Canalblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

ERTMS : les grands principes techniques

ERTMS est probablement le projet phare européen en matière de transport ferroviaire, tant par l'ampleur du périmètre concerné que par son historique s'inscrivant déjà au travers de plus de 30 ans de discussions entre les Etats membres et les entreprises ferroviaires.

Il s'inscrit dans le sillage de la définition d'un réseau trans-européen structurant, combinant des fonctionnalités fret et voyageurs, des lignes classiques et des infrastructures nouvelles, qu'il s'agisse de franchissements montagneux par des tunnels de base ou de lignes à grande vitesse pour accélérer le transport de voyageurs.

Ce réseau comprend 2 ensembles : les lignes structurantes - ou Core Network - structurées en grands corridors et les lignes complémentaires - ou Comprehensive Network - qui regroupent la plupart des lignes principales de chaque Etat membre. A ces ensembles sont associés des objectifs d'équipement et de performance, en termes de vitesse, de débit, de gabarit mais aussi d'impact environnemental avec en ligne de mire la généralisation de la traction électrique sur ce vaste ensemble. Evidemment, ERTMS se retrouve à la croisée de la plupart de ces critères.

TEN-T-Corridors_European-Parliament_ttm_en

Le réseau central européen, premier objectif d'interopérabilité entre les Etats membres à horizon 2030 (en principe...)

Les acquis des projets nationaux

Il y a une vie avant ERTMS : la démarche ERTMS a été engagée alors que le développement des lignes à grande vitesse en France, en Allemagne, en Italie puis en Espagne imposait de s’affranchir de la signalisation latérale, n’assurant pas un niveau de sécurité suffisant à des vitesses supérieures à 220 km/h. Aussi, de nouveaux systèmes de signalisation plus performants avaient été développés.

En Allemagne, le LZB (Linienzugbeeinflussnung) est apparu dès 1974 sur le réseau classique pour équiper les lignes autorisées à plus de 160 km/h, puis sur les lignes nouvelles aptes à au moins 250 km/h. Il équipe aussi depuis 1992 la ligne Madrid – Séville.

LZB-PZB

Equipements PZB-LZB sur locomotive allemande avec notamment l'affichage de la vitesse-but et de la distance-but à respecter, permettant au conducteur d'ajuster sa vitesse et l'amorce de son freinage.

En France, la TVM300 (Transmission Voie Machine) puis la TVM430 reposent sur un mixage entre de la transmission continue et de la transmission ponctuelle :

  • transmission ponctuelle par boucles inductives d'informations précises : entrée et sortie de LGV, CAB signal, sections de séparation...
  • transmission continue par circuits de voie d’une information de vitesse cible annoncée au conducteur en cabine, et du contrôle de la conformité des décélérations par rapport à une courbe de référence fonction de la distance-but, de la vitesse à l’instant « t » et des caractéristiques dynamiques du train

En cas de non-respect de la consigne, le système devait être en mesure d’arrêter le train. Outre les LGV françaises, la TVM430 équipe le tunnel sous la Manche et la ligne à grande vitesse qui le relie à Londres mais aussi la LGV1 belge, entre la France et Hal, au sud de Bruxelles.

TVM430

Courbe de freinage en TVM430 française avec information en cabine des différentes séquences jusqu'à l'arrêt complet.

Trois niveaux d’intégration

L’ERTMS repose sur deux éléments spécifiques : un système européen de contrôle des trains (European Train Control System, ETCS) et la transmission par GSM-R fondée sur la technologie GSM, adaptée aux besoins du transport ferroviaire. Il comprend 3 niveaux.

fonctionnalites-ETCS-V2

ERTMS-3

Définition type de l'affichage ETCS sur le poste de conduite.

Le niveau 1 est donc à peu près équivalent aux systèmes nationaux, par exemple un BAL avec KVB français, moyennant le fait qu’en cas de changement d’information dans le canton, le train pourra reprendre sa marche sans avoir à attendre d’être sorti de celui-ci (fonctionnalité existant en France avec le KVB-P employé sur certaines lignes d’Ile de France). Toujours par analogie au cas français, la TVM est associée au niveau 1 par le caractère ponctuel de la transmission d’informations.

Le niveau 2 apporte la notion de continuité des échanges d’information entre le sol et le bord tout en conservant le principe de cantons fixes, comme sur le LZB allemand par exemple. La suppression de la signalisation latérale, au profit d’une information en cabine, devient possible dès lors que tout le matériel roulant est rendu compatible : tout matériel livré depuis 2019 doit d’ailleurs être prédisposé pour recevoir les équipements « bord » du système. La TVM française est donc considérée comme un équivalent au niveau 2.

En cas d’équipement partiel du parc, le maintien de la signalisation latérale est donc nécessaire. Elle peut être effacée « ponctuellement » à l’approche des trains équipés, et maintenue pour les trains non équipés. On retrouve ces modalités par exemple à la RATP avec le SACEM utilisé sur le RER A. En cas de défaillance à bord d’une rame, la signalisation latérale est maintenue, tandis qu’à l’approche de trains équipés, les signaux s’éteignent et une croix de Saint André s’allume.

En revanche, le niveau 2 ouvre d’intéressantes perspectives sur la capacité en ligne, source de recettes supplémentaires pour le gestionnaire d’infrastructures, et peut éventuellement différer certains investissements lourds pour accroître le début. Cependant, il n’est pas une recette miraculeuse : ERTMS ne supprime ni les effets de l’hétérogénéité des sillons (omnibus / direct) ni les cisaillements ni les contraintes d’occupation des voies en gare. Par conséquent, le gain de 20 à 25% annoncé régulièrement est à manier avec prudence et dépend donc de la nature des trafics. Plus les sillons sont homogènes, plus le parc est équipé, plus le gain est important… et inversement.

Quant au niveau 3, il reste encore à l’état de développement. Il s’apparente dans ses principes aux fonctionnalités d’un métro automatique en s’affranchissant totalement du principe du canton : c’est la transmission permanente de la localisation des trains et de leur marche qui calcule la distance maximale pouvant les séparer, pour encore augmenter la capacité de l’infrastructure. Nous y revenons plus tard dans ce dossier.

ERTMS-4

L’interopérabilité ne se résume pas à la signalisation

L’ERTMS ne peut effacer toutes les frontières techniques entre les réseaux : au-delà de la signalisation, restent tout de même des différences d'écartement des rails (notamment en Espagne et au Portugal), de gabarit, de tensions d'alimentation, de fréquence du courant et même de conception de la caténaire ce qui se traduit par des exigences sur la largeur des archets des pantographes.

L’ERTMS apparait donc comme un élément important, mais non décisif, dans la mise en œuvre des grands corridors européens pour le fret. Après la signalisation, l’alimentation, il faut aussi s’intéresser au gabarit des ouvrages, à la longueur des voies de service…

La traversée de l’Europe par une seule et même machine en tête d’un train reste quand même peu probable compte tenu des autres différences techniques, les critères d’admission sur les réseaux nationaux… ou le simple souhait des opérateurs d’éviter de voir leurs engins s’éparpiller aux quatre coins du continent (ne serait-ce que pour tenir les pas de maintenance).

La notion d’espace ferroviaire unique à l’échelle de l’Europe n’est donc pas pour demain, si tant est qu’elle revête une réalité économique tangible. Le caractère de moins en moins anecdotique de trains de marchandises entre la Chine et l’Europe, solution plus chère mais plus rapide que la voie maritime, conforte la logique de réduction des effets de frontière entre les réseaux, mais c’est d’abord sur les grands courants européens (type Belgique – Italie ou Allemagne – Espagne) que sont attendus les effets de l’ERTMS. Bref sur des sauts d’une ou deux frontières.

020317_1301mommenheim2

Mommenheim - 2 mars 2017 - ERTMS ou le moyen de se jouer plus facilement des frontières... mais dans une certaine limite : la locomotive allant d'un bout à l'autre de l'Europe relève encore du mythe unificateur pas forcément cohérent avec les stratégies d'opérateur et la gestion de leur flotte. Cette T13 belge, dérivée des 36000 française, circule sur le corridor nord-est depuis le port d'Anvers en direction de la vallée du Rhin. © transportrail

D’où par exemple l’idée de « packages régionaux » ERTMS limités à un ensemble de pays donnés, plutôt que de chercher à appliquer un système totalement interopérable, ce qui ne concerne qu’une part infime – sinon nulle – des trafics ferroviaires.

Suite du dossier : économie et déploiement

Publicité
Publicité
Publicité