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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Structurer par le rail la Région Grand Est

Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne. Trois Régions administratives n’en font plus qu’une. Mais les réseaux de villes ? Ce vaste espace est caractérisé par l’influence parisienne, sensible sur une partie de la Champagne, un système lorrain en position centrale et sur son flanc est, la plaine d’Alsace, fonctionnant de matière assez autonome. Particularité supplémentaire : la dimension transfrontalière, avec l’Allemagne, la Suisse et le Luxembourg… mais pas avec la Belgique, puisque l’unique liaison possible reste suspendue dans la vallée de la Meuse.

La nouvelle Région, d’orientation naturellement est-ouest, doit aboutir d’abord à la mise en connexion de 3 réseaux de villes d’orientation nord-sud : en Champagne (Chalons – Reims – Charleville-Mézières, Troyes étant « ferroviairement » isolée de cette ensemble), en Lorraine (des vallées vosgiennes jusqu’au Luxembourg) et la plaine d’Alsace. Trois axes principaux peuvent en principe les relier : d’abord la ligne Paris – Strasbourg (doublée par la ligne à grande vitesse), ensuite Paris – Mulhouse et enfin la transversale Lille – Charleville-Mézières – Thionville – Metz – Strasbourg.

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Les 3 systèmes préexistants sont très contrastés : plus on va vers l’ouest, plus le maillage du territoire par le rail s’est distendu, même si la Lorraine et l’Alsace ont subi, elles aussi, un sévère élagage.

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Des maillons délaissés encore récemment

Plusieurs sections ont été privées de dessertes voyageurs voire de toute circulation dans une période encore relativement récente. En Alsace, la section Niederbronn les Bains – Sarreguemines a été interceptée en novembre 1996 après un glissement de terrain.

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Bitche - 6 juin 1991 - Image classique de la Région Est avec l'architecture Alsace-Lorraine de la gare de Bitche et les incontournables EAD, ici un X4750. La fermeture de la section Bitche - Niederbronn a transformé la gare en tête de ligne d'une desserte vers Sarreguemines. © Ph. Richards

En Lorraine, la liaison Thionville – Béning est désormais dédiée au trafic fret. Fin 2018, la section Kalhausen – Sarre-Union a également perdu ses circulations voyageurs, tout comme la section Arches – Saint Dié de la liaison transvosgienne. La Région Grand Est envisageait aussi de sacrifier la ligne Epinal – Lure, oubliant un peu vite qu’elle était de la responsabilité de la Région Bourgogne – Franche-Comté, ce qui lui valut un sauvetage in extremis.

En Champagne, la relation Chalons – Metz a cessé en 2013 avec la suspension de l’exploitation de la section Saint Hilaire au Temple – Verdun. L’ancienne liaison Paris – Reims par La Ferté-Milon (la « ligne 2 ») a perdu toute desserte voyageurs entre La Ferté-Milon et Fismes, sur ce maillon interrégional de proximité : le fret y est maintenu (et pour cause : un fournisseur d’appareils de voie !) et dispose des largesses de la double voie.

Structurer un vaste territoire

L’intention de cette réorganisation administrative est de consolider Strasbourg, qui est très excentrée sur ce territoire mais aussi concurrencé sur la frange occidentale par l’influence parisienne.

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Saint Louis - 1er juin 2009 - Fleuron du TER Alsace, les liaisons à 200 km/h entre Strasbourg et Bâle furent pionnières, dès 1991, d'une nouvelle offre de service ferroviaire Intervilles. L'enjeu de la grande Région est bien de capitaliser sur cette expérience et de développer une politique de service dans une entité multipolaire. © transportrail

Les liaisons entre l’Alsace et la Lorraine sont de consistance assez contrastée. Elles sont relativement nourries avec en moyenne un train par heure vers Nancy, on ne compte qu’une douzaine de liaisons vers Metz, avec des performances hétérogènes selon la politique d’arrêt.

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Nancy - 1er février 2015 - Les dernières Z2 en Lorraine sont utilisées autour de Nancy, notamment pour assurer quelques dessertes de proximité sur l'axe Paris - Strasbourg. Le remplacement par des Régiolis ou des AGC par décalage ne tardera pas à les pousser vers la retraite. © transportrail

Ces deux liaisons sont essentielles à la structuration de l’offre ferroviaire de ce vaste territoire et justifieraient une cadence horaire, assemblées en tronc commun à la demi-heure de Strasbourg à Reding.

La relation entre Strasbourg et les Vosges est nettement moins fournie, avec seulement 6 relations Strasbourg – Saint Dié. La desserte entre Epinal et Saint Dié, suspendue en décembre 2018, devrait revenir fin 2021. Cette décision malheureuse a cependant prouvé par l’exemple la faible attractivité de l’autocar, même en substituant 15 allers-retours routiers à 5 allers-retours par train.

La liaison entre Strasbourg, la Champagne et les Ardennes est plus difficile, car les distances et les temps de parcours sont plus longs et l’influence parisienne est plus manifeste. Elle a été amorcée avec l’organisation de 2 allers-retours Paris – Strasbourg par la ligne classique.

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Troussey - 24 juin 2020 - Longeant le canal de la Marne au Rhin, ce train régional Strasbourg - Paris Est est emmené par la BB22301 venu de Marseille renforcer les effectifs alsaciens : la Région a en effet décidé de prolonger encore un peu plus la durée de vie des voitures Corail. © L. Valent

S’il ne faut pas nier l’intérêt de cette offre, qui peut aussi capter une clientèle de bout en bout sensible au prix, elle mériterait d’une part d’être un peu plus fournie et d’autre part complétée par une offre directe entre Strasbourg et Reims, puisque cette dernière ne dispose aujourd’hui d’aucune liaison vers le système lorrain. Cette liaison pourrait transiter soit via le raccordement d’Epernay, soit par Saint Hilaire au Temple. La seconde alternative de tracé impliquerait soit l’électrification complète du parcours (justifiable pour d’autres motifs dont le contournement fret de l’Ile de France) soit le recours à des rames bimodes, potentiellement munies de batteries.

En se décalant vers l’ouest, la consistance des liaisons entre la Lorraine et les Ardennes, entre Metz et Charleville-Mézières, incluant l’antenne de Longwy, est assez minimaliste : on compte 4 allers-retours Nancy – Longwy et 4 Charleville – Longwy, ces derniers étant en correspondance avec l’offre Longwy – Luxembourg, bien plus abondante avec 13 allers-retours. Il n’existe donc pas de liaison directe entre les Ardennes et la Lorraine.

Enfin, Troyes apparaît bien isolée dans le réseau de villes du Grand Est, en l’absence de toute liaison nord-sud : Troyes – Saint Florentin est passée à trépas au début des années 1990. Quant à Troyes – Chalons, il faut remonter encore plus loin : les 2 itinéraires (via l’aéroport de Vatry ou via Vitry le François) existent toujours mais seul le second accueille encore quelques trains de fret liés aux productions agricoles. La première connexion ferroviaire s'effectue à Chaumont avec la rocade venant de Chalons et Vitry le François, via Saint Dizier (« ligne 10 »). On comprend pourquoi Troyes s'intéresse surtout à ses liaisons avec Paris.

L’ouverture interrégionale

Elle se conçoit à plusieurs niveaux. D’abord évidemment avec le réseau à grande vitesse, qui bénéficie surtout à l’Alsace, tant par la LGV Est que par la LGV Rhin-Rhône (même si celle-ci ne pénètre pas dans la Région Grand Est). La première est naturellement destinée aux relations est-ouest, vers l’Atlantique (Rennes, Nantes, Bordeaux), mais accueille aussi une relation vers Lille (avec desserte de l’aéroport de Roissy). La seconde est tout aussi naturellement vouée aux relations avec l’arc méditerranéen via le carrefour lyonnais. Cependant, dans les deux cas, les offres province-province restent limitées en volume (un effet pervers des rames Duplex et d’une focalisation maladive sur le taux de remplissage des trains).

Le domaine de compétence de la Région a évolué puisqu’elle a repris la compétence sur la liaison Intercités Paris – Belfort, en la prolongeant à Mulhouse pour 4 des 5 allers-retours. Elle envisage une consolidation de cette desserte : un cadencement régulier aux 2 heures pourrait constituer un objectif raisonnablement ambitieux. Le prolongement de la caténaire de Gretz-Armainvilliers à Troyes, ardemment souhaité par les élus du sud champenois, ne changera pas grand-chose à la desserte (malgré les 270 M€ du coût prévisionnel)… 

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Troyes - 9 août 2017 - Les B85000 acquis par l'Etat pour renouveler le parc de la liaison Paris - Belfort ont été transférés à la Région Grand Est en même temps que la compétence de cette relation. Troyes est correctement reliée à Paris mais l'intégration au réseau de villes y compris au sein de la Champagne. © transportrail

Elle a aussi récemment restauré une offre directe de Paris à Strasbourg, à raison de 2 allers-retours pour l’instant, destinés à améliorer les connexions, principalement pour les villes de la Meuse, tant vers Paris que Strasbourg. Elle résulte du prolongement de certaines liaisons Paris – Vallée de la Marne issues de la refonte d’offre de 2007 à la création de la LGV Est.

Cependant, plusieurs ouvertures méritent aujourd’hui discussion :

  • Vers le sud, la Région Grand Est a créé 2 allers-retours Nancy – Dijon pour compenser la déviation des TGV Lorraine – Lyon – Méditerranée par Strasbourg, privant Nancy de son débouché vers le sud ;
  • Il existe un très anonyme aller-retour Paris - Troyes - Dijon, positionné en après-midi ;
  • Dans le même esprit, une discussion doit s’engager avec la Région Bourgogne Franche-Comté pour une relation Nancy – Epinal – Belfort – Belfort TGV, lié à un meilleur usage de la ligne Belfort – Delle : un cadencement aux 2 heures en lien avec les liaisons Strasbourg – Lyon – Méditerranée serait bienvenu, mais le sujet est délicat, les bourguignons n’oubliant pas qu’en 2016, la Région Grand Est voulait fermer une ligne (Epinal – Lure) dont ils n’avaient pas la gestion (Bourgogne Franche-Comté est autorité organisatrice jusqu’à Epinal) ;
  • Une liaison oubliée : la diagonale Lille – Dijon, via Cambrai, Saint Quentin, Laon, Reims, Chalons et Chaumont, a fait l’objet d’une évaluation par l’Etat en 2020 dans le cadre d’une possible relance de trains d’équilibre du territoire, mais sans suite : un appel du pied aux Régions ? Outre la liaison entre Chalons et Chaumont, la vocation de cette rocade est bien à chercher dans des liaisons à plus longs parcours ;
  • La transversale Nord-Est et la question de la liaison entre la Lorraine et la métropole lilloise, avec au passage la desserte de Charleville-Mézières aujourd’hui assez isolée, hormis sa liaison vers Reims ;
  • Une dernière transversale, toujours en lien avec les Hauts de France : Amiens - Laon vers Reims avec une connexion aux dessertes à grande vitesse pour rejoindre l’Alsace.

Quid des liaisons transfrontalières ?

La Région Grand Est bénéficie d’une position intéressante par la proximité entre grandes villes de part et d’autre des frontières, même si la qualité des liaisons est très inégale. En tête d’affiche, le sillon mosellan entre Nancy, Metz, Thionville et le Luxembourg, Mulhouse avec Bâle et, dans une moindre mesure, Strasbourg avec l’axe de la rive droite du Rhin, mais selon un système de desserte organisée en correspondance par le biais de relations Strasbourg – Offenburg. Il n’y a pas de desserte de service public directe depuis Strasbourg vers Karlsruhe par exemple, que ce soit via Lauterbourg ou via Baden-Baden.

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Strasbourg Krimmeri-Meinau - 31 janvier 2015 - La liaison Strasbourg - Offenburg permet de rejoindre la ligne de rive droite du Rhin et d'accéder aux différentes agglomérations allemandes, notamment Karlsruhe et Freiburg, mais avec des temps de parcours assez peu compétitifs du fait des correspondances. Néanmoins, la desserte a vocation à s'intégrer dans l'eurométropole strasbourgeoise, tout comme le prolongement du tramway à Kehl. © transportrail

Les accords passés en 2018-2019 entre la Région Grand Est et les Länders voisins jettent les bases d’une offre s’affranchissant de la frontière à Sarreguemines, Wissembourg et Lauterbourg. Une relation Strasbourg – Karlsruhe serait souhaitable tant les autocars semblent s’être emparés du marché. On ne compte que 5 relations par jour en 38 minutes et uniquement par TGV / ICE. Les solutions par correspondance à Offenburg nécessitent 1h10.

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Karlsruhe - 28 octobre 2016 - En laissant au TGV le monopole de la liaison ferroviaire Strasbourg - Karlsruhe, les voyageurs entre ces deux grandes agglomérations privilégient la voiture ou l'autocar. Il y a un marché à capter ! © transportrail

Cette dimension transfrontalière concerne aussi Metz vers Trêves et Sarrebruck y compris à une échelle locale (comme par exemple Forbach – Sarrebruck), avec là aussi, a minima une desserte aux 2 heures.

L’ensemble repose aussi sur l’acquisition de 30 rames Régiolis équipés pour la signalisation et l’alimentation électrique en France et en Allemagne. Elles seront en partie financées par les Länders voisins.

La Région devra aussi gérer d’autres dossiers, parfois anciens : c’est d’abord le cas de la vallée de la Meuse, avec la réactivation de Givet – Dinant, évoquée de longue date mais qui n’a connu aucune concrétisation. Plus récemment, a été relancé, notamment par le Land du Bade-Wurtemberg, la réouverture de la liaison Colmar – Freiburg, qui devra reconstituer un franchissement ferroviaire : en dépit d’un potentiel conséquent, le portage côté français est assez timide. Il est vrai qu’il y a déjà fort à faire avec les lignes de desserte fine du territoire.

La dimension transfrontalière concerne aussi évidemment les grands axes : la ligne à grande vitesse pourrait en constituer l’épine dorsale. Strasbourg et Metz sont les principales bénéficiaires des liaisons Paris – Allemagne mais la consistance de l’offre vers Francfort, Stuttgart et Munich est encore limitée. L’Alsace pourrait également profiter de sa position si une relation Bruxelles – Luxembourg – Metz – Strasbourg – Mulhouse – Bâle – Zurich était restaurée, en utilisant la LGV Est de Rémilly à Vendenheim. Dans la démarche TEE 2.0, elle aurait naturellement toute sa place !

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Mulhouse - 29 janvier 2015 - L'Eurocity Vauban Bâle - Bruxelles en gare de Mulhouse. La dorsale entre la Suisse et le Bénélux est un enjeu pour la plaine d'Alsace et la Lorraine, d'autant plus avec la constitution de métropoles transfrontalières comme à Strasbourg. Ne subsistent qu'une liaison à 2 allers-retours depuis le Luxembourg vers Lyon et la Méditerranée, via Metz, Strasbourg et Mulhouse. Cette diagnonale manque dans une démarche TEE 2.0 ! © transportrail

Des services régionaux par la LGV ?

La LGV ne croule pas sous le trafic, surtout sur la section Vandières – Vendenheim. Néanmoins, les fonctionnalités offertes ne sont pas véritablement adaptées à une transposition du principe mis en œuvre en Pays de la Loire avec la virgule de Sablé. Seule une liaison directe Strasbourg – Metz (pouvant aller à Thionville et Luxembourg) serait plausible. Le raccordement de Reding permet de rejoindre Nancy, mais le bénéfice s’avère modeste par rapport à la ligne classique. Pour Reims, les raccordements de Saint Hilaire au Temple sont conçus uniquement pour des liaisons orientées vers l’Ile de France.

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Verzenay - 3 octobre 2020 - Filant dans la campagne champenoise juste au sud de Reims, cette rame Réseau passe d'une culture à l'autre, du vignoble aux céréales. La consistance de l'offre province-province est essentielle à la qualité de la relation Strasbourg - Reims. © transportrail

Par conséquent, la valorisation de la LGV Est pour la desserte de Reims, Metz, Nancy depuis Strasbourg est difficile, surtout avec la position de la gare de Lorraine, d’où le débat récurrent sur le « déplacement » à Vandières au croisement de l’axe Nancy – Metz. En attendant, l’essor des liaisons à grande vitesse province-province pourrait fournir quelques dessertes supplémentaires, notamment au bénéfice de la liaison Strasbourg – Reims (la gare Champagne Ardenne disposant d’une double correspondance vers la gare centrale par train et tramway) : cette liaison comprend 7 allers-retours en 2021, principalement le matin et le soir.

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Strasbourg - 1er février 2015 - Si la seconde phase de la LGV Est a encore rapproché Strasbourg de Paris, la LGV Rhin-Rhône a certes réduit le temps de parcours, mais la consistance de l'offre a aussi régressé : il y a moins de TGV qu'il n'y avait de trains Corail dans les années 1990. © transportrail

De multiples enjeux périurbains

Cette grande Région pourrait être concernée par plusieurs projets périurbains pouvant prétendre au titre de RER. C’est évidemment le cas à Strasbourg, où la desserte existante s’approche – du moins en semaine – du premier palier élémentaire. Le tram-train du piémont vosgien a été relégué au rang des fausses bonnes idées.

Le sillon mosellan entre est aussi dans ce cas, avec une dimension transfrontalière évidente vers le Luxembourg, mais une relative confusion entre les liaisons intervilles et périurbaines, un peu comme entre Lyon et Saint Etienne par la proximité des agglomérations.

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Metz Ville - 2 mars 2017 - La Z2201 des CFL est la cousine luxembourgeoise des Z24500. Devant la croissance du trafic sur le sillon mosellan, la stratégie mise en oeuvre prévoit l'allongement des trains. La Région Grand Est récupèrera les 16 Z26500 à 5 caisses de Normandie lorsqu'arrivera la seconde tranche d'Omneo au dépôt de Sotteville. © transportrail

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Haguenau - 26 octobre 2018  - Importante gare du nord de l'Alsace, Haguenau doit aussi bénéficier d'un nouveau pôle d'échanges à la mesure du trafic de la gare : on aperçoit en arrière-plan la nouvelle passerelle. L'organisation des rabattements passera par une amélioration de l'offre bus locale. © transportrail

D’autres étoiles ferroviaires seraient éligibles : c’est évidemment le cas de Mulhouse, avec ici encore une forte dimension transfrontalière et la singularité du tram-train de la vallée de la Thur qui mériterait, dans un souci de simplicité, d’être prolongé jusqu’à Thur en remplacement des X73500.

On peut également mettre en exergue le cas de Reims où la densité de gares dans l’agglomération peut surprendre par rapport à l’importance de sa population, mais qui peut constituer de ce point de vue un exemple. L'offre a progressé en décembre 2019, avec un cadencement à la demi-heure en pointe vers Charleville-Mézières, Epernay et Chalons en Champagne, et à l'heure en journée.

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Reims - 6 juillet 2013 - La gare de Reims est la plaque tournante des dessertes de Champagne Ardenne. Les Z27500 rayonnent principalement sur l'axe Epernay - Reims - Charleville-Mézières. Reims est aussi desservie par le TGV (qu'on aperçoit à droite) et propose également des liaisons vers la Picardie. Mais le trafic est surtout polarisé par la capitale située à trois quarts d'heure par TGV. © transportrail

Il ne faut pas oublier l’influence sur le nord de la Moselle de Sarrebruck, incarnée par le tram-train présent depuis 1997. La création d’une seconde ligne vers Forbach a souvent été évoquée mais jamais concrétisée.

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Sarreguemines - 2 mars 2017 - Toutes les 30 minutes, le Saarbahn dessert la ville française de Sarrebruck : un tram-trai, et un vrai, transfrontalier, même si pour simplifier la technique, l'unique voie électrifiée de la gare l'est en 15 kV allemand. © transportrail

De nouvelles électrifications ?

Plusieurs angles de vue convergent pour justifier la mise à l’étude de l’électrification de plusieurs sections :

  • Le contournement de l’Ile de France pour les trains de fret qui ne font aujourd’hui qu’y transiter : la section Laon – Reims – Saint Hilaire au Temple serait alors concernée, en lien avec Amiens – Laon et Amiens – Rang du Fliers en Picardie ;
  • Toujours pour le fret, la constitution d’un itinéraire alternatif pour les parcours Ile de France – Dijon et Ile de France – Nancy moyennant l’électrification de Troyes – Chalindrey, ce qui donnerait un véritable sens à l’opération en cours jusqu’à Troyes mais à l’intérêt encore bien maigre. De la sorte, le mainteneur, très consommateur de capacité, pourrait s’étaler assez généreusement en soirée et la nuit sur le PLM et une partie de la « ligne 1 » en jouant intelligemment des combinaisons « ligne 4 + ligne 15 ». Qui plus est, l’axe Paris – Mulhouse comprend moins de tunnels ce qui en ferait un itinéraire compatible avec le gabarit P400 à moindre coût ;
  • Evidemment pour les dessertes périurbaines : Thann – Kruth afin d’unifier la desserte de la vallée de la Thur en tram-train, quitte à maintenir la dualité d’itinéraire (via le centre de Mulhouse ou directement vers la gare), Strasbourg – Molsheim (qui approche les 100 trains par jour) et Vendenheim – Haguenau (à plus de 70 trains) sont en tête d’affiche ;
  • Et de façon plus fine dans la stratégie d’élimination du gasoil en fonction du périmètre de déploiement de trains dotés de batteries.

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Romilly sur Seine - 2 janvier 2014 - La Région Champagne Ardenne est la première à avoir mis en circulation les AGC bimodes et bicourants sur l'axe Paris - Troyes - Chalindrey, avec des TER complétant l'offre Intercités désormais reprise par la Région Grand Est. Pas de gains de temps à attendre avec l'électrification jusqu'à Troyes, puisque ces automoteurs atteignent aisément 160 km/h, la vitesse de fond de la ligne. © transportrail

Lignes de desserte fine : une nouvelle gouvernance ?

Grand Est, l’une des 4 plus vaste Régions françaises, dispose assez logiquement d’une forte proportion de lignes de desserte fine du territoire, notamment en Alsace et en Lorraine : l’écrémage a déjà largement eu lieu en Champagne, où ne reste que la ligne de Givet. La plupart de ces lignes ont un trafic pourtant soutenu, pouvant intégrer le périmètre d’un RER strasbourgeois notamment.

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Kruth - 29 janvier 2015 - Exemple de ligne de vallée en impasse, Mulhouse - Kruth doit sa survie à une mobilisation des acteurs locaux et à une circulation difficile sur le réseau routier. A terme, un prolongement du tram-train faisant aujourd'hui terminus à Thann n'est pas à écarter. © transportrail

La Région a fortement impulsé dans la Loi d’Orientation sur les Mobilités la possibilité d’obtenir la gestion d’infrastructures ferroviaires en lieu et place de SNCF Réseau (le fameux article 172). Elle souhaite ainsi l’appliquer, d’abord pour une ligne suspendue (Pont Saint Vincent – Vittel), puis pour le transvosgien entre Molhseim et Epinal via Saint Dié, qui emporterait aussi une partie de Molsheim – Sélestat. Par la suite, la Région voudrait dupliquer la démarche sur le nord de l’Alsace, vers Lauterbourg, Wissembourg et Niederbronn. Son objectif est de constituer des marchés globaux « exploitation et infrastructure » dans le cadre de la mise en appel d’offres.

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Schirmeck La Broque - 1er février 2015 - Sous une quinzaine de centimètres de neige, le TER Strasbourg - Saint Dié assuré par l'X76551/2 dessert l'une des principales gares de la vallée de la Bruche. C'est un des premiers axes sur lequel la Région envisage d'autres modalités de gestion du système ferroviaire. © transportrail

Il s’agit cependant d’une démarche complexe pour détourer précisément non seulement les périmètres, mais aussi les effectifs et les équipements techniques. La Région espère que ces marchés globaux aboutiront à un meilleur rapport entre le coût et les prestations assurées, en attirant un plus grand nombre de candidats, du fait d’un montage qui ne se résume pas au seul rôle d’opérateur des dessertes.

En outre, pour le cas de la ligne de Lauterbourg, sa vocation potentielle d’itinéraire complémentaire à la rive droite du Rhin pour le fret pourrait la faire remonter en première division (dans le réseau structurant), donc hors champ d’éligibilité à ce transfert… Enfin, l’Union Européenne veille sur ce sujet, au titre de l’interopérabilité et de la séparation des activités d’opérateur et de gestionnaire d’infrastructures. Bref, Grand Est laboratoire d’une gouvernance ferroviaire alternative, même si d’autres Régions (Occitanie et Hauts de France) s’y intéressent également.

Pour autant, les questions de la cohérence offre-demande d’une part et de la pérennité de l’infrastructure d’autre part restent posées, même si plusieurs de ces lignes disposent grâce aux efforts accomplis depuis les années 1990, d’une desserte bien plus fournie que la moyenne nationale de ce type de ligne.

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Entre Belfort et Mulhouse - 10 janvier 2021 - La Région Grand Est a unifié l'identité de l'offre ferroviaire ds 3 anciennes Régions sous l'étrange appellation Fluo Grand Est. La livrée évoque en effet des traces de surligneurs. Le logo de la SNCF se fait très discret. © S. Meillasson

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