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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Cholet - Les Herbiers : une réouverture utopique ?

Une allusion insolite dans un rapport politiquement sensible

Suite à l’abandon en 2017 du projet d’aéroport du Grand Ouest à Notre-Dame-des-Landes, le préfet Rol-Tanguy avait été chargé par le gouvernement d’évaluer les possibilités d’amélioration de la desserte de la Bretagne et des Pays de la Loire : une mission délicate puisqu’il lui fallait à la fois éviter de suivre de trop près le discours des opposants, tout en reprenant certains arguments des partisans de l’aéroport mais avec d’autres modalités. Un bon préfet est aussi un peu funambule.

Parmi les sujets évoqués, l’un d’eux est pour le moins étonnant de prime abord. Il n’est pas question du maillage entre les différentes agglomérations de Bretagne et des Pays de la Loire ou de la connexion par le TGV aux aéroports franciliens ou aux autres métropoles françaises par des liaisons province-province. Figure dans ce rapport une allusion à la réouverture de la ligne de Saint-Christophe-des-Bois aux Herbiers.

Pourquoi diable s’intéresser à cette ligne de 21 km ? Cet itinéraire reliant jadis Cholet à La Roche-sur-Yon avait été intégré au plan Freycinet de 1879 mais dont la réalisation s’étala de 1900 à 1914. Elle a perdu tout trafic en 1960 et accueille aujourd’hui le Chemin de fer touristique de La Vendée. La ligne n’appartient même plus à la SNCF : la propriété de cette section a été transférée au Conseil Général de Vendée en 1997.

carte-cholet-les-herbiers

CP-train-les-herbiers

CP-viaduc-saint-laurent-sur-sèvre

Petite géographie économique du nord vendéen

Cette ligne traverse territoire d'environ 70 000 habitants, avec comme principal bassin de population la commune des Herbiers, comptant un peu plus de 16 000 habitants dans une intercommunalité de 34 000, et Mortagne-sur-Sèvre, qui ne compte que 6000 habitants mais dont la communauté de communes atteint 28 000 habitants. La RD160 reliant Cholet à La Roche-sur-Yon, supporte un trafic relativement soutenu, avec 8600 véhicules / jour en 2016. L’autoroute A87 qui la double est empruntée par 11 000 à 14 000 véhicules par jour.

Son tissu de petites et moyennes entreprises, entre choletais et pays vendéen, est un marronnier pour tout étudiant en géographie, avec notamment un taux de chômage nettement plus faible que la moyenne nationale et une diversité économique remarquée. Ceci explique cela.

Mais si on devait rouvrir toutes les lignes ferroviaires desservant des territoires à fort potentiel, le ministère des Finances ferait une crise cardiaque.

Elément indissociable de ce rapide portrait du paysage : le parc historique du Puy du Fou qui, en 2017, a tout de même attiré 2,3 millions de visiteurs. La voie ferrée longe le parc par l'ouest à environ 600 m et croise à 2 km au nord la RD27 qui permet d'accéder au parc. Aujourd’hui, les visiteurs accèdent au site en voiture ou en autocars, avec un temps de parcours d’environ 1h30 et un tarif de 20 € pour un aller simple et 28 € pour un aller-retour. Avec le rétablissement de la liaison ferroviaire, il faudrait simplement assurer la liaison routière entre une gare et l’entrée du parc pour capter une partie de ce trafic et l’acheminer par train depuis Angers.

Réouverture : un pari sur l’avenir 

Une première étude – très sommaire - réalisée à la demande de quelques élus vendéens sensible à ce sujet a mis en avant un potentiel assez conséquent, de l’ordre de 700 000 voyageurs par an, soit l’équivalent du trafic actuel entre Cholet et Angers. Le bassin des Herbiers est en effet à l’écart du réseau ferroviaire (il faut remonter vers Cholet ou rejoindre La Roche-sur-Yon), et le trafic lié au Puy du Fou serait de nature à doubler le socle de trafic en basse saison, passant de 1000 à 2000 voyageurs par jour.

Il faudrait donc envisager le prolongement aux Herbiers, certes avec un rebroussement à Cholet, mais avec l’avantage d’une liaison directe vers les TGV et le réseau de villes du val de Loire. Avec une formule couplée train + Puy du Fou, le succès serait assez probable. Il serait aussi possible de capter la clientèle régionale, depuis Nantes, avec une correspondance à Cholet : n’allons quand même pas jusqu’à envisager la création d’un raccordement en triangle à Saint-Christophe-des-Bois…

Reste un obstacle : le coût de réouverture de ces 21 km devrait assurément se chiffrer assurément en dizaines de millions d’euros. Le caractère en impasse de la ligne aux Herbiers militerait pour une gestion locale de la ligne, confiée à la Région.

Il faudra évidemment éviter d’imposer la suppression totale des passages à niveau, facteur d’explosion de facture et donc d’abandon d’un projet de réouverture ferroviaire : en 2019, une mission parlementaire a ouvert la voie à un assouplissement empreint de pragmatisme, préconisant d’agir d’abord sur les aménagements routiers à l’approche des passages à niveau.

Autre moyen de simplifier le projet, le placement de la ligne dans le domaine du décret Sécurité des Transports Publics Guidés (STPG), plutôt que le décret Sécurité – Interopérabilité, qui fait référence sur le réseau ferré national, pourrait aussi être un moyen de limiter la facture, surtout pour une ligne d’intérêt local. Ceci étant, difficile d’imaginer un budget inférieur à 60 M€ pour réactiver Saint-Christophe – Les Herbiers, car tout est à reprendre sur ces 21 km : voie, ouvrages, signalisation, gares, passages à niveau, installations de télécommunication…

Cependant, le financement d’un tel projet pourrait innover : le parc du Puy du Fou paie aujourd’hui une liaison routière pour relier la gare d’Angers. La capitalisation sur 20 ou 30 ans de ce budget « autocars » pourrait être amenée dans le tour de table avec l’Etat et les collectivités locales

Une inscription au Contrat de Plan Etat-Région

Matérialisant la prise en considération du projet, la desserte des Herbiers figure au Contrat de Plan Etat-Région 2023-2027 (qui sera probablement étendu au moins jusqu'en 2028) avec l'objectif de liaisons directes Angers - Les Herbiers. Parallèlement, l'accord prévoit aussi la modernisation de l'axe Angers - Cholet (du moins à partir de la bifurcation de La Possonnière) incluant la gare de Cholet aux accès aujourd'hui bien peu performants par rapport aux aptitudes du matériel roulant.

Ou quand, pour une fois, l'utopie est - peut-être, en train de devenir réalité !

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