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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Lyon Part-Dieu à l'aube d'une métamorphose

Elle a réussi à se hisser parmi les 10 premières gares de France et, si on fait abstraction de la région parisienne, elle est tout simplement la première ! Avec plus de 32 millions d’entrants en 2016, Lyon Part-Dieu est une plaque tournante du réseau ferroviaire français, carrefour national entre les liaisons radiales avec Paris et interrégionales voyant converger les relations venant du Nord, de l’Est et de l’Ouest vers l’arc méditerranéen. C’est évidemment un nœud régional de premier plan à l’échelle de la Région Auvergne – Rhône-Alpes et, dans la métropole lyonnaise, c’est à la fois un pôle d’échanges des réseaux urbains et une centralité économique de premier plan dans une ville de Lyon bipolarisé entre son centre historique (la presqu’île) et le pôle tertiaire créé dans les années 1970 sur les terrains libérés par les anciennes casernes militaires.

Une gare au cœur d’un projet urbain

La gare de Lyon Part-Dieu a ouvert le 13 juin 1983, succédant à Lyon Brotteaux, gare historique du PLM sur l’axe Lyon – Genève. Installée sur les emprises d’une ancienne gare aux marchandises ouverte le 24 novembre 1859, elle venait parachever une importante opération d’urbanisme au cœur de Lyon.

gare-brotteaux-version1

Pour les voyageurs, au commencement était la gare des Brotteaux, dont voici la première version recourant principalement au bois pour être plus facilement démontable en cas de conflit militaire ! 

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Deuxième gare des Brotteaux, beaucoup plus fastueuse : on est en 1900 et le style s'inspire assez nettement de la gare de Paris-Lyon également reconstruite à la même époque. Néanmoins, en dépit de cet édifice particulièrement soigné, cette gare n'est restée qu'en deuxième position, derrière Perrache, continuant d'accueillir les trains les plus prestigieux du PLM.

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Lyon - Boulevard Vivier-Merle - 1980 - Le bâtiment de la gare aux marchandises. Il était situé face à l'actuelle bibliothèque municipale. On constate aussi l'importance des terrains ferroviaires réutilisés au profit de l'opération d'urbanisme incluant la gare. (archives municipales de Lyon - N. Didier)

C’est en 1964 que l’armée abandonna les casernes de la Part-Dieu. Le maire de Lyon, Louis Pradel, proposa alors à la SNCF de construire une nouvelle gare pour desservir le nouveau quartier qu’il envisageait sur ces terrains. Réponse de la compagnie : « si vous voulez une nouvelle gare, payez-la ! ». Cependant, l’Etat voyait le projet d’un autre œil et se déclarait dès 1965 favorable à une desserte locale du futur « centre directionnel ».

Le projet prit un virage national au début des années 1970 avec le projet TGV : celui-ci, dès ses origines, prévoyait une arrivée à Lyon par la bifurcation de Saint Clair, évitant donc la gare de Perrache. Il fut véritablement engagé en 1972. La télévision régionale a alors largement couvert ce projet... d'autant que l'ORTF fut une des premières administrations à s'installer dans le nouveau quartier :

Six ans plus tard, alors que le quartier de la Part-Dieu avait sérieusement évolué (centre commercial, bibliothèque municipal, immeubles de bureaux, siège de la Communauté Urbaine, arrivée du métro), le principe d’une gare située au niveau de la chaussée, sous les voies, a été acté, tout comme celui d’un hall traversant, avec une entrée à chaque extrémité : l’entrée Villette (aujourd’hui baptisée « Alpes ») a été fortement soutenue par les élus villeurbannais (le maire Charles Hernu et l’adjoint à l’urbanisme Bernard Rivalta) pour constituer l’entrée naturelle à la gare depuis la deuxième ville de l’agglomération.

La valorisation foncière n’était pas à l’époque une politique en vogue à la SNCF, qui céda à bas prix les terrains non utiles à la nouvelle gare, réalisée dans le cadre d’une Zone d’Aménagement Concertée définie le 30 août 1979.

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Esquisse de la façace de la gare, intégrée à l'opération d'urbanisme. La grande pendule symbolise la gare et la repère dans le vaste ensemble construit. La gare de la Part-Dieu incarne la nouvelle image du chemin de fer, du moins dans les années 1980.

La nouvelle gare de Lyon Part-Dieu fut déclarée d’utilité publique le 22 février 1980 et les travaux débutèrent dans les premières semaines de 1981. Aussi, le TGV débuta son service le 27 septembre 1981 en desservant la gare des Brotteaux, celle de Perrache constituant le terminus de la liaison Paris – Lyon, avec une desserte directe de la presqu’île, jusqu’au 13 juin 1983, date à laquelle la nouvelle gare fut ouverte.

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Lyon - Boulevard Vivier-Merle - 1982 - La construction de la gare est en cours, tandis que les travaux ferroviaires sont largement avancés. Le cadre au premier plan correspond au couloir de correspondance avec le métro. (archives municipales de Lyon - N. Didier)

L'inauguration officielle eut lieu le 24 octobre 1983, donnant lieu à ce reportage FR3 Rhône-Alpes.

Conçue par les architectes Eugène Gachon et Jean-Louis Girodet, le hall de la gare de 7800 m² accueille guichets, bureau des réservations et quelques commerces.

Une gare rapidement saturée

Dotée de 8 voies à quais, les 6 centrales desservant en outre des quais de service pour l’avitaillement des TGV et des trains Corail (qui à l’époque disposaient encore de voitures-bar voire de restaurants), la gare connut d’emblée une fréquentation conforme aux prévisions, avec 35 000 voyageurs en 1984, première année pleine d’exploitation.

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Plan d'aménagement des terrains de l'ancienne gare aux marchandises, avec au centre, la nouvelle gare voyageurs. On remarque que le bâtiment Est est assez éloigné des voies ce qui témoigne de l'existence de réserves foncières pour l'agrandissement de la gare.

La gare a été rapidement dépassée par son succès. L’amélioration des correspondances par rapport à celle des Brotteaux, très exiguë, et la modernisation du service ferroviaire (gain de temps du TGV, électrifications en Savoie et Dauphiné…) ont provoqué une augmentation continue de sa fréquentation dépassant dès la fin des années 1980 le seuil des 50 000 entrants / jour, sa capacité maximale théorique.

Il fallut attendre la fin des années 1990 pour que soient engagés les premiers travaux d’augmentation de capacité avec la création de 2 voies à quai supplémentaires, la réorganisation du hall et la reprise des circulations verticales entre le hall et les quais. Ces travaux ont été achevés à l’arrivée du TGV Méditerranée en 2001. Cette année-là, plus de 80 000 entrants / jour utilisaient la gare de Lyon Part-Dieu.

L’augmentation des dessertes, par la régionalisation des TER puis le cadencement initié par la Région Rhône-Alpes a encore accru le besoin de capacité en gare, tant sur les voies que dans le hall. Une onzième voie fut livrée en 2011.

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Lyon Part Dieu - 17 février 2006 - La rame PSE13 statione sur la voie J, desservie par le quai supplémentaire créé en 2001 à l'arrivée du TGV Méditerranée, avec également la voie K. Une voie L est prévue pour essayer de donner un peu d'air dans l'exploitation de la gare. © transportrail

Cependant, la gare souffre d’une saturation chronique : en 2016, elle était utilisée par 125 000 personnes par jour avec des pointes à 150 000. De tels résultats suscitent l'inquiétude des services de sécurité au point que le Préfet rappelle régulièrement que les normes d'évacuation d'urgence de la gare ne sont absolument pas respectées ce qui pourrait conduire à une fermeture administrative de la gare : menace qui a peu de chance d'être mise à exécution compte tenu de l'impact national sur l'organisation du service ferrroviaire... mais qui en dit long sur la criticité de la situation !

Or 37% ne font que la traverser. Il s’agit essentiellement d’utilisateurs du réseau urbain, obligés de traverser le hall de la gare du fait de la décision du SYTRAL, l’autorité organisatrice des transports urbains, de tracer les lignes T3 et T4 du tramway par le flanc est de la gare, côté Villette, alors que les autres lignes du réseau urbain desservent la Part-Dieu en position centrale, sur le boulevard Vivier-Merle, entre la gare et le centre commercial.

Il s’agit d’un des plus grands « loupés » contemporains en France, illustration d’une conception en silos institutionnels… alors que l’étude socio-économique montrait que les tramways auraient une fréquentation d’un quart supérieure en desservant le « bon » côté de la gare… sans compter l’absence de ce flux « parasite » transitant dans un hall fréquemment encombré en dépit de travaux supplémentaires réalisés dans les années 2000 pour essayer de gagner encore en fluidité.

Autre enjeu et non des moindres : la qualité de l’exploitation. La dégradation de la régularité des trains impacte directement le fonctionnement de la gare et malheureusement, le nœud lyonnais ne brille pas par la ponctualité de ses circulations. L’ajout de voies supplémentaires a encaissé plus ou moins efficacement le développement du TER et du TGV. Néanmoins, les modalités d’utilisation des voies à quai sont perfectibles, notamment avec des compositions courtes (2 AGC, 2 TER2Nng) sur des quais de 400 m. La modification de la signalisation pour autoriser 2 trains sur la même voie devrait être instruite sans tarder, d’autant que la réception sur voie occupée est déjà possible pour les coupes-accroches de TGV.

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Lyon Part Dieu - 1er octobre 2012 - D'accord, on a un peu poussé la démonstration et les Z2 sont plutôt sur la pente descendante : néanmoins avec 400 m de quai, il est tout de même envisageable de recevoir 2 rames TER en UM2 chacune sur le même quai, pour essayer d'utiliser le plus efficacement possible les voies en gare. Il fut aussi question d'éliminer les quais de service visibles au premier plan, pour élargir des quais trop étroits par rapport au trafic. Mais le coût et le délai de cette opération ont fait reculer la SNCF de longue date... © transportrail

Une transformation nécessaire mais non sans risques

Les perspectives à horizon 2030 tablent sur environ 220 000 voyageurs / jour dans la gare, appelant à une transformation de grande ampleur de la gare. La question d’une extension souterraine est rémanente mais toujours non arbitrée entre une gare régionale ou une gare TGV. Qui plus est, le coût d’un tel projet n’est pas aujourd’hui à la portée des collectivités, et rien ne prouve aujourd’hui qu’il n’existe pas de marge d’évolution dans l’exploitation ferroviaire.

Il est donc prévu dans un premier temps la création d’une douzième voie à quai en utilisant les réserves foncières subsistantes côté Villette. Cependant, son usage décentre l’exploitation du faisceau ferroviaire et son bénéfice réel est assez modeste au regard du coût de l’opération.

En revanche, le faisceau ferroviaire devrait évoluer pour une exploitation en tubes assez indépendants, ce qui ne sera pas des plus simples compte tenu de la dissymétrie nord-sud : 3 axes convergent au nord (venant de Collonges, Sathonay et Ambérieu) et 2 axes au sud (Perrache et Guillotière).

L’enjeu réside donc dans l’optimisation de l’exploitation des 4 voies d’accès à la gare avec l’attente du déploiement de l’ERTMS. Lyon Part-Dieu est au cœur du corridor européen entre Anvers et la Méditerranée, ce qui devrait se traduire par une migration de la signalisation : le niveau 2 serait totalement légitime sur l'axe. Il qui devrait procurer une souplesse accrue, et qui pourrait être encore augmentée avec un module de pilotage automatique des trains dans la zone dense afin d’augmenter le débit. Facilitant au passage la réception de 2 trains sur une même voie, l’échéance d’une gare souterraine pourrait ainsi être reportée, d'autant que les perspectives de croissance du trafic TGV et TER se sont quelque peu tassées.

A plus court terme, l’aménagement de la gare va donc radicalement évoluer : une vaste opération d’urbanisme s’engage. Il est d’abord prévu d’agrandir le hall Vivier-Merle (porte « Rhône ») afin d’englober l’accès au métro. Celui-ci est aujourd’hui face à la gare. Cela ne raccourcira pas pour autant la liaison entre le train et le métro, longue d’environ 300 m puisque la station de la ligne B est sous le centre commercial.

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Planification des travaux autour de la gare dans la décennie à venir. Les espaces voyageurs formeront donc une continuité de galeries "en carré" pour diversifier les modalités d'accès aux quais. Les cheminements intermodaux devront aussi évoluer pour améliorer les correspondances avec le métro, les tramways et les autobus. Il est aussi prévu de réaménager la gare routière côté Villette (en haut de ce schéma), qui n'accueillera plus que les services conventionnés, c'est à dire TER et lignes TransIsère. Les Ouibus, Flixbus et autres Isilines seront priés d'aller voir ailleurs !

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Vu du nouveau hall "Rhône", côté centre commercial : à gauche, le hall existant sous les voies et en face, la nouvelle galerie faisant la liaison avec le futur accès Pompidou. L'espace sera gagné sur la place Béraudier, qui ne sert pas à grand chose depuis sa création, en absorbant au passage l'accès au métro ce qui ne sera pas une mauvaise chose ! (document AREP)

Ensuite, le hall existant perdra ses guichets, afin de gagner 6 m de largeur pour la circulation des voyageurs dans la gare. La démolition de plusieurs immeubles, et notamment des hôtels, va permettre la construction d’une nouvelle galerie sur 3 niveaux, avec guichets et commerces, reliant le hall actuel à une nouvelle série d’accès aux quais, créés dans la trémie routière de l’avenue Pompidou, qui passera de 4 à 2 voies, avec quelques questions non résolues sur la circulation routière (fort déséquilibre des capacités est-ouest et ouest-est, impact sur la circulation des autobus de la ligne C9 particulièrement chargée et irrégulière). Sur le flanc est, une galerie au niveau de la place de Francfort bouclera la boucle. Les principes de circulation dans la gare ne seront alors pas sans rappeler ceux de la gare centrale de Cologne.

Les sens de circulation et leur capacité : la réduction de l'axe Pompidou pour créer un accès sud à la gare n'est pas sans risque sur les conditions de liaison entre l'est et l'ouest du 3ème arrondissement.

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Le nouvel accès Pompidou aura l'avantage de répartir les circulations verticales sur deux accès aux quais et non plus un seul, ce qui est une des sources de congestion de la gare, pénalisant même la ponctualité des départs. En revanche, du point de vue de la circulation, il n'y aura plus que 2 voies routières. Le plan de circulation crée un net déséquilibre est-ouest / ouest-est qui risque de ne pas simplifier la vie des habitants du quartier de la Ferrandière à l'est de la gare, ni des usagers des autobus !

Ainsi reconfigurée, la gare de Lyon Part-Dieu devrait être mieux armée pour répondre aux besoins d’un trafic qui continue d’augmenter, même à un rythme moins soutenu qu’au début des années 2000. Cependant, les travaux d’aménagement ne produiront réellement leurs effets qu’avec une profonde évolution de l’exploitation de la partie ferroviaire de la gare, à commencer par une amélioration de la régularité.

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