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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

TET : principes de service et gouvernance

Que reste-t-il aux Trains d'Equilibre du Territoire ?

La définition de ces trains est peu évidente à bien des égards. De prime abord, c’est le domaine entre celui de la grande vitesse et celui du service régional. Il faut ajouter une dimension économique : il s’agit de liaisons conventionnées par l’Etat, autorité organisatrice. Ce ne sont donc pas des services librement organisés par l’opérateur.

Dans le terme même employé en France, il existe une autre dimension, relative à l’organisation du territoire mais elle ne peut être réduite aux seuls territoires en marge des grandes dynamiques. La définition de transportrail pourrait donc être la suivante : des liaisons radiales ou transversales classiques, de jour ou de nuit, hors flux pendulaires du Bassin Parisien, dont l’existence relève d’un contrat de service public couvrant le déficit d’exploitation à des fins d’aménagement du territoire.

En 2021, le périmètre comprend les radiales vers Clermont-Ferrand et Toulouse,  les transversales Nantes - Lyon, Nantes - Bordeaux, Bordeaux - Marseille et Toulouse - Hendaye et les quelques trains de nuit miraculés.

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Lison - 22 juillet 2015 - Arrivée d'un train Paris - Cherbourg emmené par une BB26000 alors récemment révisée, tractant une rame de 10 voitures Corail. Une liaison qui a été transférée à la Région Normandie et depuis assurée en Omneo Premium. © transportrail

Pour mémoire, le tableau ci-dessous, également disponible en PDF, reprend l’état du service en 2015 et les préconisations du rapport Duron. Nous y avions alors ajouté notre propre analyse et nos propositions, sur la compétence, la structure de desserte, les améliorations de l’infrastructure et les possibilités de matériel roulant, celui-ci devant arriver en dernier dans la réflexion.

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Nevers - 26 juillet 2013 - La radiale Paris - Clermont-Ferrand pourrait connaître une renaissance si les préconisations du rapport Duron étaient suivies en passant - probablement par étapes - de 8 à 12 allers-retours, tout en bénéficiant d'un nouveau matériel succédant aux Corail Téoz dont le bilan restera mitigé...© transportrail

Alors en 2021, le Train d'Equilibre du Territoire se définit d'abord en négatif de ce qui n'est pas dans le domaine géré par les Régions, mais sous convention avec l'Etat et qui ne roule pas à grande vitesse, soit 2 radiales vers Clermont-Ferrand et Toulouse et 3 transversales (Nantes - Lyon, Nantes - Bordeaux, Bordeaux - Marseille, Toulouse - Hendaye) et les trains de nuit miraculés. Difficile de se faire une image de marque avec un portrait en creux surtout quand l'opérateur encore en situation de monopole sème un peu la confusion avec des liaisons à son propre compte... mais avec du matériel TET ou TER, et quand les Régions créent des liaisons pour combler une absence qui se fait ressentir. Ajoutez à cela (on va y revenir) l'arrivée de potentiels nouveaux opérateurs.

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Marignier - 14 juillet 2015 - Domaine incontestable de l'Etat en matière de TET, les trains de nuit. Le retournement de veste sur cette offre est spectaculaire (pour la sincérité, on jugera sur pièces). Paris - Saint-Gervais, pour l'accès à la vallée de Chamonix, est une destination attendue. © R. Lapeyre

Rappelons que l’opérateur propose aussi des liaisons classiques hors contrat avec l’Etat, portant depuis 2022 la marque Ouigo classique. Difficile de les laisser à l’écart de notre analyse : nous y reviendrons ultérieurement.

Aménagement du territoire et libéralisation du marché

De fait, ces dessertes de service public participent, du moins en principe, à une politique d’aménagement du territoire, ce qui suppose d’assurer un maillage de villes à l’écart des service librement organisés et de créer des transversales pour que tout ne gravite pas autour de Paris. La propension à considérer que la France se limite à Paris et une douzaine de métropole a relégué à un rôle annexe ces dessertes. Les déplacements hors des grandes métropoles ont été – un peu quand même – dans les facteurs d’émergence de la crise des « Gilets Jaunes » (avant qu’elle ne transforme en un mouvement de contestation sur de tout autres sujets). Ajoutez la Convention Citoyenne sur le Climat et son analyse critique de la traduction de ses travaux par le gouvernement (même s’il y aurait matière à réflexion sur sa légitimité dans une démocratie représentative déjà malmenée… entre autres par la dérive extrémiste de l’épisode « Gilets Jaunes »).

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Solignac - Le Vigen - 29 juillet 2014 - Les TET desservent des territoires souvent en marge des grandes dynamiques urbaines et économiques, aussi parfois frappées par la dégradation de plusieurs services publics. L'école, l'hôpital et la gare demeurent des marqueurs forts : l'axe Paris - Toulouse est fréquemment perturbé par des manifestations pour préserver un moyen d'accéder à des villes mieux lôties en équipements d'intérêt général. © transportrail

Les TET semblent cocher quelques cases qui expliqueraient en partie leur résurgence, alors que le chef de l’Etat a été l’artisan du lancement des autocars librement organisés, démarche à laquelle la SNCF a largement participé (en y engloutissant des sommes considérables pour finalement échouer), et qui, au final, n’a eu qu’un résultat très limité, et certainement pas au profit des petites villes comme annoncé initialement.

L’Etat aurait dû présenter un schéma national des services de voyageurs suite à la réforme ferroviaire de 2014. Il ne l’a pas fait. La Loi d’Orientation sur les Mobilités prévoyait que l’Etat définisse ses orientations quant à l’évolution des Trains d’Equilibre du Territoire (financement, consistance de l’offre, appels d’offres, matériel roulant). C’est bien le cœur de ce chapitre… puisque pour l’instant, l’Etat n’a pas de posture conclusive sur ces domaines.

Il faut aussi aborder la libéralisation du marché. Si la convention Etat – SNCF Voyageurs a été renouvelée, l’Etat a lancé un appel à manifestation d’intérêt puis plusieurs appels d’offres sur certains trains de nuit, Nantes – Lyon et Nantes – Bordeaux, dans le plus grand échec, du moins jusqu’en 2023. Cela ne signifie pas un désintérêt des autres opérateurs. Flixtrain avait présenté ses intentions de services librement organisés sur plusieurs radiales vers Bruxelles, Lyon, Toulouse et Bordeaux, mais se heurta non seulement à la question du matériel roulant mais aussi à celles relatives à l’infrastructure : coût et disponibilité. Et puis il y a Railcoop, au projet foisonnant mais aux perspectives de moins en moins probables.

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Dedensen - 31 août 2020 - Flixtrain associe des locomotives récentes (louées) avec ici une Vectron série 193, et des voitures classiques récupérées et modernisées. Manifestement, l'opérateur cherchait à dupliquer cette formule en France, les solutions pour former les trains et les faire circuler sont un peu plus difficiles à trouver... (cliché X)

Un champ aujourd’hui trop restrictif ?

On peut le penser, en volume (nombre de relations et maillage). D’ailleurs, l’Etat a fini par s’y résoudre, SNCF Voyageurs aussi, chacun à leur façon : le retour des trains de nuit pour Nice et Tarbes en est une illustration. L’ajout d’un quatrième aller-retour sur Nantes – Bordeaux, d’un troisième sur Nantes – Lyon également. Les services du ministère ont aussi planché sur l’amélioration des dessertes sur POLT et Paris – Clermont-Ferrand tandis que la nouvelle organisation sur Bordeaux – Marseille a produit de bons résultats. Ils ont aussi envisagé de potentielles nouvelles relations de jour et de nuit sur lesquelles nous reviendrons dans la suite de ce dossier. Il existe une demande : elle est visible autrement, par le succès du covoiturage et les services d’autocars.

Mais il existe d’autres possibilités de développement. Avec son offre Ouigo classique, SNCF Voyageurs propose des liaisons classiques « parallèles » aux dessertes à grande vitesse : Paris – Nantes via Chartres ou Orléans, Paris – Lyon via Dijon. Elles ciblent une clientèle privilégiant le prix au temps de trajet, mais on peut aussi noter qu’elles essaient aussi de recréer des prestations nationales au départ de villes qui ont été mises à l’écart (exemple : Chartres).

Pour autant, l’Etat considère aujourd’hui que seuls sont éligibles au conventionnement les liaisons classiques, excluant l’utilisation des LGV, probablement pour ne pas ouvrir la boîte de pandores (et le carnet de chèques). En ligne de mire de notre propos : les liaisons province-province, sans cesse affaiblies depuis leur apogée du début des années 2000, et pour large partie converties en Ouigo avec les limites déjà abordées par transportrail.

Gouvernance et financement

Les grands principes d’organisation existent, avec une entité dédiée à la fonction d’autorité organisatrice dans les services du ministère des Transports. Il faut espérer que la construction des appels d’offres – qui seront à terme obligatoires – aboutisse à des propositions plurielles et contrastées, à condition de ne pas trop restreindre par principe les réponses par des critères trop directifs. Cependant, pour l’instant, difficile d’attirer les candidats avec des contenus aussi limités : la dernière tentative porte sur les offres existantes au départ de Nantes, avec en option une nouvelle liaison vers Lille… mais avec 2 allers-retours seulement. Difficile d’intéresser des candidats avec des liaisons éparpillées (même avec un point commun à Nantes) pour aussi pour de consistance.

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Angers Saint-Laud - 2 octobre 2019 - Pour l'instant, la liaison Nantes - Lyon reste exploitée par la SNCF puisque les concurrents ne sont pas venus sur l'appel d'offres lancé par l'Etat. Les Coradia Liner conservent donc leur livrée à filets carmillon... L'Etat envisage une troisième relation TET au départ de Nantes vers Lille dont l'intérêt apparaît limité, afin d'attirer plus de regards sur l'appel d'offres. © transportrail

A court terme, semblent se dessiner un lot pour les transversales, probablement un seul pour les deux radiales actuelles et un pour les trains de nuit, avec un point d’interrogation sur Bordeaux – Marseille, sujet qui reviendra régulièrement dans nos analyses…

Ensuite, le financement : jusqu’en 2022, les TET étaient financés par la Contribution de Solidarité Territoriale et la Taxe sur le Revenu des Entreprises Ferroviaires : SNCF Voyageurs paie ces taxes à l’Etat qui les redistribue à SNCF Voyageurs. Supprimées au budget 2022, ces taxes ont été remplacées par une dotation directe de l’Etat. Sera-t-elle pérenne ?

Cet effort de la collectivité pourrait être considéré comme une contribution de l’Etat à développer des solutions alternatives à la voiture dans une politique de décarbonation progressive des mobilités par des services ferroviaires améliorés. Après tout, l’Etat a lâché des dizaines de milliards d’euros en 2022 pour subventionner la consommation de carburants…

Il pourrait aussi revoir sa posture maximaliste sur la couverture du coût complet du réseau par les seuls péages, entretenant un train cher à produire donc rare pour la population.

Enfin, le matériel roulant. S’il y a un débat sur les caractéristiques techniques selon les lignes considérées, il faut préalablement aborder sa gestion dans la perspective de délégations de service publics avec un – des ? – opérateurs, qui, en principe, n’en sont affectataires que durant la période des contrats. Structure propre à l’autorité organisatrice, contrat avec un prestataire dédié ou intégration au marché avec les opérateurs (mais dans ce cas sur une longue durée), les choix sont assez vastes. La première hypothèse, celle d’une « Rolling Stock Company » (ROSCO) est souvent évoquée mais l’Etat semble s’inquiéter d’une extension de son périmètre, compte tenu des pressions exercées par ailleurs par certains opérateurs souhaitant pénétrer le marché de la grande vitesse en France.

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Baptisées d'abord Confort 200 et désormais Oxygène, les nouvelles automotrices CAF ne porteront pas les couleurs de SNCF Voyageurs mais celles définies par l'Etat, qui n'a pas encore statuer sur l'opérateur qui à terme assurera le service vers Toulouse et Clermont-Ferrand. (document SNCF)

Il va bien falloir aborder la question des ressources. Une relance des TET implique des modalités pérennes de financement des dessertes, parallèlement à la quête d’une amélioration de la couverture des coûts par les recettes. Or jusqu’à présent, les TET ont été essentiellement financés par le produit de taxes prélevées sur les opérateurs, donc les activités commerciales de la SNCF. Ces taxes - Contribution de Solidarité Territoriale et Taxe sur le Revenu des Entreprises Ferroviaires -  se sont effondrées en 2020-2021 avec la crise sanitaire et ont été supprimés par l'Assemblée Nationale dans le budget 2022 mais les modalités de financement des TET restent encore floues : il y a une urgence renforcée (la question est sur la table depuis au moins une décennie) à trouver une nouvelle ressource, accessoirement indépendante des autres activités ferroviaires. Faute de quoi, la relance des TET restera virtuelle. 

Ce serait regrettable, car il y a objectivement une fenêtre ouverte pour relancer ces dessertes dans le cadre une refonte des services longue distance qui ne pourra faire abstraction du séisme du covid-19 qui a profondément fragilisé l’économie du système ferroviaire français, et en pariculier celui des TGV, qui montrait déjà des signes de faiblesse depuis quelques années, et alors que le train a de sérieux atouts en matière d'aménagement écologique du territoire. Le plan de relance de l’Etat a été nettement orienté vers l’infrastructure, mais l’opérateur SNCF Voyageurs a perdu plusieurs milliards d’euros, san réelle compensation.

Suite du dossier

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