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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Bordeaux - Le Verdon : soigner le Médoc

L’axe reliant Bordeaux à la pointe de Grave est le moins utilisé de l’étoile ferroviaire bordelaise. Desservant d’abord la première couronne de la cité girondine, elle remonte ensuite la Gironde en traversant une des régions viticoles les plus réputées de France (d’ailleurs, laquelle ne l’est pas vraiment ?) pour rejoindre cette étroite pointe entre l’estuaire et l’océan.

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Soulac sur mer - 20 avril 2018 - Une bonne trentaine de voyageurs quitte le train en provenance de Bordeaux. La petite gare de Soulac dessert une station balnéaire qui n'a plus totalement la notoriété de ses débuts mais elle attire une clientèle locale qui peut profiter du train. © transportrail

Deux lignes en une

En réalité, il s’agit de deux lignes distinctes, aujourd’hui réunies en une seule et même continuité physique : d’abord la ligne de ceinture de Bordeaux, ou ce qu’il en reste, entre les bifurcations de Talence-Médoquine et de Bonnaous-Beyerman, puis la ligne du Médoc proprement dite.

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La première partie, sur la ceinture, est à double voie. En revanche, la ligne du Médoc est à voie unique. Il s’agit d’une des rares lignes classées UIC 7 à 9 dotée de la traction électrique, la mise sous tension 1500 V ayant été réalisée par les Chemins de Fer du Midi le 4 juillet 1934 sur l’intégralité des 117 km du parcours.

Dans le domaine des équipements, la ligne est dotée du Block Automatique Lumineux de Talence à Bruges, du BAPR jusqu’à Blanquefort et du Block Manuel Unifié au-delà jusqu’à la pointe de Grave. Les performances de la ligne ne sont pas mauvaises, loin de là, quoique potentiellement perfectibles. En 2018, les taux applicables sont de :

  • 80 km/h de Talence à Caudéran,
  • 90 km/h de Caudéran à Blanquefort,
  • 140 km/h de Blanquefort à Macau
  • 100 km/h de Macau au Verdon.

Il faut enfin ajouter au portrait de cet axe le raccordement des Echoppes, récemment reconstitué pour orienter une partie des trains périurbains vers la gare de Pessac (sur la ligne Paris – Hendaye), électrifié en 1500 V, muni du BPAR et circulable à 60 km/h.

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Le Verdon - 4 février 2017 - Une occasion manquée : compte tenu de la tempête, ces deux rames se sont retrouvées captives, et vos rail-trotters ont du supporter un parcours de près de 3 heures en autocar pour rejoindre Blanquefort. Qui a dit que le train n'était pas compétitif ? © transportrail

Aux origines

Une première concession  avait été accordée pour la desserte du Médoc le 17 octobre 1857, se soldant par un échec. Une seconde était attribuée le 4 mars 1863 à la Compagnie du Médoc

La réalisation de la ligne du Médoc fut assez lente puisqu’il fallut 34 ans pour atteindre la pointe de Grave. La compagnie étant dotée de faibles capitaux, la construction avançait au fur et à mesure des disponibilités financières. La première section entre la gare de Bordeaux Saint Louis et Macau a été mise en service en 1868 par la Compagnie du Médoc, qui avait également reçu la concession de la ligne de Bordeaux à Lacanau (qui se débranchait à Bruges).

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Soulac sur mer - 21 avril 2018 - Même photo que précédemment mais le lendemain et toujours une clientèle locale, souvent familiale. Le potentiel de trafic est assez saisonnier mais concerne quand même une période relativement large d'avril à octobre, qui pourrait justifier une offre renforcée au-delà des 4 allers-retours de base.© E. Fouvreaux

Rapidement, l’enjeu portuaire émergea afin de dynamiser le trafic. Un premier embranchement entre Moulis et Lamarque avait été décidé mais la compagnie renonça à le réaliser en 1880. Un second, entre Pauillac et l’appontement de Trompeloup, lui était concédé quatre ans plus tard et mis en service en 1888. Utilisé par la Compagnie Générale Transatlantique, il permettait de recevoir des navires de plus grande taille, profitant d’une fosse naturelle dans l’estuaire pour accueillir des bateaux ne pouvant atteindre Bordeaux. La Transatlantique et la Compagnie du Médoc avaient des actionnaires communs, les frères Péreire, ceci expliquant cela…

La reprise par le Midi

Néanmoins, la ligne du Médoc était en autarcie, sans liaison avec le reste du réseau ferroviaire, avec sa propre gare tête de ligne dans le quartier Saint Louis. La ligne de ceinture fut attribuée à la Compagnie du Midi en 1883, mais sa réalisation ne fut que tardive puisque, déclarée d’utilité publique le 5 avril 1910, elle n’était mise en service qu’en 1917 à voie unique du fait des restrictions en matières premières et en main d’œuvre pendant la guerre. La deuxième voie était mise en service en 1922. Entre temps, la compagnie du Médoc avait été rachetée par le Midi en 1910, qui en reprenait l’exploitation.

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La Compagnie du Médoc avait faire compagne pour promouvoir les vertus des bains de mer et l'usage de ces trains pour accéder aux plages de Soulac. Le Midi amplifia le mouvement à partir de 1912 et la station balnéaire connut un succès conséquent dans les années 1930.

Compte tenu de l’augmentation sensible du trafic de marchandises et l’essor des relations transatlantiques, la Compagnie du Midi décida l’électrification de la ligne, comme le reste de son réseau, non seulement pour améliorer les conditions d’exploitation mais aussi et surtout en réduire les coûts, compte tenu des faibles moyens du réseau et de la possibilité de tirer profit de ses usines hydro-électriques pyrénéennes. Autre intérêt pour le Midi, la rationalisation du matériel puisque le Médoc utilisait 15 modèles différents de locomotives pour un effectif d’une trentaine de machines.

Chemins de fer et activités portuaires

L’entre-deux guerres fut aussi l’occasion d’améliorer encore la connexion aux activités portuaires de l’estuaire avec d’abord un embranchement à Parempuyre vers les appontements de Grattequinea – Trabuchet en 1931, spécialisés dans le trafic de charbon et les poteaux de mine, et la desserte du nouvel avant-port du Verdon en 1933 au moyen d’une boucle depuis la gare du Verdon. Cette construction facilitait encore le trafic maritime pour les navires transatlantiques en leur évitant cette fois de s’engouffrer dans l’estuaire de la Gironde. Une intermodalité avant la lettre, pour une certaine clientèle toutefois.

Entre la pointe de Grave et Soulac, un second itinéraire fut tracé dans les années 1920, par le nord de la presqu’île, afin d’acheminer les blocs de roches destinés à renforcer les digues de protection de la côte fragile. Elle sera utilisée pendant la guerre par l’armée allemande pour ériger le fort des Arros, un des plus importants du Mur de l’Atlantique. Abandonnée depuis 1945, cette section accueille depuis 1986 un train touristique.

De ce fait, le trafic sur la ligne du Verdon était tout de même assez consistant : si la desserte omnibus était plutôt maigre, l’activité se singularisait par la présence de tranches de rapides et express qui assuraient la correspondance avec les navires pour l’Amérique. Le flux de marchandises était lui aussi élevé.

Après la guerre, la ligne du Verdon conserva une activité relativement importante mais le tournant de l’aviation civile révolutionnant les liaisons intercontinentales fit évidemment chuter le trafic voyageurs sur la ligne, tandis que le transport routier se montrait de plus en plus agressifs pour les marchandises, que ce soit en relais des bateaux ou pour les acheminements locaux, notamment les vins du Médoc. En outre, la ligne de Lacanau perdait son trafic voyageurs en 1954 et cessait toute activité ferroviaire en 1978. Elle est aujourd’hui transformée en voie verte.

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Pointe de Grave - 4 février 2017 - Officiellement, la section Le Verdon - Pointe de Grave est toujours exploitée, mais uniquement en juillet et en août. Il est cependant nécessaire de défricher un peu la voie dont le dressage est franchement aléatoire... quant à l'état de la catenaire, son maintien tient du miracle ! © transportrail

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Pointe de Grave - 15 juillet 2020 - La preuve : ça roule, et pour le coup, la végétation a été naturellement mise à mal par les températures et un climat sec, alors qu'on est juste à côté de l'océan... © Rail Composition

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Soulac sur mer - 21 avril 2018 - La voie des Arros accueille toujours un train touristique assuré à l'aide de draisines et de voitures découvertes. Au regard de l'état de la voie, n'oubliez pas votre coussin  car les secousses sont garanties...© transportrail

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Pointe de Grave - 21 avril 2018 - Les derniers mètres de rail jusque sur la jetée de la pointe n'ont pas dû voir passer de trains depuis quelques décennies... © transportrail

Rescapée mais pas vraiment menacée

Du fait d’un rôle stratégique encore persistant, la ligne du Verdon a réussi à échapper aux vagues de fermetures des années 1960 et 1970 qui frappèrent nombre de sections littorales. La ligne connut même un petit sursaut, utilisée pour tester des locomotives destinées à l’export en alimentant la caténaire en 3000 V continu.

Le service omnibus, assuré avec des automotrices PO-Midi plus de la première fraicheur, bénéficia cependant d’un coup de jeune des plus sensibles en 1980 avec l’arrivée à Bordeaux des premières Z2 série Z7300. Avec l'évolution du service TER en Aquitaine, le renfort de Z5300 libérées de la banlieue parisienne ne fut pas des plus heureux, parant au plus pressé...

En 2018, la desserte hors saison comprend en semaine :

  • 4 Bordeaux – Le Verdon
  • 6 Bordeaux – Lesparre
  • 8 Pessac – Macau
  • 1 Pessac – Lesparre

Soit au mieux 2 trains par heure sur la section périurbaine et des creux de desserte pour Lesparre, Soulac et Le Verdon pouvant atteindre 3 heures. Le week-end, l’allègement de desserte est très significatif, puisqu’on ne compte que 3 trains pour Le Verdon, 1 pour Lesparre et 6 Macau. Autant dire que la desserte périurbaine est absente le samedi et le dimanche et que les estivants sont priés de prendre la voiture (ou d’aller à Arcachon…).

En plein été, l'offre est renforcée puisque 7 allers-retours montent jusqu'au Verdon. On ne compte plus que 6 Macau - Pessac, complété par un Lesparre - Pessac et un Bordeaux - Lesparre. En revanche, 5 des 7 allers-retours pour Le Verdon sont prolongés jusqu'à la Pointe de Grave, ce qui permet d'assurer un accès aux bateaux faisant la navette avec Royan.

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Soulac sur mer - 21 avril 2018 - En lien avec l'aménagement du nouveau terminal fret du Verdon, la voie a été en partie renouvelée et les supports de catéraire ont été remplacés par un modèle unifié adapté à la géométrie de la suspension Midi. © transportrail

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