Auvergne – Rhône-Alpes : quelle stratégie ferroviaire ?
Depuis quelques mois, la posture de la Région Auvergne – Rhône-Alpes tranche par rapport à celle de ses homologues. En substance : « plus question de se substituer à l’Etat pour financer le renouvellement du réseau ferroviaire », et en particulier sur les lignes de desserte fine du territoire. Il est vrai que depuis 18 ans, l’Etat pratique un transfert déguisé de responsabilité sans doter les Régions des leviers permettant d’avoir les ressources nécessaires.
Après les échanges parfois secs entre M. Aguilera (vice-président aux Transports) et la préfète de Région, le grand entretien dans la presse régionale avec M. Wauquiez ressemblait à un changement de stratégie : ce n’est plus une opposition franche. Place au « oui mais… ». Ainsi, le président de la Région annonce un plan d’investissements à hauteur de 5,7 milliards € sur les transports ferroviaires d’ici 2035 et fixe un objectif de croissance du trafic de 20 % par rapport à 2019, soit 300 000 voyageurs par jour contre 220 000. 5,7 milliards, c’est beaucoup. +20 %, c’est finalement assez peu !
Sur ce budget, 3 milliards seront consacrés au matériel roulant : il serait question d’une commande massive de 130 Régio2N, afin d’augmenter la capacité d’emport des trains existants et augmenter les fréquences, même en heure de pointe, pour atteindre un cadencement au quart d’heure sur les dessertes périurbaines friandes de ce type de rames. Mais cela fait quand même beaucoup et on peut supposer que ce volume prévoit aussi le remplacement des rames de voitures Corail associées à des BB22200. Il faut alors espérer que la Région aura la présence d’esprit de retenir une version avec un meilleur confort, en s’adossant par exemple aux aménagements de la version Normandie ou de celles que fournira Transdev dans le contrat d’exploitation de la ligne Marseille – Nice.
Saint-Etienne Châteaucreux - 6 septembre 2019 - Les Régio2N avec leurs aménagements intérieurs actuels sont prises entre deux approches : maximiser la capacité assise au prix d'un confort de type urbain, ou proposer un confort correct quitte à avoir des voyageurs debout. Cependant, même en version de base à 4 places de front, les sièges de ces rames ne sont pas très appréciés. © transportrail
Lyon Part-Dieu - 4 juin 2021 - Les Régio2N sont notamment engagées sur les relations Ambérieu - Saint-Etienne, le plus souvent en UM2. Une chose est en revanche certaine : les aménagements intérieurs actuels sont strictement incompatibles avec le niveau de service attendu dans les trains régionaux intervilles autour de Lyon et sur le sillon alpin, où officient encore pas mal de voitures Corail (comme celle visible en arrière-plan). Et puis si on pouvait avoir une jolie livrée... même avec ce bleu rappelant un personnage de bande dessiné et de dessin animé du belge Peyo... © transportrail
On rappellera aussi à la Région qu’une aptitude à 200 km/h ne serait pas inutile pour être compatible avec la future – même si à ce stade encore hypothétique – ligne nouvelle entre l’agglomération lyonnaise et Chambéry, afin d’accélérer encore un peu plus les relations entre Lyon et la Savoie.
Une commande d’Omneo Premium (idéalement en version 135 m pour proposer entre 430 et 470 places selon les configurations) pourrait aussi, rappelons-le, être l’occasion de redistribuer le parc récent, notamment repositionner les TER2Nng sur les liaisons de cabotage car elles n’offrent pas un confort suffisant sur des services intervilles (comme entre Annecy et Valence).
Concernant les infrastructures, le désaccord Etat – Région semble donc moins porter sur le principe (car même si l’argument est juridiquement étayé, les autres Régions n’ont pas embrayé) que sur le contenu et les montants. L’Etat propose 620 M€ dont 182 M€ pour les RER de Lyon et Grenoble, 249 M€ pour les autres sujets ferroviaires (hors grands projets Paris – Clermont-Ferrand, CFAL et Lyon – Turin), 169 M€ pour le volet routier, 10 M€ pour les transports urbains et autant pour les véloroutes. La Région, elle, propose 1 milliard € sur le volet ferroviaire et 500 M€ sur les autres postes. La convergence s’annonce quand même difficile...
Picardie : la relève des Corail
Après la Normandie et le Centre, la Région Hauts de France a engagé le retrait des rames Corail circulant sur les liaisons picardes Paris - Amiens et Paris - Saint-Quentin - Maubeuge, avec la livraison de rames Omneo Premium. Elles se distinguent des Régio2N par un aménagement monoclasse à 4 places de front calqué sur la seconde classe des deux autres séries, ce qui, au moins, ne dupe pas le voyageur : en Région Centre, il existe une première classe aussi virtuelle que celle des TER2Nng. Elles sont repérables à leur livrée présentant quelques différences avec les Régio2N déjà utilisés : les portes ne sont pas bleues mais blanches avec une bande verte centrale.
Saint-Denis - 22 août 2023 - Jouons aux 7 erreurs avec cette composition formée d'une rame type Intervilles (en haut) et d'une des 7 rames commandées initialement par la Picardie en configuration périurbaine à 5 places de front, toutes deux longues de 135 m. Ce type de mariage mixte existe aussi avec les Régiolis sur Paris - Calais : les voyageurs installés à bord des rames en version de base n'ont pas de chance et doivent composer avec un confort très frustre... © transportrail
Le confort proposé apparaît tout de même limité pour ce type de liaison, et on mesure la chance des normands qui disposent de rames avec une véritable première classe, du wifi et un espace snack avec distributeurs automatiques.
A l'issue de leur livraison, ne resteront donc des voitures Corail que sur les Trains d'Equilibre du Territoire de jour et de nuit, en Région Grand Est sur Paris - Strasbourg et Strasbourg - Bâle, en Région Auvergne - Rhône-Alpes, sur les liaisons intervilles autour de Lyon et sur le sillon alpin, ainsi que sur la Côte d'Azur. Si pour le parc TET de jour, le remplaçant est connu (Oxygène) et en cours d'essais sur l'anneau de Vélim ; si Transdev engagera des Omneo Premium sur Marseille - Nice ; les annonces n'en finissent pas de ne pas arriver tant sur les trains de nuit que dans deux autres Régions.
Ouigo : le recyclage des Corail continue
Au fur et à mesure de la libération de voitures Corail à la faveur de l'arrivée de matériels neufs, SNCF Voyageurs envisage le développement des dessertes Ouigo classiques. Après pelliculage aux couleurs particulièrement voyantes, ces rames sont donc engagées depuis avril 2022 sur des liaisons à bas coût, comptant 2 allers-retours par jour, tant vers Lyon que vers Nantes (l'un via Les Aubrais et Saint-Pierre-des-Corps, l'autre via Chartres et Le Mans).
Dans les dernières notifications à l'ART, SNCF Voyageurs manifeste l'intention de développer ces prestations vers l'ouest en restaurant une liaison Paris - Bordeaux (qui a existé sous l'appellation Intercités Eco) et en créant une desserte vers Rennes à l'horaire 2025.
Comme pour les liaisons vers Nantes et Lyon, Ouigo classique souhaite amorcer ses trains à Paris Austerlitz (ou Paris Bercy) et desservir des gares de banlieue parisienne. Ainsi, en direction de Bordeaux, les trains marqueraient des arrêts à Juvisy, aux Aubrais, à Saint-Pierre-des-Corps, au Futuroscope puis à Poitiers et Angoulême. Vers Rennes, il faudrait emprunter la Grande Ceinture, avec un arrêt à Pont-de-Rungis (qui à cette échéance disposera d'une correspondance avec la ligne 14 du métro parisien), Massy-Palaiseau, Versailles Chantiers puis Chartres, Le Mans et Laval.
Chartres - 2 juin 2023 - La desserte Ouigo entre Paris et Chartres comprend déjà un aller-retour sur la relation Paris - Nantes. Cependant, le trajet via la Grande Ceinture est très peu performant. De ce fait, ce train intéresse soit les voyageurs peu pressés de ou vers Paris et les chartrains qui peuvent plus commodément aller vers Angers et Nantes... mais une seule fois par jour. © transportrail
Igny - 21 avril 2023 - Les Ouigo Paris - Nantes empruntent donc la Grande Ceinture entre Versailles et l'axe Paris - Orléans pour concentrer les activités au départ de la gare d'Austerlitz. Les voyageurs gagnent une petite promenade, le plus souvent à 60 km/h dans le sud de la banlieue parisienne. Les voitures ont été simplement pelliculées et conservent leurs aménagements remontant parfois au milieu des années 1990. Pas de changements non plus pour les BB22200... © transportrail
- Vers Bordeaux, départs à 6h52 et 15h07 ;
- Depuis Bordeaux, départs à 7h23 et 14h39 ;
- Vers Rennes, départs à 8h25 et 13h44 ;
- Depuis Rennes, départs à 13h07 et 18h59, sans possibilité de liaison matinale donc.
Les temps de parcours varient fortement : de 4h55 à 5h39 vers Bordeaux, de 3h51 à 4h21 vers Rennes. La liaison bretonne est particulièrement peu performante de bout en bout du fait de l'itinéraire retenu pour concentrer ses services (et les redevances en gare) sur une seule gare parisienne. Il faut ainsi 1h30 pour aller de Paris à Chartres par cette bucolique promenade par la vallée de la Bièvre.
L'analyse sur ces services pose toujours les mêmes questions :
- ces matériels libérés étaient utilisés par des activités conventionnées (régionales ou nationales) : comment s'effectue comptablement le transfert vers un service librement organisé ?
- quel avenir pour ces prestations le jour où les voitures Corail seront réformées ? On peut penser que pour la traction, s'il fallait continuer ces services, il serait probablement possible de louer des locomotives.
Auvergne - Rhône-Alpes : dernière convention avant libéralisation
Le passage du cadre conventionnel avec SNCF Voyageurs à celui de la désignation des opérateurs à l'issue d'appels d'offres prendra donc un peu de temps en Région Auvergne - Rhône-Alpes, qui a, en attendant, signé avec l'opérateur actuel une nouvelle convention d'une durée de 10 ans, avant la date limite fixée par la législation pour proécéder à des attributions directes de contrats de service public.
Cependant, la Région a commencé à esquisser la constitution des futurs lots :
- le périmètre Auvergne sera regroupé en un seul marché centré sur Clermont-Ferrand ;
- le lot Etoile Lyonnaise sera particulièrement vaste puisque couvrant l'ensemble des lignes autour de Lyon ;
- le lot Haute-Savoie sera centré sur Léman Express ;
- le lot Savoie - Dauphiné gravitera autour de Chambéry et Grenoble ;
- un cinquième lot sera géographiquement très étendu, regroupant les liaisons régionales Intervilles.
Bourgoin-Jallieu - 16 juillet 2022 - Sur plusieurs lignes en Rhône-Alpes, il y aura 2 lots distincts, l'un pour les dessertes de proximité, l'autre pour les liaisons intervilles. Ce choix semble fondé sur la rationalisation du matériel roulant pour éviter une trop forte disparité des effectifs par marché et la dispersion de la maintenance du parc. Actuellement, les Z24500 assurent autant des dessertes périurbaines que des services entre les grandes villes régionales (comme ici un Lyon - Grenoble). © transportrail
Thonon-les-Bains - 28 février 2020 - Léman Express sera intégré au lot Haute-Savoie, qui comprendra aussi les liaisons vers Bellegarde en correspondance avec les relations intervilles Lyon - Genève. © transportrail
Le Puy-en-Velay - 7 septembre 2019 - Il n'y aura qu'un seul lot pour l'ensemble des dessertes auvergnates. La gare du Puy serait à la frontière entre celui de l'étoile lyonnaise et celle de Clermont-Ferrand. © transportrail
Ce découpage est assez cohérent mais perfectible :
- la desserte interrégionale Lyon - Marseille est intégrée dans le lot de l'Etoile Lyonnaise, tout comme celle reliant Lyon à Besançon, alors que les prestations sur Lyon - Dijon sont intégrée au lot Intervilles : il serait plus logique d'intégrer Lyon - Marseille à ce dernier, de sorte à regrouper toutes les missions aux fonctionnalités et prestations attendues similaires ;
- il est étonnant de ne pas considérer le tram-train de l'Ouest Lyonnais comme un ensemble distinct, alors qu'il l'est dans la pratique ;
- si, sur le plan intrarégional, des troncs communs à plusieurs lots devraient être transparents pour le voyageur en matière d'information et de tarification (missions qui devront être pleinement portées par l'autorité organisatrice), pour les dessertes interrégionales (notamment Lyon - Dijon, Lyon - Besançon et Lyon - Marseille), il est impératif d'assurer une coordination avec les Régions voisines de sorte à ne pas partager une même desserte sur deux lots avec le risque d'avoir des opérateurs et des logiques tarifaires distincts. Faute de quoi, ces procédures ne faciliteront pas le quotidien des voyageurs (c'est déjà pour partie le cas sur le plan tarifaire... tout en étant encore dans le cadre du monopole).
On peut aussi supposer que le lot Intervilles pourrait être doté d'un matériel roulant unique dont la mission première serait de remplacer les voitures Corail et leurs locomotives, parties pour jouer les prolongations, occasion de redistribuer les cartes, puisqu'aujourd'hui, une partie de ces prestations est confiée à des AGC ou des TER2Nng. Sur ce point, il semblerait qu'émerge une réflexion à laquelle les liaisons franco-suisses ne sont pas étrangères : transportrail vous en reparlera prochainement.
Aix-les-Bains - 19 décembre 2022 - La Région AURA semble partie pour faire durer au maximum ses voitures Corail et leurs locomotives, assurant plusieurs liaisons intervilles. La stratégie de renouvellement de ce parc reste encore un peu floue. Une possibilité de mutualisation avec Grand Est pourrait émerger. Nous y reviendrons prochainement. © transportrail
De l'oxygène sur Bordeaux - Marseille
En 2027 si on en croit les déclarations officielles, une nouvelle ère débutera sur Bordeaux - Marseille dixit le ministre des Transports puisque l'Etat confirme la commande d'une vingtaine d'automotrices Confort 200 (qui s'appellent désormais Oxygène) à CAF, levant une première option à ce marché prévoyant jusqu'à présent la livraison de 28 rames pour POLT et Paris - Clermont-Ferrand.
Narbonne - 19 mai 2023 - La combinaison BB26000 + Corail Intercités ex-Teoz sera la dernière utilisée sur la relation Bordeaux - Marseille avant l'arrivée des nouvelles automotrices Oxygène, sur lesquels reposent de nombreux espoirs d'amélioration du service. Les BB26000 commencent à donner des signes de fatigue, au-delà de la faible résistance du pelliculage carmillon (puisque le pinceau à dégrader n'a pas encore été inventé !) © transportrail
La stratégie industrielle du constructeur espagnol a évolué puisque seules les 8 premières rames du marché seront réalisées sur le site de Bagnères-de-Bigorre, le solde étant confié à l'usine de Reichshoffen reprise par CAF suite à la fusion Alstom-Bombardier.
Cultivant l'art du « en même temps » macronien, M. Beaune a aussi confirmé le lancement de la réalisation de la LGV Bordeaux - Toulouse probablement dès 2024 pour une mise en service attendue en 2032. Il a concédé que la branche vers Dax ne serait pas réalisée en parallèle mais décalée d'environ 5 ans.
Il faudra donc statuer sur le devenir de ces nouvelles rames lors de la mise en service de la LGV puisque, plafonnant à 200 km/h, elles ne permettront pas de profiter du gain de temps de trajet que procurera la nouvelle infrastructure. A terme, il faudra donc redistribuer ces rames sur d'autres lignes, par exemple dans le cadre d'une augmentation de desserte sur les deux radiales qu'elles vont équiper à partir de 2025... ce qui pose la question du matériel adéquat pour des Bordeaux - Marseille à grande vitesse. L'analyse de transportrail sur ce point soulignait le grand avantage d'architecture type Velaro ou Zefiro, combinant l'aptitude à la grande vitesse, une modularité de la composition pour coïncider avec la consistance du trafic et un ratio portes / sièges de nature à procurer des échanges bien plus performants que les rames Duplex.
Grandes lignes : nos dossiers mis à jour
Actualisations de printemps à transportrail : pour commencer, notre série consacrée aux grandes lignes classiques et à une prospective de développement de ceux qu'on appelle aujourd'hui Trains d'Equilibre du Territoire. Après des années de déclin, une nouvelle période a commencé. Le renouvellement du matériel roulant a débuté avec l'arrivée fin 2017 des Coradia Liner puis le lancement du remplacement des voitures Corail et des BB26000 avec les Confort 200. La desserte de la transversale sud a été recomposée et améliorée avec succès (de fréquentation, la régularité, c'est autre chose). Nantes - Bordeaux a retrouvé un quatrième aller-retour (mais l'état de l'infrastructure au sud de Saintes reste un souci majeur), Nantes - Lyon son troisième avec une desserte quotidienne de Nantes qui contribue aux bons résultats de fréquentation. Les dessertes de Paris vers Toulouse et Clermont-Ferrand seront remaniées avec les nouvelles rames et les premiers programmes d'investissement en cours sur l'infrastructure.
Saint-Michel sur Orge - 29 juin 2018 - 14 voitures pour cet Intercités de l'axe Paris - Toulouse. Plus que quadragénaires, les voitures Corail vont bientôt être remplacées par de nouvelles automotrices qui signifieront aux BB26000 leur retraite. Le débat sur la consistance de la desserte n'est peut-être pas encore totalement clos. Quant aux installations électriques entre Paris et Vierzon, c'est un des dossiers du moment, pour arriver à concilier travaux et circulations. © transportrail
Cependant, plusieurs chantiers restent à engager. Il y a assurément une demande non satisfaite, pour compléter la desserte des lignes existantes, créer de nouvelles relations, peut-être même jusqu'à doubler certaines radiales à grande vitesse qui laissent de côté certains territoires. SNCF Voyageurs expérimente des services classiques hors convention avec l'Etat mais ces prestations sont précaires car leur économie repose sur un matériel largement amorti : après tout, le label TET n'a pas nécessairement vocation à se cantonner à des liaisons déficitaires ! Il y aurait probablement un avantage pour le public à clarifier l'offre, y compris par un échange avec les Régions pour renforcer la cohérence d'ensemble des services. D'autres opérateurs veulent s'engager sur le segment des liaisons classiques interrégionales mais les annonces restent sans effet à ce jour.
Enfin, la fin de la période de transition en matière de libéralisation amène à questionner à court terme non seulement l'évolution du service, mais aussi la gestion du matériel roulant : signe d'une amorce de virage, les Confort 200 ne porteront pas une livrée définie par l'opérateur mais par l'autorité organisatrice.
Notre mise à jour concerne d'abord les liaisons diurnes. Comme vous le constaterez, il existe une passerelle - on serait tenté de dire que c'est un viaduc ! - entre ces relations classiques et les relations province-province à grande vitesse, d'où l'engagement en parallèle d'une révision de notre dossier à ce sujet et complété d'une nouvelle réflexion sur la gestion des dessertes sur LGV pour des raisons assez similaires.
Nous reviendrons prochainement sur les trains de nuit et nos reportages à bord de ces trains.
Notre fil conducteur ? L'investissement dans une politique de dessertes ferroviaires plus riches et mieux coordonnées est un levier important d'une transition des déplacements vers des solutions non seulement décarbonées mais aussi au coeur d'une politique de développement plus équilibré d'un territoire - et d'un réseau - qui ne se limite pas qu'à Paris et une dizaine de métropoles.
Paris - Lyon en Régiolis
La Région Bourgogne - Franche-Comté a pris possession des 16 premières rames Régiolis à 6 caisses destinées à remplacer les rames de voitures Corail sur la relation Paris – Lyon. Pour cette mission au long cours, l’aménagement intérieur n’est pas celui des Régiolis régionaux classiques, dont le siège est un peu – beaucoup ? – ferme, mais une adaptation de celui retenu par l’Etat sur la version Trains d’Equilibre du Territoire (série B85000) qu’on retrouve sur les rames désormais régionales de Paris – Mulhouse, et à bord des TET Nantes – Lyon, Nantes – Bordeaux et sur les Z51500 de Toulouse – Hendaye.
Sens - 2 février 2023 - L'exploitation des Paris - Lyon impose 2 rames par train pour proposer une capacité suffisante. Il faut bien reconnaître que même en Régio2N, la plupart des trains auraient recouru aux unités multiples. © transportrail
Sens - 2 février 2023 - Arrivée d'une relation Laroche-Migennes - Paris assurée en rame Corail de 9 voitures. La réforme de ce matériel sera intégrée à la recomposition de la desserte, ces trains allant être remplacés par une nouvelle mission Auxerre - Montereau, en correspondance avec des Transilien assurés avec la version francilienne des Régio2N. © transportrail
On y retrouve donc les mêmes sièges, proposant un niveau de confort amélioré, avec les mêmes choix de couleurs. C’est moins ferme, l’assise coulisse d’environ 5 cm, tout en conservant la structure de base du siège Régiolis. Par rapport à une configuration Corail B11tu, l'écart se limite au moelleux du siège, évidemment supérieur dans ces voitures.
La capacité est nettement supérieure à la version TET (267 places) et même à la version régionale (324 places sur les rames de Paris – Granville), notamment par le choix d’un aménagement uniquement à 4 places de front en classe unique et une réduction du nombre de bagageries. On retrouve de grands espaces sur les voitures d'extrémité (avec l'espace vélos). Dans les voitures intermédiaires, il faut donc principalement miser sur les espaces situés au-dessus des sièges.
Autre facteur ayant contribué à maximiser le nombre de sièges : 3 WC à bord, contre 4 dans les B85000, avec un volume d’eau embarqué qui n’est pas toujours adapté à cette mission au long cours, d’où de réguliers épisodes, largement relayés par la presse, d’arrêts prolongés pour soulager quelques vessies. Enfin, la capacité a pu être augmentée par l'absence de local pour les agents commerciaux, qui déposent leurs affaires en cabine arrière comme dans les autres automotrices régionales.
A l'intérieur des Z54500, c'est classe unique. Les principes d'aménagement présentent assez peu d'évolutions par rapport aux espaces de seconde classe des B85000 TET. C'est mieux que la version régionale, mais c'est quand même un peu juste sur un trajet moyen de 2 heures (Dijon - Lyon) voire 3 heures (Dijon - Paris). Evidemment, on retrouve ces incommodes rampes de grande longueur avec systématiquement 16 places par voiture dont l'accès nécessite de faire attention au dénivelé par rapport au couloir. © transportrail
Au reste, ces nouvelles rames procurent des avantages bien connus : accès de plain-pied, portes bien plus commodes d’usage et plus larges, bonnes accélérations et un niveau sonore intérieur plutôt bien maîtrisé. Les plateformes sont séparées des salles par des portes coulissantes. En revanche, comme dans tous les Régiolis, il est dommage que les portes d’intercirculation restent systématiquement ouvertes, ce qui éliminerait quelques couinements.
Le confort de roulement est bon niveau, meilleur que sur les AGC (voir également notre comparatif AGC - Régiolis), même si, du fait d’un plancher à 600 mm au lieu de 1250 mm, on ressent un peu plus les effets de la géométrie de la voie.
En revanche, l’exploitation requiert des compositions UM2 (708 places, équivalent à 9 Corail) sur l’ensemble des trains puisque, compte tenu d’un trajet en un peu plus de 5 heures, les Paris – Lyon tombent à peu près systématiquement dans un créneau d’affluence soit entre Paris et le nord de l’Yonne, soit autour de Dijon, soit à l’approche de Lyon.
La Région attend 8 rames supplémentaires dans le cadre de la refonte de desserte iconnauise, marquée par la fin des liaisons Paris – Sens – Laroche-Migennes et la systématisation d’une correspondance à Montereau pour la desserte fine : ne viendront plus à Paris que les relations vers le Morvan et Lyon. Les trajets entre le nord de l'Yonne et le sud de la Seine-et-Marne (exemple : Sens - Fontainebleau) imposeront un changement de train et donc un allongement du temps de trajet.
Sens - 2 février 2023 - La rame tête de série des 16 (et bientôt 24) Régiolis série 54500 est en tête du TER17758 Lyon - Paris. Elle a déjà été la proie de « barbouilleurs »… La surveillance des voies de remisage reste un sujet sensible. © transportrail
A propos du matériel roulant sur Paris - Le Mans
La desserte régionale Paris - Chartres - Le Mans est aujourd'hui assurée avec 3 types de matériel roulant :
- des BB7200 tractant des rames de 10 voitures Corail, assurant certaines liaisons Paris - Le Mans ;
- des TER2Nng série 26500 à 4 caisses ;
- des Régio2N série 55500 en version 110 m avec aménagement intérieur périurbain à 5 places de front.
La durée de vie résiduelle des premières est assez limitée puisque ces compositions ont plus de 40 ans. Les deuxièmes devront prochainement passer par la case de la rénovation mi-vie, tandis que les troisièmes sont les benjamines de l'axe.
Versailles Chantiers - 13 janvier 2023 - Le devenir des voitures Corail est déjà un sujet... qui en appelle un autre sur le niveau de prestations proposées sur les différentes dessertes utilisant l'axe Paris - Le Mans.
Du point de vue du voyageur, les premières sont pénalisées par une accessibilité médiocre, une fiabilité déclinante et des prestations en retrait (en partie compensées par un confort d'assise de bon aloi). Ce ne sont pas les plus performantes, surtout sur une desserte comptant 10 arrêts en 211 km. Les automotrices sont plus adaptées sur ce point, mais les TER2Nng sont malcommodes dès qu'il faut gérer des bagages, tandis que le diagramme à 5 places de front des Régio2N suscite toujours des critiques.
Se pose donc la question du remplacement des voitures Corail, plus largement de la cohérence entre les prestations offertes par le matériel roulant et le type de desserte et, pour l'exploitation, de la réduction de l'hétérogénéité du parc. Dans un passé récent, une possibilité avait été esquissée avec la cession des TER2Nng à la Région Grand Est, qui aurait été compensée par une commande supplémentaire de Régio2N. L'hypothèse est tombée à l'eau... et elle ne réglait pas la question première de la succession des Corail.
Le dossier de transportrail sur cet axe est complété d'un nouveau chapitre esquissant quelques solutions sur la stratégie en matière de matériel roulant.
POLT : un axe dans le feu des projecteurs
Ces dernières semaines, l'axe Paris - Orléans - Limoges - Toulouse a été l'objet de nombreux reportages de différents médias. Trois points ont été particulièrement abordés : la régularité, le matériel roulant, le temps de parcours.
La régularité d'abord : il est évident que les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes légitimes des voyageurs qui ont l'impression que la succession de travaux qui pénalisent l'exploitation n'ont pas d'effets sur la fiabilité des infrastructures. Cependant, les plus gros incidents ne sont pas toujours de la responsabilité de l'entreprise ferroviaire : quand une voiture s'engage sur un passage à niveau fermé par exemple. Bref, il faudrait distinguer les problèmes liés à l'organisation de la SNCF des phénomènes qu'elle subit.
Le matériel roulant : il n'est pas innocent dans les résultats moyens de régularité. Les BB26000 n'ont certes qu'une trentaine d'années, mais elles ont assez mal vieilli, révèlent des fragilités, probablement amplifiées par des contraintes budgétaires sur l'entretien. Les voitures Corail posent plutôt des difficultés d'ordre qualitatives, comme lorsque les blocs de climatisation rendent l'âme en plein été. La sécurité peut être parfois en jeu, quand les portes ont du mal à être maintenues fermées. Ajoutez aussi l'apparence et notamment la propreté parfois très relative des compositions.
Pierre-Buffière - 24 juillet 2020 - Après Limoges, la ligne Paris - Toulouse se fait plus sinueuse et la performance s'en ressent évidemment. La compétition avec l'autoroute A20 qu'on aperçoit en arrière-plan se fait plus forte. © transportrail
Le temps de parcours : les mythes font de la résistance et certains continuent d'exprimer des objectifs irréalistes. La dégradation actuelle est réelle mais elle est la conséquence d'un programme d'investissement de renouvellement et de modernisation. On ne fait pas d'omelettes sans casser des oeufs. L'effet des travaux est d'autant plus fort que le réseau est structurellement peu résilient : sans banalisation, avec trop peu d'installations permanentes de contresens, la cohabitation travaux - circulation est rendue plus difficile... voire impossible. Il lui faut aussi composer avec des moyens dont tout observateur sait de longue date qu'ils sont insuffisants. La séquence de rattrapage est donc rude à encaisser.
Autre dimension de la performance, la fréquence : le service actuel ne comprend que 8,5 allers-retours et il subsiste dans chaque sens un important intervalle sans service pouvant approcher les 5 heures. Bref, des trains assez rares, pas très rapides, à la ponctualité médiore et aux prestations plus vraiment au goût du jour, il faut bien reconnaître qu'il y a matière à critiques.
Il faut également être lucide : la vocation de POLT a changé. Cette mutation a commencé en 1990 avec la création des TGV Paris - Bordeaux - Toulouse. L'enjeu est donc moins le temps de parcours entre Paris et Toulouse que le renforcement du maillage du territoire (Berry, Limousin, Quercy), avec une nouvelle organisation de la desserte.
Il y a quand même quelques signaux positifs : le projet de service 2025 prévoit non seulement une desserte remise à plat organisée autour de 11 allers-retours entre Paris et Limoges, mais aussi l'arrivée des nouvelles automotrices Confort 200, pouvant non seulement moderniser le confort et les services à bord pendant le voyage et autoriser un réexamen à la baisse des temps de parcours. A cette échéance, 2 allers-retours accélérés relieront Paris à Limoges en 2h51 avec un seul arrêt à Châteauroux. C'est donc un peu mieux que le Capitole (2h50 sans arrêt). Pour les 9 autres, le temps de trajet sera de 3h06 avec 4 arrêts intermédiaires.
Pour aller plus loin dans cette analyse, le dossier de transportrail sur l'axe POLT a été mis à jour.
Retour à Briançon (en train de nuit, évidemment)
On ne s'en lasse pas... et cette fois-ci, il y avait de la nouveauté. Objectif du reportage de transportrail : essayer les voitures-couchettes rénovées. Mission accomplie et on serait tenté de dire que le contrat est à peu près rempli. Les choix opérés sur la modernisation de ces voitures plus que quadragénaires sont bienvenus (à commencer par le duo prise 220 V + prise USB). Deux éléments n'ont pas été modifiés compte tenu de la dépense qu'il aurait fallu engager : les portes d'accès sont toujours aussi peu commodes mais le resteront jusqu'au passage au chalumeau de ces voitures, et les cadres métalliques des baies vitrées, générant des bruits d'air dans les compartiments, bien plus que des joints en caoutchouc. Bref, de quoi assurer honorablement la prestation, mais il faudra concrétiser la volonté de relancer les trains de nuit en France par un nouveau marché de voitures !
En outre, rappelons que le voyage est un peu plus confortable depuis la réalisation d'une première tranche de travaux entre Livron et Veynes, mais il reste encore beaucoup à faire. Espérons que cette fois, le train pourra être dévié via Grenoble et la ligne des Alpes !
A cette occasion, le dossier consacré à la relation Paris - Briançon a été complètement restructuré et actualisé.
Montdauphin-Guillestre - 28 août 2022 - Avant de partir en randonnée, après cette nuit de voyage, c'est l'heure du petit-déjeuner. Sortez de la gare, c'est prêt ! La BB75320 toute seule tracte une rame composée majoritairement de voitures rénovées : il n'y a pas de source miraculeuse dans le coin... mais un député influent, ça compte ! © transportrail