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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Montréjeau - Luchon : suspendue en attendant des jours meilleurs

Une oubliée du Plan Rail

Encore une fermeture de ligne. Après Saint Hilaire au Temple – Verdun et Laqueuille – Ussel, l’antenne pyrénéenne Montréjeau – Luchon sera fermée à compter du 18 novembre 2014. Une nouvelle fois, c’est l’obsolescence de l’infrastructure, le risque sécuritaire et la faiblesse du trafic qui sont mis en avant pour justifier l’abandon de la desserte ferroviaire. Ne comprenant que 2 allers-retours par jour, le train de nuit Paris – Luchon et un TER Toulouse – Luchon, l’autocar a pris la relève – il assurait déjà 5 rotations quotidiennes vers Toulouse – et précipitait la disparition de la relation nocturne.

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La date n’est pas totalement anodine car elle semble coïncider avec le départ en retraite du chef de service de la gare de Luchon…

Déclarée d’utilité publique et concédée aux Chemins de Fer du Midi en 1865, la ligne de 35,6 km se greffe sur l’axe Toulouse – Bayonne en gare de Montréjeau-Gourdan-Polignan. A voie unique et en rampe de 15 à 17 ‰, elle est alimentée depuis janvier 1925 en 1500 V. Autorisant initialement une vitesse de 90 km/h, le taux admissible a été diminué à 50 km/h pour ralentir le vieillissement d’une infrastructure hors d’âge (dernier renouvellement en 1953), et des restrictions à 10 km/h ont été appliquées sur plusieurs ouvrages. Résultat, il fallait 32 minutes pour relier Montréjeau à Luchon en 1975, il en fallait 50 avant l'arrêt des circulations… quand la voiture met 38 minutes.

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Chaum - 22 novembre 2012 - L'unique relation ferroviaire de jour était confiée à une BB8500 tractant une RRR ou le plus souvent une antique RIB60 modernisée. Un matériel certes poids plume, mais qui ne correspond plus vraiment aux attentes de confort et de service à bord des voyageurs. © S. Costes

RFF avait présenté en 2014 une estimation de 50 M€ pour maintenir la ligne qui n’a pas été intégrée au Plan Rail Midi-Pyrénées, tout comme Rodez - Séverac le Château. En 2008 le coût évoqué n’était que de 35 M€ : outre l'actualisation du montant, l'écart est lié à la prise en compte des autres éléments à prendre en compte au-delà de la voie et à l'apparition de nouvelles exigences réglementaires environnementales (protection des ressources en eau renforcée, plus forte pression sur les types de matériaux utilisables...). Les installations électriques du Midi sont obsolètes et ne semblent pas indispensables : leur dépose est en revanche nécessaire pour éviter la chute des poteaux et de la caténaire.

La ligne était gérée en Cantonnement Assisté par Informatique (CAPI) qui limitait fortement le débit de l’infrastructure (11 circulations par jour). Cependant, le CAPI était loin d'être saturé avec les 4 trains qui circulaient au maximum sur la ligne en une journée et il serait possible d’accueillir de nouveaux services si la ligne rouvrait un jour.

Le Plan Rail ne l'avait pas retenu, pas plus que Rodez - Séverac-le-Château, pour deux raisons : d'abord parce que la Région arrivait déjà à mobiliser 400 M€ pour le renouvellement du réseau, qui n'est pas de sa compétence légale, et ensuite parce qu'elle souhaitait maximiser l'efficacité des 820 M€ du Plan Rail pour les axes les plus fréquentés tout en conservant une certaine cohérence dans les actions menées.

Un potentiel sous-estimé

La ligne dessert une zone peu peuplée : 15 000 habitants dans les deux cantons desservis. En revanche, cette antenne pyrénéenne dessert deux stations de sports d’hiver très prisées. Peyragudes est arrivée en 4ème position des stations pyrénéennes en 2013 avec 415 000 journées vendues et Luchon-Superbagnères en 9ème position avec 255 000 journées.

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Luchon - 2 juillet 2012 - C'est la BB9301 qui est en charge des 3 voitures Corail couchettes qui rejoindront le train de Paris à Montréjeau. Le train de nuit reste pour les stations de sport d'hiver un moyen d'accès commode pour les vacanciers, permettant d'optimiser locations et forfait de ski. © S. Costes

En outre, les eaux minérales de Luchon sont aujourd’hui expédiées uniquement par la route, faute d’offre ferroviaire adaptée. Plusieurs carrières sont aussi potentiellement intéressées. La fermeture de la ligne précipite également l’abandon de ces deux marchés. Or l’existence d’un trafic fret régulier, avec au total une dizaine de circulations hebdomadaires, pourrait complètement revoir le modèle économique de la ligne. Problème, en CAPI, s'il y a mixité fret - voyageurs, seuls 9 trains de voyageurs sont autorisés par jour.

La ligne de Luchon peut être comparée à la ligne suisse exploitée par RegioAlps Martigny – Orsières / Le Châble, dont l’aire de chalandise n’est guère supérieure. Pourtant, la desserte ferroviaire y est beaucoup plus intense : un train par heure Martigny – Le Châble avec correspondance systématique pour Orsières, parce qu’elle mise sur le tourisme : le site Internet est éloquent.

Considérer en premier lieu les liaisons domicile-travail ne peut évidemment suffire à viabiliser ce type de ligne : c’est tout une démarche qui doit être mise en place en lien avec les stations de ski, les offices du tourisme et les potentiels clients du fret pour faire du train un levier de développement économique du territoire. Le coût de rénovation de la ligne serait insupportable dans une seule approche domicile-travail vers Toulouse.  En revanche, la valorisation d’un accès commode aux stations de ski, la promotion du tourisme vert en été, une approche positive sur les deux principaux clients fret qui semblent d’ores et déjà identifiés permettraient de jeter les bases d’un projet d’investissement allant au-delà des seuls financeurs habituels d’un projet ferroviaire.

Fermer : la facilité. Rouvrir : un parcours d’obstacles !

La fermeture de la ligne, même s’il s’agit officiellement – pudiquement – d’une suspension temporaire de l’exploitation, ne coûtera rien, si ce n’est quelques autocars supplémentaires, mais qui coûteront moins cher à exploiter que des trains. Surtout, ce sera l’économie de l’investissement à consentir pour pérenniser la ligne. L'actualisation du coût du projet le fait accoster à environ 67 M€, soit près de 2 M€ le kilomètre, prouvant - s'il le fallait - qu'une réactivation de ligne coûte beaucoup plus cher qu'une maintenance patrimoniale régulière... et ne sauraient se limiter à un simple coup de neuf sur la voie, ce qui était la première estimation à 35 M€, en oubliant tout le reste ! Heureusement, les travaux de la député Laurence Gayte ont permis d'assouplir les conditions de traitement des passages à niveau, envoyant aux oubliettes la directive de l'ancien ministre Dominique Bussereau.

Etats Généraux en Occitanie : le retour du train à Luchon ?

La démarche de concertation engagée par la Région Occitanie, les Etats Généraux du Rail et de l'Intermodalité, après les élections régionales de 2015, a mis en exergue de nombreux souhaits de réouverture de ligne et celle de Luchon figure en haut de la pile. Les études ont été lancées en 2017 et le retour des trains, envisagé initialement en 2020, devait avoir lieu au plus tôt en fin d'année 2023. Ce sera pour fin 2024. Le coût du projet atteint

Dans le cadre de l'article 172 la Loi d'Orientation sur les Mobilités, la Région Occitanie a demandé à l'Etat le transfert de gestion de cette ligne, qui ne sera plus affectée à SNCF Réseau. Elle désignera son prestataire pour assurer non seulement les travaux de réactivation mais aussi de maintenance de cette section. En revanche, SNCF Voyageurs en sera l'exploitant : une situation étonnante mettant en concurrence le gestionnaire d'infrastructure mais pas l'opérateur. Le transfert a été validé le 9 septembre 2021, en même temps que celui de la section Alès - Bessèges, autre sujet de réouverture en Occitanie.

Les travaux se dérouleront en 2024 avec l'objectif d'une réouverture en décembre. La desserte comprendra 6 allers-retours assurés avec le matériel existant en attendant la mise en service de Régiolis fonctionnant à l'hydrogène.

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