Canalblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Paris-Nord : une gare en évolution perpétuelle

La gare du Nord est, en additionnant le trafic national, international et celui de la banlieue (RER inclus), la plus importante d'Europe avec 700 000 voyageurs par jour. Si la partie RER vient de bénéficier d'une rénovation salutaire et plutôt réussie quoique manquant un peu de couleur, la partie "Grandes Lignes" est devenue trop exiguë : la gare du Nord va être une nouvelle fois transformée.

La gare du Nord : 160 ans d'évolutions et de transformations

CP-gare-du-nord

Premiers autobus, tramways, vélos et même charrettes à bras. Ambiance années 1910 devant la gare du Nord dont la façade constituait pour l'époque une véritable innovation architecturale et technique.

L'actuelle gare du Nord a été construite entre 1861 et 1865, en remplacement de l'embarcadère primitif devenu trop exigu, et dont le bâtiment a été en partie réutilisé pour édifier l'actuelle gare de Lille-Flandres. Elle est constituée d'une façade en pierre décorative, ornée de 25 statues allégoriques représentant les villes accessibles par le chemin de fer (villes françaises au premier niveau, villes européennes au faîte du bâtiment). Ce bâtiment masque une armature métallique de 72 m de portée et 180 m de longueur, s'appuyant sur 4 séries de colonnes corinthiennes culminant à 38 m de hauteur. Elles ont été fabriquées en Ecosse, où était implantée la seule usine du monde capable de produire des objets en fonte d'une telle dimension.

La gare dut être agrandie pour faire face aux besoins du trafic, et notamment de celui de la banlieue parisienne. Initialement, le bâtiment construit par Hittorf accueillait 8 voies : la première extension en ajouta 5 dès 1877. Douze ans plus tard, la gare était dotée de 5 voies supplémentaires. Devant l'explosion du trafic, une annexe comprenant 10 voies, accueillant principalement les trains en direction d'Aulnay sous Bois, Mitry et Crépy en Valois, fut établie sur le flanc est : la gare comptait alors 28 voies, contre 8 seulement 35 ans plus tôt.

Dans les années 1930, la réorganisation du plan de voies d'entrée de la gare fut menée pour fluidifier le trafic, en dissociant les faisceaux selon une logique assez voisine de celle de la gare Saint Lazare : Aulnay (gare annexe), Montsoult, Persan et Pontoise. L'introduction de la réversibilité sur le parc banlieue facilita l'exploitation, avec cette particularité consistant à arrêter les trains à environ 50 m des heurtoirs, de sorte que les locomotives ne pénètrent pas sous la verrière afin de ne pas l'enfumer. Seuls les machines des trains Grandes Lignes avaient l'autorisation de pénétrer jusqu'aux heurtoirs.

En 1958, la traction électrique fit son apparition avec l'achèvement de l'opération Paris - Lille. Il fallut attendre 1970 pour que la vapeur disparaisse du service de la banlieue, certaines lignes restant assurées en traction Diesel.

310558_paris-nord-sncf

Paris Nord - 31 mai 1958 - Sur ce cliché, les poteaux caténaire de l'électrification Paris - Lille annoncent le début de la régression de la traction vapeur sur le réseau Nord. Cette vue offre un panorama complet sur les installations avec les extensions successives autour de l'imposante verrière Hittorf. A l'extrême gauche, la gare annexe. (archives SNCF)

130659_232U1paris-nord-sncf

Paris Nord - 13 juin 1959 - Sur la voie 18, arrivée d'un rapide tracté par la 232U1, l'une des locomotives les plus prestigieuses du Nord, mais, si discrète soit-elle, la caténaire est arrivée. (archives SNCF)

280660_paris-nord-sncf2

Paris Nord - 28 juin 1960 - Vue intérieure montant non seulement l'architecture de la verrière et la légèreté des fermes Polonceau qui en constituent la structure, mais aussi du quai transversal et des coursives des locaux administratifs. (archives SNCF)

 

280660_PNOvitrines

Paris Nord - 28 juin 1960 - A l'entrée de la gare, se trouvaient de nombreuses vitrines publicitaires et quelques boutiques de très faible surface. On remarquera également l'affichage lumineux pour les réservations dans les TEE récemment créés. (archives SNCF)

Une nouvelle transformation majeure de la gare du Nord fut engagée dans les années 1970 : la gare annexe fut détruite et une partie des immeubles la bordant aussi, pour dégager l'espace nécessaire à la construction de la gare souterraine destinée à accueillir le RER B et la future ligne D. Dotée de 4 voies souterraines, elle allait être surmontée de 6 voies dédiées à la banlieue, libérant, par un nouveau remaniement du plan de voies, la halle principale au profit des Grandes Lignes. Le tout était surmontée d'une dalle accueillant autobus et taxis. Au sud de cet ensemble, donnant sur la rue de Dunkerque, un parking hideux allait voisiner l'élégant bâtiment Hittorf.

La renaissance de la gare débuta dans les années 1990 afin de préparer l'arrivée du TGV Nord, d'Eurostar et de Thalys nécessitant des voies de grande longueur pour accueillir des rames de 400 m, et une séparation de l'espace pour le contrôle douanier avant l'accès aux Eurostar. Des travaux gigantesques menés sans interception de l'exploitation. Autre évolution de la gare du Nord, moins visible mais toute aussi spectaculaire : l'arrivée du RER E et la jonction de la gare Magenta, dédiée à cette nouvelle ligne, à la gare RER existante, amplifiant le rôle de carrefour de la gare du Nord par la création d'une liaison vers l'Est d'une part et vers le quartier Saint Lazare d'autre part.

250414_PSE92+4343paris-nord

Paris Nord - 25 avril 2014 - Les derniers réaménagements de la gare de surface remontent à l'arrivée du TGV. La gare du Nord est la porte d'entrée en France depuis l'Europe du Nord. Un TGV Sud-Est sur une liaison Paris - Lille voisine un Thalys, tandis qu'on aperçoit le grillage qui cloisonne l'espace Eurostar. © transportrail

Enfin, à la fin des années 1990, le réaménagement de l'espace banlieue fut enfin décidé : jugé sordide, malfamé même, l'opération entraîna l'heureuse disparition de l'immonde parking. Une nouvelle verrière fut érigée à l'est de l'existante, offrant une très grande luminosité au pôle Transilien et aux accès au métro. Une quarantaine de boutiques furent installées au niveau mezzanine de la salle d'échanges RER, démontrant l'intérêt de la commercialisation des espaces pour la SNCF et d'une offre de services diversifiés pour les voyageurs : la gare n'est plus un simple lieu de transit.

plan-gare-du-nord-coupe

2018-2023 : une nouvelle gare du Nord se prépare

Dans un précédent article, nous avions déjà évoqué le projet de transformation. Celui-ci est désormais engagé.

Dans un premier temps, le "bloc Eurostar" avec son hall d’embarquement dédié (contrôle douanier oblige) est complètement réorganisé pour augmenter sa capacité d'accueil. Travaux imposés par l’arrivée des nouvelles rames e320 plus capacitaires mais aussi par le besoin de renouveler le service, sur une liaison d'affaires où la concurrence aérienne reste vive. Une mezzanine est en cours de construction au-dessus du hall existant, afin de gagner de l'espace pour la zone d'accueil des voyageurs Eurostar ainsi que pour l'espace salon.

L'ambition de la SNCF pour la gare du Nord va plus loin. Le projet représente un investissement considérable de 600 M€. Dans un récent reportage diffusé sur RMC Découverte, Patrick Ropert, le directeur de Gares & Connexions, le comparait au projet londonien de Saint Pancras, en soulignant que la grande différence entre les deux projet tenait essentiellement au fait que la gare du Nord allait être rénovée en maintenant l'exploitation, ce qui n'était pas le cas de l'autre côté de la Manche. Il fait également état des nombreuses difficultés techniques du site, notamment avec la structure du bâtiment et de la verrière qui imposent de fortes contraintes de conception pour préserver celle qui est reconnue comme l'une des gares les plus élégantes.

paris-nord-projet-1

Première esquisse de la nouvelle Gare du Nord avec le hall des départs sur une large passerelle située devant la verrière historique. (document Wilmotte)

Le principe de la nouvelle gare consiste en l'utilisation de l'espace actuel en hall des arrivées. Un hall des départs sera créé de toutes pièces au-dessus des voies, au-delà de la verrière, au moyen d'une passerelle de 160 m de long et 60 m de large. Les travaux dans la gare actuelle débuteront en 2017, dès la fin des travaux du terminal Eurostar, avec dans un premier temps le maintien des fonctions départ et arrivée. L'espace du quai transversal sera dégagé, les commerces regroupés dans le rez de chaussée du bâtiment. La futur hall des départs sera quant à lui mis en travaux en 2018. Il sera connecté au pôle Transilien par son entrée nord et doublera donc l'itinéraire existant du passage souterrain à mi-quai.

C'est à partir de 2018 que commenceront les travaux de construction du nouveau hall des départs surplombant les voies, avec en parallèle une nouvelle extension de l'espace Eurostar, qui absorbera par une nouvelle verrière l'actuelle station de taxis située à l'ouest du bâtiment actuel. Il se confirme que les bureaux SNCF logés dans le bâtiment Etoile du Nord devront déménager pour transformer le site en hôtel de luxe... si Paris accueille les JO de 2024.

paris-nord-projet-2

A cet emplacement, aujourd'hui, la vaste pagaille et les engueulades entre chauffeurs de taxis : demain, une extension du hall d'accueil des voyageurs et à gauche, le bâtiment Etoile du Nord accueillant aujourd'hui des locaux SNCF... qui seraient reconvertis en hôtel de luxe. (document Wilmotte)

A l'est, le hall Transilien sera complètement intégré dans un centre commercial qui enserrera également le terminal des autobus de la RATP situé sur la dalle des voies Transilien 30 à 36.

Côté voirie, la rue de Dunkerque sera rendue aux piétons, délivrée des taxis et autres VTC. Les autobus verront leurs itinéraires modifiés. Le cheminement piétons sera également repensé avec la Ville de Paris pour améliorer la connexion avec la gare voisine de l'Est.

paris_nord_projet_3

 Les quatre blocs de la future gare du Nord : au sud, la zone d'arrivée ; à l'ouest, le terminal Eurostar ; à l'est, la gare Transilien ; au nord le hall des départs Grandes Lignes.

Si, vis à vis du RER, le schéma proposé est assez logique puisqu'il permettra de rééquilibrer les flux vers le nord alors qu'ils sont aujourd'hui majoritairement concentrés au sud de la gare des lignes B et D, il en est manifestement tout autrement pour le métro, dont les stations sont au sud de la gare : comment seront organisés les cheminements pour que les voyageurs arrivant en gare par le métro puissent rejoindre les trains via le hall des départs situé à l'autre extrémité de la gare ?

Publicité
Publicité
Publicité