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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

S-Bahn de Berlin : le matériel roulant et la signalisation

Comme déjà évoqué en ouverture de ce dossier, la S-Bahn berlinoise est un système ferroviaire distinct du réseau ferroviaire fédéral, et peut donc être assimilé au troisième réseau urbain, puisque le métro est déjà partagé entre deux gabarits distincts.

Signalisation : un système frustre en voie de remplacement

Circulant sur des voies complètement dédiées, alimentation et signalisation spécifiques obligent, les infrastructures offrent un débit maximal théorique de 36 trains / heure / sens pour des missions dont la fréquence varie de 5 à 20 minutes avec en général un intervalle de 10 minutes. Cette performance est possible grâce à un cantonnement fin aux abords des stations, des temps de stationnement de l’ordre de 35 secondes, montant à 50 secondes dans les pôles majeurs, un accès de plain-pied et… une certaine rationalité dans le comportement des voyageurs.

La gestion de la circulation des trains est historiquement gérée par une signalisation assez classique avec un contrôle ponctuel de vitesse à l'entrée des stations par un dispositif développé dans les années 1920, dit Bernauer Fahrsperren.

protection-entree-stations-S-Bahn-Berlin

Lorsqu'un train occupe une station (à gauche), il est protégé par l'arrière par une pièce métallique jouant le rôle de couteau sur la conduite générale, au-dessus du frotteur, afin de déclencher un freinage d’urgence. Sur la photo de droite, le dispositif permet l'entrée du train en station. Cependant, en cas de survitesse importante, le risque de tamponnement par l'arrière n'est pas exclu.

Un nouveau système, ZBS, est en cours de déploiement : il équipera l'intégralité du réseau en 2025. Il s'agit d'un contrôle continu de vitesse avec signalisation latérale, utilisant des Eurobalises (c'est donc un équivalent ERTMS Niveau 1). Le mouvement est donc désormais contrôlé de façon plus régulière et non plus uniquement à l'entrée du quai (donc potentiellement trop tard !).

Néanmoins, du fait de sa totale étanchéité vis-à-vis du réseau ferroviaire, la S-Bahn de Berlin pourrait être un cas d'application particulièrement approprié pour un pilotage automatique avec un CBTC, comme sur un métro. Certes, le débit actuellement offert par les équipements en place est déjà élevé et le bénéfice capacitaire serait donc limité. En revanche, il serait possible d'assurer un respect plus strict encore des temps de parcours, réduire l'hétérogénéité des comportements de conduite (même s’ils sont rares !) et d'assurer une meilleure régulation des circulations en cas de perturbation.

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Berlin - Spandau - 23 septembre 2022 - Une mission S9 à destination du nouvel aéroport stationne au terminus de Spandau, bénéficiant également d'une longue verrière. A gauche, une rame ICE4 stationne en direction de Francfort. © transportrail

Matériel roulant : un point sensible en voie de résolution

Après les expérimentations, les caractéristiques du matériel roulant ont été progressivement standardisées avec l’adoption de caisses larges (3 m), de faible hauteur (3,60 m pour cause de compatibilité avec le gabarit du tunnel nord-sud), comprenant 3 à 4 portes par face, larges de 1,30 m, donnant sur de vastes plateformes et des aménagements simples mais parfaitement rationnels. Progressivement, les matériels conçus ont convergé vers une longueur de caisse de 18 m.

Il faut évidemment souligner la longévité du matériel arrivé au fur et à mesure de l'électrification, qui a joué les prolongations pour les raisons historiques évoquées dans le chapitre précédent. Le manque d’investissement sur le réseau s’est fait ressentir jusqu’au début des années 2000 avec le maintien en service des rames de la série 277 datant de l’électrification. Ces rames étaient arrivées à partir de 1928 et avaient pour partie été rénovées entre 1975 et 1977, ce qui explique leur longévité exceptionnelle, le dernier élément n'ayant quitté le service que le 2 novembre 2003.

Le renouvellement du parc avait cependant été amorcé avant la réunification, avec 2 séries aux notables différences.

La série 480, surnommée Diamant en raison du design de la face avant, avait été commandée à la fin des années 1980 pour redorer l’image d’un réseau obsolète et qui avait été largement boycotté par la population de Berlin-Ouest. Elles ont notamment la particularité d’être intégralement motorisées (aucun essieu porteur), d’où un niveau élevé de performances. Elles adoptaient pour la première fois le diagramme à 3 portes par face. Ces rames circulent sur le Ring.

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Berlin - Westkreuz - 24 septembre 2014 - Avec leur face si caractéristique, les rames 480 devaient incarner le renouveau de la S-Bahn. Elles ont largement préfiguré les 481 en adoptant pour la première fois le diagramme à 3 portes par face au lieu de 4, mais n'offrent pas l'intercirculation. Le matériel n'échappe pas aux tags même si leur présence reste plutôt rare. © transportrail

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Intérieur d'une rame série 480 : pas encore d'intercirculation sur cette génération de matériel dont on peut apprécier la largeur avec notamment de couloir des plus généreux et la simplicité des aménagements. (cliché DB)

La série 485, conçue par la DR (série 270 à l'origine), avait conservé le diagramme à 4 portes par face. Conçues de façon assez économique, elles sont pénalisées par leur moindre puissance et une motorisation partielle (4 essieux moteurs sur 8 par doublet). Elles se repèrent aussi à leur « signature sonore » du fait de moteurs auto-ventilés.

Apparues avec une livrée rouge à bande noire, ces rames furent rapidement surnommées Coca-Cola à leur mise en service intervenant juste après la chute du mur. Elles furent progressivement repeintes avec les couleurs classiques du réseau (rouge et jaune à filet noir) et d’abord concentrées sur l’axe nord-sud. D’une fiabilité et d’une performance insuffisantes, la DB souhaitait s’en séparer. Elles furent alors engagées de façon panachée sur l’ensemble du réseau, après la réception de la série 481.

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Rahnsdorf - 23 mai 2012 - La réforme de la série 485 a été interrompue dans les années 2010 pour compenser les problèmes de fiabilité de la série 481. Les rames d'origine DR ont joué les bouche-trous sur la plupart des dessertes. © MF67

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Aménagement intérieur des rames série 485 avec des choix très comparables aux rames série 480 mais avec des assises un peu plus raides et un cloisonnement plus marqué au niveau des plateformes. (cliché DB)

Celle-ci allait constituer le pilier de l’exploitation car elle est la plus nombreuse – et de loin ! – avec 500 doublets de 2 voitures disposant de 3 bogies moteurs par doublet. Elles incarnèrent la modernisation du réseau post-réunification, avec ici aussi une motorisation surprenant l’oreille. A l’issue de leur livraison, les séries 480 et 485 devaient être retirées du service en raison de leurs défauts respectifs.

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Berlin - Friedrichstrasse - 25 septembre 2014 - Sur l'axe Nord-Sud, on peut mesurer la relation entre les caractéristiques de l'infrastructure et du matériel avec la faible hauteur disponible dans le tunnel, très comparable à celle du métro. © transportrail

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Intérieur d'une automotrice série 481en décoration d'origine. On apprécie toujours la largeur du couloir et l'absence de strapontins qui ne font que réduire la largeur des plateformes d'accès.. © transportrail

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L'une des voitures de chaque module de 2 voitures comprend un tel espace multi-usages pour les fauteuils roulants, les poussettes, les vélos (qui demeurent rares en pointe) et pour encaisser des afflux importants de voyageurs, par exemple pour le salon Innotrans ! (cliché DB)

Cependant, les problèmes de fiabilité et de tenue des bogies sur la série 481 eurent des répercussions retentissantes non seulement sur l’exploitation mais aussi dans les relations entre Bombardier (le constructeur), la DB (l’exploitant) et le Sénat de Berlin (l’autorité organisatrice). Nous abordons ce sujet dans le chapitre suivant de ce dossier.

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Rahnsdorf - 20 septembre 2022 - Les éléments de la série 481 passent en rénovation. A l'intérieur, le tissu des sièges est du modèle unifié de la DB bleu à petits rectangles bleu marine. A l'extérieur, les portes sont désormais totalement noires comme sur les séries 483 et 484. © transportrail

Il fallut rappeler les éléments 485 qui n’avaient pas encore été réformés afin de les remettre en état, et les améliorer autant que possible, en ôtant certains choix à l'économie de la défunte DR.

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(transportrail cherche toujours la masse à vide des éléments séries 483 et 484...)

Séries 483 et 484 : la relève arrive

Stadler, en consortium avec Siemens, fournit le nouveau matériel destiné à la ligne de Ceinture. Le choix du consortium n'est probablement pas étranger aux crispations des années 2000-2010 avec Bombardier. C'est donc une co-réalisation helvético-allemande qui a été retenu : l'usine Stadler de Pankow a probablement aussi beaucoup joué...

Dans un premier temps, la commande a porté sur 85 rames série 484 composées de 4 caisses (une première sur le réseau) et 21 doublets série 483, avec pour objectif la réforme le plus rapidement possible des séries 480 et 485. Les essais ont cependant débuté dans le courant de l’année 2019. La capacité de production a été logiquement ralentie par les confinements liés à la pandémie de 2020-2021. La mise en service a débuté le 28 juin 2022 sur la mission S46. La mission S8 a été équipée en octobre. La totalité de la ceinture doit être exploitée d’ici fin 2023.

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Berlin - Westkreuz - 21 septembre 2022 - Couplage d'un élément bicaisse série 483 et d'un élément quadricaisse série 484 de la nouvelle génération de matériel de la S-Bahn, d'abord engagée sur la Ringbahn sur la mission partielle S45/S46. Sur la voie d'en face, un rame série 480, qui sera remplacée par les rames Stadler-Siemens. © transportrail

Ces nouvelles automotrices se distinguent d’abord par la nette amélioration de l’information des voyageurs à bord avec des écrans supports de multiples messages (plan, correspondances, position des accès…). Une bande lumineuse sur les portes complète la sonnerie de fermeture des portes, plus visible que le seul petit témoin sur la série 481. L’intercirculation sur 4 voitures sur la série 484 améliore la répartition des voyageurs, sans pour autant permettre encore la circulation d’un bout à l’autre de la rame. Quant au roulement, il se révèle un peu plus silencieux que sur les 481. L’évaluation de ces nouvelles automotrices sera donc à confirmer dans la durée.

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Berlin - Adlershof - 22 septembre 2022 - Même composition sur la mission inverse numérotée S45. La livrée de ce matériel présente une évolution avec un peu moins de rouge, qui paraît plus équilibrée. © transportrail

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Nouvelle ambiance intérieure dans les rames série 483-484 calquée sur les autres matériels régionaux de la DB. (cliché DB)

Le plan i2030 prévoit en outre environ 200 rames supplémentaires pour couvrir les besoins de l'exploitation des dessertes renforcées, des extensions des différentes lignes et de l'arrivée - un jour ! - de la deuxième liaison nord-sud.

Suite du dossier : qualité de service et mise en concurrence de l'exploitation

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