Rail et réforme territoriale en Rhône-Alpes - Auvergne
Ce fut l’une des questions de la réforme territoriale : l’Auvergne est-elle plus proche du Limousin ou de Rhône-Alpes ? La fusion des Régions Rhône-Alpes et Auvergne vient calquer le découpage administratif sur d’autres découpages d’établissements publics : c’est aussi celui de SNCF Réseau et de France 3.
Associer un réseau de villes et un modèle monocentrique fragile
Ces deux Régions se distinguent par une forte différence d’organisation spatiale. Le réseau de villes d’Auvergne est monocentrique, autour de Clermont-Ferrand, même si les relations entretenues sont hétéroclites. Elles sont plus intenses sur l’axe bourbonnais (notamment avec Vichy et Moulins) mais nettement plus faibles au fur et à mesure qu’on s’éloigne : Aurillac ou Le Puy. L’Auvergne semble dépendante d’un axe nord-sud orienté vers Paris. Montluçon semble vouloir se rattacher d’abord à Paris plutôt qu’à Clermont-Ferrand. Le centralisme français est aussi parfois entretenu par les élus locaux…
Côté Rhône-Alpes, outre la domination de la métropole lyonnaise, le modèle urbain est polycentrique, avec notamment l’influence d’Annecy, Chambéry, Grenoble, Valence et Saint Etienne. On peut aussi souligner l’influence grandissante de Genève sur la Savoie.
Moutiers - 27 juillet 2019 - La BB22257 emmène une rame de voitures Corail vers Bourg Saint Maurice : la desserte des vallées savoyardes draine un trafic régulier, dopé par le tourisme, que ce soit les amateurs de ski ou de randonnée. La ligne de la Tarentaise avait bénéficié d'une importante modernisation en amont des Jeux Olympiques d'Albertville en 1992. © E. Fouvreaux
Deux Régions aux choix ferroviaires différents
C’est peu dire que Rhône-Alpes et Auvergne avaient appréhendées différemment leur rôle d’autorité organisatrice. Certes, la première fut une des dernières à signer une convention avec la SNCF, en 1994. Depuis 1989, les dessertes créées étaient financées par le Syndicat interdépartemental de l’Offre Ferroviaire en Rhône-Alpes (SOFRA). Mais ensuite, la Rhône-Alpes s’est hissée dans le peloton de tête, dès 1997 en étant l’une des Régions expérimentant le transfert de compétences, et par l’importance des investissements et l’augmentation de l’offre. Elle a notamment porté le projet de cadencement, sur la totalité de son réseau, s’attirant à l’époque les foudres de la SNCF et d’un directeur régional qui, depuis, a pris du galon…
Curis au Mont d'Or - Eté 2005 - La croissance très rapide du trafic régional en Rhône-Alpes a conduit à l'utilisation de différentes séries de matériel ancien en attendant la réception des automotrices neuves. Ce TER Lyon - Mâcon est tracté par une BB9600 tractant 4 voitures dont 3 USI et, en deuxième position, une UIC. Les TER2Nng ont repris cet axe dès leur réception. © N. Godin – Lyonrail
Le bilan quantitatif est incontestable avec plus de 1200 trains par jour soit plus du double de ce qui existait voici 20 ans, mais la qualité du service (notamment la régularité, l’information et la propreté des trains) n’est pas toujours au niveau.
Le réseau ferroviaire rhônalpin fonctionne évidemment d’abord en étoile autour de Lyon, avec la gare de Lyon Part-Dieu en guise de pivot, régional mais aussi national : c’est la première gare de correspondance en France. Cependant, le sillon alpin aligne nombre de grandes villes de la Région ce qui lui donne un rôle non négligeable. L’armature est donc d’abord orientée nord-sud avec l’axe PLM (plaine de Saône et vallée du Rhône) et le sillon alpin, depuis Genève et Annecy jusqu’à Valence via Chambéry et Grenoble.
Saint Clair Les Roches - 8 avril 2012 - Avec 60 rames tricaisses, Rhône-Alpes possède le plus important contingent de TER2Nng. Action phare des Régions, le transport ferroviaire est aussi un moyen d'affirmer l'identité régionale et l'implication de la collectivité dans ce service public. La rame 348 assure un TER Lyon - Valence. © transportrail
Il faut aussi considérer l’étoile stéphanoise au pied du Massif Central, avec outre la relation vers Lyon, une liaison vers Roanne, la deuxième ville de la Loire, mais aussi une étape pour rejoindre l’Auvergne avec les lignes Saint Etienne – Clermont-Ferrand et Saint Etienne – Le Puy. La première fut la mieux considérée dans le « plan rail Auvergne », lié au Contrat de Plan Etat-Région 2007-2013 et bénéficiant de l’intérêt de personnalités politiques : l’ancien Commissaire européen aux Transports, Jacques Barrot, avait été maire d’Yssingeaux puis président du Conseil Général de Haute Loire… et Laurent Wauquiez, le président de la Région depuis 2015, lui avait d’abord succédé dans ses mandats locaux.
Chamalières sur Loire - 4 août 2009 - La ligne Saint Etienne - Le Puy est un des axes favorisés par la Région Auvergne pour relier la Haute Loire à la métropole lyonnaise. Les appuis politiques, ça compte ! Tant mieux, c'est aussi une ligne traversant d'intéressants paysages en remontant la Loire. © N. Godin – Lyonrail
La desserte ferroviaire de ce système est généralement de bon niveau, perfectible, mais le socle est là, hormis quelques faiblesses, généralement liés à une problématique capacitaire : la liaison entre Lyon et Haute Savoie souffre de la géographie du réseau et les temps de parcours s’en ressentent. Mettons à part la disparition des liaisons Lyon – Annecy, officiellement mise sur le compte des travaux d’agrandissement de la gare de Lyon Part-Dieu.
Pierrelatte - 28 décembre 2011 - Pour les relations Intervilles, les voitures Corail ont été modernisés en différentes vagues successives plus ou moins poussées. La transformation de voitures B6Du en voitures de réversibilité et l'arrivée de BB22200 ont amélioré les conditions d'exploitation de ces trains. Malheureusement, propreté et ponctualité font encore souvent défaut. Ici, la 22360 arrive à Pierrelatte, la gare la plus au sud de Rhône-Alpes, avec un TER Lyon - Marseille. © transportrail
Toutefois, conjoncture économique aidant, la Région a stabilisé sa politique et les développements d’offre se sont raréfiés. Certaines opérations à forte visibilité, comme les TER Lyon – Grenoble directs, ont échoué faute de trafic suffisant : les trains ont été supprimés, démontrant au passage les limites d’une vision purement chronométrique du service de transport.
Côté auvergnat, la politique ferroviaire fut plutôt celle du renoncement. Priorité à la route et d’abord aux autoroutes : l’A71 vers Paris, l’A75 gratuite vers Montpellier et bien évidemment l’A89 Lyon – Bordeaux. Ajoutons aussi l’A72 Saint Etienne – Clermont-Ferrand.
Pourtant, elle était aux premières loges des suppressions de desserte et du plan de 1995 prévoyant la disparition de 5000 à 6500 km de lignes, sans réellement s’émouvoir. Certes, la Région a peu de moyens, mais l’organisation ancestrale de l’offre en semaine principalement et sur les flux scolaires finit par coûter cher en mobilisant des moyens sous-utilisés. La fusion administrative ne semble pas – pour l’instant – avoir infléchi la donne et nombre de lignes n’ont même pas un train toutes les 2 heures.
Les relations entre les deux Régions fusionnant sont évidemment structurées autour de la liaison Lyon – Clermont-Ferrand. Elle revêt donc un enjeu de premier plan, surtout depuis la suspension de la partie centrale de la ligne Saint Etienne – Clermont-Ferrand.
Thiers - 7 avril 2007 - Les X4630 dans leurs différentes versions ont largement contribué - à leur façon - à la montée en puissance du TER, en dépit de leur confort spartiate et de leurs performances plus que médiocres. Cette liaison Clermont-Ferrand - Saint Etienne est assurée par un UM2 avec un élément rénové d'origine picarde. Même avec ce matériel aux performances modestes, la desserte avec 10 arrêts était abattue en moins de 2 heures. A desserte comparable, l'autocar met presque 3h30 ! © V. Bougard - Photosdetrains
Saint Etienne Terrasse - 31 décembre 2012 - Ces deux X73500 arrivent de Clermont-Ferrand dans l'agglomération stéphanoise. Comment peut-on supprimer une relation entre des agglomérations de plus de 300 000 habitants ? Une telle démarche pourrait faire jurisprudence... mais l'Auvergne a aussi perdu son débouché vers l'ouest... alors tout est possible ! © transportrail
L’Auvergne ou la tendance au repli ?
On peut aussi noter la grande différence en matière d’ouverture interrégionale. La Région Rhône-Alpes s’était généralement entendue avec ses voisines : la Bourgogne pour la desserte de la plaine de Saône jusqu’à Dijon, PACA pour la vallée du Rhône jusqu’à Marseille mais aussi pour l’étoile de Veynes. La Franche-Comté a pris en charge à partir de 2011 la succession des liaisons classiques Lyon – Strasbourg, mais l’absence d’entente entre les Régions a provoqué l’arrêt de l’exploitation entre Oyonnax et Saint Claude, privant le Haut Jura d’un débouché vers Lyon et, avant cela, d’un accès aux emplois de la « plastic valley » autour d’Oyonnax.
Oyonnax - 20 octobre 2017 - Peu avant la coupure de la section Oyonnax - Saint Claude, le trafic était évidemment très modeste puisque la desserte ne proposait que 3 allers-retours par jour. Près de 9000 véhicules empruntent dans le même temps des routes étroites, sinueuses, affrontant en hiver le verglas et la neige... Face à la situation économique de Saint Claude, un débouché sur le bassin d'emploi d'Oyonnax s'imposerait en principe comme une évidence ! © transportrail
La Région Rhône-Alpes avait en 2005 sauvé avec la Bourgogne et Centre la relation Lyon – Orléans (supprimée en 2012 à l’initiative de cette dernière) et développé une offre Lyon – Tours complétant les Intercités existants.
L’Auvergne semble quant à elle focalisée sur ses relations avec Paris, d’abord la ligne du Bourbonnais, et ensuite la liaison Montluçon – Bourges – Paris, mais avec un moindre intérêt de la Région Centre.
Vallon en Sully - 12 mars 2010 - La relation Paris - Montluçon a vécu : il faut désormais changer à Bourges, ou mieux, à Vierzon, combinaison qui offre le meilleur temps de parcours. Néanmoins, l'état de l'infrastructure appelle d'importants moyens pour la pérenniser... © transportrail
Cependant, les liaisons vers l’ouest ont quasiment toutes disparues, soit par la disparition de dessertes (Lyon – Bordeaux), soit par l’interception de certaines infrastructures en mauvais état : l’arrêt de Laqueuille – Ussel a privé Clermont-Ferrand d’un accès à Limoges, Brive et Bordeaux.
Vers le sud, ce n’est guère mieux : si la ligne des Cévennes a la « chance » de ne pas avoir de grand axe routier parallèle, il en est tout autrement de la ligne des Causses, en situation de péril par son état dégradé, le niveau très élevé d’investissement pour sauver l’infrastructure et la faiblesse du trafic pouvant être capté.
Le nœud lyonnais : pilier du développement ferroviaire
A l’échelle régionale comme à l’échelle nationale, l’amélioration de l’exploitation dans le nœud ferroviaire lyonnais est essentielle pour accompagner le développement des dessertes et améliorer la qualité de service, à commencer par la régularité. Un chantier qui associe de nouvelles infrastructures et une amélioration de la performance de celles déjà existantes. Pierre angulaire du projet, la transformation de la gare de Lyon Part-Dieu doit aussi accompagner le développement du trafic national et européen. La création d’un RER lyonnais, et on serait tenté de dire lyonno-stéphanois, est l’autre locomotive de cette réflexion.
Saint Fons - Juillet 1997 - Les omnibus pour Vienne et Valence étaient, au début de la régionalisation, souvent confiés aux zézettes, surnom donné aux Z7100 arrivées en 1958 pour assurer le service omnibus sur l'axe PLM dont l'électrification était en cours. © transportrail
Lyon Jean Macé - 15 juin 2018 - Annoncée en 1982, la gare Jean Macé a été mise en service en 2009. Elle est un des maillons forts dans le lent processus de constitution d'un RER lyonnais. Elle est desservie par les trains Villefranche - Vienne, Lyon Perrache - Saint André le Gaz et Lyon Perrache - Valence. © transportrail
En marge du nœud lyonnais, le sous-ensemble constitué par les lignes de l’Ouest Lyonnais pourrait donner lieu à une solution atypique : le nouveau SYTRAL à partir de 2022, dont la Région sera toujours membre, aura la compétence sur l’ensemble du territoire de ce réseau : malgré les divergences de positionnement politique, un accord serait souhaitable pour déléguer la fonction d’autorité organisatrice au SYTRAL pour favoriser l’intégration tarifaire et le développement de l’offre, avec, en tête des priorités, la modernisation de la branche de Lozanne.
Au nord de Lyon, la Région pilote actuellement les études pour transformer en BHNS la ligne inexploitée entre Sathonay et Trévoux, mais la solution apparaît mal adaptée aux besoins. De longue date, les associations militent pour une solution sur rails. Là encore, le nouveau SYTRAL pourrait être l’instrument d’une valorisation adaptée de la ligne, sachant que la solution routière fait émerger certaines difficultés (notamment la transformation des ouvrages d’art).
Dans le même registre à l’est de l’agglomération, le Département de l’Isère, s’intéressant peu aux territoires dans la mouvance lyonnaise, avait orienté la réutilisation de la ligne de l’Est de Lyon vers une solution routière, mais, en 2021, des études pour une solution par tramway ont été obtenues, et elles pourraient faire tâche d’huile sur Sathonay – Trévoux.
Sillon alpin et bassin genevois
Après l’axe Saône-Rhône, le sillon alpin joue évidemment un grand rôle mais son potentiel de développement reste encore élevé. Ce fut de 2000 à 2015 l’un des dossiers majeurs de la Région, entretenu par Bernard Soulage, élu isérois, une figure du secteur des transports, d’abord président de la Commission Transports puis vice-président en charge de ce domaine. Après la modernisation du parcours Chambéry – Grenoble – Valence, emportant la perspective d’un RER grenoblois, les études portent désormais sur la partie savoyarde, à commencer par l’augmentation de capacité entre Aix les Bains et Annecy… mais la section Saint Marcellin – Romans, comprenant 2 zones restées à une seule voie, finira par poser question pour favoriser le développement de liaisons rapides. De même, la section Grenoble – Moirans et son éventuel passage à 3 voies, pourrait refaire surface, après de premières études dès la fin des années 1990.
Moirans - 13 novembre 2010 - Les TER2Nng tricaisses présentes à 60 exemplaires en Rhône-Alpes assurent de nombreuses relations, notamment les Lyon - Grenoble et une majorité de dessertes sur le sillon alpin. La rame n°399 file vers Grenoble sur une section apte à 160 km/h. © transportrail
En revanche, le raccordement à la LGV Méditerranée, fortement soutenu politiquement, s’est avéré un échec… largement prévisible : un seul aller-retour par semaine entre Annecy et Marseille alors qu’une correspondance est possible en gare de Valence TGV. Le relèvement à 160 km/h de la vitesse entre Gières et Montmélian aurait été probablement plus utile…
Pour le nord-est de la Région, le grand projet, c'était CEVA, le RER genevois, connecté à Annemasse aux lignes de Haute Savoie. De nouveaux développements sont nécessaires pour améliorer la capacité de l'infrastructure, notamment dans la vallée de l'Arve, afin de renforcer l’offre vers Genève, mais aussi vers Bellegarde et Annecy. Dans ce secteur, il faut aussi intégrer le projet de réouverture de la ligne Evian – Saint Gingolph avec le prolongement des services suisses pour soulager le réseau routier sur la rive sud du lac Léman.
Annemasse - 21 décembre 2019 - Le RER genevois est devenu une réalité. Flirt et Régiolis se partagent les dessertes entre Coppet, Genève et les lignes de Haute Savoie vers Evian, St Gervais et Annecy. © transportrail
Un autre chantier attend lui aussi une concrétisation mais il semble désormais tributaire de la réalisation de la ligne nouvelle Lyon – Chambéry pour l’accès au tunnel de base de la Translpine : la mise à 4 voies entre Saint Fons et Grenay, utilisée à la fois par les dessertes périurbaines vers Saint André le Gaz que les Intervilles pour Grenoble et Chambéry et les TGV Intersecteurs. Un troisième projet est indissociable : le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise.
La création d’une ligne nouvelle entre Grenay et Chambéry est présentée comme le moyen d’accélérer les liaisons de Lyon vers Chambéry, Annecy et Grenoble mais avec pour conséquence la suppression de la desserte de l’ensemble des villes du nord-Isère (notamment Bourgoin-Jallieu et La Tour du Pin). Cet aspect reste à approfondir, entre accélération des relations et préservation du maillage du réseau de villes. Mais il est vrai que pour l’instant, l’enjeu fret focalise bien des esprits, y compris par rapport aux liaisons longue distance de voyageurs entre la France et l’Italie.
L’Auvergne et le devenir de la consistance du réseau
En Auvergne, si on excepte l’axe Paris – Clermont-Ferrand, étendu jusqu’à Issoire du fait d’une desserte périurbaine et d’un effet tronc commun, et le maillon de la transversale Lyon - Nantes, la quasi-totalité du réseau appartient à la catégorie des lignes de desserte fine du territoire. Pourtant, la Région s’est surtout concentrée sur d’hypothétiques lignes à grande vitesse (POCL bien sûr mais aussi une diagonale Nantes – Poitiers – Limoges – Clermont-Ferrand – Lyon).
Nevers - 26 juillet 2013 - Les relations Paris - Clermont Ferrand structurent toute l'offre ferroviaire régionale en Auvergne. Une BB22200 franchit la Loire à Nevers en direction de Clermont-Ferrand. Habituellement, ce sont des BB26000, aptes à 200 km/h, qui assurent cette relation. © transportrail
Sans négliger l’accélération de la liaison Paris – Clermont-Ferrand pouvant passer par une extension du domaine apte à 200 km/h (voire 220 km/h moyennant un matériel adapté, mais ce ne sera pas le cas), l’urgence en Auvergne concerne les lignes de desserte fine du territoire, qui concourent aux dessertes vers l’ensemble des villes auvergnates : Aurillac, Saint Flour, Brioude, Le Puy, Montluçon, Thiers… Outre la pérennisation des infrastructures, nécessitant d’importants investissements, l’évolution des dessertes est également nécessaire car nombre de lignes n’atteignent même pas le seuil d’un train toutes les 2 heures, avec des moyens de production utilisés uniquement en pointe, passant donc plus de temps à l’arrêt qu’à servir le territoire et sa population…
Le Lioran - 19 février 2005 - Les X2800 ont pendant plus d'un demi-siècle incarné le transport ferroviaire de proximité en Auvergne, en toutes saisons. A droite, une composition de 2 X2800 avec 3 remorques XR6000 sur la ligne Clermont - Aurillac. Remplacés depuis par des X73500 et des X76500, les trains font jeu égal sur cette relation, avec un temps de parcours de 2h25... même sous la neige. © V. Bougard - Photosdetrains
Comme déjà évoqué, les dessertes interrégionales revêtent une dimension toute particulière dans une Auvergne en voie de marginalisation ferroviaire. Les liens sont à consolider avec les Régions Centre Val de Loire, Nouvelle Aquitaine et Occitanie, mais les premiers pas sont difficiles : quand Nouvelle Aquitaine a prolongé un Bordeaux – Limoges jusqu’à Montluçon, Auvergne – Rhône-Alpes n’a pas fait le pas attendu pour créer la section Montluçon – Lyon, même s’il pouvait y avoir quelques raisons (2 rames, desserte en milieu de journée avec un trafic minimal).
Le renouvellement du matériel roulant a été finalement opéré, alors qu’il avait accusé un certain retard au début des années 2000, et désormais, l’enjeu est bien d’utiliser de façon efficace ces rames et en particulier les X73500 : ces autorails sont adaptés à la desserte de lignes à trafic modeste, mais pénalisés par des contraintes d’exploitation liés à des problèmes de shuntage, qui semblent, plus de 20 ans après leur mise en service, en voie de résolution sur les lignes dotés d’une commande informatique d’itinéraires.
Murat - 9 avril 2015 - Les X73500 sont bien adaptés aux lignes du Massif Central : une capacité adaptée, une modularité par l'ajout d'un ou d eux autorails supplémentaires, de bonnes performances et un confort satisfaisant. Un engin de la Région Auvergne circule ici sur la ligne Clermont-Ferrand - Aurillac. © Rail Composition
La Région Auvergne – Rhône-Alpes a fort à faire avec ces lignes : il faudra un grand plan pour les lignes d’Auvergne, au-delà des mesures de sauvegarde engagées en 2017, en combinant rénovation des infrastructures et amélioration des dessertes. En tête d’affiche, évidemment, la restauration de la liaison Saint Etienne – Clermont-Ferrand (qui n’a pas de potentiel, la preuve : il y a une autoroute parallèle). L’ouverture à l’ouest nécessitera d’intenses échanges pour restaurer l’itinéraire Volvic – Laqueuille – Ussel, incluant l’antenne du Mont-Dore et une entente devra être engagée pour restaurer des offres Clermont-Ferrand – Limoges / Brive, pouvant être bitranches jusqu’à Meymac, et un itinéraire nord via Montluçon. Bien des regards sont tournés vers les ambitions de Railcoop, apparues en 2020, mais combiner service de proximité à forte proportion de cabotage et modèle économique en open-access laisse nombre d’observateurs perplexes… du moins prudents.
Bellenaves - 19 octobre 2018 - Mariage entre un X73500 Rhône-Alpes et un cousin auvergnat sur cette desserte de l'axe Clermont-Ferrand - Montluçon. La desserte se limite à 7 allers-retours par jour : c'est peu pour intégrer la sous-préfecture de l'Allier dans le réseau de villes organisé autour de Clermont-Ferrand... © Rail Composition
A l’est de la Région, le point sensible en matière de lignes de desserte fine reste la liaison Oyonnax – Saint Claude et le débouché sud du Haut Jura. Dans les Alpes, la coordination avec PACA semble s’organiser pour esquisser un meilleur avenir à l’étoile de Veynes : 2 phases de travaux sur Livron – Veynes, la remise en service de Clelles – Aspres et la modernisation du parcours Grenoble – Veynes avec à la clé une nouvelle offre Grenoble – Gap et une réflexion associant l’ensemble des acteurs de l’aménagement du territoire (puisse-t-elle faire école !).
Argentière - 7 juin 2014 - Un peu d'exotisme alpin : ligne de desserte fine du territoire mais liaison franco-suisse dans la mondialement connue vallée de Chamonix. Elle aussi soutenue dès les débuts de la régionalisation par un maire de Chamonix alors devenu vice-président de la Région en charge des transports, Saint Gervais - Vallorcine a pu faire valoir ses atouts en bénéficiant d'un processus de modernisation qui a tout de même duré un quart de siècle faute de moyens à la hauteur des besoins, mais la ligne est sauvée. © transportrail
Des projets en difficulté
La restauration d’une desserte voyageurs sur la rive droite du Rhône est un véritable serpent de mer et c’est finalement d’abord un projet porté par la Région Occitanie, bien que le dossier soit bien loin des enjeux toulousains. Qui plus est, les réflexions sont morcelées, ce qui pourrait poser assez rapidement problème, surtout si le fret reprenait des couleurs.
Grand projet à forte sensibilité, au moins autant que la Transalpine et le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise (CFAL) se retrouve à l’intersection entre la volonté de développer le RER lyonnais, et plus largement les liaisons régionales, et le développement du fret ferroviaire : l’articulation entre le CFAL et la Transalpine est souvent mise en avant, ce qui ne facilite pas l’adhésion au projet. La partie nord, entre les lignes d’Ambérieu et de Grenoble est moins en difficulté que la section sud censée rejoindre le triage de Sibelin. Question subsidiaire : le CFAL pourrait-il accueillir des trains de voyageurs ? La desserte de l’aéroport Saint Exupéry pourrait être un atout…
Lyon - Tranchée des Hirondelles - Juillet 2002 - Une autre époque : la CC6577 (une ex-CC21000), série prestigieuse qui finit un peu précipitamment sa carrière au fret. Le transit du corridor européen implique la traversée de Lyon, soit par la gare de Perrache, soit par celle de la Part-Dieu. Une contrainte pour le développement du transport ferroviaire de marchandises et l'essor des services voyageurs. Mais le chemin du CFAL est semée d'embuches. © transportrail
Conclusion : l’indispensable arrimage de l’Auvergne
La fusion des Régions Auvergne et Rhône-Alpes fait des liaisons depuis Clermont-Ferrand vers Lyon et Saint Etienne des sujets prioritaires pour assurer la connexion des réseaux de villes, et des dessertes ferroviaires.
Vichy - 9 juin 2012 - La relation Clermont Ferrand - Lyon joue un rôle désormais tout particulier dans l'organisation de la desserte du réseau de villes de la grande Région, mais elle est fortement concurrencée par la route en raison d'un temps de parcours assez moyen et d'une fréquence encore modeste. L'X76831/2 porte une livrée promotionnelle pour le tourisme en Auvergne. © transportrail
En complément, le renforcement de la liaison Saint Etienne – Le Puy apparaît nécessaire face au développement du trafic sur la RN88. Le devenir des liaisons transversales est aussi à prendre en compte : le rapport Avenir des TET préconisait 4 allers-retours entre Lyon et Nantes, connectant directement le Bourbonnais au système rhodanien. Derrière la question de la liaison Lyon – Bordeaux, émerge la desserte de Montluçon, en situation de fragilité économique et démographique. Les connexions vers le nord (Bourges), vers l’ouest (Limoges, Brive, Bordeaux) et vers le sud (Nîmes et l’arc languedocien) illustrent une marginalisation ferroviaire de l’Auvergne qui sera l’un des défis de la grande Région, surtout qu’il s’agit essentiellement de lignes de desserte fine du territoire avec d’importants investissements à mobiliser compte tenu de la faible implication de l’Etat.
Cöté Rhône-Alpes, les enjeux sont tout autres : l’Auvergne est une marge immense, alors que le système organisé par l’axe PLM, l’étoile de Lyon et le sillon alpin sont plutôt confrontés à des enjeux de croissance, requérant des investissements pour la capacité et la fiabilité du réseau. Pour autant, il faudra politiquement gérer les équilibres pour générer le consensus. Ce ne sera pas la tâche la plus facile…