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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Pour une relance des trains de nuit français

Un espoir et trois grands objectifs

La relance opérée par les ÖBB en Allemagne et sur des liaisons avec la Suisse et l’Italie, suscite un espoir certain parmi les partisans de cette offre ferroviaire quasiment décapitée avec zèle par la SNCF depuis plus de 30 ans.

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Vienne Hauptbahnhof - 1er juin 2018 - Icône de la renaissance du train de nuit sur le continent européen, Night Jet a récupéré le parc des City Night Line allemands, procurant à son offre de trains de nuit un niveau de confort assez hétérogène... en attendant l'arrivée de nouvelles voitures, d'abord sur les liaisons vers l'Italie, et le renouvellement des aménagements sur le parc encore récent. © transportrail

Le train de nuit est une solution économiquement viable, frugale en ressources publiques et en énergie, en poursuivant 3 principaux objectifs :

  • la desserte à l’écart des grands axes, notamment ceux bénéficiant de liaisons à grande vitesse : Paris – Rodez est en ce sens un exemple symbolique ;
  • l’augmentation de l’amplitude de service sur les  grands axes même, pénalisées par des départs hâtifs et des arrivées tardives dans une seule approche de services diurnes : difficile d’arriver à Nice ou à Bayonne à 9 heures du matin depuis Paris et, inversement, d’arriver dans la capitale avant midi depuis le Pays Basque ;
  • la réduction de l’empreinte environnementale des déplacements sur des parcours européens de moyenne distance, le train de nuit pouvant constituer une alternative non seulement à l’autocar mais aussi à l’avion.

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Bâle - 18 septembre 2018 - Un train autrichien, emmené par une locomotive allemande dans une gare suisse : l'Europe ferroviaire incarnée. Le succès des trains Night Jet des ÖBB suscite bien des convoitises parmi ceux qui espèrent le renouveau des trains de nuit en France. © transportrail

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La Roche sur Foron - 12 mars 2016 - Rebroussement de la tranche Saint Gervais du train des alpinistes Paris - Bourg Saint Maurice / Saint Gervais, disparu en fin d'année 2016. Les plus matinaux pouvaient en profiter pour assister aux manoeuvres avec un appareil photos en mains ! © transportrail

En France : la mer et la montagne, deux cibles de premier choix au départ de Paris...

Première destination touristique mondiale, la France dispose de deux atouts majeurs : la mer et la montagne. Ces destinations « naturelles » sont beaucoup moins cloisonnées qu’auparavant. On peut profiter de la montagne même quand il n’y a pas de neige… et aller au bord de la mer même en dehors de la période estivale.

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Latour de Carol - 7 juillet 2015 - La courte tranche de 4 voitures vient d'arriver à son terminus. La relance des trains de nuit passera aussi par le renouvellement du matériel roulant car les voitures Corail, plus que quadragénaires. C'est un exemple de relation d'aménagement du territoire du fait du temps de parcours diurne de la liaison avec Paris. Au passage, correspondance avec le Train Jaune, notamment pour rejoindre le domaine de Font-Romeu. © transportrail

Par conséquent, en matière de production du service, ces deux destinations principales se complètent parfaitement. Au-delà d’un socle de service à l’année, des offres de renfort pourront être mises en œuvre de décembre à avril vers la montagne et ensuite jusqu’en octobre vers les littoraux, laissant deux mois à l’opérateur pour assurer les grandes opérations de maintenance de ce parc.

Pour les destinations, il n’est nul besoin d’être vraiment innovant pour les définir : il suffit de reprendre la liste des destinations qui existaient au début des années 2000 et y aller par étapes successives en commençant naturellement par la mer (Irun, Port-Bou, Nice) et la montagne (Luchon après la réouverture de la ligne, Latour de Carol, Briançon, Bourg Saint Maurice, Saint Gervais, Evian) et le Massif Central (Albi). Dans notre proposition ci-dessous, un second train Paris - Brive est constitué avec la tranche Albi complétée par une liaison nouvelle vers Clermont-Ferrand (en essayant de viser une arrivée avant 8 heures) via Aurillac, pour desservir le Cantal et, en hiver, la station du Lioran.

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Paris Austerlitz - 6 juillet 2015 - Rendez-vous des voyageurs de la nuit, la gare d'Austerlitz serait, dans notre étude, toujours au coeur du dispositif des liaisons au départ de la capitale. © transportrail

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Gap - 8 mars 2015 - Encore une aubaine de lève-tôt : le jour commence à se lever à Gap sur le Paris - Briançon, parmi les derniers trains de nuit sauvés du démantèlement, compte tenu de son rôle territorial déterminant sur l'économie des Hautes Alpes. © transportrail

... et pour les transversales aussi !

Paris n'est pas le centre du monde (c'est la gare de Perpignan) et il faut aussi prendre en considération les liaisons transversales dans cette évaluation du domaine de pertinence des trains de nuit.

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Sur cette carte, on retrouve la liaison Lorazur, depuis Strasbourg et Luxembourg, en direction de Cerbère et Nice en été, vers Saint Gervais et Bourg Saint Maurice en hiver. Un principe similaire serait adopté au départ de Lille, peut-être en concentrant la desserte en hiver sur une seule vallée (nous avons privilégié la Tarentaise). Tracée via Saint Quentin, Reims et Chaumont, elle nécessiterait des locomotives bimodes.

La liaison Lyon - Nantes - Le Croisic est elle aussi de retour, complétée de 2 nouvelles tranches : l'une pour Cherbourg et l'autre pour Rouen (histoire de ne pas susciter de jalousies entre normands). En hiver, la liaison rejoindrait elle aussi la Tarentaise et la Vallée Blanche. Cette liaison aurait elle aussi besoin de machines bimodes en attendant l'électrification de Nevers - Chagny.

Au chapitre des revenants, le train Nantes - Nice qui, bien placé, pourrait comporter des voitures de jour pour les parcours Nantes - Bordeaux et Marseille - Nice. Moyennant un départ avant 20 heures, cela semble jouable. Une liaison Genève - Lyon - Toulouse - Bordeaux / Hendaye serait elle aussi proposée complétant la desserte est-ouest sur la transversale sud.

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Mosnac sur Seugne - début des années 1980 - Autres temps, autres moeurs ferroviaires... Une CC72000 tracte une composition hétéroclite formée de DEV Inox, de Corail à compartiments et d'une UIC, contribuant à une relation Nantes - Nice de nuit, puisque Corail et UIC de cette rame sont des voitures couchettes. (cliché X)

Un problème de capacité nocturne du réseau

Le retour en grâce du train de nuit sur le réseau ferroviaire français pourrait aussi bousculer la routine installée en matière de maintenance de l'infrastructure. Compte tenu du retard accumulé depuis le milieu des années 1980, au point de ne traiter que 500 km par an quand il en faudrait au moins le double pour rajeunir les installations, et du fait d'un Etat pingre, les travaux sur le réseau structurant sont souvent massifiés, avec des interceptions dans les 2 sens pour réduire les coûts (et certes améliorer la sécurité du personnel).

Bilan, la capacité du réseau pour les circulations diminue et, comble du paradoxe, le principe de simultanéité est de mise même sur les sections dotées d'installations de contresens ou banalisées (pourtant rares). Mobiliser 6 à 8 heures par jour, dans les 2 sens, n'est guère compatible avec une augmentation des recettes de circulation. Alors un coup de pression des opérateurs pourra-t-il changer la donne ? L'Etat devra assurément mettre la main à la poche, même s'il y a assurément un important travail de réorganisation des travaux à opérer du côté de SNCF Réseau. Des lignes faiblement circulées (ce qui est quand même globalement le cas en France), cela incite le mainteneur à prendre des habitudes qui ne sont pas forcément bonnes...

Un ou plusieurs opérateurs ?

Le cas des ÖBB lors de la reprise des City Night Line allemands donne un élément de réponse.

Dans le cas français, on peut imaginer une première possibilité en open-access complet, à l'image des ÖBB en Allemagne ou de Thello actuellement en France, mais dont la situation économique peu florissante a été aggravée en 2020 par la pandémie. Il est cependant également envisageable de maintenir une logique contractuelle entre l'Etat et un ou des opérateurs par un système d'appel d'offres, par conséquent en délégation de service public, avec financement du déficit d'exploitation par l'Etat autorité organisatrice et un objectif de réduction progressive de la contribution publique liée à l'évolution des résultats des relations, pour essayer de tendre vers un équilibre des services, d'abord hors amortissement du matériel roulant.

Sur les liaisons intérieures, le partage semble relativement limité avec 2 lots principaux sur les liaisons radiales (un vers les Pyrénées et l’Atlantique, un vers les Alpes et la Méditerranée). Pour les liaisons transversales, le découpage relèverait d'un travail d’équilibriste. Par conséquent, la solution de simplicité et peut-être la plus attractive pour ce marché, serait de constituer un lot unique pour le marché intérieur, bref une délégation de service public à l’échelle nationale... à moins que le marché intéresse suffisamment de monde pour envisager une solution en open-access, mais cela semble pour l'instant assez peu probable en dépit du succès autrichien...

Un retour timide

Trois liaisons ont été partiellement ou totalement rétablies, avec les moyens du bord, en allant chercher des voitures remisées sur des voies de service en attendant démolition. Ainsi, devant le mouvement européen favorable au retour des trains de nuit, la liaison Paris - Nice a été rétablie. La desserte du piémont pyrénéen aussi, avec un prolongement à Hendaye en été. Enfin, plus surprenant, Aurillac a aussi retrouvé sa liaison directe avec Paris. Pour faire plus, il faudrait du matériel neuf... et c'est là que la politique française atteint ses limites : il faudrait environ 600 voitures et une quarantaine de locomotives. Faute d'investissement de l'Etat ou de mise en place d'un contrat de service public incluant la fourniture du parc, le devenir des trains de nuit français reste précaire.

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