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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Liaisons interrégionales : un parent pauvre et désordonné ?

Le constat est difficilement contestable. Entre une SNCF qui durant plus de 30 ans n’a eu de considération que pour le TGV et un Etat cherchant à s’impliquer le moins possible, les « Grandes Lignes » classiques sont à l’étiage.

Les Régions occupent en partie le terrain

La régionalisation de 1997-2002 a inéluctablement généré des effets de bord du fait des périmètres administratifs. Par exemple, des terminus à Port-de-Piles, dernière gare de la Région Centre, plutôt que des liaisons vers Châtellerault, supposant un accord alors avec la Région Poitou-Charentes. Elle a quand même donné naissance à des projets comme Interloire entre Orléans et Nantes, par la coordination des Régions Centre et Pays-de-la-Loire, même si depuis 1994, cette desserte n’a pas connu les évolutions que l’on serait en droit d’espérer.

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Saint-Pierre-des-Corps - 20 avril 2013 - Interloire a été la première création d'une offre interrégionale - qui plus est à 200 km/h - avant même la décentralisation expérimentée en 1994. Cependant, la desserte reste à 3 allers-retours par jour, en dépit d'un potentiel assurément bien plus élevé ! © transportrail

Les Régions ont donc récupéré nombre de petits express à l’ombre des grands axes, tel Nancy – Belfort, puis des itinéraires concernés l’ouverture de LGV, comme la vallée du Rhône en 2001 et la liaison Lyon – Belfort en 2011. Citons aussi la refonte horaire de 2012 en Bourgogne aboutissant aux relations Paris – Dijon – Lyon.

Le découpage des Régions revu en 2015 modifie aussi de fait la consistance des liaisons interrégionales, soit à dessertes constantes (comme Bordeaux – Limoges en Nouvelle-Aquitaine) soit par la création de nouveaux services, tels Toulouse – Perpignan en Occitanie et Paris – Strasbourg réunissant en Grand Est des Paris – Châlons avec des Nancy – Strasbourg. Et pour conclure sur ce volet, rappelons évidemment la vague de transferts des liaisons du Bassin Parisien en 2018-2020.

Pour les opérateurs alternatifs : un domaine potentiel ?

Thello a été le premier à entrer sur le marché français en reprenant d’abord les trains de nuit de Paris vers Venise et Rome, avant d’abandonner ce dernier et de voir sombrer l’unique train restant dans la crise sanitaire de 2020. La filiale de Trenitalia a créé 3 allers-retours Nice – Milan, dont un amorcé à Marseille, eux aussi en partie victimes des restrictions de déplacement depuis mars 2020.

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Nice Ville - 29 mai 2016 - Seul opérateur privé de desserte type Intercités en France, Thello a tenté de faire survivre la liaison franco-italienne entre la Côte d'Azur et Milan, jusqu'à nouer un accord tarifaire avec la Région PACA pour augmenter le remplissage de ces trains entre Marseille et Vintimille. En vain... © transportrail

Plus récemment, Flixtrain avait, en 2019, révélé ses projets en France, toujours sur des liaisons radiales au départ de Paris vers Bruxelles, Lyon, Toulouse et Bordeaux, mis en sommeil tant pour les raisons sanitaires que pour des arguments économiques par rapport au coût des sillons.

S’ajoute enfin Railcoop qui souhaite aussi se placer sur le marché quelque peu délaissé des liaisons transversales avec des dessertes Lyon – Bordeaux, Toulouse – Rennes et Lyon – Thionville ayant fait l’objet d’une information auprès de l’Autorité de Régulation des Transports.

La SNCF joue sa propre partition

Le crédo de l’opérateur historique était jusqu'à présent relativement simple : au fur et à mesure du développement du réseau à grande vitesse, les liaisons classiques étaient converties au TGV et la desserte des itinéraires historiques confiée aux Régions. Pour le reste, un maître-mot : contraction. Même l’opération Teoz, rénovant une partie des voitures Corail, eut une face pas vraiment cachée : la fin des trains à tranches multiples (les tranches Marseille et Béziers sur la relation Paris - Clermont-Ferrand, celles d'Agen et Rodez sur Paris - Toulouse). Néanmoins, reconnaissons qu'un unique direct journalier était assez symbolique et qu'il vaut peut-être mieux systématiser de bonnes correspondances pour diversifier les possibilités de trajet...

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Surprise dans une voiture Corail pourtant rénovée sur POLT, cette carte des dessertes Intercités datant de 2013 remonte à une époque où le maillage des offres existait encore un peu. En moins de 10 ans, l'élagage a été sévère !

Depuis la signature de la première convention Etat - SNCF, l’opérateur a un peu moins les mains libres, mais a créé à son propre compte des services librement organisés en utilisant du matériel Corail disponible et déjà largement amorti. Lancée d’abord sur Paris – Toulouse en utilisant des voitures couchettes, l’idée a été étendue – avec des voitures de jour – à d’autres destinations comme Nantes, La Rochelle, Lyon, Strasbourg. Circulant surtout en fin de semaine, elle était d’abord assurée avec des voitures de jour, provenant de parcs affectés à des activités subventionnées, moyennant location aux autorités organisatrices concernées puis en récupérant celles rendues inutiles par l’arrivée de matériels neufs dans les Régions.

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Gondreville - 18 janvier 2014 - Intercités Eco, première formule, avec le train couchettes mais de jour, sauf pour les utilisateurs des voitures à sièges inclinables (toujours en livrée Corail d'origine). Economique jusque dans le nettoyage de la locomotive... © transportrail

Soufflant le chaud et le froid, la SNCF a aussi tenté, notamment lors de la commision Avenir des TET, de forcer la main à une réduction très significative de l'offre, de nature à enflammer les relations avec les Régions. Elle n'a heureusement pas été totalement suivi...

En 2021, la SNCF a élaboré un projet de relance de ces relations classiques longue distance, interrompues par la crise sanitaire, en visant les relations vers Nantes, Bordeaux, Toulouse et Marseille... mais uniquement depuis Paris (centralisation, quand tu nous tiens...).

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Rully - 8 août 2022 - Ne pas se fier aux apparences : si l'extérieur a été recouvert d'un pelliculage visible, l'intérieur des voitures engagées sur ce Ouigo classique Paris - Lyon n'a pas été mis ai goût du jour : au mieux, les sièges ont été rehoussés au début des années 2010... mais parfois les aménagements sont ceux de 1995. © N. Hoffmann

De vastes angles morts

Une étude du ministère des Transports, coordonnée par le Secrétaire général de la FNAUT Pays de la Loire, a été en partie révélée en mars 2021. Outre le constat d’un déficit global d’offre par rapport à la demande, le constat est assez rude : 3000 km d’infrastructures ferroviaires « interrégionales » sont sous-utilisés et la moitié dans une situation critique du fait du retard d’investissement, dont 85 km suspendus à l’exploitation (comme Oyonnax – Saint-Claude ou Eygurande-Merlines – Laqueuille)

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Bains-les-Bains - Janvier 2010 - La liaison Nancy - Belfort a été limitée au parcours Epinal - Belfort, avec des correspondances plus ou moins heureuses... mais un matériel plus moderne que cet X4750. Elle reste encore interrégionale et pourrait reprendre espoir avec une recomposition de l'offre, prolongée à Delle pour proposer une connexion avec le TGV à la gare nouvelle de l'agglomération belfortaine. (cliché X)

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Lavans - Saint-Lupicin - Juillet 2017 - La section interrégionale Oyonnax – Saint-Claude a été suspendue par un manque d'entente entre les Régions concernées. Dommage, cela prive la capitale de la pipe d'un accès commode (en théorie, encore faut-il mettre suffisamment de trains) à celle de la plasturgie française. Résultat, tout le monde en voiture sur une route sinueuse et moyennement praticable en hiver. (cliché X)

L’étude cible 34 liaisons, qui sont pour l’essentiel dans les périmètres régionalisés : Lille – Rouen, Dijon – Bourg-en-Bresse, Lyon – Belfort, Epinal – Belfort, Nantes – Rennes, Orléans – Nantes… ou qui n’ont pas du tout de desserte. Lyon – Bordeaux est évidemment l’étendard de ces « grandes absentes », mais on peut aussi évoquer Lille – Strasbourg ou Clermont-Ferrand – Dijon.

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Montchanin - 18 juin 2017 - Initiative des Régions Bourgogne et Centre : 2 allers-retours Tours - Dijon fusionnant des dessertes existantes, de part et d'autre de Nevers. Une trop bonne idée au point qu'elle fut sabotée par l'opérateur... avec la complicité des élus régionaux qui n'ont pas su dire non ? © transportrail

La clarté dans la confusion

L’Etat étant toujours à la quête de mesures de verdissement, après tant d’années d’inactions, les dernières, les liaisons ferroviaires classiques, de jour comme de nuit, sont réapparues dans les discours, conséquence aussi d’une contestation sociale très développée dans les territoires hors des dynamiques métropolitaines et souvent à l’écart des dessertes à grande vitesse.

Il est cependant difficile de définir un « responsable » unique pour relancer les liaisons interrégionales, conséquence des choix stratégiques passés – parfois très récents – de l’Etat et de la SNCF. La confusion n’a pas eu besoin d’attendre l’ouverture à la concurrence du marché intérieur : la France a très bien su organiser le flou en monopole.

Vers chapitre 2 : le rapport Avenir des TET

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