  • La capacité à faire croire que des engagements déjà pris mais non honorés constituent un concours supplémentaire, pour masquer le retard pris dans les engagements de l’Etat (exemple : les annonces de M. Macron pour les transports en commun à Marseille) ;
  • La capacité à annoncer des chiffres élevés portés par l’Etat, alors qu’il s’agit souvent de l’addition des concours de plusieurs partenaires, à commencer par les Régions, voire l’Union Européenne. Exemple avec le plan pour le fret, annoncé à 1 MM€… mais avec seulement 500 M€ de concours réel de l’Etat.

L’actuel gouvernement serait en quelque sorte comme Goldorak, sauveur de tous les temps. La réalité est un peu différente. Ce serait donc « Goldotrack » ?

Quel bilan ?

L’Institut Montaigne a confié à Patrick Jeantet, ancien président de SNCF Réseau, l’analyse du bilan du quinquennat actuel dans le domaine des transports. La réforme ferroviaire de 2018 lui apparaît paradoxale, avec d’un côté la libéralisation du marché intérieur et de l’autre une réunification du groupe SNCF avec une question sur l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure. La LOM de 2019 a fait l’impasse sur la programmation des investissements, y compris et surtout en maintenant une insuffisance de financement du renouvellement et de la modernisation du réseau existant. Le déficit de stratégie s’exprime aussi sur les lignes de desserte fine du territoire avec des positions de l’Etat variant selon la pression des Régions : la réintégration dans le financement national de 14 d’entre elles semble lui aussi insuffisant. Elle se traduit enfin par des décisions ponctuelles éparses et sans cohérence d’ensemble : les non-choix du COI, la pause sur les grands projets revenant sur le devant de la scène fin 2021, le lancement de CDG Express avec un financement de SNCF Réseau contrariant la « règle d’or » (pour se limiter aux sujets ferroviaires).

L’affaire des 80 km/h sur les routes secondaires a été très révélateur d’un excès de parisianisme, imposant une mesure nationale avant d’en constater l’impact et de se défausser finalement sur les collectivités locales. Bref, les mauvaises pratiques de l’Etat ont résisté au séisme politique de 2017, aux mouvements sociaux et à la crise sanitaire.

En outre, on peut aussi rappeler que l’actuel locataire de l’Elysée avait précédemment provoqué la création de services librement organisés d’autocars qui ont déstabilisé le transport ferroviaire de façon indirect en créant une confusion sur la perception du prix, même s’il faut reconnaître que la tarification de la SNCF n’était pas des plus limpides quoiqu’en moyenne plutôt moins chère que d’autres réseaux comparables.

Des efforts réels… mais encore insuffisants

Il faut néanmoins mettre à son actif le désendettement avec la reprise de 20 MM€ de dette en 2020 et de 15 MM€ l’année prochaine, ce qui devrait ramener le niveau de la dette à celui correspondant réellement aux problèmes structurels du système ferroviaire, et en partie à l’insuffisance du trafic.

Il y a bien eu affectation de crédits supplémentaires via le Plan de Relance, mais de façon très confuse : dans les 620 M€ affichés pour les lignes de desserte fine du territoire, SNCF Réseau doit en dégager 70 par des produits de cession, et 300 ne font que retranscrire des engagements déjà pris mais qui ne s’étaient traduits par aucun financement réel. Pour les 14 lignes devant réintégrer le réseau structurant (et donc un financement par le contrat Etat – SNCF Réseau), la situation reste des plus floues et une stratégie de gestion de la pénurie – avec à la clé une dégradation des performances puisque l’obsolescence progressera plus vite que le renouvellement – qui devrait assurément susciter des réactions dans les Régions…

Il est en revanche à souligner que le volume de travaux sur ces lignes a fortement augmenté, du fait de la mise en œuvre des CPER 2015-2020, d’abord grâce au financement des Régions, avec un doublement du montant (environ 225 M€ en 2027 et plus de 450 M€ en 2021).

« Une histoire banale d’hommes et de misère »

 « Mon but est d’avoir, en 2030, un réseau ferroviaire complètement régénéré, doté d’une signalisation à jour et avec une commande des aiguillages centralisée » : si on ne peut que partager l’intention du ministre, il est évident qu’elle ne pourra être concrétisée qu’à condition de mettre en œuvre des moyens bien plus importants que ceux qui sont aujourd’hui alloués au système ferroviaire et notamment à l’infrastructure. Or le contrat Etat – SNCF Réseau de 2017 n’a pas été tenu. Il prévoyait en 2021 un budget de 3,1 MM€ pour le renouvellement du réseau : la dotation réelle n’est que de 2,7 MM€, comme en 2017. Le retard continue de croître et le nouveau contrat, annoncé tous les 3 mois « pour dans 3 mois » joue les arlésiennes.

La stratégie nationale pour le fret donne une indication sur la consistance du nouveau contrat en évoquant une dotation de 2,9 MM€ par an jusqu’en 2029. C’est évidemment insuffisant : l’audit du professeur Putallaz de 2018 considérait qu’il faudrait plutôt 3,5 MM€ pour amorcer la modernisation du réseau… et certains postes avaient été sous-estimés (notamment la signalisation et l’alimentation électrique, sujets devenant des plus critiques sur nombre de lignes). Plus vraisemblablement, le « bon » niveau d’investissement serait d’au moins 4 MM€ pour le renouvellement, auquel il faudrait ajouter une dose de modernisation. Resterait enfin à définir le niveau de participation de l’Etat sur les lignes de desserte fine du territoire, dont le renouvellement ne devrait pas incomber d’abord aux Régions. Autant dire que le « juste prix » du contrat Etat – SNCF Réseau devrait plutôt se situer autour de 4,5 MM€ par an pour le seul réseau principal !

La commission des finances du Sénat n'a pas manqué de tanser l'Etat en considérant que les mesures du plan de relance et la reprise de 35 MM€ de dette ne suffisaient pas à faire une politique des transports ferroviaires, en soulignant justement l'absence de perspectives sur la modernisation du réseau. Elle a aussi pointé le principe de couverture du coût complet du gestionnaire d'infrastructures qui amplifie le malthusianisme ferroviaire, et le mécanisme de reversement à SNCF Réseau des bénéfices de SNCF Voyageurs, sachant que la période 2020-2021 n'en dégage évidemment aucun.

Bref, il faudra attendre une prochaine réforme pour espérer que le transport ferroviaire soit doté à la hauteur de ses besoins. Ceci dit, il ne devrait pas être trop difficile de faire un article similaire sur l'Education Nationale, la santé, la police, la justice...

« Long is the road »…

19 avril 2021

Nouvelle Aquitaine : accord Etat-Région sur les infrastructures

A l'approche des élections régionales, il est temps de faire bonne figure et d'engranger des accords Etat-Régions sur le sujet toujours aussi sensible du financement des infrastructures ferroviaires et tout particulièrement des lignes de desserte fine du territoire. Ainsi, l'une des Régions les plus concernées par ce sujet, Nouvelle Aquitaine, a entériné le projet d'accord, sur la base des travaux de l'incontournable préfet François Philizot.

Le besoin de financement est estimé à ce stade à 1,52 MM€ sur les 10 ans à venir. Il prévoit un financement à 62% de la Région et à 38% du bloc Etat - incluant SNCF Réseau - ainsi que le principe d'une reprise de la gestion de 3 sections par la Région, en application de l'article 172 de la Loi d'Orientation sur les Mobilités. Il s'agit de Nexon - Brive, Busseau sur Creuse - Felletin et, cas un peu plus complexe car concernant aussi les Pays de la Loire, l'axe Thouars - La Roche sur Yon.

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La Meyze - 31 juillet 2020 - Les petites lignes lignes entre ombre et lumière : cette relation Limoges - Saint Yrieix emprunte la section renouvelée de la ligne Nexon - Brive dont le transfert de gestion à la Région semble sérieusement envisagé. © transportrail

En revanche, l'Etat prévoit d'intégrer les sections Bordeaux - Marans (sur l'axe Nantes - Bordeaux) et l'ensemble Coutras - Périgueux - Bussière-Galant (liaison Bordeaux - Limoges), aujourd'hui UIC 7 ou 8 donc estampillées LDFT dans le réseau structurant financé à 100% par la dotation à SNCF Réseau. Les autres lignes demeurent du ressort du Contrat de Plan Etat-Région.

Singularité de ce protocole, il fait mention des intentions de la Région quant au développement des dessertes afin de rendre le train plus attractif en améliorant la rotation du matériel roulant et du personnel et capter de nouveaux trafics hors des flux pendulaires.

Néanmoins, il reste à ce stade quelques inconnues, comme le sort de la section centrale de Nexon - Brive entre Saint Yrieix la Perche et Objat, toujours interceptée suite à un éboulement, de la section Saint Junien - Angoulême de la petite transversale Limoges - Angoulême, et évidemment à l'est du Limousin de la desserte ferroviaire au-delà d'Ussel, qui nécessiterait un accord avec la Région Auvergne - Rhône-Alpes.

18 avril 2021

Alès-Bessèges : concertation et oppositions

La réouverture se profile

La Région Occitanie vient d'achever un mois de concertation préalable au retour des trains entre Alès et Bessèges, où ils ont disparu en 2012 en raison d'une infrastructure en mauvais état, mais aussi du fait d'une offre squelettique, donc peu utile à la population gardoise, et des considérations de la SNCF pour ce type de lignes. Les 31 km du parcours desservent 145 000 habitants dont 42 000 salariés.

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 Saint Ambroix - 16 mai 2012 - Derniers trains sur Alès - Bessèges où le manque d'entretien des installations était plus que flagrant. Dans un premier temps, la Région mise sur une exploitation avec une seule rame et 7 allers-retours. Pour faire plus, il faudra une deuxième phase d'investissement avec un peu de signalisation automatique d'Alès à Saint Ambroix pour instaurer une desserte avec 2 rames. © Rail Conception

Dans un premier temps, sera instaurée en 2026 une desserte comprenant 7 allers-retours (5 pour Bessèges + 2 limités à Saint Ambroix), avec un trajet Alès - Bessèges en 40 minutes. C'est bien un minimum pour rendre le train visible de ses potentiels utilisateurs, sur un axe où le trafic routier est assez important, notamment d'Alès à Saint Ambroix, avec de l'ordre de 10 000 véhicules par jour. Un nouvel arrêt est annoncé à Alès, près du lycée, dont l'intérêt est relatif car situé à moins de 500 mètres de la gare principale. Un arrêt au nord d'Alès, près de l'hôpital, serait peut-être encore plus intéressant.

Sur la ligne, sont déjà arrivés quelques matériaux provisionnés, à la faveur d'opération de renouvellement sur le réseau structurant, afin de recycler notamment des rails pouvant encore servir une vingtaine d'années sur des lignes moins fatigante que les grands axes.

La Région Occitanie a officiellement saisi l'Etat pour demander le transfert de la gestion de cette ligne, ainsi que Montréjeau - Luchon, selon les dispositions de l'article 172 de la LOM. Une situation particulière : la Région met en concurrence la gestion de l'infrastructure, tout en continuant de confier l'exploitation des trains à SNCF Voyageurs. La politique est aussi affaire d'équilibristes.

Les trains, oui, mais chez les autres !

Quand on veut réactiver une ligne suspendue depuis quelques années, outre le fait que le coût d'investissement est élevé, avec des procédures qui s'apparentent parfois à la création d'une ligne entièrement nouvelle, on a droit à son cortège d'opposants. Voici donc le cas des adversaires au train sur cette ligne. ils mettent en avant, sans surprise :

  • la perturbation de leur quiétude : c'est sûr, des routes à plus 10 000 véhicules par jour (cas de la RD16 entre Alès et Salindres et de la RD904 jusqu'à Saint Ambroix) ne génèrent aucune nuisance ;
  • l'investissement, gaspillage d'argent public, estimé entre 66 et 68 M€ qui va peser sur leurs impôts : on parle des ronds-points et autres déviations ? Ces investissements sont toujours présentés comme des éléments essentiels à la sécurité, voie de l'avenir pour les générations futures etc... ;
  • des coûts d'exploitation élevés pour des trains vides donc jamais rentables, donc vivant de subventions qui se répercuteront sur leurs impôts (encore eux) : si les trains sont vides, c'est - en étant un peu caricatural - parce que les riverains de la ligne ne l'utilisent pas et ne pensent qu'à la voiture pour se déplacer. Certes, quand la desserte comprenait 2 ou 3 allers-retours, c'était assez logique. Mais justement, pour un coût assez voisin de l'offre antérieure à 2012, il y aura déjà plus du double de trains.

Une petite ligne avec un potentiel intéressant

Quitte à froisser ces braves contribuables et électeurs, on serait même tenté de dire qu'Alès-Bessèges est une ligne de desserte fine sur laquelle il serait possible de faire encore mieux. Les 7 allers-retours annoncés par la Région ne mobilisent qu'une seule rame circulant en navette. En ajoutant un second autorail, il serait possible d'instaurer une cadence à l'heure entre Alès et Saint Ambroix, ce qui, compte tenu du trafic routier, serait bien le minimum qu'on puisse proposer. Pour mémoire, rappelons que dans un autre monde ferroviaire, la Suisse, toute localité d'au moins 100 habitants doit disposer d'au moins 4 allers-retours de service public par jour.

Avec un tel trafic routier, on entre dans la catégorie des dessertes - au moins - cadencées à l'heure. Une cadence aux 2 heures est suffisante pour la section Saint Ambroix - Bessèges, mais devra être maintenue le week-end, notamment en été, pour capter un public touristique, amateur de beaux paysages et de randonnées cévénoles.

La ligne aurait alors besoin d'une signalisation uniquement entre Alès et Saint Ambroix, sachant qu'il existe un trafic fret à gérer entre Salindres et Alès. Au-delà, le parcours Saint Ambroix - Bessèges ne voyant l'engagement simultané que d'une rame, pourrait être géré en régime de navette pour une cadence aux 2 heures depuis Alès.

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25 février 2021

Loi Climat : un texte décevant

Le moins que l'on puisse dire, c'est que, communication gouvernementale mise à part, le projet de loi Climat ne suscite guère d'enthousiasme. Ce n'est pas seulement l'avis de mouvements associatifs ou de membres de la Convention Citoyenne, mais c'est d'abord celui du Haut Conseil pour le Climat : le projet de loi est jugé trop limité dans ses actions et dans les délais de mise en oeuvre. Il ne permet pas de respecter l'engagement de la France de réduire en 2030 les émissions de gaz à effet de serre de 40% par rapport au niveau de 1990. Bref, les objectifs de l'accord de Paris ne sont pas respectés : à vrai dire, ce n'est pas une surprise !

Cette mise en garde du HCC intervient alors que l'Etat a été reconnu responsable dans l'insuffisance de la lutte contre la pollution. Autant dire que pour étoffer le bilan écologique de ce quinquennat, il va falloir accélérer.

La FNAUT juge elle aussi ce projet trop édulcoré dans ses ambitions et trop conservateur sous certains aspects : ainsi, le texte conforte le primat du transport individuel, avec en tête d'affiche la voiture électrique mais aussi l'essor du vélo. En revanche, l'amélioration des transports en commun urbains et interurbains, épine dorsale d'un nouveau partage de la voirie dont bénéficieront aussi les piétons et les cyclistes, reste mal considérée dans ce texte et ne permet pas de donner un coup d'accélérateur : celui-ci serait d'ailleurs parfaitement compatible avec un soutien puissant à l'activité économique pour compenser les dégâts de la crise sanitaire.

Ainsi, l'Etat est très conservateur dans son hostilité à abaisser la TVA à 5,5% sur l'ensemble des transports en commun, comme l'a fait l'Allemagne il y a plusieurs mois. Il est particulièrement frileux sur le report du trafic aérien vers le train, en maintenant un seuil à 2h30 qui ne concerne que quelques liaisons où le TGV a de longue date pris une position dominante. Ne pas aligner le projet de loi sur une vision pragmatique est incompréhensible : le train est déjà le mode de transport dominant sur des trajets de 3 heures et même 3h30. Il serait donc assez cohérent de s'aligner sur ce seuil, concernant évidemment la plupart des liaisons au départ de Paris (Nice, Toulouse, Perpignan, Bayonne, Pau et Tarbes étant les principales exceptions), mais aussi des liaisons transversales (Lille - Lyon ou Strasbourg - Lyon).

Le projet de loi se focalise sur la création d'une nouvelle forme d'écotaxe, gérée à l'échelon régional, ce qui pourrait s'avérer assez délicat : ce serait rejeter la responsabilité du manque de ressources pour financer des projets de transports plus propres sur les Régions (à l'approche des élections régionales, c'est malin !) mais aussi un risque de pagaille si chaque Région décide de son propre système (les collectionneurs de vignettes, en manque de créativité sur leur pare-brise seront en revanche satisfaits).

Autre point que l'on peut souligner : l'objectif de division par 2 de l'artificialisation des sols est un premier pas, mais il est lui aussi timide car, pour les zones commerciales, une franchise a été établie, en-deçà de laquelle les promoteurs peuvent continuer leurs activités : elle correspond à environ 80% des cas d'extensions !

En revanche, les zones à faibles émissions seraient généralisées à partir de 2025 pour toute agglomération d'au moins 150 000 habitants : il faudra juger des moyens que ces collectivités mettront en oeuvre pour développer des solutions alternatives, notamment pour les transports en commun, mais on ne peut nier que ce projet tend à accroître le clivage entre les citadins d'une part, les rurbains ensuite (ces habitants de communes rurales qui travaillent en ville quitte à faire des grands trajets) et les ruraux enfin (ceux qui vivent hors des grands centres urbains... mais qui en sont de plus en plus dépendants).

Voir également le dossier de transporturbain Urbanisme, déplacements et choix modaux.

Reste donc à voir quelles améliorations seront proposées par le Parlement... et celles qui seront acceptées par le gouvernement. Mais après une LOM assez timorée, critiquée par le HCC, la loi Climat ne semble pas sur les bons rails...

20 janvier 2021

Des Régions encore plus impliquées sur l'infrastructure

C'était l'objectif de l'Etat... et il a été tenu, de justesse. Le 29 décembre 2020, donc avant la fin de l'année, est paru au Journal Officiel le décret 2020-1820 qui définit les modalités d'application de l'article 172 de la Loi d'Orientation des Mobilités (LOM pour les intimes).

Outre le fait qu'il précise l'évolution des modalités d'externalisation de certaines missions de gestion de l'infrastructure sous contrôle de SNCF Réseau, il prévoit de nouvelles dispositions autorisant des ruptures plus ou moins fortes dans la gouvernance du réseau. Elles concernent les lignes de desserte fine du territoire. Les Régions peuvent désormais saisir le Ministère des Transports pour :

  • un transfert de missions, essentiellement de maîtrise d'ouvrage pour les études et les travaux ;
  • un transfert de gestion, en lieu et place de SNCF Réseau, donc assurer les missions assurées aujourd'hui par la Société Anonyme ;
  • un transfert de propriété, au-delà du transfert de gestion, sachant que depuis le 1er janvier 2020, le réseau appartient de nouveau à l'Etat.

Les conditions d'application sont cependant en voie de clarification car elles concernent des lignes à faible trafic, majoritairement composé de trains régionaux, sans exclure les activités nationales et le fret dès lors qu'elles restent limitées à quelques circulations. En revanche, pour les Régions envisageant une reprise avec réintégration entre l'exploitation et l'infrastructure, l'Etat doit encore définir la liste des lignes éligibles et la transmettre à l'Union Européenne, en dérogation au processus de libéralisation d'une part, mais aussi aux règles d'interopérabilité. Dans ce scénario, probablement assorti d'un transfert du contrôle de la sécurité de l'EPSF au STRMTG, la présence d'autres circulations et notamment du fret, doit être encore clarifiée : à ce jour, le décret STPG autorise la présence d'autres circulations sous réserve d'une exclusion temporelle (pas de trains de voyageurs pendant la circulation du train de fret sur la section assujettie à ce décret).

A ce jour, la Région Grand Est est la plus engagée dans cette voie, commençant par un premier lot, dans le cadre d'un appel d'offres emportant aussi l'exploitation des trains pour une durée de 15 ans sur 2 territoires : la relation Nancy - Vittel avec le transfert de la section non exploitée au sud de Pont Saint Vincent, et l'ensemble Molsheim - Saint Dié - Epinal assorti de Molsheim - Sélestat (encore que Molsheim - Obernai ne soit pas considérée comme une ligne de desserte fine). La Région Occitanie a manifesté son intérêt pour 2 réouvertures (Montréjeau - Luchon et Alès - Bessèges).

Les Régions engagées dans cette voie espèrent qu'elle procurera une réduction des coûts d'investissement et de maintenance sur l'infrastructure. L'exercice peut être éclairant car aujourd'hui, sur ces lignes, les dépenses réellement opérées par SNCF Réseau sont supérieures aux recettes générées par les circulations. Ces démarches seront peut-être l'occasion d'une opération-vérité sur les coûts inhérents au système ferroviaire, révélant forces et faiblesses du système actuel, et notamment sur l'impérieuse nécessité d'amortir les frais fixes autant que possible pour optimiser le coût du service pour la collectivité.

29 septembre 2020

Plan de relance : c'est clairement confus !

Près d'un mois après son annonce en fanfare, le plan de relance est-il en train de retomber comme le soufflé préparé par Gaston Lagaffe pour remonter le moral de Bertrand Labévue ?

C'est toujours la confusion quant au fléchage des 4,7 MM€ destinés au transport ferroviaire : aucune communication gouvernementale claire n'est exprimée pour clarifier les montants alloués. Il est toujours question d'un dosage entre l'amélioration du réseau structurant, notamment pour le fret, les lignes de desserte fine du territoire, les évolutions législatives ou encore plus simplement le traitement des compensations liées au confinement du printemps qui pèsent toujours sur les comptes des sociétés du groupe SNCF.

En outre, l'actualisation du contrat Etat - SNCF Réseau, avec la question fondamentale de la dotation pour le renouvellement du réseau (précisons qu'il s'agit du réseau structurant seulement), reste dans le flou le plus complet.

Il faut aussi ajouter que la FNAUT pointe aussi la faiblesse des moyens alloués aux transports urbains - 1 MM€ - et la consommation des deux tiers de cette enveloppe par l'Ile de France. En comparaison, près de 2 MM€ sont accordés au soutien de la filière des voitures électriques. Et on attend toujours les mesures de compensation du déficit engendré par le confinement pour les réseaux hors Ile de France !

Sur le volet ferroviaire, accorder - après plusieurs mois de suppliques - 4,7 MM€ au secteur ferroviaire mais en entretenant le flou sur sa destination est à mettre en regard de la rapidité avec laquelle plus de 7 MM€ ont été accordés à Air France, sans nier la nécessité d'une mesure de soutien. Mais encore une fois : deux poids, deux mesures.

02 septembre 2020

Abbeville - Le Tréport : une ambition affichée

12 allers-retours par jour en semaine et 9 le week-end. Par rapport aux 2 allers-retours qui prévalaient jusqu'à la suspension de l'exploitation de la ligne le 28 mai 2018, c'est un pas de géant qu'affiche la Région Hauts de France pour la liaison Abbeville - Le Tréport. Une telle desserte nécessite d'importants investissements allant au-delà du simple renouvellement de l'existant : il faudra un point de croisement et surtout un système de signalisation moderne pour gérer le trafic. Les premières estimations font état d'un coût de plus de 76 M€.

La Région risque de trouver l'addition salée et ne semble pas prête à une étape intermédiaire avec d'abord le renouvellement de l'infrastructure à système d'exploitation similaire, avec une exploitation ajustée pour un service économique avec une seule rame (qui permettrait d'assurer 6 allers-retours par jour) et quelques autocars en appoint.

L'autre problème, c'est le calendrier de réalisation : SNCF Réseau estime ne pas pouvoir traiter cette ligne avant 2028-2029 compte tenu des opérations à réaliser sur le reste du réseau régional. D'ores et déjà, Région et élus locaux demandent une accélération... mais il faudra alors peut-être différer d'autres projets.

A moins que la Région n'aille plus loin et n'envisage de demander l'application de l'article 172 de la Loi d'Orientation des Mobilités, afin de récupérer la maîtrise d'ouvrage sur les études voire demander à l'Etat un transfert de gestion de la ligne. Encore faudrait-il que les décrets relatifs à ce texte soient publiés... et qu'il y ait un accord sur les modalités de transfert, qui ressemble quand même très fortement à un transfert de compétence, impliquant donc une dotation de décentralisation...

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22 janvier 2020

Le fret ferroviaire français toujours en dépression

55 milliards de tonnes-kilomètres en 2000, 32 milliards en 2018 et probablement tout juste 30 milliards en 2019, malgré les espoirs nés de la pénurie de conducteurs de poids-lourds en Europe. Le fret ferroviaire français va donc mal. Vous allez dire que ce n'est pas nouveau. Certains en profiteront pour expliquer que c'est la faute de l'ouverture à la concurrence en 2005. D'autres diront que sans l'arrivée de nouveaux opérateurs, la situation serait peut-être encore pire. 2019 s'est mal terminée, avec une grève particulièrement rude à la SNCF qui a affecté l'ensemble des circulations de marchandises... qui avaient déjà eu du mal à encaisser la grève en pointillés du printemps et du début de l'été en 2018. En parallèle, les actions menées dans les ports français sont également de nature à fragiliser leur position, déjà fortement concurrencée par les sites de nos voisins immédiats, et par conséquent l'ensemble des circuits logistiques.

L'AFRA, l'association française des utilisateurs du réseau français autres que la SNCF, rappelle que 25% des trains commandés ont circulé pendant le mois et demi de grève. Le chiffre d'affaires de ces entreprises en France a été réduit de 60 à 90% sur cette période et certaines se retrouvent en grande difficultés financières. La situation de SNCF Fret, Société Anonyme depuis le début de l'année, est d'ores et déjà des plus critiques, au point que certains voient dans les annonces du nouveau président, à propos d'un plan d'économies pour éponger une partie des pertes, une porte ouverte à la cession de certaines branches. A ce jour, aucune certitude, mais il semble difficile de ne pas envisager un reformatage du périmètre du groupe SNCF dans le domaine logistique.

Le trafic est évidemment reparti par la route et regagner la confiance des clients n'est pas une mince affaire surtout avec la persistance d'un climat social instable.

Et pendant ce temps, la Loi d'Orientation sur les Mobilités continue de mettre en avant une stratégie de relance du fret ferroviaire en France : une constante pour tout détenteur du portefeuille ministériel des transports depuis plus de 30 ans, mais globalement sans effet sur le déclin du trafic. Peut-être parce que la relance du fret, au-delà des incantations, se travaille au quotidien et suppose des choix assez structurants, parfois clivants, et de les assumer, tout comme il suppose une certaine constance des actions dans la durée et un climat inspirant confiance. Force est de constater qu'on en est loin.

On peut prendre pour comparaison la situation en Autriche, où le gouvernement régional tyrolien a pris des mesures très strictes pour freiner le trafic routier de transit entre l'Allemagne et l'Italie par la route du Brenner : interdiction du transport par la route de nombreux produits, interdiction du trafic nocturne aux camions de plus de 7,5 tonnes, augmentation des péages... avec en parallèle un renforcement du service d'autoroute ferroviaire. L'Italie ne cache pas son courroux. C'est peu de le dire. Mais cela montre la difficulté à réorienter les schémas de transport de marchandises. Et pourtant, il y a urgence... mais comment le fret ferroviaire peut-il redevenir crédible en France entre le sous-investissement chronique, le plantage régulier des circulations au premier conflit social sur les rails et l'incapacité du pouvoir à assumer des mesures contraignantes à l'égard du transport routier ? Rappelons encore une fois l'abandon de l'écotaxe... et les renoncements sur la taxe carbone...