Limoges - Angoulême entre deux radiales
Longue de 117 km, la transversale de Limoges à Angoulême faisait partie du projet de liaison entre Limoges et La Rochelle branchée sur l’axe Lyon – Bordeaux. Après des débats sur son tracé, l’itinéraire par le nord, via La Rochefoucauld, fut acté en 1868 et concédé à la Compagnie de Chemin de fer des Charentes qui reçut la déclaration d’utilité publique du projet le 26 juillet 1868.
Aixe sur Vienne - 29 juillet 2014 - Le bâtiment voyageurs et son architecture assez particulière, d'origine Compagnie des Charentes. © transportrail
A l’origine, elle disposait de deux gares indépendantes. A Limoges, il s’agissait d’une situation transitoire et la gare des Charentes se situait dans le quartier Montjovis. Elle est aujourd’hui une simple gare de passage. La création du raccordement à la gare des Bénédictins s’effectuait d’abord par un branchement sur la ligne venant de Poitiers, au prix d’une boucle quasiment refermée destinée à rattraper la différence d’altitude. Ainsi, la ligne Limoges – Angoulême surplombe le dépôt sur son flanc nord après l’avoir longé par le sud en quittant la gare des Bénédictins.
En proie à des difficultés financières, la Compagnie des Charentes fut rachetée par l’Etat en 1877 qui rétrocéda la ligne au Paris-Orléans en 1883. Neuf ans plus tard, la gare des Charentes à Angoulême était abandonnée et les trains venant de Limoges entraient dans la gare PO.
La ligne ne connut qu’un trafic purement local, à l’exception de la circulation d’un express de nuit entre La Rochelle et Genève, rejoignant la Suisse via Angoulême, Limoges, Montluçon et Lyon.
Aixe sur Vienne - 29 juillet 2014 - Les X2200 ont assuré la liaison Limoges - Angoulême pendant plus d'un quart de siècle. Ici, les X2206 et 2254 modernisés par la Région Limousin filent sur les bords de la Vienne en direction d'Angoulême. © transportrail
Aujourd’hui, la ligne transporte en moyenne 160 à 180 000 voyageurs par an. La desserte comprend au service 2016 :
- du lundi au vendredi : 5 allers-retours Limoges – Angoulême et un Limoges – Saint Junien
- le samedi : 3 allers-retours
- les dimanches et fêtes : 3 allers-retours Limoges – Angoulême et un Limoges – Saint Junien
Les performances de la ligne sont assez médiocres puisque le temps de parcours oscille entre 1h57 et 2h22 selon la politique d’arrêts, alors qu’il ne faut que 1h30 par la route. Au départ de Limoges, le parcours est assez étonnant car le train fait une boucle sur lui-même, pour rattraper la différence d'altitude, sur un court tronc commun avec la ligne de Poitiers.
La Rochefoucauld - 26 septembre 2015 - Arrivée d'un TER Angoulême - Limoges sur fond de signaux mécaniques. On notera que l'état des voies est très médiocres, handicapant les temps de parcours en dépit d'un matériel plutôt véloce. © transportrail
La desserte routière est assez présente avec notamment 6 allers-retours entre Limoges et Saint Junien par la ligne 11 du Département de Haute Vienne, et un temps de parcours de 50 minutes, soit 11 minutes de plus que le train en dépit d’une quinzaine d’arrêts. Côté Angoulême, la ligne 24 du Département de Charente offre également 6 rotations, mais orientées le matin vers Angoulême et le soir vers La Rochefoucauld et Confolens. La liaison Angoulême – La Rochefoucauld s’établit en 35 minutes pour les cars les plus rapides et 45 minutes pour la desserte fine. Sur ce versant, le train est à son avantage avec un trajet de 23 à 27 minutes. En revanche, l’autocar accède au centre d’Angoulême, alors que la gare est en contrebas de la ville.
La Rochefoucauld - 26 septembre 2015 - Le TER 68136 attend l'arrivée du train croiseur (photo précédente). Il arbore la dernière version de livrée de la Région Limousin . © transportrail
La ligne admet en principe une vitesse de 100 km/h sur l’essentiel du parcours, et même de 110 km/h sur les 30 km séparant Excideuil sur Vienne et Saint Victurnien. La traversée de Limoges est limitée à 60 km/h. Le profil de la ligne est assez moyen et comprend des rampes généralement comprises entre 12 et 16 / 1000 et atteignant exceptionnellement 20 / 1000.
Elle est équipée du block automatique à permissivité restrreinte (BAPR) de Limoges à Chabanais, du cantonnement téléphonique (CAPI) de Chabanais à Ruelle et du block manuel jusqu’à Angoulême. La présence du cantonnement assisté par informatique contraint la capacité sur la section centrale à 16 circulations par jour. En gare de La Rochefoucauld, on notera que subsiste le dernier vestige de la signalisation de voie unique de type PO avec ce « voyant de talon ». C'est assurément la singularité de cette ligne, bien connue des amateurs de chemin de fer et d'archéologie ferroviaire. Elle est appelée à disparaître puisque le CPER 2015-2020 de la Région Poitou Charentes prévoit 19 M€ pour moderniser la signalisation de la ligne dans l'objectif de porter la capacité de 14 sillons, ce qui permettrait a minima un aller-retour supplémentaire sur la liaison Limoges - Angoulême.
La Rochefoucauld - 26 septembre 2015 - Double champignon sur la voie d'évitement, sémaphore mécanique et vestige "préhistorique" de la signalisation PO : autant d'éléments appelés à disparaître au gré de la modernisation progressive de la ligne. © transportrail
Empruntée un samedi en fin d’après-midi par le TER 68136 Limoges 17h50 – Angoulême 19h53, la ligne ne draine qu’une faible chalandise avec en moyenne une quinzaine de voyageurs. Le temps de parcours ne contribue pas à l’attractivité de la ligne alors que les infrastructures routières ont bénéficié d'investissements réguliers.
Aixe sur Vienne - 20 août 2013 - Diversité des points de vue le long de la rivière : cette fois-ci, on prend du champ, depuis la rive d'en face par rapport au deuxième cliché de ce dossier. © Rail Composition
Reliant les axes Paris – Toulouse et Paris – Bordeaux, la ligne de Limoges à Angoulême a donc une vocation purement locale. L’activité fret est de faible niveau, lié à quelques usines. Le trafic TER est essentiellement dépendant des flux scolaires, notamment le vendredi et le lundi, mais aussi des correspondances à Limoges et Angoulême sur les dessertes nationales. Aussi, le devenir des dessertes POLT et le volume d’offre TGV à Angoulême influeront notablement sur le devenir de la liaison. Avec la réforme territoriale et le renforcement de la position de Bordeaux, le positionnement de la ligne dans la dynamique régionale n’est cependant pas des plus simples, surtout que l'Etat et la Région ont de longue date privilegié la route avec le doublement de la RN141, dont l'achèvement est prévu pour 2020 : autant dire que défendre cette ligne releve du sacerdoce... mais au fait : si on double la route nationale, cela veut dire qu'il y a du trafic, donc potentiellement une chalandise pour le train ?
Une desserte tronçonnée en attendant mieux ?
Pour la route, on élargit... mais pour le rail, on réfléchit. Limoges - Angoulême fournit un excellent exemple à ce constat. Pendant que la RN141 passe à 4 voies, la ligne de chemin de fer a été limitée au parcours Limoges - Saillat en raison de la dégradation de l'infrastructure et de l'absence de plan de financement stable, pour une ligne qui nécessiterait probablement entre 100 et 150 M€ d'investissements.
Il faudra aussi un nouveau projet de service pour relancer la ligne : a minima une cadence aux 2 heures, et potentiellement un renforcement à l'heure en pointe, qui pourrait être généralisé, quitte à mobiliser plus de matériel et de personnel, de sorte à amortir au maximum les coûts fixes. Sur le versant limousin, il faudrait aussi étudier un renforcement entre Limoges et Saint Junien car il existe un potentiel un peu plus consistant en lien avec l'activité économique de l'ancienne capitale régionale.
Ce projet de desserte devra être accompagné d'un renouvellement de grande ampleur non seulement de l'infrastructure mais aussi de la signalisation : SNCF Réseau devrait y proposer une solution type NExT Regio, déployée en 2021 entre La Roche sur Yon et La Rochelle, avec la nouvelle génération de postes informatiques et une commande centralisée potentiellement à grand rayon d'action : il serait intéressant d'étudier la mutualisation de ce poste à d'autres lignes de desserte fine du territoire pour en amortir les coûts. Des recettes basiques pour revitaliser ces lignes, notamment entre deux agglomérations de plus de 100 000 habitants...