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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Causses, Lozère, Cévennes : voyage dans le "désert ferroviaire"

Pour débuter l’année 2016, transportrail est parti explorer les lignes du Massif Central, parmi les plus emblématiques mais aussi parmi les plus menacées. Point d’Orgue, la ligne des Causses à bord des lambeaux de l’Aubrac, la traversée de la Lozère et la section sud de la ligne des Cévennes. En quelque sorte, un périple sur des lignes en proie aux maux de la concurrence routière libéralisée et d’une infrastructure à bout de souffle et d’une accumulation de décennies de non-décisions sur leur sort et sur la stratégie ferroviaire nationale, modalités de finances incluses.

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Clermont-Ferrand - 29 janvier 2016 - Fin de la première étape, la plus facile et la plus classique : la BB 26041 entame sa manoeuvre de dételage de la rame venant d'assurée l'Intercités 5955. © transportrail

Vendredi 28 janvier : de Clermont-Ferrand à Mende

L’Intercités 15941 Clermont – Béziers composé de 2 X73500 affiche un taux de remplissage de 75% à 13h03, heure du départ de Clermont-Ferrand. Le parcours se déroule sans encombres jusqu’à Neussargues, où les deux autorails arrivent dans une gare bien remplie puisque simultanément, la Z2 en provenance de Béziers fait son entrée, tandis qu’un autre X73500 vient d’arriver d’Aurillac. Le mouvement de voyageurs peuple la gare au point que les agents viennent surveiller les flux de ce vendredi, avec une foule d’élèves et d’étudiants regagnant leur famille. On se bouscule pour traverser les voies.

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Clermont-Ferrand - 29 janvier 2016 - En UM2 pour un réel besoin capacitaire, ces deux X73500, 73581 en tête, assurent ce jour l'étape Clermont - Neussargues. La majorité des voyageurs va sur Aurillac. © transportrail

La plupart des voyageurs de l’étape Clermont – Neussargues se retrouvent dans le Neussargues – Aurillac (bien tassés puisqu’assuré par un X73500 solo) tandis qu’ils ne sont qu’une vingtaine à prendre place dans la Z2 à destination de Béziers. Au passage, pourquoi ne pas proposer une liaison directe Clermont – Aurillac, évitant au plus grand nombre de changer de train ? Ah oui, Clermont – Neussargues est toujours officiellement un TET !

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Neussargues - 29 janvier 2016 - C'est l'heure de pointe sur la traversée des voies. Le public est majoritairement composé d'élèves internes regagnant leurs familles. Le Z7365 ne stationne qu'une douzaine de minutes à Neussargues avant de regagner Béziers. © transportrail

L’ambiance dans la Z2 change radicalement à Saint Flour puis à Saint Chély d’Apcher : le vendredi, l’Intercités se transforme en train des lycéens internes qui pour la plupart descendent jusqu’à Nîmes et Montpellier : ça crie, ça s’invective, ça fume parfois aussi, et pas toujours du tabac… On est loin de l’image de L’Aubrac d’antan !

Il ne faut pas être pressé puisque compte tenu de l’état de la voie, plusieurs sections sont limitées à 55 km/h, sans compter le passage sur le viaduc de Garabit à 30 km/h. Il y a bien une section d’une vingtaine de kilomètres équipée en longs rails soudés, vestige de l’époque durant laquelle un ministre voulait faire de la ligne des Causses un itinéraire fret stratégique. La belle affaire ! Mais pour le reste, le rail est usé et le confort moyen même si la suspension des Z2 sauve la mise en dépit de sièges usés : quoique identiques à ceux des AGC, la qualité des mousses et des tissus a baissé et leur allure est passablement défraichie… Quant à la caténaire, elle ne semble plus tenir que par la tension du fil, au vu de l’état de décrépitude des supports.

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Aumont-Aubrac - 29 janvier 2016 - Voie usée, caténaire Midi antédiluvienne, automotrice passablement défraichie. L'image de l'Intercités 15941 intègrerait parfaitement une rubrique La France défigurée... © transportrail

Marvejols, fin d’étape et correspondance en un peu plus d’une heure pour gagner Mende. Juste le temps de descendre faire le tour des rues de la cité. Les lycéens en ont profité pour en griller quelques-unes et passer en revue les grands débats du moment… En revanche, ceux qui vont à Rodez viennent d’apprendre que la correspondance à Sévérac a sauté : on s’organise comme on peut avec du covoiturage improvisé.

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Marvejols - 29 janvier 2016 - A gauche, le TER 78987 à destination de La Bastide Saint Laurent les Bains, relevant la correspondance de l'unique TER Saint Chély d'Apcher - Béziers. Les voyageurs en provenance de l'Aubrac ont eu le temps de visiter Marvejols... © transportrail

C’est un X73500 solo qui assure ce soir la translozérienne jusqu’à La Bastide : manifestement, ici, on shunte ! On se hâte lentement au mieux à 60 km/h et les arrêts sont des plus réduits puisque personne ne monte ni ne descend avant Mende. D’ailleurs, la plupart des voyageurs restent dans le train… quoique l’arrêt dure plus de 20 minutes pour d’étranges raisons puisqu’il n’y a pas de croisement.

5h04 pour aller de Clermont à Mende en train contre 3 heures pour les cars départementaux et 2h50 pour les cars régionaux plus rapides. Autant dire que la chalandise du train se limite aux captifs et à ceux qui ont du temps à perdre…

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Mende - 29 janvier 2016 - Fin de journée pour vos serviteurs. Les voyageurs bénéficient d'un arrêt de 25 minutes alors qu'il n'y a aucun croisement prévu jusqu'à La Bastide ! La prochaine arrivée de La Bastide est à 21h20...  © transportrail

Petite parenthèse historique : la concession de la ligne de Séverac à Mende fut accordée en 1868 au Midi, mais l'Etat a construit la ligne, à voie unique contre l'avis du Midi qui souhaitait une double voie. Le train arrivait à Mende en 1884. Le prolongement de la ligne à La Bastide était dépendant d'une liaison Lyon - Toulouse, et plus spécifiquement de sa section Le Puy - Mende déclaré d'intérêt général en 1875, mais dont les travaux ne débutèrent que tardivement face au peu d'empressement des opérateurs du PLM et du Midi. La jonction avec la ligne des Cévennes ne fut assurée qu'en 1902. Quant au Toulouse - Lyon, il fut essentiellement assuré via Narbonne, et l'itinéraire par Mende ne fut utilisé qu'à titre épisodique dans des temps relativement récents, du milieu des années 1950 à 1988...

Samedi 29 janvier : Mende – Nîmes

Midi moins le quart en gare de Mende : alors que la préfecture de la Lozère s’apprête à passer à table, le premier train pour Nîmes est au départ. Une quinzaine de voyageurs pour un AGC : la place ne manque pas. Inquiétude en revanche sur le confort de voyage puisque la réputation de la médiocrité de la voie n’est plus à faire tout comme la faiblesse des suspensions de ces automoteurs. Puissance surabondante pour rouler à 40 km/h puis à 60 sur les sections ayant bénéficié d’un RVB, à partir de Belvezet.

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Mende - 30 janvier 2016 - Le B81533/4 prêt au départ pour Nîmes au TER 77713. Premier train de la journée pour Nîmes : il est midi moins le quart ! © transportrail

C’est assurément la partie la plus spectaculaire du parcours : pas de grand viaduc, mais un quasi-désert. On ne verra qu’un paysan, un « ancien », au croisement d’un chemin, à hauteur de Larzalier, au point le plus haut du réseau ferroviaire à voie normale (1214 m). Les galeries pare-neige qui ont fait la réputation de la ligne parmi les amateurs.

La Bastide Saint Laurent les bains, 10 minutes d’arrêt. Le soleil perce enfin la brume matinale. La descente de la ligne des Cévennes commence et confirme le pressentiment : l’AGC n’est pas à l’aise sur cette ligne. On ne redira jamais assez que l’état des voies a été quelque peu surestimé et le niveau de suspension nécessaire sous-dimensionné. Si la vitesse a augmenté (80 km/h), le confort s’en ressent, le niveau sonore aussi.

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La Bastide Saint Laurent les Bains - 30 janvier 2016 - Un rayon de soleil sur la ligne des Cévennes pendant le rebroussement. Il va encore falloir supporter pendant près de 2 heures le confort dynamique de l'AGC sur une infrastructure moyen-âgeuse...© transportrail

La charge du train augmente petit à petit au fil des arrêts en gare, mais c’est évidemment à Alès que le flux est le plus important. Au-delà, outre le fait que la ligne dispose d’une seconde voie, l’AGC peut se dégourdir les bogies à 140 km/h. L’arrivée à Nîmes s’effectue évidemment par le raccordement de Courbessac, procurant un gain de temps de 10 minutes.

Lundi 1er février : Béziers – Clermont

Après une journée de repos à Montpellier, puisque la correspondance à Béziers est trop juste le dimanche (3 minutes : on n’est pas en Suisse au point d’avoir confiance et il n’y a pas de plan B !), retour sur la ligne des Causses pour une remontée complète. Z2 au service de l’Intercités 15940 quittant Béziers à 9h37 pour une arrivée à Clermont à 16h03. Prière de ne pas oublier les sandwiches et les boissons…

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Bédarieux - 1er février 2016 - Une minute d'arrêt sous la verrière d'une gare dont les installations sont surdimensionnées par rapport au trafic qu'elle accueille... © transportrail

Jusqu’à Millau, la voie reste correcte, ce qui n’est pas le cas des supports de caténaire. Le passage sous le viaduc de Millau donne le vertige par la taille vertigineuse de l’ouvrage et sa légèreté dans le paysage. Le contraste avec le rail Double Champignon et les traverses à l’état aléatoire est saisissant et illustre la maxime « pour le rail on réfléchit, pour la route on élargit ». La Z2 n’a évidemment aucun mal à affronter les 33 pour mille de la rampe d’Engayresque et l’allure plus que modeste permet de profiter du paysage, du célèbre point de vue sur Compeyre et son viaduc.

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Engayresque - 25 juillet 1986 - L'une des principales difficultés de la ligne des Causses, la rampe d'Engayresque bénéficiait de 2 voies pour les renforts de traction. La petite gare isolée a fermé de longue date. La Z2 Transports Languedoc-Roussillon dans son éphémère livrée d'origine, est venue donner un coup de jeune aux omnibus sur la ligne des Causses. © R. Cornu-Emieux

Sévérac le Château : brume et crachin, mais comme depuis le départ de Béziers, il y a toujours plus de montants que de descendants. L’ambiance redevient folklorique, animée par les internes des mêmes lycées de Saint Chély d’Apcher et de Saint Flour. Débats enflammés sur les stars du football ou autres vedettes du rap et du RnB assurés… et les suspensions de la Z2 à nouveau sollicitées à partir de Saint Laurent d’Olt du fait de la médiocrité de la voie. Les plateaux de la Margeride paraissent d’autant plus vastes que le train flâne à 55 km/h…

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Campagnac Saint Genies - 1er février 2016 - Plus le train prend de l'altitude, moins il y a de monde sur les quais... © transportrail

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Loubaresse - 6 mars 2014 - Immensité des paysages et le chemin de fer encore présent... mais pour combien de temps ? © O. Savoye

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Ruynes en Margeride - 19 janvier 2014 - On ne pourra nier l'élégance de la livrée Languedoc-Roussillon dans le paysage des hauts plateaux de Margeride. Un matériel frustre pour une liaison labellisée Intercités, mais quelle autre alternative ? © O. Savoye

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Saint Léger de Peyre - 24 octobre 2015 - Ambiance automnale sur la ligne des Causses : assurément à mettre aux premières places des plus belles lignes de France pour les contrées qu'elle dessert. La multiplicité des ouvrages d'art témoigne des prouesses qu'il fallut accomplir pour faire arriver le chemin de fer sur ces terres : c'était le progrès... © O. Savoye

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Près de Saint Chély - 9 avril 2015 - C'est peut-être ce train qui fait encore tenir la ligne des Causses : la desserte d'Arcelor Mittal à Saint Chély d'Apcher. Si la ligne venait à fermer, l'usine risquerait la fermeture à brève échéance compte tenu des contraintes d'acheminement des coils par la route... © O. Savoye

Neussargues : comme à l’aller, l’animation bat son plein pour le chassé-croisé entre aurillacois et clermontois. Comme à l’aller, le couplage d'X73500 est rempli aux trois quarts et la Z2 n’a apporté qu’une vingtaine de voyageurs.

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Neussargues - 1er février 2016 - La gare est bien occupée : à droite, le duo de 73500 pour Clermont Ferrand ; au centre, la Z2 se préparant déjà à redescendre sur Béziers ; à gauche, l'X73500 pour Aurillac et sur les voies de service, outre des X73500 garés, on aperçoit un  bout d'une BB67400 avec des wagons de coïls pour l'usine de Saint Chély. © transportrail

Point commun à tous ces trains empruntés au cours des trois jours : une ponctualité métronomique à l’exception du 15941 dont l’étape Béziers – Neussargues se solde par un léger retard de 5 minutes et du Paris – Clermont-Ferrand 5955 du vendredi 28 janvier, du fait d’une manœuvre à Vichy d’un train de fret occupant en partie la voie 1 et obligeant l’Intercités à circuler voie 2 à l’approche de la gare.

Bilan

L’avenir de la ligne des Causses apparaît bien sombre d’autant qu’à vouloir absolument imposer une solution avec modernisation de la caténaire, certains décideurs pourraient précipiter la ligne vers la fermeture : compte tenu de la rareté des ressources, il est essentiel de mobiliser en priorité les budgets sur la voie, les ouvrages et la signalisation.

Sur la translozérienne, la question est évidemment celle de la desserte ferroviaire de Mende depuis l’arc languedocien, prioritairement depuis Nîmes : son avenir est donc lié à celui de la ligne des Cévennes, qui, la caténaire en moins, présente un état similaire à celui de la ligne des Causses.

La concurrence de l’A75 et des autocars TER et « Macron Express » est des plus rudes. Face au peu de considération à l’égard du chemin de fer, difficile de voir l’avenir de ces lignes de façon optimiste. Pourtant, ces lignes vous feront traverser des paysages remarquables, territoires de prédilection pour les randonneurs en quête d’air pur, des terroirs à la gastronomie savoureuse.

On s’amusera de la page de l’entreprise familiale Les Chemins Francis, à propos des conditions d’accès aux établissements hôteliers et de balnéothérapie de Bagnols-les-Bains, très révélatrice à la fois de la politique de la SNCF d’une part… et du lien évident entre chemin de fer et tourisme vert d’autre part.

Mais à trop s’enfermer par dogmatisme dans une logique de service public, le risque est de passer à côté des vrais gisements de trafic…

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