Gagner de la capacité en évitant d’en perdre
Dans un premier temps, l'objectif du RER lyonnais réside dans une meilleure utilisation des infrastructures existantes pour maximiser le débit dans des conditions de fiabilité satisfaisantes, sans pour autant tomber dans les excès de prudence actuels qui sont fortement consommateurs de capacité.
Outre le débit théorique, il faudrait également s’interroger sur le tracé des trains, notamment les normes de tracé (qui ont tendance à diminuer la capacité du réseau), les coefficients d’accélération et de freinage, ce qui rejoue tant sur la conception du matériel roulant que l’alimentation électrique et la formation des conducteurs et la définition des marges de régularité, dont l'abus produit les effets inverses de ce qui était initialement recherché. De ce point de vue, la « marche molle », sous couvert de robustesse, va à l’encontre d’une exploitation rationnelle en zone dense.
Optimiser l’exploitation des grandes gares
Autre possibilité à explorer : réceptionner deux trains courts sur la même voie. C’est en particulier en gare de Lyon Part-Dieu, et dans une moindre mesure à Perrache, qu’il serait possible d’appliquer ce principe pour les trains courts, en profitant de la longueur des quais compatibles avec des formations TGV de 400 m. La mesure pourrait être appliquée principalement pour la réception successive de deux trains de sens contraires (l’un arrivant du nord, l’autre du sud), et plus marginalement pour deux trains de même sens se suivant à distance de block. L’option est en revanche limitée à des compositions type UM2 de rames AGC, TER2Nng ou Régio2N. Elle est nettement moins évidente à appliquer avec des rames Corail TER de 7 à 9 voitures.
Lyon Part-Dieu - 17 février 2006 - La réception sur voie occupée en gare de Lyon Part-Dieu existe déjà, notamment pour l'accouplement de TGV Intersecteurs bitranches. Le projet "deux trains sur la même voie" va plus loin avec une signalisation nouvelle adaptée. © transportrail
La diamétralisation est également une mesure intéressante mais suppose une bonne régularité des circulations pour éviter les effets de propagation d’un bout à l’autre du territoire. La diamétrale Dijon – Grenoble n’avait pas été très heureuse de ce point de vue. Elle est déjà appliquée sur les axe Mâcon - Villefranche – Vienne et Ambérieu – Saint Etienne.
ERTMS et conduite programmée
Il n’est pas inutile de rappeler un sujet connu des spécialistes : l'installation du très sécuritaire KVB - Contrôle de Vitesses par Balises - a certes atteint son objectif sur la protection des circulations, après les dramatiques accidents de la fin des années 1980 et du début des années 1990 sur le réseau français. En revanche, ses rigidités conceptuelles ont conduit à consommer entre 10 et 15% de la capacité des lignes : ce qui n'était que marginalement important en 1990 est devenu 20 ans plus tard un gros caillou dans la chaussure du système ferroviaire français...
Le nœud lyonnais devrait aussi assez logiquement un terrain d’application de l’ERTMS en niveau 2, puisqu’il est situé à la convergence des corridors européens entre l’Italie et l’Espagne ainsi qu’entre les ports de la mer du Nord et de la Méditerranée. De quoi offrir quelques perspectives supplémentaires de capacité en resserrant l’espacement entre les trains notamment au cœur du nœud, à condition d’équiper tout le matériel roulant régional et national. Qui plus est, la diversité des missions y compris des TER, réduira probablement ce gain en ligne.
On pourra dès lors examiner les possibilités de coupler ERTMS et ATO, c’est-à-dire une conduite programmée dans la zone dense, en particulier pour les trains périurbains.
Renforcer le maillage du territoire
Envisager une desserte de type RER implique aussi d’améliorer le maillage entre réseaux ferroviaires et urbains. Perrache, Part Dieu, Vaise, Jean Macé, Oullins, Vénissieux, Gorge de loup : ces sept gares proposent des correspondances entre le train d’une part, le métro et/ou le tramway d’autre part.
La création d’une nouvelle gare dans le quartier en renouveau du confluent figure au Contrat de Plan Etat-Région 2015-2020. L’amélioration des conditions à ce secteur emblématique de la transformation lyonnaise est nécessaire, notamment depuis le sud, puisque tous les flux doivent converger par le goulot du pont de La Mulatière. Un positionnement au sud de la rue Montrochet faciliterait les correspondances avec le réseau de tramways, appelé à évoluer dans ce quartier. Néanmoins, la gare aurait surtout une fonction locale, d’autant que l’accès depuis le sud-ouest lyonnais au quartier de Gerland s’effectue principalement par la gare d’Oullins et la ligne B du métro.
Lyon Confluent - 17 juin 2012 - La transformation du quartier au sud de la gare de Perrache entraîne de nombreux encombrements routiers par carence d'offre de transport en commun, malgré le prolongement du tramway. La création d'une gare TER au sud du centre commercial, depuis lequel est prise la photo, apporterait une nouvelle solution pour les liaisons avec le sud-ouest lyonnais. © transportrail
Sur la même ligne de la rive droite du Rhône, la création d’une station à Yvours, en limite de Pierre-Bénite et Irigny, au croisement avec l’A450, accompagnée de la création d’un parc-relais, pourrait aussi rapprocher le train des populations et des activités. Comme on le verra par la suite, cette station pourrait jouer un rôle assez important dans la structuration de la desserte d’agglomération.
On éludera le cas de Lyon Saint Clair souvent évoqué, car dans la configuration actuelle, rouvrir cette gare entraînerait une diminution du nombre de circulations à l’entrée nord de Lyon, ce qui n’est pas précisément l’objectif recherché. Ce secteur ne peut donc être examiné que dans le cadre d’un projet d’infrastructure nettement plus conséquent. De ce fait, d’autres localisations (Cité Internationale, Charpennes ou encore la réouverture de la gare des Brotteaux) aboutiraient aux mêmes conclusions.
On écartera aussi la réouverture de la halte de Saint Rambert fermée depuis plusieurs décennies, en raison de la faible chalandise. Pour la même raison, l’hypothèse d’une gare Moulin à Vent n’est pas retenue puisque le secteur visé, essentiellement le quartier de Gerland, est déjà accessible par la gare Jean Macé desservie par les mêmes trains que ceux qui desserviraient Moulin à Vent.
On notera que l’ajout du nombre d’arrêt légitime les réflexions précédentes sur les performances, la signalisation, l’alimentation, la conception du matériel et la conduite afin d’éviter le théorème « un arrêt = 3 minutes de temps de parcours supplémentaire ». Le matériel doit pouvoir respecter des temps d’arrêt de 30 secondes, comme c’est la norme en Suisse, en Allemagne et en Autriche.
Quel schéma de desserte à infrastructures constantes ?
En considérant le plan de voies actuel et en cherchant toutes les pistes d'optimisation capacitaire, par une alimentation électrique renforcée, une signalisation plus performante, des sillons plus tendus et des trains plus performants, l'objectif de desserte pourrait être résumé par le schéma suivant qui n'intègre pas les liaisons régionales vers Dijon, Genève, Annecy, Chambéry, Grenoble, Valence, Roanne et Paray le Monial pour plus de lisibilité, de même que le sous-réseau de l'Ouest Lyonnais.
Sur le schéma ci-dessus, ne figurent que les propositions d'organisation des missions estampillées RER, excluant donc les liaisons TER Intervilles et les activités ferroviaires nationales. Ci-dessous, les abaques de dessertes complètes intégrant les relations TER ayant un rôle ponctuel dans la desserte de l'aire métropolitaine. On tirera autant que possible profit de la banalisation des voies entre Vaise et Perrache, mise en service à l'automne 2016.
Dans ce schéma, l'agglomération stéphanoise est évidemment complètement intégrée au RER lyonnais. La dissymétrie entre l'ouest et l'est du réseau s'explique par la plus grande aptitude à séparer les flux sur l'axe PLM au nord de Lyon et par la possibilité d'ajouter des arrêts périurbains sur les liaisons Intervilles des TER desservant les axes de Saint André le Gaz (à La Verpillière, Bourgoin Jallieu et La Tour du Pin) et d'Ambérieu (à Beynost et Montluel) pour augmenter la desserte dans les principales gares.
Il faut toutefois prendre en considération qu'entre la bifurcation de Saint Fons et l'accès à la LGV à Saint Quentin Fallavier, le cumul du trafic TGV, des TER Intervilles, des TER périurbains, du fret (installations de transport combiné de Vénissieux) et des circulations techniques pour l'accès au technicentre de Vénissieux justifie de façon assez évidente la mise à 4 voies de cette section.
De même, intégrons d'emblée l'amélioration de l'infrastructure entre Ambérieu et Lyon Saint Clair avec d'abord le renforcement de l'alimentation électrique, sous-dimensionnée, avec la création d'une sous-station à Miribel et à Meximieux pour respecter le pas nominal de 15 km pour les lignes en 1500 V : il est aujourd'hui de 25 km. Dans la foulée, la création d'une voie de dépassement en gare de Montluel est aussi à l'étude pour fluidifier le trafic... mais à quelles conditions de temps de parcours pour le train omnibus ?
Autre renforcement à prendre en considération, sur la ligne Givors - Saint Etienne avec l'augmentation de puissance des sous-stations de Saint Etienne Bellevue et de Chasse sur Rhône ainsi que la transformation de la voie 3 en gare de Rive de Gier pour dépassement ou retournement.
Deux voies supplémentaires entre Saint Clair etPart Dieu ?
Dans l’absolu pourquoi pas, avec un pont situé entre les actuels ouvrages ferroviaire et routier, dédié aux voies Ambérieu. Le long du boulevard Stalingrad, des voies en encorbellement sont insérables à condition d’abattre les arbres. Le resserrement en amont de Brotteaux semble en revanche bien plus problématique, les deux voies supplémentaires venant un peu trop près des bâtiments, notamment de la clinique du Parc.
En outre, ces deux voies ne résolvent pas les problèmes au sud de la Part-Dieu, où l’emplacement pour les deux voies supplémentaires a été occupé par le tram T4.
Il faudrait donc ajouter deux voies au sud de la gare, mais elles seront de fait sur le côté Ouest du faisceau, utilisées pour rejoindre Perrache. Les deux voies actuelles du flux Perrache seraient réorientées vers Saint Fons et les deux voies les plus à l'Est prendraient le trafic Grenoble / Chambéry / TGV.
Un tunnel, mais lequel ?
Cette solution est dans le paysage depuis une vingtaine d’années mais n’arrive pas à émerger. Elle s’appuie principalement sur une liaison souterraine entre Saint Clair et la Guillotière avec une gare souterraine à la Part-Dieu située à l’est des voies ferrées. Trois questions de prime abord méritent clarification :
- d’abord l’usage de la gare : TER ou TGV ? Une alternative qui n’est pas sans influer sur les coûts compte tenu de la longueur des voies à quai (400 m dans le premier cas, 250 m dans le second) ;
- ensuite, la gestion de la bifurcation de Saint Clair, à trois branches et à niveau, qui ne constitue pas la moindre des difficultés, d’autant plus avec la proximité du Rhône ;
- enfin, la localisation de la gare de la Part-Dieu, à l’est, ce qui ne faciliterait pas les correspondances avec le réseau urbain majoritairement à l’ouest des voies ferrées.
Deuxième niveau de réflexion : pourquoi reproduire les itinéraires existants ? Pourquoi ne pas créer ce qui n’existe pas, à savoir une liaison Part-Dieu – Presqu’île – Perrache ? Bref, pourquoi ne pas envisager de se raccorder plutôt dans le secteur du Confluent ? Evidemment, la constitution du sous-sol de la presqu’île ne sera pas la moindre des difficultés. Il aurait pour but de capter les flux arrivant par Ambérieu pour les amener sur la rive droite du Rhône vers Givors et Saint Etienne. La desserte de Saint Etienne serait alors exclusivement tracée via Oullins, ce qui aurait l’avantage d’aligner sur un même axe les gares d’Yvours, Oullins, Confluent, Perrache, Centre Presqu’île et Part-Dieu.
Dans ce cas, pourquoi ne pas examiner un scénario encore plus en rupture, orienté est-ouest pour relier la Part-Dieu à Gorge de Loup, et drainer le flux du val de Saône et de l’Ouest Lyonnais par cet itinéraire ? Il pourrait capter la plupart des sillons TER et RER du val de Saône, délestant l’actuel tunnel reliant Collonges à Saint Clair mais aussi fortement la section Vaise – Perrache – Guillotière.
Troisième niveau de réflexion : pour quel service ? Veut-on une cadence au quart d’heure en pointe sur les principales missions du RER lyonnais ? Si oui, le problème capacitaire se borne-t-il uniquement au secteur Saint Clair – Guillotière – Perrache – Vaise, ou concerne-t-il aussi certaines sections en ligne ? On pensera notamment à Saint Clair – Ambérieu, sans réelle possibilité de dépassement des omnibus par des sillons rapides ou à Guillotière – Saint Quentin Fallavier, où l’hypothèse d’une mise à quatre voies a déjà été évoquée précédemment.
De la définition du service dépendra le dimensionnement et donc le coût des gares souterraines, notamment à la Part-Dieu.
Dans le cas du tunnel Saint Clair – Guillotière, quatre voies semblent nécessaires pour le trafic TER et RER à condition de diamétraliser les TER intervilles venant de Savoie et de Genève, vers Valence, Marseille, Grenoble et Chambéry, pas forcément des plus naturelles (Annecy – Chambéry via Lyon).
Le tunnel Saint Clair – Confluent proposerait une liaison Ambérieu – Saint Etienne desservant Part-Dieu et Perrache mais aussi la presqu’île, avec donc un accès systématique aux deux centralités lyonnaises sur le même axe. Pour les liaisons Intervilles arrivant par Ambérieu, peu de perspectives sinon un terminus dans le secteur du Confluent où une gare en surface semble possible « au chausse-pied ». Or cette gare ne peut attendre un hypothétique tunnel et sera probablement réalisée dans les années 2020 : sera-t-elle prédisposée et donc plutôt au sud, ou faudra-t-il abandonner une station au plus près du quartier existant ?
Le tunnel est-ouest présenterait a priori des avantages non négligeables, compensant des lacunes déjà bien connues dans le centre de Lyon (liaison presqu'île - Part Dieu et dans l'agglomération (liaison Part-Dieu - Ouest Lyonnais). Moyennant la reconstruction d'un raccordement Vaise - Gorge de loup (l'actuel étant à voie unique et accessible par des bifurcations à niveau), les flux périurbains venant du val de Saône et de Roanne pourraient y être intégrés, allégeant en contrepartie la liaison Vaise - Perrache - Confluent / Jean Macé.
En revanche, la cohabitation tram-train / TER classiques dans le tunnel supposera de pouvoir gérer l'accessibilité à des matériels à plancher bas (600 mm sur les TER) et très bas (340 mm sur les trams-trains).
Un double débouché vers Saint Clair et vers la Guillotière démultiplierait les possibilités de diamétralisation. En revanche, les tunnels de Caluire et de Saint Irénée se retrouveraient sous-utilisés.
Autant dire qu'avec la démultiplication des "possibles", difficile d'identifier a priori un scénario naturel, ce qui renforce l'intérêt d'une première étape sur les infrastructures existantes, améliorées et en jouant sur leurs perfomances ainsi que celles du matériel roulant. Autant de progrès qui pourront être valorisés quelle que soit la suite. Dégageons trois pistes contrastées.
Scénario maximaliste
- liaison souterraine nord-sud entre la ligne d'Ambérieu et le Confluent, avec des missions superposées Ambérieu - Lyon Confluent et Lyon Charpennes - Saint Etienne cadencées au quart d'heure, intégrant également une liaison à fréquence horaire entre Saint Etienne et l'aéroport Saint Exupéry, moyennant un raccordement "Beynost Ouest" au CFAL. Les gares souterraine sont configurées pour des trains périurbains (250 m de longueur utile). Sujet capacitaire non négligeable sur toute la ligne d'Ambérieu où la demande de sillons reste élevée pour une ligne à deux voies, et où la création de voies supplémentaires est loin d'être facile ;
- liaison souterraine est-ouest entre Gorge de loup, Part Dieu et la Guillotière, intégrant un nouveau raccordement Gorge de loup - Vaise dénivelé et à double voie, pour capter les flux du tram-train Ouest Lyonnais (Sain Bel, Brignais, Lozanne, au quart d'heure), du Val de Saône (Villefranche sur Saône, avec également une cadence au quart d'heure), et des Monts du Lyonnais (Roanne, à la demi-heure) ;
- tunnel existant Gorge de loup - Saint Paul converti pour circulation des transports urbains (prolongement C3 à Gorge de loup ?) ;
- avantages : forte structuration urbaine (3 nouvelles connexions urbaines à Charpennes, Bellecour et Cordeliers), desserte systématique de Part Dieu et de la presqu'île ;
- inconvénients : moindre desserte sur Jean Macé (uniquement par l'axe de Bourgoin), coût et 2 gares proches dans la presqu'île (Bellecour et Cordeliers), redondance partielle avec des fonctionnalités existantes (correspondance métro à Vaise).
Scénario minimaliste
- ajout de 2 voies sur l'itinéraire Saint Clair - Guillotière en surface ;
- liaison est-ouest limitée au tram-train prolongé de Saint Paul à la Part Dieu en voirie (rue Grenette et cours Lafayette) ;
- avantages : investissement limité ;
- inconvénients : pas d'amélioration du maillage urbain par les dessertes périurbaines, sauf liaison Part Dieu - Presqu'île, mais avec fort impact sur les choix de politique d'urbanisme dans la presqu'île (rue Grenette).
Scénario intermédiaire
- liaison souterraine nord-sud mais à usage réservé au transport régional (quais plus courts) ;
- liaison est-ouest identique au scénario minimaliste ;
- avantage : optimisation des coûts et valorisation des points de maillage centraux existants (Vaise et Jean Macé notamment) ;
- inconvénient : liaison Part Dieu - Presqu'île à fort impact sur la politique d'urbanisme dans la presqu'île (rue Grenette)