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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Relancer les liaisons Normandie - Vallée de la Loire

Une coopération des Régions à développer

La compétence sur cet axe a été transférée en 2020 à la Région Normandie à l’issue des négociations Etat – Région animées par l’incontournable préfet Philizot, mais elle suppose tout de même un ménage à trois avec Pays de la Loire et Centre pour organiser la desserte.

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Sées - 30 juillet 2015 - X72500 tricaisse anciennement utilisé sur Paris - Granville, voie renouvelée et vestige des poteaux télégraphiques. Pas forcément la pire des situations : matériel performant, voie pérennisée et signalisation automatisée. La tranversale Caen - Tours achèvera-t-elle sa mue pour renouer avec des performances compétitives par rapport à la route ? © transportrail

Deux priorités se dessinent avec évidence. La première est une recomposition de la desserte avec les trois autorités organisatrices. La seconde est d'éviter la dégradation des performances de l'infrastructure avec un plan de financement du renouvellement. Au regard du trafic somme toute modeste, même avec le trafic fret (6 trains les meilleurs jours sur la section Le Mans - Saint Pierre des Corps), certains pourraient suggérer des mises à voie unique : le renouvellement récent de la signalisation n’en fait guère une perspective intéressante puisque les économies sur la voie seraient plus que consommées par les reprises sur ces équipements récents.

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Château du Loir - 30 juillet 2006 - Un matériel performant, sur une infrastructure correcte mais alors régie par une signalisation contraignante : le portrait de la transversale Caen - Tours, avant le remplacement du Block Manuel et de ses poteaux télégraphiques par un Block Automatique. © V. Bougard - photosdetrains

La desserte de base reposerait donc dans un premier temps sur une desserte Caen – Tours toutes les 2 heures avec 6 rames (sur la base d'un trajet en 2h40), complétée par des parcours régionaux partiels : Caen – Argentan, Alençon – Le Mans et Le Mans – Tours, de sorte à proposer au moins un train par heure sur ces sections. L’offre Alençon – Le Mans pourrait intégrer la desserte omnibus Le Mans – Château du Loir, simplifiant l’exploitation au Mans et offrant une desserte de la nouvelle gare Le Mans Hôpital prévue en 2023. En revanche, le service de proximité entre Château du Loir et Tours, assuré quasi intégralement par autocar, pourrait sortir de l’hypocrisie en basculant complètement sur route, le potentiel des localités intermédiaires, aux gares pas toujours bien placées, étant assez maigre.

Une perspective quand même complètement opposée au rapport Avenir des TET qui, mal inspiré sur cet axe, préconisait la mise sur route : « Heula ! » comme on dit en Normandie !

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Caen - 16 décembre 2017 - Arrivée à 12h12, à l'heure, de l'Intercités en provenance de Tours, assurée par un X72500 tricaisse. Quoique performant et confortable, ce matériel fragile quitte la scène ferroviaire après 20 ans de service puisqu'un quart du parc a déjà été réformé. Il aurait pu améliorer la performance de la relation, pour égaler les chronos des RTG... mais le temps n'est plus à la performance sur ce type de liaisons... © transportrail

La desserte de l'agglomération tourangelle

Elle pourrait grandement être améliorée en supprimant le choix cornélien entre une offre orientée vers la gare centrale de Tours ou un crochet via Saint Pierre des Corps, avec un rebroussement peu commode dans cette gare exiguë. La solution ? La réalisation d’un serpent de mer tourangeau qui pourrait reprendre du galon avec le RER tourangeau : la gare du carrefour de Verdun, desservie par la première ligne de tram, et qui le sera aussi par la deuxième. Les trains feraient donc terminus à Saint Pierre des Corps (dont il faudra augmenter la capacité) après avoir desservi cette nouvelle gare.

Dans l’agglomération tourangelle, une autre gare serait justifiée, à caractère périurbain, à La Riche, près du prieuré Saint Côme où la deuxième ligne de tramway fera son terminus.

Une liaison vers Rouen ?

Alors que la Haute Normandie bénéficia jusqu’aux années 1970 de liaisons directes de Rouen vers Tours, elle est aujourd'hui contrainte de passer par Paris pour rejoindre l'Atlantique. Le temps de parcours type, par exemple Rouen – Bordeaux, ne serait pas forcément moins attractif si les rouennais récupéraient le TGV à Saint Pierre des Corps plutôt qu’à Paris, avec un gain évident de confort.

L'idée semble revenir par des voies diamétralement opposées. L'Etat a présenté quelques perspectives pour le développement de nouveaux Trains d'Equilibre du Territoire avec une 2 allers-retours Lile - Amiens - Rouen - Le Mans - Angers - Nantes. La coopérative Railcoop affiche aussi ses intentions sur cette relation avec la même consistance mais avec un itinéraire différent, desservant Caen, ce qui conduit à un grand détour par Saint Lô, Folligny, Dol de Bretagne, Rennes et Redon.

Cependant, de Lille au Mans, à Angers et Nantes, l'intérêt du TGV est quand même assez évident. Il faut compter moins de 3 heures entre Lille et Le Mans, alors que le trajet Lille - Rouen par la ligne classique prend déjà 2h40. Par conséquent, couper cette grande diagonale semble logique tant sur le plan commercial que sur le plan fonctionnel par rapport à la géographie du réseau.

La liaison entre la Normandie et la vallée de la Loire s'appuie fondamentalement sur l'axe Caen - Tours, soit de bout en bout soit avec une correspondance au Mans, par trains régionaux ou TGV pour atteindre la vallée de la Loire. En l'état actuel, les correspondances au Mans sont médiocres, mais on note quand même des combinaisons Caen - Angers possibles en 3h16 en utilisant des trains régionaux. L'amélioration de la consistance des offres, de l'état des infrastructures et du fonctionnement du noeud manceau pourrait faire gagner entre 15 et 25 minutes.

L'autre point sensible de cette liaison, si elle était pensée sans correspondance, est son insertion entre Le Mans et Nantes, et surtout à partir d'Angers dans une trame difficile, car assez consistante et très hétérogène. La transversale n'étant pas électrifiée, elle serait donc tributaire de rames bimodes plafonnant à 160 km/h. Electrifier Mézidon - Tours, outre les enjeux du fret, autoriserait la création de liaisons classiques pouvant atteindre 200 km/h sur les sections aptes à cette vitesse.

Reste le cas de Rouen : pour rejoindre l'arc Atlantique, le passage par Paris avec changement de gare à la clé est incontournable. La restauration d'une desserte transversale aurait donc du sens. Au plus simple, un alternat entre des trains pour Caen et des trains pour Rouen serait envisageable, ou alors une formation bitranche avec coupe-accroche à Mézidon : cependant, la justification commerciale de cet arrêt sur ce type de relation est discutable et pénaliserait les deux offres, notamment la tranche Rouen, astreinte à un rebroussement. Mais c’est peut-être un moindre mal, compatible avec une structuration « propre » de la desserte, soit un cadencement aux 2 heures entre la Normandie et Tours, avec une rame pour Caen et une pour Rouen. Electrifier Serquigny - Elbeuf serait là aussi une opération intéressante, tant pour le fret que pour l'utilisation des sections à 200 km/h entre Caen et Bernay.

Le maillon d’une liaison nocturne ?

Puisqu’en 2021, le train de nuit est revenu en grâce parmi les décideurs, l’hypothèse d’un « tronc commun » entre Tours et Lyon pourrait laisser entrevoir une tranche orientée vers Caen voire Cherbourg, voire de créer un nœud à Tours : depuis le Cotentin, une rame pourrait être scindée à Tours pour offrir une liaison vers Bordeaux et Toulouse, tandis que la seconde rejoindrait Lyon et peut-être une destination alpine.

Fret et électrification : destins croisés ?

A l’exception de la section Caen – Mézidon, de la traversée du nœud manceau et de l’arrivée à Tours, la ligne n’est pas électrifiée. La traction thermique reste donc de mise et les matériels bimodes sont relativement peu présents sur cet axe utilisant notamment des X76500 et quelques X72500.

Le spectre des solutions de verdissement est assez large : pour les trains de voyageurs, l’hybridation couplée à l’usage de biocarburant ou de biogaz pourrait être examinée. En mars 2021, la Région Pays de la Loire a fait une annonce en faveur de rames munies d’une pile à hydrogène, solution en verve mais aux multiples interrogations à commencer par le coût (17 M€ la rame Régiolis de 220 places, soit le double d’une rame classique) et l’efficacité complète de la solution.

Néanmoins, comme avancé dans les chapitres précédents de ce dossier, l'électrification de la rocade aurait du sens, à la fois pour le fret pour :

  • contourner l'Ile de France par l'ouest ;
  • faciliter le développement des dessertes par autoroute ferroviaire (et probablement à terme transport combiné) depuis le port de Cherbourg du fait des effets du Brexit, sachant qu'en 2021, le dégagement du gabarit a été réalisé en prélude à une liaison Cherbourg - Mouguerre portée par Brittany Ferries, qui pourrait aussi ensuite envisager une relation vers Sète.

A court terme, l'arrivée sur le marché européen de locomotives bimodes pourrait déjà être un progrès significatif.

En revanche, pour l'important trafic des carrières de Chailloué, il serait plus que nécessaire de rétablir le raccordement Est de Surdon pour autoriser une expédition directe sur la section Surdon - Dreux. Aujourd'hui, les trains doivent effectuer une manoeuvre en Z en partie sur les voies principales et rebrousser à Argentan : 2 heures de perdues pour le fret... et une capacité obérée pour les autres circulations !

Pour le transport de voyageurs, l'électrification autoriserait un panel de matériel plus vaste : avec Serquigny - Elbeuf, il deviendrait possible d'accéder au technicentre de Sotteville sans passer par Paris, tout en engageant les Omneo Premium sur une liaison Caen - Rouen à 200 km/h en 1h15 environ, soit 9 minutes de plus qu'avec le maillon central de LNPN (Y de l'Eure) évalué à plus de 2 MM€. Avec Mézidon - Tours, pourrait aussi être envisagé plus commodément l'insertion de liaisons depuis Caen et/ou Rouen vers Angers et Nantes, qui pourraient circuler à 200 km/h également.

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Pertheville-Ners - 25 avril 2018 - Le trafic fret est modeste sur cette transversale avec au mieux 6 trains par jour et par sens entre Le Mans et Tours. Lineas qui se charge, avec la BB75014 à la vive livrée initialement adoptée la filiale de la SNCB, de ce train céréalier entre La Hutte-Coulombiers et Sotteville, qui met en valeur la courbe de Pertheville-Ners. (cliché X)

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