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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Nez cassés sur 6 essieux

Des locomotives de vitesse pour les Trans Europ Express

Le premier nez cassé de la SNCF fit son apparition en 1964, et de quelle façon : une locomotive électrique quadricourant - 1500 V, 3000 V, 15000 V et 25000 V - pour circuler à peu près partout en Europe : en une seule machine, l'ancêtre de Thalys et d'Eurostar en quelque sorte ! Les Rae 1051 à 1054 des CFF, automotrices également aptes à circuler sous 4 tensions, étaient presque leur égal : ne leur manquait que le gabarit anglais, car les CC40100 avaient été conçues dans la perspective du projet de tunnel sous la Manche.

Taillées pour 240 km/h, ces locomotives ne dépassèrent pas les 160 km/h et furent cantonnées aux liaisons entre la France et la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne ne les admettant pas sur leur réseau alors que les CC1800 belges, sœurs jumelles des CC40100 françaises, pouvaient circuler sur ces réseaux.

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Appilly - 2 octobre 1991 - Un TEE France-Belgique avant l'époque Thalys, avec des voitures TEE64 et sa CC40100 inaugurant cette forme si particulière des locomotives électriques françaises produites entre 1964 et 1986. Au fil du temps, la taille et la forme du museau va évoluer pour renforcer la sécurité passive. ©  B. Stephenson.

Le nez cassé français était l’incarnation du TEE de prestige d’autant plus que la CC40100 était en tête des voitures TEE64 en acier inoxydable, d’un très grand niveau de confort. L’esthétique remarquable de l’ensemble incarnait non seulement la modernité ferroviaire mais aussi l’amorce d’une Europe des chemins de fer, même limitée aux liaisons entre la France et la Belgique, l'interdiction les frappant en Allemagne et aux Pays-Bas n'ayant jamais été levée.

Revers de la médaille, les CC40100 avaient pour défaut une certaine fragilité de conception et une complexité technique non négligeable. La CC40100 était à la base une locomotive à courant continu avec une chaîne de traction proche de celle des BB9200 avec des bogies monomoteurs et 2 induits par moteurs fonctionnant en parallèle sous 1500 V et en série sous 3000 V. Le couple transformateur et redresseur à diodes au silicium assurait le fonctionnement sous 15000 et 25000 V. Quant aux bogies, leur transmission était finalement assez proche des BB16500 et CC7100.

Les trois premières unités étaient nettement moins puissantes que le reste de la série, et les trois types de moteurs pour seulement 10 machines ne faisaient pas forcément le bonheur du mainteneur. Leur carrière, bridée en partie pour des raisons politiques, s’acheva en 1996 avec la mise en service des Thalys entre la France, la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne.

CC72000 : le Diesel grande puissance

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Saint Hilaire du Rosier - 22 mars 1987 - Assurant un Express Genève - Irun, La CC72005 entre sur l'évitement de cette gare du sillon alpin sud, aujourd'hui partiellement doublé. La locomotive porte sa livrée d'origine, sauf les baies d'angle de la cabine, occultées. © R. Cornu-Emieux.

Rien que d’évoquer leur nom, les amateurs ne tarissent pas d’éloges sur cette locomotive Diesel, figure désormais mythique de la modernisation du réseau ferroviaire dans les années 1960, aboutissement dans la quête d’engins autonomes de grande puissance pour éliminer la traction vapeur, en particulier les 241 A et 241 P respectivement sur Paris – Bâle et Paris – Clermont-Ferrand. Commandées à 92 exemplaires à partir de décembre 1965, la carrière des CC72000, la plus puissante des locomotives Diesel françaises et la seule à ce jour à avoir été autorisée à 160 km/h a déjà été relatée dans un dossier de transportrail.

CC6500 : le mythe électrique

En résumé, la CC6500 était une CC72000 en version électrique. Flamboyante avec sa livrée gris / rouge / orange, la CC6500 incarna surtout la conquête de la haute vitesse, en tant que première série conçue d’emblée pour circuler à 200 km/h en tête des meilleurs rapides du Sud-Ouest. Après une décennie de locomotives de vitesse aptes à 160 km/h en configuration BB, incarnées par les BB9200, 9300 et 16000, la SNCF dut se résoudre à réexaminer l'intérêt du bogie C face à la nécessité d'augmenter les tonnages des circulations et leur vitesse pour atteindre 200 km/h. Avec une charge à l'essieu de 23 tonnes maximum, les BB ne pouvaient guère tracter plus de 400 tonnes à 200 km/h avec une puissance. Le retour au bogie C allait permettre de concilier la haute vitesse et des trains plus capacitaires, donc plus lourds. Objectif : 650 tonnes.

Les CC6500 utilisent des solutions déjà appliquées sur d'autres locomotives de la SNCF : la transmission Jacquemin des BB 9200, 9300 et 16000, le double rapport de réduction des BB16500, le graduateur d'élimination des résistances (JH) découle des BB9400, mais sans introduction de l'électronique de puissance. La CC6500 est la dernière dans ce cas. C'est aussi la dernière série électrique montée sur bogies à 3 essieux en France.

Mises en service en 1969, les CC6500 étaient assorties aux voitures Grand Confort livrées simultanément pour le Capitole, l’Etendard et l’Aquitaine, mais aussi aux TEE69 des Mistral, Lyonnais et autre Aquilon. Leurs 5900 kW fournis par 2 moteurs auto-ventilés leur procuraient aussi de bonnes aptitudes pour les trains de marchandises d’autant qu’elles étaient munies d’un double rapport de réduction pour une circulation à 100 km/h en tête de trains lourds. Sur les trains de voyageurs, elles furent au sud-est engagées sur des trains aptes à 160 km/h dont la masse pouvait atteindre 780 tonnes. Au sud-ouest, les 650 tonnes de référence pour les trains aptes à 200 km/h furent parfois dépassés et les mécaniciens devaient littéralement se battre contre leur machine pour en donner le meilleur et tenir autant que possible des horaires déjà tendus sur les rapides et autres TEE.

En revanche, le double rapport d’engrenages (avec une manœuvre plus que délicate) et l’agressivité du bogie C comptaient parmi leurs points faibles, tout comme les limites des moteurs auto-ventilés sur des engins taillés pour la longue distance en sollicitant fortement les moteurs. Mais on doit aux CC6500 le titre du train classique le plus rapide d’Europe avec Paris – Bordeaux en 3h58 sans arrêt, à 158,8 km/h de moyenne… pour une vitesse maximale de 200 km/h.

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Bordeaux Saint Jean - 4 septembre 1975 - L'Etendard au départ de Bordeaux pour Paris Austerlitz, avec la CC6513 en tête et sa rame de voitures Grand Confort, le tout encore dans la version de livrée à base de gris métallisé. Probablement la plus belle livrée française, tranchant singulièrement avec le traditionnel vert ici visible avec une BB9200. © J.M. Frybourg.

A l’opposé de ces prestations, le contingent de CC6500 commandées pour le service en Maurienne se fit esthétiquement plus ordinaire en vert bleuté, et avec l’installation de frotteurs pour le captage du courant par le troisième rail quelque peu préhistorique. Avec leur grande longueur, les CC6500 s’affranchissaient des coupures de rail sur les passages à niveau ou les appareils de voie, succédant aux locomotives conçues par le PLM, dans l’attente de la réélectrification par caténaire en 1976.

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Pougny-Chancy - 30 mai 1980 - Un peu éloignée de sa Maurienne de prédilection depuis la réélectrification par caténaire en 1976, les CC6500 vertes ont été ensuite employées en banalité sur le Sud-Est avec les autres machines de la série, mais ne se sont pas aventurées au Sud-Ouest puisqu'elles étaient limitées à 160 km/h. © A. Knoerr

Les CC6500 Maurienne, limitées évidemment à 160 km/h, venaient bousculer les grands-mères du PLM et les petites biquettes du PO : avec 2 machines (une en tête, une en queue), 1200 tonnes pouvaient être arrachées en rampe de 30 / 1000, alors qu'il fallait 6 BB1-80 pour emmener seulement 1100 tonnes. A la direction du Matériel, Fernand Nouvion aurait bien aimé que les CC6500 Maurienne soient aptes à l'UM pour réduire encore les coûts de traction.

A la même époque, apparaissaient également les 4 CC21000 bicourant destinées au service des rapides entre la France, la Suisse et l’Italie par le point-frontière de Vallorbe, succédant aux automotices TEE quadricourant des CFF.

Les CC6500 furent progressivement évincées du service rapide par le TGV, d’abord au Sud-Est, conservant en revanche des prestations notables sur les rapides entre la Bourgogne, la Méditerranée et Toulouse, puis évidemment avec le TGV Atlantique s’accaparant leur domaine de prédilection entre Paris, Bordeaux et la côte basque. L’axe Paris – Toulouse ne constituait pas véritablement un refuge puisqu’elles subissaient la concurrence des BB26000 sortant d’usine.

Bref, les CC6500 basculaient au service fret, en particulier sur le sud-est, avec une prédilection à peine cachée pour les trains lourds, en vallée du Rhône et naturellement en Maurienne, au trafic alors florissant : y transitaient alors 10 fois le trafic de l’année 2017, soit 14 millions de tonnes…

La fin de carrière fut peu flatteuse, entre la livrée Fret en tranche napolitaine et une radiation anticipée de plus de 10 ans. Victimes de coûts d’exploitation élevés et de l’arrivée des BB27000 et 37000 commandées pour la « relance » de l’activité (et « sauver Alstom »), le couperet chuta brutalement et seules quelques anonymes prestations TER autour de Lyon leur furent accordées jusqu’en 2006. Une fin en queue de poisson pour cette série depuis entrée dans la légende...

Suite du dossier : les nez cassés type BB

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