TGV Atlantique et Réseau : le temps du moteur synchrone
TGV Atlantique : des rames plus longues
La décision de réaliser une ligne à grande vitesse en direction de l'Ouest, d'abord vers Le Mans et Tours, emporta la décision de développer un matériel différent des rames conçues pour le Sud-Est. En 1986, La nouvelle commande de TGV porta sur 105 rames bicourant, avec des segments voyageurs composés de 10 remorques au lieu de 8, tirant profit des quais plus longs sur le réseau sud-ouest, et une puissance embarquée accrue répartie sur les seules motrices : fini le bogie motorisé sur les remorques d’extrémité, ce qui permettait de créer un petit salon à la place du compartiment de service. La masse à vide de ces rames atteint 444 tonnes.
Bordere - 6 novembre 1999 - Avec le massif pyrénéen en arrière-plan et les supports Midi des premières électrifications, la rame 345 assure une liaison Tarbes - Paris. Les TGV ne peuvent circuler en UM2 sur cet axe à l'alimentation électrique limitée. (cliché X)
Elles tiraient les enseignements du prototype réalisé sur la base d’une rame Sud-Est, testant la nouvelle motorisation, repérée à sa livrée orange et bleu. Les TGV Atlantique voyaient arriver l’électronique de puissance avec les moteurs synchrones autopilotés et un premier réseau informatique embarqué dont la mise au point fut délicate : il fallait appréhender ce virage technologique et les premiers mois d’exploitation furent caractérisés par quelques tracas, outre le fait que les rames présentaient des difficultés lors de la circulation en UM2.
Angers Saint Laud - 24 janvier 2018 - Entrée en gare de la rame 362 sur une relation Nantes - Paris. La dissipation de chaleur au freinage est parfaitement visible sur ce cliché, soulignant l'importante courbe précédant la gare angevine. © transportrail
Saint Pierre des Corps - 31 août 2013 - Première rame à circuler à plus de 500 km/h dans le monde, la rame 325 porte une discrète plaque rappelant la campagne d'essais aboutissant au record du 18 mai 1990 à 515,3 km/h. © transportrail
En revanche, l’évolution de la motorisation a paradoxalement impacté leurs performances sur le réseau classique avec de nombreuses zones de restriction de puissance pour ne pas sursolliciter les sous-stations. Les 8 moteurs STS développent 3880 kV sous 1500 V et 8800 kW sous 25000 V, conférant une puissance massique de 8,73 kW / t sous 1500 V et de 19,81 kW / t sous 25000 V.
Dax - 29 juin 2016 - Arrivée en gare d'un TGV pour Tarbes : au sud de Bordeaux, les circulations sont en unité simple pour les formations bitranches comportant une tranche Toulouse, en unité double pour les convois associant une tranche Tarbes et une tranche Hendaye. © transportrail
Une nouvelle livrée
Les TGV Atlantique puis les rames Réseau allaient aussi faire entrer un peu plus le design dans la construction ferroviaire. Le TGV Sud-Est résultait d'abord des recherches aérodynamiques initiales et d'une esthétique générale signées Jacques Cooper. En revanche, l'aménagement intérieur avait été confié à Roger Tallon, qui avait déjà signé les voitures Corail. Or ce dernier reconnut par la suite avoir d'emblée critiqué la couleur orange de la livrée des premiers TGV, jugée trop criarde et trop datée.
Le design était alors intégralement confié à Roger Tallon qui allait retoucher à la marge l'aérodynamique des motrices mais surtout revoir intégralement la livrée et l'aménagement intérieur des nouvelles rames. A l'extérieur, le bleu s'imposa rapidement, symbole d'un TGV en direction de l'océan. Initialement, les éléments rames de présérie, 301et 302, associaient le bleu au blanc. Cependant, outre son caractère extrêmement salissant, le blanc fut abandonné après une visite de la ligne de production des TGV à La Rochelle où les remorques en construction voisinaient les nouveaux tramways TFS de Grenoble, arborant en base un gris métallisé alors relativement novateur car de longévité limitée et d'application délicate jusqu'alors. Pari tenu, une peinture résistant à la grande vitesse fut bien conçue et appliquée sur les 103 autres rames TGV avant de faire école sur la plupart du parc de la SNCF.
Pompignan - 28 octobre 2007 - Le lieu est très connu, sur les rives du canal latéral à la Garonne : le TGV Atlantique assurant ici une relation Toulouse - Paris, a procuré un gain d'environ 45 minutes par rapport aux meilleures performances du Capitole, malgré le détour par Bordeaux. (cliché X)
Aménagement intérieur : une tentative de diversification
A l’intérieur, si les voitures de seconde classe étaient assez courantes avec une décoration à base de gris et d’un tissu à rayures gris et jaune en 2ème classe, les voitures de 1ère classe se distinguaient, du moins pour les R2 et R3 par leur aménagement en semi-compartiment, et une teinte rouge en complément de deux tons de gris sur les sièges. La capacité totale de ces rames atteignait initialement 489 places dont 116 en 1ère classe et 369 en 2ème classe.
Les rames Atlantique apportèrent plusieurs nouveautés à bord : un espace nursery, des espaces pour les familles, afin d'éviter la dispersion dans la rame, mais aussi une cabine téléphonique (rappelons à nos jeunes lecteurs qu'à cette époque, le smartphone était encore un objet de laboratoire...).
A partir de 2005, les TGV Atlantique et Réseau bénéficièrent de la rénovation intérieure avec le design de Christian Lacroix, intégrant de nouveaux sièges en 2nde classe (couleur rouge et pourpre) et un nouvel habillage des espaces de 1ère classe (vert anis et gris). La capacité a été abaissée à 454 places après rénovation.
Intérieur des TGV Atlantique et Réseau (en seconde classe en haut, en première classe ci-dessus) après la rénovation dessinée par Christian Lacroix : une belle présentation mais certains choix ont été assez nettement critiqués : elle a cependant rajeuni une conception initiale des intérieurs un peu trop classique. © transportrail
Cependant, cette rénovation a été assez décriée. D'abord, elle a inversé un code couleur habituel : tons chauds pour la première classe et tons froids en seconde classe. Christian Lacroix a choisi le rouge et le violet en 2ème classe, le gris avec vert pomme en 1ère classe. Roger Tallon a aussi critiqué le nouveau siège, dont les détails oublient l'essentiel : la commodité et la longévité. Ainsi, la tétière pliable pour accompagner le voyageur dans sa détente, n'a pas résisté au temps. La tablette est massive mais ne retient pas les éléments qui sont dessus pendant le voyage (boisson, en-cas, ordinateur, téléphone). Le positionnement des numéros de siège a été également très critiqué par les voyageurs, tout comme l'emplacement de la poubelle sous les sièges.
Une carrière concentrée à l'Ouest
Non interopérables du fait de leur longueur accrue qui ne leur permet pas de circuler en UM2 sur l’ensemble du réseau, les TGV Atlantique ont été essentiellement cantonnées à la desserte de la Bretagne, du val de Loire et du Sud-Ouest. Elles ont été également engagées à l'origine sur les relations province-province entre Lyon, Nantes et Rennes, mais avec des contraintes d'exploitation en UM2 du fait de leur longueur ne les autorisant que sur une seule voie à Lyon Perrache et les voies centrales de Lyon Part-Dieu. D'ailleurs, les rames Atlantique ne sont couplables qu'entre elles, comme les Sud-Est, alors que le matériel postérieur est compatible avec les mariages mixtes.
En conséquence, avec l'arrivée des rames Réseau puis des Duplex, les rames Atlantique furent concentrées sur les liaisons au départ de Paris Montparnasse.
Peu de modifications furent apportées au parc Atlantique : les 20 dernières rames (386 à 405) ont été munies de la TVM430 pour circuler sur la LGV Nord, tandis que les 8 rames 372 à 379 furent adaptées en 2004 pour être tractées par une CC72000 afin de rejoindre Les Sables d’Olonne.
Saint Sébastien sur Loire - 4 novembre 2000 - Le mariage de la carpe et du lapin. Pour faire plaisir à quelques élus vendéens allergiques à la correspondance, la SNCF bricola 3 CC72000 pour leur faire tracter des rames Atlantique également adaptées sur une liaison directe Paris - Les Sables d'Olonne. Finalement, la ligne a été électrifiée... pour le TGV mais aussi pour les besoins du trafic régional. © Ch. Vaneck
Avec l’arrivée des Euroduplex commandées pour l’ouverture en 2017 des lignes nouvelles Sud Europe Atlantique et Bretagne Pays de la Loire, les TGV Atlantique sont poussés vers la sortie, sans piste de réutilisation. Ainsi, 40 rames avaient déjà été réformées à fin avril 2018.
Néanmoins, en 2021, la SNCF a finalement décidé de rénover les 28 dernières rames à son effectif, conduisant à les maintenir en service jusqu'en 2030 comme initialement prévu.
Retour au format standard de 200 m
Commandées dans la foulée des rames Atlantique et d'abord pour les besoins de la LGV Nord, les rames Réseau présentent peu de différences de prime abord entre TGV Atlantique et TGV Réseau, si ce n’est le retour à une formule à 8 remorques pour une longueur de 200 m. La motorisation est similaire aux rames Atlantique, améliorant la puissance massique avec une masse limitée à 386 tonnes. La puissance massique atteint 10,05 kW / t sous courant continu et 22,8 kW / t sous 25 kV, améliorant significativement les performances par rapport aux séries antérieures.
Malataverne - 4 août 2012 - Chassé-croisé entre juilletistes et aoutiens mais rame simple sur la LGV Méditerranée au sud de Montélimar, avec cette rame Réseau remontant en direction du nord au petit matin (pour les voyageurs matinaux et le photographe qui veut éviter un coup de chaud...) © transportrail
Paris Est - 21 septembre 2008 - D'abord engagées sur le réseau Nord, puis faisant des liaisons Intersecteurs un de leurs domaines de prédilection, les rames Réseau ont été ensuite mises à contribution pour assurer le lancement de la LGV Est. Cependant, avec le développement du trafic et les commandes abondantes de rames Duplex, leur champ d'action se restreint... © transportrail
Dans les aménagements, seule la première classe a véritablement changé avec le retour à un diagramme plus classique. Elles offraient 110 places en 1ère classe et 257 en 2ème classe, capacité réduite à 234 places après la rénovation Lacroix. Les TGV Réseau furent livrés pour le service de la LGV Nord et le développement des liaisons intersecteurs grâce à la ligne d’interconnexion via Roissy et Marne la Vallée. La commande porta sur :
- 50 rames bicourant pour le service intérieur (501 à 550) ;
- 30 rames tricourant aptes au 3000 V continu, (4501 à 4530) pour les liaisons avec la Belgique (24 unités) et l’Italie (6 unités) ;
- 10 rames tricourant pour les relations Paris – Bruxelles – Amsterdam de Thalys (4531 à 4550), constituant parc spécifique, dans la sa livrée, rouge grenat et gris métallisé (qui a connu trois déclinaisons successives) et dans leur aménagement, mais avec une capacité homogène de 377 places.
Entre 2005 et 2007, les rames du trafic intérieur bénéficièrent de la rénovation dessinée par Christian Lacroix comme sur les rames Atlantique, suscitant les mêmes critiques.
Par la suite, le parc a assez nettement évolué du fait de la stratégie retenue par la SNCF visant à maximiser le parc de rames Duplex, tout en servant les besoins des liaisons internationales. En 2018, la SNCF exploitent 26 rames Réseau bicourant et 27 tricourant pour un parc initial de 80 rames : outre la transformation de 19 rames pour former les éléments POS et les Réseau-Duplex, 8 rames ne sont plus en service.
Chelles-Gournay - 13 avril 2013 - Achevant son parcours sur la LGV Est, la rame 546 franchit à près de 220 km/h la gare de Chelles. Leur engagement à l'Est a été aussi accompagné d'un relèvement de la vitesse maximale à 320 km/h. © transportrail
Les TGV Réseau ont été redistribués à partir de 2007, d’une part pour couvrir les besoins de la LGV Est, avec compensation au Nord par l’affectation croissance de TGV Sud-Est, compensée sur le réseau Sud-Est par l’introduction croissante de rames Duplex, qui ont également été engagées par la suite au Nord, en particulier la relation Paris – Lille.
Enfin, la livrée « carmillon » a été appliquée sur les rames Réseau, à l’exception du parc Thalys.
Paris Est - 1er février 2015 - Inconvénient de la livrée Carmillon, la partie peinte en blanche se révèle très salissante et le nettoyage des rames n'est pas systématique. Voilà qui ajoute au côté peu lumineux de cet habillage. © transportrail
Vers Sommaire / TGV Sud-Est / TGV Duplex / TGV européens / Eurostar