23 septembre 2021

Doubler le fret d'ici 10 ans ?

Il n’y a pas de raisons de ne pas gratifier aussi le fret ferroviaire d’annonces pré-électorales. Il y a en effet matière à prudence car ce n’est pas la première fois – ni la dernière ! – qu’un gouvernement annonce que cette fois-ci sera la bonne avec un plan de développement du transport de marchandises par la voie ferrée.

La stratégie nationale officiellement dévoilée

« Doubler la part modale du fret ferroviaire d’ici 2030 » nous fait rajeunir de plus de 20 ans, quand Jean-Claude Gayssot annonçait déjà cet objectif à horizon décennal. A l’époque, le trafic atteignait 50 milliards de tonnes-kilomètres. Il est tombé à 32 milliards depuis… et ce n’est pas le fait de la libéralisation du transport de marchandises : au contraire, cette libéralisation a permis de limiter la chute, même si certains ont longtemps fait semblant de croire qu’au contraire la libéralisation avait prouvé son inutilité puisqu’elle n’avait pas arrêté celle-ci !

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Essey et Maizerais - 20 mai 2020 - Cet UM de BB27000 circule sur la ligne de Metz à Lérouville avec un train de produits sidérurgiques, un de ceux qui reste encore en France, surtout dans le nord-est. L'effondrement de l'extraction minière et la crise des aciéries françaises a eu pour conséquence un baisse radicale des tonnages de marchandises transportés par le rail. © N. Hoffmann

La France se singularise au milieu de ses voisins européens par cette chute sans fin, il suffit de traverser le Rhin et de voir passer les trains à Freiburg pour se dire qu'un autre monde est non seulement possible mais qu'il existe, sans être dans des pays d'économie dirigée...

La stratégie présentée au cours de la Semaine de l’Innovation, du Transport et de la Logistique comprend pas moins de 72 mesures autour de 3 axes, rien que ça.

Toujours en chiffres, l’Etat vise une part de marché du rail de 18% en 2030 contre 9% en 2018 et un trafic de 65 milliards de tonnes-kilomètres contre 32 en 2019. Visant bien au-delà, l’Etat affiche également un objectif de 25% en 2050.

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Perrigny sur Armençon - 16 juillet 2016 - ECR (désormais DB Cargo même en France) se hisse aujourd'hui à la deuxième place derrière le groupe SNCF dans le fret ferroviaire français, si on fait exception des activités de Getlink centrées sur la liaison transmanche. La 186-343 file en direction de l'Espagne sur l'axe PLM. © N. Hoffmann

Au-delà des intentions

Les orientations de l’Etat reprennent largement les propositions du groupement 4F : si la plupart des sujets techniques, commerciaux, industriels et économiques sont bien abordés, qu’en sera-t-il de la mise en œuvre ?

L’amélioration de la circulation de l’information entre les opérateurs et SNCF Réseau, une meilleure traçabilité des trains en temps réel, des innovations sur la motorisation – le document n’oublie pas l’incontournable hydrogène – et l’autonomisation de certains mouvements (notamment sur les triages et autres installations de service) sont effectivement des sujets importants pour crédibiliser l’usage du train. Le groupement 4F a sans aucun doute eu un rôle essentiel dans l’identification exhaustive des nombreux obstacles que le fret ferroviaire doit aujourd’hui surmonter en France.

Mais si une partie de la démarche repose sur les opérateurs, la puissance publique reste en principe le principal contributeur de cette ambition, pour deux raisons : financière (il faudra massivement investir pour adapter le réseau ferroviaire à l’évolution des besoins du fret, y compris investir dans des méthodes d’entretien moins délétères qu’aujourd’hui) et de pilotage bien plus « orienté fret » qu’aujourd’hui de son bras armé SNCF Réseau, où il est de notoriété publique en interne qu’y perdurent encore des « dinosaures » pour lesquels un bon train de fret est un camion sur la route, puisque tout train qui circule coûte plus qu’il ne rapporte…

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Essey et Maizerais - 21 févrir 2021 - Lineas renforce sa présence dans le nord-est de la France, avec des locomotives louées auprès d'Akiem, antichambre des surplus de machines de Fret SNCF commandées à la fin des années 1990. Ces citernes de gaz sont emmenées par 2 BB75000, déviées de leur parcours par la ligne 4 suite à un éboulement. © N. Hoffmann

Pour l’instant, l’Etat confirme jusqu’en 2024 des subventions aux opérateurs apparues l’an dernier dans le plan de relance. Elles représentent une dépense de 170 M€ par an :

  • la prise en charge de 50 % des péages dus par les opérateurs de fret à SNCF Réseau ;
  • 70 M€ pour le secteur du wagon isolé ;
  • 47 M€ pour l’exploitation des services de transport combiné ;
  • 15 M€ pour les autoroutes ferroviaires.

210 M€ seront alloués à SNCF Réseau pour compenser les évolutions de coût des travaux de maintenance destinés à améliorer la disponibilité de l’infrastructure, et 120 M€ iront aux opérations de réduction des « points noirs bruit ».

Où est passé le contrat Etat - SNCF Réseau ?

Au reste, l’Etat a annoncé que le futur contrat Etat – SNCF Réseau (attendu depuis déjà deux ans, et qui ne devrait pas arriver avant 2022…) stabilisera le budget de renouvellement à 3 MM€ par an jusqu’en 2029. Lors du colloque de l’Association Française du Rail, le 14 septembre dernier, le président de l’Autorité de Régulation des Transports n’a pas caché que ce montant serait nettement insuffisant. Une actualisation de l’audit technique et financier du réseau est prévue dans les mois à venir (après le nouveau contrat…) : il confirmera sans nul doute la position de M. Roman, dont il faut saluer les positions réalistes quoique fort peu consensuelles (c'est l'avantage d'être en fin de mandat).

Aujourd’hui, la logique du « renouvellement à l’identique » ne permet pas de faire face correctement aux besoins du transport ferroviaire (de voyageurs comme de marchandises) alors que nombreux sujets sont identifiés de longue date entre autres :

  • le développement d’itinéraires compatibles avec le gabarit P400 pour le transport des semi-remorques sur wagons européens T3000,
  • celui d’itinéraires alternatifs permettant d’alléger l’impact insupportable des travaux sur la circulation du fret, diminuant le conflit entre travaux et circulations,
  • l'augmentation de capacité et de performance dans les grands noeuds,
  • le déploiement d’ERTMS (la Commission Européenne attend toujours les engagements concrets de la France, en bonne voie pour devenir le mouton noir des réseaux européens en la matière),
  • le renforcement de l’alimentation électrique sur plusieurs axes majeurs du réseau, pour faire face au développement des trafics et à la généralisation d’engins moteurs plus performants.

L'Etat compte mobiliser encore un peu plus les ressources des collectivités locales, au premier rang desquelles les Régions, hors des domaines de compétence transférés par la loi, et naturellement sans ressource associée.

Il faudra en outre statuer sur le financement des lignes capillaires, au rôle important en France (plus de 20% des tonnages ont pour origine ou destination un site accessible par l’une d’elles), et par ricochet, sur la pérennisation des lignes de desserte fine du territoire qui portent cette proportion à 30%. Il ne faudrait pas oublier trop vite que les récentes opérations sur des lignes capillaires fret ont été pour l’essentiel une opération-survie sur une décennie, pas une véritable régénération garantissant un demi-siècle d’exploitation sans nouveaux investissements pour répondre aux besoins contemporains : charge à l'essieu, circulation au moins à 50 km/h pour ne pas allonger les délais de desserte et les temps d'occupation de cantons longs, nouvelles modalités d'exploitation des Voies Uniques à Trafic Restreint…

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Olley - 6 mars 2021 - Circulant sur la ligne de Verdun à Conflans-Jarny, ce train de chaux emmené par la CC4002 d'Europorte a d'abord emprunté une ligne capillaire fret (UIC 7 à 9 sans voyageurs) avant d'utiliser cette ligne de desserte fine du territoire (UIC 7 à 9 avec voyageurs) qui lui donnera accès au réseau structurant au cours de son parcours de Dugny à Dilligen. © N. Hoffmann

Un effet d'annonce de plus

Autant dire que la relance du fret aura besoin d’autres engagements… et pas à un horizon aussi peu responsabilisant que 2050. Dans ce document, manquent des engagements de court terme sur des actions précises avec des montants d’investissement et des dates crédibles de réalisation. De plus, les décisions d’organisation à impact rapide, sur les choix déséquilibrés de SNCF Réseau entre maintenance et sillons fret par exemple, doivent être pris maintenant, pas dans 5 ans : si l’on prétend voir doubler la part de marché du fret ferroviaire sous 10 ans, et même plutôt 9, le début de la croissance doit intervenir dès 2022, pas dans 5 ans ou davantage avec les premiers fruits de travaux engagés aujourd’hui…

Si la prolongation des subventions aux opérateurs est une bonne nouvelle, c'est une goutte d'eau dans l'océan des besoins, et on ne sent pas émerger d'inflexion par rapport à une approche financière un peu trop orthodoxe, ni par rapport au rôle que peut tenir le chemin de fer dans une économie moderne à décarboner.

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Courthézon - 8 août 2013 - Venant de quitter le site d'Avignon Champfleury pour rejoindre celui Sucy-Bonneuil, la BB27117 VFLI entame la remontée de l'axe PLM avec une longue rame de caisses mobiles. L'essor du transport combiné est un des leviers principaux de développement du fret ferroviaire en France. © R. Lapeyre

La période est à l'autosatisfaction du gouvernement dans le domaine ferroviaire, mais la verve des discours ne suffira pas à masquer le retard de la France dans le domaine ferroviaire, malgré l'euphorie du moment autour des 40 ans du TGV. La politique de l'effet d'annonce - très commode car ne coûtant rien et n'engageant que celui qui l'écoute ! - est incompatible avec le système ferroviaire, dont la gestion s'apparente plus à la sylviculture qu'à plantations annuelles dans un bac à fleurs posé sur un rebord de fenêtre.


31 octobre 2020

Fret ferroviaire français : nos dossiers complétés

Puisqu'il faut s'occuper, voici donc le moment de réviser notre série consacrée au fret ferroviaire, sujet qui a profité d'un coup de projecteur intéressant pendant le premier confinement. On ne sait pas ce qu'il en sera pour le deuxième (nous ne disons pas second, par prudence...) mais l'émergence d'une nouvelle dynamique associant la majorité des parties prenantes dans le projet Fret Ferroviaire Français du Futur (alias 4F) donne matière à actualiser et compléter nos articles, d'autant que l'Etat semble confirmer l'octroi sur les 2 ans à venir d'une enveloppe de 1 MM€ pour de premières actions profitant au fret ferroviaire dans le plan de relance, incluant la ristourne accordée jusque fin 2021 sur les péages.

Outre le menu en haut de page, vous retrouverez nos articles par les liens suivants

08 septembre 2020

Perpignan – Figueras : la frontière franco-espagnole s'estompe

Dans le contexte actuel, voici une infrastructure ferroviaire qui colle parfaitement aux besoins. Première ligne à écartement UIC à connecter la France et l'Espagne, prolongée côté espagnol par une ligne nouvelle jusqu'à Barcelone, elle lève la contrainte technique de la voie. Apte à la grande vitesse mais ouverte aussi aux trains de fret, elle est un moyen d'accélérer les relations entre les deux pays et de fluidifier le transit de marchandises, dans une logique commune de report modal facilité.

Et pourtant, Perpignan - Figueras est plutôt connue pour les déboires financiers de son concessionnaire TP Ferro, qui a été mis en liquidation, sa gestion étant assurée conjointement par les gestionnaires des réseaux français et espagnol, mais aussi par la faiblesse de son trafic, voyageurs et marchandises, bien en-dessous des prévisions, malgré l'évident potentiel visible sur les autoroutes.

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Pont de Molins - 21 février 2020 - Une rame Euroduplex 3UH file en direction de Barcelone et approche de Figueras. La desserte franco-espagnole reste des plus modestes en dépit d'échanges - en temps normal - importants entre le Languedoc et la Catalogne. © J. Ruiz

Entre l'Union Européenne qui semble vouloir impulser un coup d'accélérateur en la matière, la coalition côté français des acteurs du fret (4F), l'affichage politique du gouvernement français en faveur du rail et un contexte sociétal favorable à une réduction de l'empreinte environnemtale des déplacements, Perpignan - Figueras constitue un parfait cas d'infrastructure à fort potentiel... mal capté aujourd'hui.

Dans son nouveau dossier, transportrail tente une explication à cette situation et dresse quelques perspectives d'évolution pour redresser la barre.

29 juin 2020

4F présente son plan pour développer le fret ferroviaire

4F, c'est Fret Ferroviaire Français du Futur. Les opérateurs ont engagé cette démarche dans l'objectif de formuler des propositions et exposer les meures qu'ils étaient en capacité d'engager pour doubler la part de marché du fret ferroviaire en 2030.

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Fain les Montbard - 21 juillet 2017 - L'axe PLM entre Paris et Dijon a perdu de sa superbe et le fret en journée s'y est fait assez rare. La BB26221 tracte un convoi de transport combiné en direction de Dijon.. rompant avec une certaine lassitude du photographe entre deux trains... © E. Fouvreaux

On notera non sans malice qu'à la fin des années 1990, l'Etat avait déjà cette ambition de doublement - on parlait à l'époque du tonnage transporté - mais si le facteur 2 a bien été appliqué, ce n'est pas à la hausse mais à la baisse qu'il s'est produit !

Tous dans le même train ?

Néanmoins, la singularité de 4F est d'abord de réunir tous les acteurs français : on y trouve les principales entreprises de transport ferrovaire (Fret SNCF, DB Euro Cargo Rail, VFLI, Europorte, Lineas, RegioRail, Millet Rail), les opérateurs du transport combiné (Novatrans, Naviland Cargo, T3M, Froidcombi), VIIA (opérateur d'autoroutes ferroviaires), le comissionnaire Forwardis, l'association Objectif OFP, l'AFRA, le GNTC, l'Association Française des Détenteurs de Wagons, la Fédération des Industries Ferroviaires, l'Union des Transports Publics et Ferroviaires, le Syndicat des Entreprises de Travaux de Voies Ferrées de France, l'Association française des Gestionnaires d'Infrastructures Ferroviaires Indépendants et le Comité pour la Translapine. SNCF Réseau coopère aux travaux de 4F.

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Les Bouchouleurs - 11 octobre 2019 - Le fret, ce ne sont pas que des trains au long cours traversant le pays. Cette G1206 vient du port de La Rochelle et se dirige vers Bordeaux en complémentarité avec la voie maritime (et non ce petit canal bucolique au premier plan !). © F. Brisou

4F met donc en avant la capacité de la filière industrielle à concrétiser ce doublement du fret ferroviaire mais pointe également les attentes formulées à l'égard de l'Etat et de SNCF Réseau.

En préliminaire, 4F rappelle que les coûts externes des transports en Europe s'élèvent à 1000 MM€ par an, affectés à 49% à la santé, 28% à l'environnement et 23% à la qualité de vie. Entre 20 et 30% de ces coûts externes sont attribués au transport de marchandises, et donc d'abord au transport routier dont les externalités sont 3 à 4 fois supérieures au train.

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Hausbergen - 10 juin 2010 - Encore du combiné, clairement européen avec ici la rocade Nord-Est dans le noeud strasbourgeois et ces BB1300 belges qui remontent en direction du plat pays. © J.J. Socrate

4F souligne qu'en France, l'investissement ferroviaire d'abord porté sur le développement a eu pour conséquence de générer une double peine pour le fret : un réseau classique moins performant et un rattrapage du retard qui se traduit par de fortes contraintes de capacité et une médiocre qualité des sillons. En s'appuyant sur les quelques orientations sur le transport ferroviaire de la Convention citoyenne pour le Climat sur le rééquilibrage rail / route / fluvial, 4F appelle à un changement de cap rapide et radical pour que la France rattrape progressivement l'écart avec ses voisins européens. Rail Freight Forward, la coalition des acteurs européens pour le fret, propose un objectif de 30% de marchandises transportées par la voie ferrée en 2030.

L'analyse développée met aussi en avant l'impact de l'atonie du fret sur la dynamique industrielle du secteur ferroviaire et son effet d'entraînement sur d'autres secteurs, et les mesures parfois tranchées de certains Etats pour réorienter les flux vers le rail : ce sont évidemment les taxes augmentées en Autriche en fonction du tonnage et des émissions, avec en face un développement des autoroutes ferroviaires, mais aussi l'incitation par la baisse des péages en Allemagne et aux Pays-Bas, compensée par l'Etat auprès des gestionnaires d'infrastructure, au nom de la politique de report modal et de la réduction des coûts externes.

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Donzère - 4 mai 2013 - L'autoroute ferroviaire alterne entre la rive gauche et la rive droite du Rhône au sud de Lyon. La voici en rive gauche, traversant la gare de Donzère (voilà qui change des traditionnels clichés au bord du Rhône...) C'est aussi une brique de la réponse de 4F pour renforcer la compétitivité du fret ferrovaire, mais ce n'est pas la seule solution. © transportrail

10 objectifs et 30 actions

Les 10 objectifs de 4F sont :

  • améliorer l'attractivité des solutions ferroviaires par de nouveaux services numériques aux clients d'information et de suivi des prestations ;
  • développer de nouvelles stratégies commerciales plus fiables et plus flexibles, mais aussi plus éco-responsables ;
  • baisser les coûts de production par des gains de productivité (par exemple éviter les retours à vide) et dans certains cas un soutien financier de l'Etat ;
  • moderniser les moyens de production et accélérer la décarbonation de la traction ;
  • engager des programmes de recherche pour développer de nouvelles solutions intermodales à meilleur coût et moderniser le train de fret (couplage automatique et digital) ;
  • le renouvellement du réseau ferroviaire et des augmentations de capacité des lignes, en veillant à l'équilibre entre l'intensification nécessaire des travaux et la préservation des conditions de circulation ;
  • l'adaptation de l'infrastructure aux nouveaux standards logistiques, notamment le gabarit P400 des conteneurs maritimes, mais aussi l'allongement des trains : adopter en Europe un standard minimal de 750 m, développer le réseau français à 850 m sur les grands axes, étudier les convois à 1500 voire 1700 m sur les axes stratégiques (vieille antienne difficlement concrétisable)... et adapter les installations de traction électrique ;
  • la modernisation des terminaux ferroviaires et peut-être un élargissement des compétences régionales (avec évidemment des ressources adaptées) ;
  • une planification des travaux et une gestion de la capacité ferroviaire non plus par tronçon mais par grand corridor

L'alliance 4F appelle donc l'Etat à revoir significativement à la hausse les moyens alloués à SNCF Réseau pour renouveler et moderniser le réseau ferroviaire, d'autant que l'effet d'entraînement sur l'ensemble de la filière industrielle française est important, en prenant pour comparaison la LGV SEA : 1 emploi direct représente 1,96 € de production et 1 emploi indirect + 0,44 emplois induit localement.

Ces 10 objectifs déclinés en 30 actions ont été chiffrées financièrement en indiquant lesquelles étaient du ressort des opérateurs, des gestionnaires d'infrastructure et de l'Etat.

04 juin 2020

Les opérateurs du fret organisent leur lobbying

Les acteurs du fret ferroviaire français organisent leur lobbying et mettent - au moins temporairement et en façade - en sourdine leur compétition et parfois leurs critiques pour intensifier le lobbying auprès du gouvernement français et de l'Union Européenne en faveur du transport de marchandises par voie ferrée. Le groupement 4F, en quelque sorte la déclinaison de Rail Freight Forward à l'échelle européenne, a été constitué en mars dernier : il regroupe la SNCF et l'AFRA, l'Association Française du Rail constituée des différents opérateurs privés de fret (y compris VFLI, filiale du groupe SNCF)

4F s'appuie sur le souhait de l'Europe de porter la part de marché du rail à 30% dans le domaine des marchandises, contre 18% aujourd'hui (9% même en France) et réclame notamment un rééquilibrage de la concurrence avec la route, une amélioration des conditions d'utilisation du réseau avec un peu plus de flexibilité (tous les marchés ne se planifiant pas 2 ans à l'avance) et surtout une performance accrue, et bien entendu des progrès dans la relation entre les gestionnaires d'infrastructures, les opérateurs et les clients finaux avec en fil d'Ariane la digitalisation des outils.

Les acteurs du transport combiné essaient de profiter du regain d'intérêt envers le fret, qui a été sous le feu des caméras pendant la période de confinement. Durant ces 3 derniers mois, environ 65% des circulations ont pu être effectuées par rapport au programme initial, révisé à la baisse par la chute de la demande de certains clients. Le maillage des installations multimodales est encore perfectible mais les opérateurs essaient de tirer leur épingle du jeu par la flexibilité de cette solution et évidemment la trajectoire des objectifs environnementaux du transport de marchandises. Evidemment, le positionnement de l'Etat est attendu sur le devenir du soutien au transport ferroviaire de marchandises, tant par un programme d'investissement sur les infrastructures qu'un soutien aux acteurs avec la pérennisation de l'aide au coup de pince.

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Uchizy - 19 juillet 2019 - Le fret cherche à sortir de l'ombre. Le transport combiné espère un nouveau souffle. Les opérateurs semblent vouloir d'abord miser sur ce qui les réunit (le développement du mode ferroviaire). Ici, la BB26217 de la SNCF descend un train majoritairement composé de citernes adaptée au transport multimodal sur l'axe PLM. © E. Fouvreaux

L'un des freins du transport combiné, outre la traditionnelle question récurrente de la qualité et de la quantité de sillons, c'est l'appréhension des transporteurs face à la perte de la maîtrise de la logistique du point A au point B. Elle diminuera avec l'augmentation du maillage territorial en installations multimodales, la réactivation d'installations existantes non utilisées, l'amélioration de la qualité de service et de la consistance des offres ferroviaires. Ainsi par exemple, à Miramas une extension du chantier combiné va être mise en service en 2022, représentant un investissement de 23 M€, pour quasiment doubler sa capacité et viser les 100 000 caisses traitées par an.

Si le transport combiné semble vouloir tirer son épingle du jeu, nul doute que les opérateurs des autoroutes ferroviaires voudront aussi profiter de ce contexte : les services sont plus complémentaires que concurrents, car ils ne ciblent pas totalement les mêmes besoins et le maillage des installations d'embarquement des camions sur les trains restent encore limitées. L'autoroute ferroviaire peut être un bon moyen d'amener progressivement les transporteurs routiers vers une solution ferroviaire, notamment sur les longs parcours et pour franchir des obstacles naturels. Outre l'intensification des services existants, il faudra probablement accélérer le processus de création de nouveaux services sur l'axe Atlantique, ce qui fait aujourd'hui défaut.

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Barisey la Côte - 20 avril 2016 - Cet UM de BB27000 remonte un long train bien rempli de l'autoroute ferroviaire entre Le Boulou et Bettembourg composé de wagons Modalohr. Outre certaines difficultés techniques liés au gabarit admissible sur certaines lignes, la focalisation sur la seule solution développée par Lohr semble freiner l'essor de cette offre qui répond à certains besoins logistiques. © R. Chodkowski

Le fret ne se résume pas à ces deux options : les marchés plus traditionnels sont également très demandeurs d'améliorations. C'est en particulier le cas de cette moitié du tonnage actuellement transporté par voie ferrée qui a pour origine et/ou destination une ligne de ces lignes de desserte fine, qu'elles accueillent ou non des circulations voyageurs : la remise en état de ces lignes est indispensable pour ces activités locales qui tissent une maille industrielle locale. On pense aux eaux minérales, aux céréales, à certaines activités sidérurgiques ou chimiques...

Le lobbying doit mener plusieurs fronts en parallèle : des investissements sur le réseau ferroviare pour le moderniser, un soutien fort à la filère (au titre du moindre impact environnemental), des sillons plus nombreux (ce qui est au moins temporairement contradictoire avec de nouveaux travaux), de meilleur qualité et plus commodes à réserver, une tarification soutenable, une concurrence plus équitable vis-à-vis de la route, une coordination à plusieurs Etats car le fret franchit souvent les frontières... La tâche est assez considérable !

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Varennes lès Mâcon - 24 mai 2020 - Elle est pour l'instant unique mais elle ne passe pas inaperçue : l'Eurodual 6001 de VFLI est la première machine bimode de grande puissance circulant en France, tractant ici un train d'eaux minérales entre Vittel et Arles. Un client habituel du rail qui a souvent besoin d'une petite ligne non électrifiée pour assurer ses acheminements. C'est ici le cas entre Vittel et Merrey. (cliché X)

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Verdun sur le Doubs - 7 novembre 2017 - Les feuilles mortes ne tiennent évidemment pas la voie mais on cherche le ballast, d'où la vitesse des plus réduites de ce train, illustrant le rôle de ces lignes presque oubliées (pas de ceux qui en ont besoin !) de la politique ferroviaire. © B. Grandclément