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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Caen - Tours : un potentiel sous-estimé

La liaison entre la Normandie et la vallée de la Loire est aujourd'hui assurée par ligne Caen - Tours desservant Argentan, Alençon et surtout Le Mans. C’est en quelque sorte la « voie ferrée des deux mers », puisqu'elle relie la Manche à l'arc Atlantique. Elle a aussi l'avantage de proposer 2 points de connexions au réseau TGV, au Mans sur l'axe Paris - Bretagne / Nantes et à Saint Pierre des Corps sur l'axe Paris - Aquitaine, avec évidemment l'intérêt des connexions province-province vers Lille, Strasbourg, Lyon et l'arc méditerranéen. Bref, de nombreux ingrédients pour faire de Caen - Tours un axe attractif. Mais la réalité est toute autre.

C'est une liaison particulière car son statut est variable selon les sections : elle est considérée comme une ligne de desserte fine du territoire entre Mézidon et Couliboeuf puis de Surdon au Mans, et fait partie du réseau structurant sur le reste du parcours... mais en catégorie intermédiaire (UIC 6) c'est-à-dire dans une situation très inconfortable à court terme quant au financement du renouvellement.

Une liaison précoce

Déclarée d'utilité publique en 1852, la transversale Caen - Tours résulte de l'assemblage de trois maillons transversaux entre trois radiales. Ainsi, elle est en tronc commun avec l'axe Paris - Cherbourg de Caen à Mézidon, puis rejoint Paris - Granville sur l'intervalle Argentan - Surdon, et accède au Mans par une courte section commune avec l'axe Paris - Rennes. A l'arrivée à Tours, la transversale rejoint la radiale à voie unique venant de Paris via Châteaudun, et la transversale Tours - Angers à La Riche.

Elle a été mise en service à voie unique entre 1856 et 1859, de part et d'autre du Mans. Le doublement de la ligne fut également précoce, entamée en 1866 et achevée en 1884 : ce délai d'explique par l'interception des chantiers durant la guerre de 1870.

La desserte était cependant très morcelée, avec une seule relation de bout avant la première guerre mondiale sur la section Mézidon - Le Mans, reliant Rouen à Angers. En revanche, les années 1920-1930 furent les plus fastes avec des relations au départ de Nantes et de Hendaye vers Dieppe, mais aussi par l'introduction des autorails sur certaines relations, notamment Nantes - Dieppe : le plein effet du tourisme balnéaire et le succès éphémère des congés payés en 1936...

Dans les années 1960, la traction vapeur céda progressivement le terrain aux moteurs Diesel d'abord sur les locomotives et ensuite pour le service voyageurs, tombant dans l'escarcelle des autorails caennais et tourangeaux le plus souvent, des EAD aux X2800 sans oublier les RGP1. Contrepartie, les express étaient cantonnés à la relation Caen - Tours, éventuellement avec une tranche vers Rouen. L'apogée de la transversale remonte probablement à l'année 1977, avec l'introduction des turbotrains RTG, qui ont réalisé les meilleurs chronos : nous y revenons plus loin.

Il faut aussi souligner le rôle de cette transversale pour le transport de marchandises : si la majorité des circulations a succombé au fil du temps face à la concurrence routière, le rail a conservé quelques créneaux naturels, notamment le trafic de carrières et de céréales, pouvant générer en moyenne 3 à 4 trains par jour.

3 allers-retours... mais moins rapides que dans les années 1980

Les performances offertes par l'infrastructure sont moyennes, puisque les vitesses oscillent le plus souvent entre 110 et 130 km/h, n'atteignant les 140 km/h que très ponctuellement. Entre Caen et Mézidon, la radiale Paris - Cherbourg atteint 200 km/h, qui ne sont évidemment pas atteints par les BB67300/400 qui plafonnent à 140 km/h ni par les automoteurs X72500 et X76500 qui ont pris leur succession, aptes à 160 km/h.

La desserte avait été dans les années 1990 transférée dans une catégorie intermédiaire, celle des Express d'Intérêt Régional : la SNCF chercha à plusieurs reprises à la transférer dans le cadre de la régionalisation, mais l'opération ne fut que partielle.

En semaine, le service Intercités ne comprenait en 2013 que 2 allers-retours avec départs de Caen à 9h02 et 12h46, et de Tours à 9h07 et 16h54. A ces relations s'ajoutent un unique aller-retour sous la bannière TER qui, en 2013, quittait Caen à 16h45 et Tours à 14h22.

En 2017, la desserte n'a pas évolué dans sa consistance, mais uniquement dans son positionnement horaire : les Intercités quittent Caen à 9h00 et 12h46, le TER étant lui avancé à 10h46. Au départ de Tours, les Intercités sont prévus à 8h15 et 16h33, le TER étant lui positionné à 9h02.

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 Ecommoy - 30 juillet 2015 - A cheval sur 3 Régions, la ligne Caen - Tours est également bigarrée du point de vue du matériel roulant avec des X76500 bas-normands, des X72500 des trois Régions en deux versions bicaisse et tricaisse. Ici, l'X72519/20 assure un TER Tours - Le Mans avec un capot avant qui a oublié d'être pelliculé aux couleurs de Pays de la Loire. © transportrail

On constate donc qu'avec 3 allers-retours de bout en bout, l'offre en 2017 est très mal distribuée puisque 2 des 3 allers-retours se suivent à au plus 1h46 d'intervalle, la situation étant caricaturale dans le sens Tours - Caen avec 2 départs espacés de 47 minutes puis un vide de 7h31 !

En complément, la desserte TER au nord du Mans propose 4 allers-retours Caen - Le Mans et 2 allers-retours Alençon - Le Mans. Le versant sud est un à peine plus fourni avec 5 allers-retours Le Mans - Tours, s'ajoutant aux 2 Intercités et au TER Caen - Tours. La Région Pays de la Loire finance en outre 5 allers-retours à caractère périurbain entre Le Mans et Château du Loir alors que de son côté, la Région Centre assure essentiellement par autocar le service entre Château du Loir et Tours avec 3 allers-retours : les 2 trains en extrémité de service assurent la maigre desserte des 4 gares intermédiaires (Saint Paterne, Neuillé, Saint Antoine du Rocher et La Membrolle).

Il faut rappeler qu'à l'été 1978, les turbotrains RTG abattaient la relation en 2h39 avec 6 arrêts sur une infrastructure à peine plus performante qu’elle ne l’est aujourd’hui, du fait d'un stationnement réduit au Mans et de l'absence de crochet par Saint Pierre des Corps. Ce dernier apparaît aujourd'hui totalement justifié pour faciliter les correspondances avec les TGV de l'axe Atlantique. Néanmoins, avec un meilleur temps en 2017 de 2h53, Caen - Tours illustre une nouvelle fois la régression des performances d'une partie du réseau ferroviaire français, hors des grandes relations ayant bénéficié du TGV.

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Saint Paterne - 13 octobre 2005 - le train 13032/3 Tours - Caen emmené par la 67365 était assuré en rame Corail TER Centre de 4 voitures, mise à disposition de ce qui s'appelait à l'époque Trains Inter-Régionaux. Bon niveau de confort pour les voyageurs, mais performances moyennes. © N. Godin - lyonrail

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Tours - 4 octobre 2006 - Confort et performances nettement moindres : si les X4750 ne sont pas les plus mauvais des EAD, si la rame de tête (en arrière-plan) a été rénovée, l'X4777 rouge et crème en queue offre un confort pur jus années 1960 avec ses banquettes en skai marron et ses filets métalliques à bagages. Il fallait bien du courage aux voyageurs pour emprunter ce TER 57248/9 à destination de Caen, seul cas de liaison de bout en bout conventionnée... © transportrail

La modernisation de la ligne progresse à petits pas, notamment avec la disparition en juin 2010 du Block Manuel Unifié qui contraignait le débit de la ligne, au mieux à deux trains par heure, avec des arrêts imposés dans certaines gares comme à Château-du-Loir sur la section Le Mans - Tours. Désormais, le BAPR régit l'exploitation entre Arnage (au sud du Mans) et Mettray (au nord de Tours), et le BAL gère les accès au Mans et à Tours. La dernière section convertie au BAPR se situait entre Alençon et Surdon.

En outre, après l’apparition d’un sévère ralentissement à 60 km/h entre Alençon et Le Mans, les performances nominales ont été rétablies après les travaux réalisés en 2020.

Suite du dossier : quelles perspectives ?

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