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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

TET : quelles dessertes ?

Le rapport Duron passe aux actes ?

Depuis sa publication, quelques avancées peuvent être soulignées :

  • Nantes – Bordeaux a atteint l’objectif de 4 allers-retours en 2022 ;
  • Nantes – Lyon s’en approche, avec 3 allers-retours depuis l’horaire 2023 ;
  • Bordeaux - Marseille dispose de 8 rotations cadencées aux 2 heures depuis l’horaire 2020 (6 de bout en bout + 1 Toulouse – Marseille + 1 Bordeaux – Nîmes) ;
  • les schémas directeurs sur les radiales proposent dans un premier temps (horizon 2025-2026) 9 allers-retours sur Paris – Clermont-Ferrand (+1), tout en maintenant le sillon direct et 11 allers-retours (+1) sur Paris – Toulouse jusqu’à Limoges, avec une desserte toutes les 2 heures de Brive, le maintien de 3 trains jusqu’à Toulouse et une organisation comprenant 2 allers-retours à un seul arrêt entre Paris et Limoges puis 9 avec 4 arrêts.

En 2023, l’Etat a même fait une ouverture pour envisager une desserte plus fournie sur POLT, peut-être jusqu’à 14 allers-retours.

2021 : l’Etat fait-il les bons choix pour de nouvelles lignes ?

Les études réalisées au ministère ont identifié de potentielles nouvelles lignes, avec 2 à 3 allers-retours, mais leur analyse conduit à une certaine perplexité quant à leur intérêt et leur articulation tant avec les services régionaux que les liaisons librement organisées à grande vitesse :

  • Lyon – Toulouse : il existe déjà 3 allers-retours par TGV. Le TET par la rive gauche du Rhône n’aurait pour seul intérêt territorial que la desserte d’Avignon, qui ne peut être desservie par les TGV vers l’arc languedocien, et éventuellement de Montélimar et Orange, mais ce n’était pas l’orientation envisagée par l’Etat (desserte de Valence uniquement) ;
  • Lille – Nantes via Amiens, Rouen, Argentan, Le Mans et Angers : compte tenu d’un trajet en environ 7h30, une telle relation ne répondrait qu’à des flux de cabotage déjà couverts par des trains régionaux, sachant que les TGV Intersecteurs, couvrent déjà le parcours de Lille vers Le Mans, Angers et Nantes. Cette liaison nécessiterait du matériel bimode (sections Elbeuf – Serquigny et Mézidon – Le Mans non électrifiées) et apte à 200 km/h pour s’insérer au mieux au-delà du Mans (c’est un peu le grand écart !) ;
  • Grenoble – Metz : les services régionaux sont bien fournis (cadence horaire) sur les segments Dijon – Lyon et Lyon – Grenoble. Au nord de Dijon, la Région Grand Est a compensé la déviation des TGV Metz – Méditerranée reportés par Strasbourg. Ajoutons que la traversée du nœud ferroviaire lyonnais ne sera pas la moindre des difficultés pour la construction des horaires.
  • Lyon - Nice : liaison existante par TGV (plutôt fournie jusqu’à Marseille, rare au-delà) et offre régionale aux 2 heures sur Lyon - Marseille mais en limite de capacité ;

Ces axes traduisent bien la complexité de l’exercice : les 3 premières axes doublent des relations à grande vitesse de faible consistance et risquent de fragmenter encore un peu plus l’offre. Il serait plus simplet et plus lisible de les renforcer… mais pour l’instant, un TET ne peut être à grande vitesse. Sur la dernière, il y a assurément matière à restaurer une liaison Lorraine – Lyon, à condition de la coordonner efficacement avec les dessertes régionales.

En revanche, les lignes Orléans – Lyon via Bourges et Lille – Dijon via Reims n’ont pas été retenues en raison d’un déficit potentiel trop élevé.

Conclusion : l’Etat campe sur des principes étriqués de TET plutôt rares et éparpillés et de façon étanche par rapport aux services librement organisés à grande vitesse pour éviter de trop mettre la main au portefeuille. Autre verrou à lever : pourquoi écarter des lignes qui semblent capables d’atteindre au moins le petit équilibre – hors amortissement du matériel – entre les charges et les recettes ? Par exemple, des liaisons parallèles aux principales radiales à grande vitesse.

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Poix-de-Picardie - 17 juin 2022 - La relation Lille - Rouen comprend 3 allers-retours assurés en TER2Nng de la Région Hauts-de-France, puisqu'elle a été intégrée un peu aux forceps par l'Etat et la SNCF dans les premières conventions TER. © transportrail

Pour une offre attractive

Une nouvelle orientation stratégique amènerait d’abord à poser quelques grands principes :

  • pour les liaisons radiales : un cadencement au moins toutes les 2 heures – soit  allers-retours – et un renforcement à l'heure en pointe, soit au total 10 à 12 allers-retours ;
  • une desserte lisible et de préférence systématique ;
  • pour les liaisons transversales, au moins une cadence aux 4 heures (que les oreilles suisses ne nous tiennent pas rigueur de ce blasphème : on part de loin) ;
  • pour les trains de nuit, évidemment un aller-retour par jour.

Sur les radiales

Au-delà des orientations à court terme, il reste encore des points à arbitrer. Sur Paris – Clermont-Ferrand, faut-il passer de 9 à 12 allers-retours comme suggéré par le rapport Avenir des TET ? A minima, un 10ème aller-retour consoliderait la trame et la création des arrêts de Nevers, Moulins, Vichy et Riom sur le « bolide » peu fréquenté.

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La Ferté-Hauterive - 25 juilet 2018 - Plus de trains sur la ligne du Bourbonnais ? Oui sans doute mais on peut gagner à moindre coût une liaison de plus puisqu'un aller-retour à l'exploitation fragile ne concerne que Clermont-Ferrand. Certains rêvent à une liaison en 2h30... mais sans se soucier des villes intermédiaires. © E. Fouvreaux

Sur POLT, l’Etat a lui-même ouvert la porte à une nouvelle étape au-delà de 2026 compte tenu d’une mobilisation locale toujours aussi intense. Il faudra veiller à une certaine cohérence d’ensemble de l’axe et éviter des déséquilibres qui résulteraient d’une approche selon le nombre de courriers reçus. Il faut reconnaître que l’organisation de cette desserte n’est pas évidente compte tenu de plusieurs gares qui tiennent à « leurs trains de Paris » mais dont la chalandise ne peut justifier un arrêt systématique. Bref, difficile d’éviter le « sur-mesure ».

Une cible haute pourrait proposer 13 allers-retours avec :

  • 4 Paris – Toulouse rapides entre Paris et Limoges (2 avec arrêt aux Aubrais, 2 à Châteauroux) puis desservant Brive, Souillac, Cahors et Montauban ;
  • 2 Paris – Brive pour les principales villes (Les Aubrais, Vierzon, Châteauroux, Limoges) ;
  • 6 Paris – Brive et 1 Paris - Limoges également à 4 arrêts, dont Vierzon et Châteauroux, et une alternance Issoudun + Uzerche ou Argenton / La Souterraine.

La création d’autre radiales suppose des choix forts de principes d’abord : l’Etat veut-il compléter les liaisons à grande vitesse, aujourd’hui librement organisées, par des offres classiques, afin de proposer sur ces axes un minimum de desserte à moindre versatilité ? D’abord vers Lille, Rennes, Nantes, Bordeaux, Lyon, Strasbourg, elles pourraient alors desservir des villes peu desservies ou à l’écart des LGV. Ces services TET venant généralement se superposer à des trains conventionnés par les Régions (exemple sur Paris – Nantes ou Paris – Lyon), ces nouvelles lignes résulteraient d’une discussion de fond avec elles pour en définir l’opportunité.

Transversale sud : des TETGV ou des TGVET ?

Le potentiel de cet axe est énorme car il aligne la plupart des grandes agglomérations du sud de la France : le rapport Avenir des TET proposait 12 allers-retours, probablement en combinant des parcours complets Bordeaux – Nice et des services partiels Toulouse – Marseille.

L’Etat confirmant – mais selon quel calendrier ? – les lignes nouvelles Bordeaux – Toulouse et Montpellier – Perpignan, la desserte devrait donc logiquement basculer dans le domaine de la grande vitesse, avec la possibilité de desservir les gares nouvelles d’Avignon et d’Aix-en-Provence. Ce n’est pas le scénario privilégié en 2023 puisque l’Etat considère qu’un TET ne peut être à grande vitesse et qu’une relation sur LGV est forcément librement organisée. Ce serait pourtant l’occasion de repenser globalement le maillage national. Mais attention : grande vitesse ne rime pas forcément avec rame Duplex. Nous le verrons plus loin.

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Pompignan - 12 octobre 2019 - La BB22337 remonte vers Bordeaux cet Intercités venant de Marseille. TET conventionné aujourd'hui, TGV aux risques et périls demain... ou un autre modèle économique ? Et avec quel matériel roulant ? © D. Gubler

Sur Toulouse – Hendaye, l’Etat n’a heureusement pas suivi ses conclusions et a maintenu les 4 allers-retours. Un cadencement aux 2 heures avec 8 allers-retours serait à étudier avec les Régions Occitanie et Nouvelle Aquitaine pour coordonner les offres.

Il y aurait peut-être intérêt à étudier de façon conjointe le devenir de cet ensemble de relations et sans exclure l’offre TGV actuelle, notamment si, finalement, l’emploi de rames à grande vitesse précédait la réalisation des lignes nouvelles. Et dans ce schéma, même la ligne Toulouse – Hendaye pourrait être au moins partiellement intégrée, pourquoi pas avec des Genève – Hendaye via Lyon et la LGV ?

Faisons le lien avec notre réflexion sur les TGV province-province : transportrail suggérait 3 lots élémentaires utilisant la transversale sud :

  • Dijon - Toulouse / Nice
  • Strasbourg - Marseille / Montpellier
  • Bordeaux - Nice / Genève et Genève - Nice / Barcelone

Les deux premiers étant uniquement en trafic intérieur pourraient faire l'objet d'une réflexion croisée avec le devenir des actuels TET et de potentielles nouvelles relations dans ce secteur. Il y a manifestement matière à débat : un train conventionné est-il forcément cantonné au réseau classique ? Un train à grande vitesse est-il forcément en open-access ? Dans le cas présent, ce serait aussi le moyen d'assurer une valorisation de certaines réalisations récentes ou projetées (LGV Rhin-Rhône, LNMP, GPSO, voire LNPCA).

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Béziers - 2 octobre 2019 - Soutenir la réalisation de 2 lignes nouvelles sur le parcours Bordeaux - Marseille sans envisager d'en faire profiter cette relation, il n'y a qu'en France qu'on peut pousser à ce point le paradoxe. En revanche, la rame Duplex n'est probablement pas adaptée à une desserte comprenant un arrêt tous les 65 km en moyenne ! © D. Gubler

Au pied des Pyrénées

La transversale Toulouse – Hendaye n’a pas été supprimée ni mise sur route : la desserte atteint 4 allers-retours, dont la moitié retourne à Hendaye, et dispose d’un matériel renouvelé avec 9 Régiolis Z51500 de seulement 172 places. Cette relation est toutefois aujourd’hui un isolat technique, qui pourrait aboutir à une régionalisation concertée avec les Régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine.

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Bayonne - 12 octobre 2019 - Une petite série de 9 Régiolis avec aménagement Intercités a été mise introduite sur la transversale pyrénéenne. Cet isolat technique donne du crédit à un scénario de régionalisation... à condition que les Régions soient d'accord et reçoivent les moyens aujourd'hui affectés par l'Etat à cette ligne. © transportrail

De nouvelles liaisons autour de l’axe du Bourbonnais ?

La transversale Nantes – Lyon pourrait être complétée de nouvelles  liaisons ouest-est, soit en alternant 4 allers-retours Nantes – Lyon avec 4 rotations Nantes – Dijon, soit par une coupe-accroche à Nevers, quitte à constituer des UM3 à moins que l’ajout d’une fréquence de plus puisse compenser une circulation en rame simple.

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Nevers - 21 juillet 2019 - A gauche, l'aller-retour Tours - Lyon via Paray-le-Monial, financé par les Régions et assuré ici par 2 X72500 tricaisses. A droite, une Z27500 de la Région Centre, joliment pelliculée pour célébrer l'année Léonard de Vinci, qui est prête à assurer une liaison Nevers - Tours. © transportrail

Deux autres relations pourraient être examinées, au départ de Clermont-Ferrand vers Nantes d'une part et Dijon d'autre part : elles pourraient certes être obtenues par correspondance à Nevers mais l'intérêt d'un trajet direct n'est pas à négliger. Clermont-Ferrand – Dijon a quasiment disparu des grilles horaires : cet ancien EIR était tracé par Moulins, Paray-le-Monial et Montchanin. Sa renaissance pourrait lui faire préférer un tracé via Nevers. La liaison vers Nantes pourrait même entrer dans la catégorie prestigieuse estampillée 200 km/h en utilisant des Confort 200 comme sur Paris – Clermont-Ferrand. Même chose pour la liaison vers Dijon, mais évidemment après l’électrification de Nevers à Chagny.

Cependant, ces réflexions pourraient amener à revoir la consistance des dessertes régionales, notamment Tours - Nevers et Nevers - Dijon. Une concertation étroite avec l'ensemble des Régions serait nécessaire, y compris évidemment sur le plan tarifaire, même si ces TET n’auraient pas vocation à desservir autant de villes, notamment vers Dijon, où seules les villes du Creusot, de Montchanin et de Beaune seraient concernées.

Lorraine - Méditerranée

La liaison entre la Lorraine et Lyon a été la victime d’une stratégie de l’opérateur cherchant à regrouper les flux entre la vallée du Rhône, l’Alsace et la Lorraine, afin aussi de garnir un peu le graphique de la section Baudrecourt – Vendenheim de la LGV Est. Une liaison classique apparaît logique, avec 4 allers-retours pour commencer, du fait du faible bénéfice à emprunter la LGV Sud-Est entre Mâcon et Lyon.

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Lyon Part-Dieu - Novembre 2003 - A l'époque, on parlait encore de Grandes Lignes cette BB26000 a assuré l'étape Dijon - Lyon de ce rapide en provenance de Metz. Sur cette relation, une solution classique demeure pertinente compte tenu du gain limité de la grande vitesse sur le parcours Mâcon - Lyon avec un raccordement fastidieux à la LGV. © transportrail

A priori, il serait intéressant de poursuivre vers la Méditerranée, mais l’intérêt de la grande vitesse est assez évident d’autant que les gares valentinoise et avignonnaise sont desservies par trains régionaux et réseaux urbains. Cependant, la forte fréquentation des trains régionaux de la vallée du Rhône devrait justifier une offre potentiellement fournie qui, au-delà d’Avignon, pourrait rejoindre Marseille voire Nice, et/ou l’arc languedocien vers Perpignan ou Toulouse. Tout dépend du devenir de la frontière TET / TGV.

Des transversales oubliées

Citons d’abord Lille – Strasbourg, qui dispose certes de quelques TGV via Roissy, ce qui est intéressant pour l’accès aux liaisons aériennes et pour les habitants de la périphérie francilienne, mais ne règle pas la question de la desserte des Ardennes et de la frange frontalière de la Lorraine. Voici un axe qui serait au cœur d'une relance des TET, en commençant donc à 4 allers-retours par jour, desservant Valenciennes, Aulnoye (avec rebroussement), Hirson, Charleville-Mézières (avec rebroussement), Sedan, Longuyon, Thionville (avec rebroussement), Metz et Nancy.

Toujours au départ de Lille, un axe vers Dijon pourrait être restauré desservant Douai, Cambrai, Saint-Quentin, Tergnier, Laon, Reims, Châlons-en-Champagne, Vitry-le-François, Saint-Dizier, Chaumont et Langres et Culmont-Chalindrey.

Entre le Nord et la Normandie, existent 3 allers-retours Lille – Rouen sous la bannière régionale mais puisque l’Etat s’intéresse à un Lille – Nantes via la Normandie, une ligne Lille – Le Havre, à raison de 4 allers-retours pour commencer, pourrait être mise en œuvre, avec au passage une sollicitation bien moindre du nœud rouennais. La desserte pourrait ensuite probablement passer à 8 allers-retours.

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Saint-Quentin - 25 août 2021 - Plus de transversale, depuis plus de 30 ans, entre le Nord et la Bourgogne. Cette diagonale desservirait pourtant plusieurs villes de taille moyenne où les parcours interrégionaux sont parfois très difficiles au sein de cette France en marge des grandes métropoles. Dans le seul Département de l'Aisne, la préfecture (Laon) n'est même pas reliée par train à la plus grande ville (Saint-Quentin) ! © transportrail

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Et les services classiques librement organisés ?

Deux candidats ont manifesté leurs intentions. Flixtrain avait présenté en 2019 ses intentions avec selon les axes de 3 à 7 allers-retours depuis Paris vers Bruxelles (via Saint-Quentin), Lyon, Toulouse et Bordeaux. En 2021, SNCF Voyageurs a également fait part de ses intentions vers Marseille, Bordeaux, Toulouse et Nantes, ainsi que sur une liaison Lyon- Nice. Et naturellement celui dont on entend beaucoup parler : Railcoop, qui lorgne sur nombre de relations dont Bordeaux - Lyon mais qui se heurte à quelques réalités peut-être un peu trop refusées…

Pour l’instant, de tels services – autres que ceux développés par SNCF Voyageurs – semblent assez peu probables : entre prix des sillons, disponibilité de l’infrastructure et conditions d’obtention de matériels compatibles, le parcours est semé d’embuches !

Nous abordons les trains de nuit dans le dossier de transportrail qui leur est consacré.

Suite du dossier

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