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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Quel avenir pour Dol - Lamballe ?

Une ligne ou deux antennes ?

C’est une ligne un peu à part en Bretagne. Du point de vue de la géographie du réseau, ce n’est pas une antenne et pourtant, elle fonctionne essentiellement comme tel, partagée en deux de part et d’autre de Dinan, avec à l’ouest des trains pour Saint-Brieuc et à l’est des navettes Dinan – Dol-de-Bretagne, en correspondance avec les TER Rennes – Saint-Malo et les TGV Paris – Saint-Malo.

Les 68,7 km entre Dol et Lamballe appartiennent officiellement à la ligne de Lison à Lamballe, reliant les axes Paris – Cherbourg et Paris – Brest. Cependant, la section « normande » entre Dol et Lison relève d’une liaison entre Caen et Rennes mal en point elle aussi, confirmant la dualité fonctionnelle de la transversale Lison – Lamballe.

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C’est la section la moins bien équipée : la voie est usée et elle est exploitée en cantonnement téléphonique qui en limite sévèrement le débit à 14 trains par jour. C’est aussi la dernière section de la transversale Lison – Lamballe, ouverte le 29 décembre 1879, soit 19 ans après le premier maillon Lison – Saint-Lô, compensant la mise à l’écart de cette ville du tracé Paris – Cherbourg.

Le profil de la ligne est assez tourmenté avec des rampes de 15 ‰ et deux viaducs assez imposants : celui de Lessart sur la Rance et celui de la Fontaine des Eaux Minérales. Le premier a été détruit par les forces allemandes en 1944 et reconstruit en béton en 1949-1950 avec une seule arche de 90 mètres de long.

La gare de Dinan

Avant de s'intéresser au devenir de la ligne, un mot sur ce célèbre édifice, à l'architecture atypique. Edifiée en 1931, elle est l'oeuvre de l'architecte Georges-Robert Lefort. Elle a succédé au bâtiment d'origine Ouest. A l'initiative de l'incontournable Raoul Dautry, les Chemins de fer de l'Etat avaient engagé la modernisation de plusieurs gares par la construction de nouveaux bâtiments plus spacieux notamment dans les villes à caractère touristique. Le bâtiment a été classé à l'inventaire des Monuments Historiques le 21 novembre 1995. Cependant, son état est passablement dégradé. Dans cette ambiance très années 1930, ce bâtiment rappelle l'époque faste de ces lignes. On remarquera les mosaïques à l'intérieur : le plan de la ville et celui du réseau de l'Etat en Bretagne.

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Carte postale illustrant la gare primitive de Dinan dans la grande tradition des bâtiments type Ouest.

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La nouvelle gare de 1931 en impose par son cors central et son clocher supportant 4 pendules. Allure austère renforcée par les pierres locales qui ont été utilisées pour sa construction.

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Dans le hall de la gare : ci-dessus, le plan des environs de Dinan et ci-dessous le réseau ferroviaire des années 1930 avec la ligne de Dinard et les Tramways d'Ille et Vilaine... A noter l'éclairage très Arts Déco. © transportrail

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Desserte squelettique mais trafic routier soutenu

En 2017, la desserte voyageurs comprend 5 allers-retours Dinan – Dol et autant de Dinan – Saint-Brieuc, ainsi qu’une liaison de Saint-Brieuc à Dol. Gare d'arrêt général, Dinan constitue une rupture nette dans l'exploitation de la ligne. Les temps de parcours souffrent des ralentissements liés au mauvais état de l’infrastructure par l’absence d’investissement de renouvellement sur une ligne que certains aimeraient bien fermer sur l’autel « pas de trafic, pas de potentiel, pas d’avenir ». Seuls 10 km ont été traités, a minima, en 2013.

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Près de Plancoët - 25 août 1997 - Un perroquet breton (surnom dommé aux EAD rénovés en vert et blanc à la fin des années 1990) en direction de Lamballe : l'X4595 présentait alors bien mais ses performances n'étaient pas foudroyantes et le confort dépassé... © Ch. Wenger

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Landébia - 15 juillet 2006 - A l'ouest de la ligne, cet X2100 assure une relation en direction de Dinan dans cette ambiance toute bretonne. Côté performances, c'était un peu mieux que les X4500 : les X73500 aujourd'hui utilisés s'acquittent honorablement de la tâche avec une puissance accrue... mais non valorisée du fait des ralentissements pour défaut de maintenance... © F. Brisou

Le réseau routier supporte un trafic assez soutenu : la RN176, l’itinéraire le plus direct, majoritairement à 2 x 2 voies, relie la Bretagne au Cotentin et supporte en moyenne 15 000 véhicules / jour sur l’axe. La RD768, qui suit un itinéraire globalement équivalent au train, est empruntée selon les sections par 3000 à 7500 véhicules / jour, avec un pic entre Dinan et Plancoët. On notera que la RN176 connait de fréquentes difficultés de circulation car plusieurs points singuliers n'ont pas été mis à 2x2 voies, en particulier le franchissement de la Rance au nord de Dinan, qui se transforment en une dizaine de kilomètres de bouchon pendant les vacances (on le sait : on a essayé !)

Avec le ralentissement à 60 km/h, les temps de parcours ont nettement dérivé : 7 minutes perdues entre Dol et Dinan, 15 entre Dinan et Lamballe, avec un trajet Saint-Brieuc - Dol approchant des 1h30 contre 1h12 en 1998, avec certes 3 arrêts supplémentaires depuis. En situation nominale, le train n'a pas à rougir puisqu'il surclasse la voiture sur Dol - Dinan (21 minutes contre 28), fait jeu égal entre Saint-Brieuc et Dinan (50 / 52 minutes) et reste assez proche entre Saint-Brieuc et Dol (1h12 contre 1h02).

On ne compte guère que 700 voyageurs par jour sur l’axe avec une nette dissymétrie liée à l’attrait des correspondances TGV à Dol, offrant le meilleur temps de parcours pour Paris.

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Dol-de-Bretagne - 11 juin 2016 - Sur la voie A, cet X73500 stationne auprès de l'élégant bâtiment dont le nom officiel est (inspirez...) Gare de Dol-de-Bretagne et de la Baie du Mont Saint-Michel. Néanmoins, bien que stationnant près d'une heure dans cette gare, les TER venant de la transversale armoricaine ne rejoignent pas Saint-Malo. © E. Fouvreaux

Sans surprise, hors les deux gares extrêmes, le gisement de trafic se situe d’abord à Dinan (environ 250 voyageurs par jour) puis à Plancoët (environ 60). Les autres points d’arrêts enregistrent des fréquentations inférieures à 15 entrants par jour, posant immédiatement la question de leur intérêt : compte tenu des densités de population assez faibles autour de la ligne, l'impact du volume limité d'offre joue assez peu sur la chalandise.

Un budget au CPER : pour en faire quoi ?

La modernisation de l’axe est inscrite au CPER 2015-2020 pour 65,5 M€, mais les participations restent à stabiliser. La Région Bretagne apporte 25 M€, l’Etat 12,5 M€, SNCF Réseau 9,5 M€ et les collectivités locales devraient au total contribuer à hauteur du tiers du coût du projet.

L’analyse du tracé de la ligne ouvre la possibilité de relèvements de vitesses parfois très conséquents. L'armement historique en traverses métalliques limitait la vitesse à 100 km/h, en dépit d'un tracé plus favorable, mais qui correspondait peu ou prou aux performances atteignables avec les matériels des années 1950. Bref, il y a moyen de combiner renouvellement et amélioration des performances...

En 2017, la vitesse plafonnait à 80 km/h entre Dol et Dinan, et à 60 km/h de Dinan à Lamballe en raison de l’état de la voie. Le profil de la ligne admet néanmoins des vitesses supérieures, avec la possibilité d'atteindre au moins 110 km/h sur l'ensemble de l'axe et même 130 km/h sur 10 km sur la section Dol - Dinan et 18 km aptes à 140 km/h entre Plancoët et Lamballe. A la clé, des gains de temps importants pour replacer le train en situation avantageuse par rapport à la route.

Dans le meilleur des cas, la liaison Saint-Brieuc - Dol serait assurée en 1h04 (arrêts à Yffiniac, Lamballe, Plancoët et Dinan). Il faudrait ajouter 10 minutes supplémentaires pour desservir toutes les gares du parcours.

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Corseul Languénan - 30 juillet 2016 - Sur cette section où on peut encore rouler à 80 km/h, l'X73538 circule en direction de Dinan sur une voie à l'état en limite d'usure... comme tant d'autres lignes régionales sacrifiées sur l'autel de la préférence pour la route... © transportrail

Cependant, sur les 56 passages à niveau de la section Dol – Lamballe, 11 ne sont pas gardés, protégés par de simples Croix de Saint-André, limitant la vitesse à 100 km/h, au-delà de laquelle le passage à niveau doit être supprimé. Dans le lot, certains PN pourraient être simplement supprimés dans le cadre d’une rationalisation afin de réduire le nombre d’intersections à déniveler et donc le coût de l’opération.

Desserte : faire mieux pour moins cher

Le relèvement de vitesse offre des perspectives nouvelles pour repenser la desserte. Avec pragmatisme, sans attendre ces travaux, la lecture de la desserte montre des creux d'utilisation du matériel importants, notamment à Dol-de-Bretagne avec des stationnements de plus de 50 minutes, compatibles avec un prolongement des trains à Saint-Malo (80 000 habitants dans l'agglomération). Ce point semble fondamental puisque l'agglomération malouine regroupe à elle seule 42 % de la capacité d'hébergement du département d'Ille-et-Vilaine et 68 % de la capacité hôtelière de la Côte d'Emeraude (sur Saint-Malo, Dinard et Cancale). Plus de chiffres ? Près de 7,6 millions de nuitées, et 2,1 millions d'excursions à la journée. 40% des visiteurs de Saint-Malo proviennent d'Ile-de-France et près de 13% viennent de Bretagne.

En situation cible après travaux, la liaison Saint-Brieuc - Saint-Malo serait possible au mieux en 1h17 (arrêts à Yffiniac, Lamballe, Plancoët, Dinan et Dol) et au pire en 1h32 pour une desserte omnibus. En comparaison, les sites viamichelin et mappy donnent un temps de trajet routier en heures creuses oscillant entre 1h16 et 1h22. Bref, relever la vitesse et prolonger les trains à Saint-Malo instaurerait une diagonale armoricaine compétitive !

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Dinan - 11 juin 2016 - Eh oui il arrive que le ciel soit gris en Bretagne ! Au quai B, le TER Dol - Lamballe croise une rame montée de Lamballe et qui stationne une bonne partie de la journée à Dinan. Question productivité des moyens, on peut faire mieux ! On notera aussi l'état dégradé des quais et du bâtiment voyageurs. L'impression donnée est celle d'un quasi-abandon... © E. Fouvreaux

La desserte doit veiller principalement à préserver 2 objectifs ou contraintes :

  • l’insertion entre Lamballe et Saint-Brieuc à l’ouest ;
  • l’organisation des correspondances à Dol vers Rennes et Paris.

Cette desserte pourrait à la fois répondre aux besoins de déplacements entre les principales villes du nord Bretagne et être valorisée dans un cadre touristique : un accord entre les Offices de tourisme et la Région pourrait aboutir à la mise en place de formules combinées, par exemple avec la visite de Saint-Malo et un parcours en bateau vers Dinard ou avec la remontée de l’estuaire de la Rance. A trop se focaliser sur le domicile-travail / études, le train passe – on le dit souvent – à côté de foyers de trafic d’autant plus intéressants qu’ils peuvent venir alimenter les trains en heures creuses !

Quant aux coûts d'exploitation, sujet central de la soutenabilité des lignes régionales, la Bretagne pourrait prendre en point de comparaison le cas de Guingamp - Paimpol et Guingamp - Carhaix avec l'actuel contrat d'affermage à CFTA-Transdev que nous avons évoqué dans notre étude sur Guingamp - Paimpol et qui fut aussi un sujet de rapport pour le CEREMA.

Du mieux pour Dol - Dinan en 2020, la fin des travaux en 2023

Alors, « pas de trafic, pas de potentiel, pas d’avenir » pour Dol – Lamballe ? Manifestement ce n'est pas le crédo de la Région Bretagne puisque dans un premier temps, a été annoncé le 28 juin 2017 un investissement prioritaire entre Dinan et Dol, avec suppression des ralentissements et relèvement de vitesse à 120 km/h, ainsi que la mise à l'essai d'une desserte supplémentaire directe entre Rennes et Dinan, sans correspondance à Dol. Les travaux ont été engagés en décembre 2019 avec une fermeture de la ligne pendant un an. Le scénario retenu privilégie la voie, la plateforme et les ouvrages d'art, afin d'accélérer les trains sur la ligne. Le développement de l'offre et la mise en place d'une nouvelle signalisation sont reportés à une phase ultérieure, probablement dépendante de l'issue des études sur la section Dinan - Lamballe.

Les travaux sur la section Dinan - Lamballe ont été réalisés en 2023, restaurant une vitesse de 100 km/h. La modernisation de l'exploitation sur la totalité de la transversale armoricaine attendra encore, et on ne sent pas poindre de réflexion de fond sur la structure de la desserte, même dans les limites du cantonnement téléphonique qui pourrait quand même, en l'absence de fret, proposer 8 allers-retours par jour... Il faut un début à tout...

Un projet surprenant de Railcoop

En juin 2021, la coopérative Railcoop a notifié à l'Autorité de Régulation des Transports son intention d'assurer 2 allers-retours au parcours des plus étonnants, entre Massy-Palaiseau et Brest, transitant par Versailles, Mantes la Jolie, Evreux, Caen, Saint Lô, Folligny, Avranches, Dol, Dinan et Saint Brieuc. Un argument de plus aux doutes sur cette initiative...

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