Canalblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Pendulons entre Erfurt et Würzburg

Une voie unique à caractère interrégionale

C’est une liaison transversale entre le Land de Thuringe et le nord du Land de Bavière, dont les caractéristiques ne sont pas sans rappeler quelques relations françaises : un parcours très majoritairement dépourvu de caténaire, une infrastructure à voie unique sur environ la moitié du trajet, des courbes assez serrées sur un profil pas vraiment montagnard mais assez vallonnée dans la première partie du parcours. En dépit d’un usage avant tout régional, l’infrastructure empruntée est bien une Hauptbahn, une ligne principale, et non pas une Nebenbahn, ligne secondaire, qu’on pourrait en partie assimiler aux « lignes de desserte fine du territoire » (alias UIC 7 à 9) en France…

230918_612-675erfurt1

Erfurt - 23 septembre 2018 - Embarquement pour Würzburg à bord de ces VT612 pendulaires dans une gare d'Erfurt assez atypique avec une voie de passage par sens et des voies centrales utilisées en fonction de terminus. © transportrail

230918_612-674bad-neustadt2

Bad Neustadt - 23 septembre 2018 - Croisement de deux RE7 en gare de Bad Neustadt. L'aménagement des quais est pour le moins réduit à se plus simple expression. Le photographe est prié de se dépêcher car, même avec croisement, les stationnements sont courts... © transportrail

230918_612-675schweinfurt1

Schweinfurt - 23 septembre 2018 - Rebroussement en 4 minutes pour la rame désormais composée de 3 éléments. La section finale entre Schweinfurt et Würzburg s'effectue sois caténaire, mais en traction Diesel puisqu'il n'existe pas de matériel roulant bimode en Allemagne. © transportrail

Quittant l’axe électrifié à Neudietendorf à une altitude de 248 m, la ligne grimpe à 640 m en 40 km avec un point culminant à Oberhof, avant de revenir à la cote 300 m à Grimmenthal, au PK 71,6, soit une rampe moyenne de 9,8 pour mille, avec un pic à 14 pour mille entre Gräfendora et Oberhof. Sur le versant sud, entre Oberhof et Suhl, le profil est plus raide avec une rampe moyenne de 17,6 pour mille, ce qui met à contribution la motorisation des VT612, dotés de 1120 kW pour 116 t (soit 9,7 kW / t). La partie bavaroise est plus régulière avec cependant une ascension de 11 pour mille entre Meiningen et Rentwertshausen.

100614_612-gehlgberg_mwieske

Gehlberg - 10 juin 2014 - Dans l'ascension qui mène au Breitletetunnel, dans la partie la plus forestière du parcours, la voie unique est dédoublée entre l'amont de la gare de Gehlberg et Oberhof, constituant une zone d'évitement dynamique facilitant la régulation du trafic. On peut mesurer aussi la légère pendulation des VT612. © M. Wieske

100614_612-684oberhof-mwieske

Oberhof - 10 juin 2014 - L'ambiance à la sortie du Brandleitetunnel, dans la petite gare de Oberhof, se fait plus montagnarde. C'est aussi la fin de la zone d'évitement à double voie. © M. Wieske

Les bénéfices de la pendulation (n’y voyez aucune malice…)

Les nombreuses courbes de 500 m de rayon constituent le terrain d’une intéressante comparaison franco-allemande : en France, il est vrai avec une tolérance d’insuffisance de dévers plus importante, les abaques vitesses / rayon donnent une vitesse admissible de 110 km/h. Sur de telles courbes sur l’itinéraire Erfurt – Würzburg, la pendulation procure un gain de 20 km/h. Même écart constaté sur des courbes de l’ordre de 400 m, ce qui reste tout de même très appréciable.

230918_annonce-bad-neustadt2

Bad Neustadt - 23 septembre 2018 - Vue depuis la cabine de l'annonce de la gare de Bad Neustadt avec à gauche le repère kilométrique de la ligne et à l'arrière-plan le signal annonçant une réception à 60 km/h avec un avertissement, puisque le train croiseur arrive quasiment en même temps en gare. © transportrail

La liaison « Mainfranken-Thüringen Express », entre Erfurt et Würzburg comprend 8 allers-retours par jour cadencés aux 2 heures, assurés par des autorails pendulaires de DB Regio, série VT612. Sur un parcours de 207 km, et avec un temps de parcours de 2h21, la relation atteint une vitesse moyenne de 88 km/h avec 12 arrêts intermédiaires dont un rebroussement à Schweinfurt. A Ebenhausen, une rame supplémentaire est ajoutée, assurant la desserte de l’antenne de Bad Kissingen : ces deux arrêts allongent respectivement à 7 et 4 minutes.

230918_612-035ebenhausen3

Ebenhausen - 23 septembre 2018 - Tout va bien, rassurez-vous : réception sur voie occupée pour que les 2 éléments venus d'Erfurt s'accouplent à celui venu de la courte antenne de Bad Kissingen. Arrivée à 60 km/h en zone de gare puis à 20 km/h à quai. © transportrail

La technique pendulaire a procuré un gain de temps de 24 minutes par rapport à l’emploi de trains classiques, mais la mise au point n’a pas été sans difficultés : la fiabilisation des VT612 a pris du temps, et ce n’est qu’au service annuel 2010 que le service a pu être rétabli normalement, soit 5 ans après l’homologation des VT612.

080414_612-486ranna_mmessa

Quittons temporairement Erfurt - Wurzburg pour illustrer les aptitudes pendulaires des VT612, qui ont concouru à la réduction significative du temps de parcours de nombre de relations régionales en Allemagne. Mais il faut une infrastructure en bon état et correctement maintenue... © M.Messa

311015_612-035waigolhausen

Waigolshausen - 31 octobre 2015 - Sur la section terminale électrifiée entre Schweinfurt et Würzburg (axe Würzburg - Bamberg - Nuremberg), les conducteurs peuvent pousser jusqu'à 160 km/h, vitesse qui peut être tenue grâce à la pendulation sur les courbes. © M. Helbig

La pendulation est assez saisissante quand on observe la voie de face, car le mécanisme est correctement géré sans provoquer de sensation désagréable pour le voyageur : tout au plus, pour celui qui sera à la place de l’amateur (derrière la cabine avant puisque nombre de conducteurs n’occultent pas la vitre par le rideau, merci à eux !), une sensation assez particulière d’arriver franchement vite dans la courbe.

230918_plaue-grafenroda1

Entre Plaue et Grafenroda - 23 septembre 2018 - 115 km/h sur cette section de voie unique dans un environnement très boisé. La voie est généralement de bonne qualité, mais on ressent parfois des irrégularités... qui ne sont en rien comparables à ce que subissent nombre de lignes régionales françaises. © transportrail

Carnet de voyage

Nous avons donc embarqué à Erfurt un dimanche matin à bord du train sobrement désigné RE7, quittant la capitale de Thuringe à 9h35 pour une arrivée juste avant midi à Wüzburg. Une soixantaine de voyageurs avait pris place à bord des deux VT612, après l’escalade des 4 marches d’accès : qui dit pendulation dit plancher haut avec de surcroît une lacune horizontale importante du fait du profil de la caisse.

VT612acces

Erfurt - 23 septembre 2018 - L'accès au VT612 est peu aisé : technique pendulaire oblige, le plancher se situe à 1250 mm et la première marche est assez éloignée du quai. © transportrail

230918_612-674mellrichstadt2

Mellrichstadt - 23 septembre 2018 - Avec heureusement 2 portes par voiture, l'accès au train est relativement rapide, ce qui compense un peu la hauteur des plateformes. Le conducteur est à sa fenêtre : c'est lui qui gère complètement le service voyageurs jusqu'au départ. © transportrail

VT612plateforme

Visite du VT612 : commençons par la plateforme d'intercirculation, qui peut accueillir vélos, poussettes. Pour les fauteuils roulants, c'est évidemment plus compliqué : ce matériel - quoique récent - n'est pas accessible... © transportrail

La première classe propose un aménagement à 4 places de front avec sièges en cuir, pas de sièges généreux et des tables fixes relativement commodes du moins pour ceux qui s'installent près de la fenêtre. Prise de courant incluse et impression assez satisfaisante : tout au plus, notera-t-on un manque de maintien latéral qui serait bienvenu sur les itinéraires sinueux. En seconde classe, sièges classiques en velours bleu, mais avec un confort frustre. Dommage. En ligne, le matériel s'avère assez silencieux mais il faut choisir sa place pour s'éloigner des moteurs, sinon, les principales perturbations sonores proviennent de grésillements et des mouvements de la porte séparant les salles de la plateforme.

VT612interieur-premiere

Première classe : l'ergonomie des sièges est correcte, mais les places côté couloir ne peuvent complètement profiter de la tablette. Un peu plus de maintien latérale serait le bienvenu également. © transportrail

VT612interieur-seconde

En seconde classe, le siège est plus raide, recouvert de velours. Les places en file disposent d'une petite tablette, bien moins commode que celle de nos matériels français. © transportrail

Avec un départ parfaitement ponctuel (H+00 secondes), la première séquence du parcours est promptement menée à 140 km/h dans la plaine jusqu’à Arnstadt, avec des arrêts calibrés à 30 secondes. Le profil se fait alors plus sinueux avec des vitesses oscillant entre 90 et 140 km/h sur une voie d’apparence très correcte mais qui petit à petit va révéler des imperfections en dépit d’un travelage béton serré et d’une bonne épaisseur de ballast.

 De toute façon, la pendulation impose une maintenance suivie du fait d’une plus forte sollicitation de la voie dans les courbes (même avec un matériel léger), mais c’est plutôt sur sections en alignement qu’ont lieu les mouvements les moins agréables liés aux défauts de géométrie de la voie. Sur de telles irrégularités, le gestionnaire français aurait peut-être commencé à appliquer des ralentissements à 100 km/h…

En revanche, le conducteur, qui a la gentillesse de laisser le rideau de cabine ouvert (danke !), ne sourcille pas et tient le trait. Les quelques amateurs de randonnée ou de VTT ont entrainé un allongement des temps d’arrêt, tous prévus à une minute et le train affiche 1 min 25 de retard (dixit l’écran intégré affichant le bulletin de marche dynamique). Par la suite, plusieurs arrêts seront accélérés à 30 secondes, sans pour autant presser les voyageurs en dépit des 4 marches d’accès au train.

Quittant la Thuringe pour le nord de la Bavière, la voie devient moins bonne mais pour autant, la vitesse reste soutenue, et le Erfurt – Würzburg s’offre régulièrement une pointe à 140 voire 160 km/h sur des sections globalement en alignement, même si, de temps en temps, le bogie grogne un peu…

C'est ce qui s'appelle tenir le trait... © transportrail

A Ebenhausen, notre UM2 rentre sur une voie occupée, dûment annoncée avec une entrée d’abord à 60 km/h puis une approche à 20 km/h de la rame à laquelle nous allons nous atteler. Mouvement intéressant à suivre : le conducteur venu d’Erfurt reste dans le train en voyageur mais rejoint la cabine de queue du convoi, puisqu’il reprend les commandes au rebroussement de Schweinfurt. Le tout opéré en 4 minutes. Même chose pour le rebroussement, les 3 minutes économisées sur l’horaire théorique permettant au RE7 de se remettre dans l’horaire pour une arrivée à Würzburg ponctuelle pour la petite centaine de voyageurs descendant du train.

230918_612-675wurzburg

Würzburg - 23 septembre 2018 - Terminus, tout le monde descend. Le noeud de correspondance en symétrie 00-30 est en pleine action et on aperçoit à gauche un ICE3 entrant en gare. © transportrail

Une précision enfin : sur cette liaison, le service est assuré par deux agents mais c’est au conducteur que revient la mission de gérer l’autorisation d’ouverture et la séquence de fermeture des portes. Le deuxième agent assure le contrôle, très régulièrement d’ailleurs, en dépit de l’exploitation en UM2.

Cette relation régionale entre deux Landers est assez peu connue mais ne manque pas d'intérêt pour l'amateur et quiconque s'intéresse à la relation entre le réseau ferroviaire et l'irrigation des territoires... et aux vertus de la pendulation sur ce type de dessertes...

Publicité
Publicité
Publicité