Comme nous l’avons fait pour AGC et Régiolis, voici autre une comparaison « vue du voyageur » entre les automotrices régionales à 2 niveaux. Elle est plus complexe d’une part par la différence assez nette d’architecture mais aussi par la diversité des configurations, aussi nous contenterons-nous de prendre en référence un Régio2N à 4 places de front pour une analyse sur des bases identiques. Pour les rames d’Alstom, nous prendrons en référence un TER2Nng.

Accessibilité – Circulation à bord

D’emblée, la différence d’architecture des rames s’invite dans le débat. Alstom avait constitué des rames de conception classique avec des caisses longues reposant chacune sur 2 bogies, 1 moteur et un porteur, donc une motorisation totalement proportionnelle. Qui dit grande longueur dit largeur réduite : 2,82 m. Cela se ressent très nettement avec une impression d’engoncement à bord. Evidemment, avec sa rame articulée composée de voitures de longueurs différentes, Bombardier prend un avantage sur ce point avec des voitures d’accueil (avec les portes) de 3,05 m et des voitures à 2 niveaux de 2,99 m.

Autre point à l’avantage de Bombardier : les portes de 1650 mm d’ouverture sur les versions régionales et Transilien, contre 1300 mm pour le TER2Nng.

Dans les 2 cas, la circulation n’est pas très aisée, mais c’est inhérent à la solution « 2 niveaux » dans le contexte français.

La hauteur maximale possible en France dans l’axe de la voie de 4,32 m ne permet pas d’avoir un plancher à 550 mm en salle basse et un étage au-dessus de celui-ci, contrairement aux gabarits disponibles dans le Benelux, en Allemagne et en Suisse, qui offrent plus de la latitude en ce domaine dans la partie centrale de la caisse en largeur.

Il faut donc recourir à des architectures particulières, soit des accès à 550 mm en simple étage (cas des TER2Nng et des Régio2N), soit un plancher d’accès en deçà de 550 mm pour avoir un double étage à son droit, comme dans les TGV Duplex.

Dans un TER2Nng, l’accès à la salle basse s’effectue avec un plan incliné. Escaliers évidemment pour aller en salle haute et dans l’intercirculation au-dessus des bogies. Dans un Régio2N, l’accès aux places assises oblige à franchir des escaliers, sauf pour les quelques places situées entre les 2 portes. La distance aux portes depuis le centre des voitures 2N est plus longue que dans un TER2Nng.

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Vue intérieure du Régio2N à hauteur d'une intercirculation avec un aménagement intérieur en 2+2. L'escalier donne accès à la salle haute d'une voiture à deux niveaux. Le couloir depuis la plateforme d'accès a été conçu avec une grande largeur (plus d'un mètre) afin de diffuser les voyageurs dans l'ensemble des espaces intérieurs. © transportrail

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Voiture d'accueil d'un Régio2N : L'accès à la salle haute est fractionné en 2 séquences d'escaliers, mais l'accès à la salle basse impose une première marche avant d'en descendre 4. © transportrail

Pour les fauteuils roulants, l’espace dédié sur une extrémité de rame est bien mieux conçu sur le Régio2N car au même niveau que la porte d’accès.

On pourrait conclure à l’égalité sur ce point par la difficulté à départager les architectures : gain de largeur mais avec un cheminement tourmenté et pas immédiatement assimilable d’un côté, caisse étroite mais un peu moins d’escaliers et une circulation plus lisible de l’autre. L’espace fauteuil roulant est en revanche plus commode, ce qui pourrait donner un léger avantage au Régio2N.

La largeur de caisse nettement plus importante du Régio2N permet en disposition à 4 places de front équivalente au TER2Nng d’avoir un couloir plus large et une circulation très facilitée. Le Régio2N a un gros avantage de ce point de vue.

Ambiance générale à bord

Outre la moindre largeur des caisses, le choix de plafonds brillants sur le TER2Nng accentue l’impression d’engoncement du voyageur. Néanmoins l’ambiance colorielle est assez plaisante. Sur le Régio2N, plus de diversité dans les couleurs des sièges, selon le choix des Régions et des matériaux mats qui ont un côté apaisant.

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Salle basse d'une TER2Nng en version classique : les reflets dus au plafond brillant accentuent l'impression d'exiguïté liée au pas de siège et à la faible largeur des caisses. On notera la petite bagagerie sous l'escalier, qui rend ce matériel peu adapté aux longues relations où les voyageurs avec bagages ne sont pas rares. © transportrail

 

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Vue d'une salle basse aménagée en 2+2 dans un Régio2N. Le couloir est encore assez large pour donner une réserve de dimensionnement des sièges, dans l'optique d'une version Intervilles pour les parcours à plus longue distance. L'ergonomie du sièfe est assez moyenne. Le plafond mat est plus apaisant. © transportrail

 

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Salle haute d'une rame normande bénéficiant d'un aménagement amélioré : la structure des sièges est identique mais leur largeur en partie supérieure a été accrue, leur procurant un confort de meilleur niveau. En revanche, l'aménagement est identique en première et en seconde classe et le manque de capacité pour les bagages reste un défaut majeur. L'équilibre entre places assises et bagageries n'est pas simple sur les matériels à 2 niveaux. © transportrail

 

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Pour comparer, voici une configuration à 5 places de font dans un Régio2N : le choix de la décoration et des matériaux joue pour beaucoup dans la sensation d'espace... même si objectivement, on est franchement serrés dans cet aménagement. © transportrail

 

 

 

En revanche, avantage au Régio2N question niveau sonore : par la conception même de Bombardier les voitures à 2 niveaux sont à l’écart de la motorisation dont les bruits sont ici bien filtrés. Même au niveau des intercirculations, il reste plus faible que sur la TER2Nng où les armoires électriques délivrent des bruits parasites lassants sur les grands trajets.

Avantage au Régio2N sur ce point.

Confort et comportement dynamique

Commençons par le siège. Pas de surprise sur le TER2Nng avec le modèle habituel, apparu sur la première version Z23500 et sur les X73500, et équipant également les rames Ouigo. La version normande (qui va prochainement migrer en Lorraine) est encore meilleure puisque la forme des mousses a été retravaillée et donne un aspect plus cossu à ce siège bien connu.

Sur le Régio2N, le siège régional en version 2+2 est assez décevant avec une assise courte et une qualité de finition assez médiocre. La tablette pour les sièges en file est plus réduite que sur les TER2Nng. En version 3+2, le siège de la version Transilien apparaît nettement plus résistant que celui de la version régionale.

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Sur les places en vis-à-vis dans un Régio2N régional, la tablette repose sur un pied côté couloir mais aussi côté fenêtres, avec un tube reposant sur une excroissance gênante et disgrâcieuse, alors qu'il aurait été plus simple de la fixer à la paroi. Certaines finitions du Régio2N laissent à désirer... © transportrail

A bord de ces rames, une chose est sûre : pour un maximum d’aisance en position assise, il faut choisir les sièges situés au droit des intercirculations.

Dans les rames à 2 niveaux, en salle basse, difficile d’avoir les 2 pieds au même niveau du fait de la gaine technique et de renforcement de la structure. Et de ce fait, l’usage de la tablette devient d’autant plus complexe. Egalité sur ce point.

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En salle basse dans le Régio2N, zoom sur la gaine technique qui ne permet pas de se tenir droit, sauf à mettre le pied gauche sur celle-ci, et donc d'avoir quand même une position inconfortable sans usage possible de la tablette ! © transportrail

Pour les bagages, avantage au Régio2N qui a intégré dès sa conception des volumes accrus pour ce besoin, tandis que dans le TER2Nng, ils sont nettement plus chiches. Néanmoins, s’agissant de matériels en principe destinés à des liaisons régionales de courts et moyens parcours, c’est surtout quand les TER2Nng sont engagées sur des relations plus longues pour lesquelles ces rames n’ont pas été initialement conçues (comme un Paris – Le Havre, un Lyon – Marseille ou un Marseille - Nice) que ce déficit devient criant.

Le comportement dynamique dépend de l’endroit où il est évalué : en salle haute, l’effet de lacet est assez perceptible quel que soit le modèle, mais on constate que malgré la multi-articulation, le Régio2N apparaît stable et ne se dandine pas. Les salles basses sont plus agréables par le simple fait de la position par rapport au centre de gravité.

Bref, la largeur et une capacité pour les bagages accrues donnent un petit avantage au Régio2N, mais son siège régional n’est guère réussi. Les aménagements des déclinaisons intervilles Omneo Premium devraient augmenter cet écart en faveur de la gamme Régio2N.

Nervosité

Sur ce plan, avantage indéniable au TER2Nng, doté d’un bogie moteur par voiture quelle que soit la composition. Le Régio2N fait un peu moins bien en version courte, mais les versions longues et extra-longues se révèlent molles sinon franchement sous-motorisées (d’autant que sur les XXL picardes, le 3ème bogie moteur est désactivé…). De ce point de vue, c’est surtout celui qui a écrit le cahier des charges qu’il faut blâmer plutôt que celui qui y a répondu.

Autre variante, le couple à 200 km/h sur les Régio2N Interloire doit être d’usage somme toute relatif puisque la version longue (110 m) dispose de 3 bogies moteurs, dopés à 2550 kW certes, qui en font un matériel convenable pour des service express, mais ordinaire pour des usages rapprochés.

Le TER2Nng est réputé bien accélérer jusqu’à 100 km/h, et être plus molle au-delà, même sans bridage de l’alimentation. Il semble bien adapté à des services périurbains aux arrêts rapprochés où la mise en vitesse est déterminante.

Néanmoins, il faut aussi souligner que nos deux rames automotrices sont souvent soumis au bridage en UM de 2 éléments et encore plus de 3 éléments pour ne pas trop solliciter les Installations de Traction Electrique, en particulier sous 1500 V… mais c’est aussi vrai sous 25 kV où les zones faiblement alimentées existent également, notamment dans les premières zones électrifiées où les puissances unitaires des trains étaient faibles.

Il est surtout nécessaire de bien accompagner l’arrivée de ces trains, notamment en compositions longues, si l’on veut en tirer un parti correct.

Bilan : difficile de départager les deux trains

Finalement, départager Régio2N et TER2Nng s’avère difficile, car les démarcations du produit de Bombardier s’avèrent plus minces qu’en apparence. L’accès au train est assurément plus facile mais la diffusion à l’intérieur conduit à franchir plus de marches pour accéder aux places assises. Le confort procuré par l’espace à bord est certes supérieur à celui du produit d’Alstom, mais le siège régional n’est guère réussi. La TER2Nng est plus nerveuse – dès lors que les installations électriques sont correctement dimensionnées – ce qui constitue tout de même un critère de poids.

Il ressort de cette comparaison que le choix de l’accès de plain-pied sur un train à 2 niveaux dans le gabarit français constitue une contrainte forte sur la conception du train afin d’avoir toutes les portes entre les bogies : soit avec des caisses effilées (longues mais étroites) soit avec des caisses courtes, plus larges, mais avec un peu plus d’escaliers encore.

Les comparaisons avec d’autres matériels européens sont difficiles compte tenu de gabarit en hauteur plus généreux, ouvrant la voie à d’autres solutions. Pour aller plus loin, notre dossier sur ces trains pas totalement à 2 niveaux.