Ce fut le feuilleton ferroviaire de la semaine écoulée : l'annonce par deux radios de l'intention de la SNCF de supprimer les contrôleurs - officiellement les Agents du Service Commercial Trains - dans tous les TER comme c'est le cas sur les lignes de banlieue parisienne.
Sans attendre, les organisations syndicales ont plaidé l'atteinte au service public, la sécurité, l'emploi et l'intérêt des usagers. Rien de bien nouveau dans le discours. Certaines sont même allées jusqu'à souligner que la suppression des contrôleurs dans les trains de banlieue a entrainé l'apparition de vols en réunion et la surcharge des trains. Il convient tout de même de préciser que dans 99,9% des cas, le voyage à bord d'un RER ou d'un train Transilien s'effectue sans le moindre problème pour les voyageurs et que la saturation du réseau est un phénomène complètement indépendant de la présence ou non d'agents commerciaux. De l'art des grandes confusions...
La SNCF se défend en rectifiant les propos de la presse : il s'agit d'abord de permettre le départ d'un train quand l'ASCT est absent de façon inopinée ou programmée (mouvement social catégoriel). Pour une fois, la SNCF se soucie de ses clients - c'est suffisamment rare pour être souligné - et prend en compte le fait que les Régions ont permis d'équiper progressivement le parc TER pour la conduite à agent seul.
Celle-ci pourrait être appliquée sur des lignes régionales afin d'abaisser la facture imputée aux Régions : si des RER circulent sans problèmes avec 2500 personnes à bord et le seul agent de conduite, pourquoi ne serait-ce pas possible avec un TER transportant 100 à 200 personnes à bord ?
Il existe quelques raisons parfaitement recevables : les procédures lors d'un arrêt en pleine voie ne sont pas identiques. Ecart de trafic aidant, les infrastructures ne sont pas équipées de la même façon et la présence d'un second agent apparaît nécessaire sur des lignes régionales à trafic moyen ou faible. L'exploitation à agent seul impliquerait donc la mise en place de systèmes de communication et de protection des circulations plus évoluées que les dispostifs actuels.
En revanche, on sera plus précis quant au rôle réel de l'ASCT dans les TER. Sur les liaisons de type intervilles, où une part significative de voyageurs est en correspondance avec des trains nationaux, l'ASCT constitue un service à bord, notamment pour l'assurance de la correspondance et, inversement, la prise en charge de la suite du trajet en cas de perturbation. Sur les liaisons rurales ou périurbaines, le trafic est essentiellement fait d'abonnés, salariés ou scolaires, pour lesquels les attentes sont différentes et plus proches de celles d'une exploitation urbaine, d'autant que sur des dessertes à arrêt fréquent, l'agent ne peut pas repasser dans tout le train entre deux gares parfois séparées d'à peine un kilomètre.
Reste que pour valoriser le rôle des ASCT dans tous les trains, encore faudrait-il faire disparaître des comportements peu compatibles avec la notion de service public derrière laquelle un certain nombre se retranche un peu trop facilement : le taux de non contrôle dans les TGV augmente. A bord des TER, il est très disparate selon les Régions et selon les lignes : il est courant de voir l'agent lire le journal en cabine arrière. Autant de situations qui nuisent à l'image de la profession, y compris pour ceux qui font très correctement leur travail.
En Bourgogne sur les lignes du Morvan, le contrôle a été rendu mobile avec vente à bord des autorails X73500. Malheureusement, la SNCF ne parvient pas à concentrer les engins équipés à ces lignes et le personnel de contrôle est insuffisamment mobilisé. La Région Bourgogne déplore une hausse de la fraude. En Région Centre, l'évolution de l'offre sur Tours - Chinon avait été conditionné à la suppression du contrôleur permanent sur les X73500, mais avec des problèmes ponctuels avec certains lycéens de l'agglomération.
Hors de nos frontières, l'exploitation à agent seul existe, en Suisse et en Allemagne, notamment sur les liaisons régionales et de type RER. Les contrôles se font à l'improviste par des brigades mobiles comme sur les réseaux urbains. Le tarif des amendes est très dissuasif, ce qui n'est pas encore le cas en France, où de surcroît le taux de recouvrement des amendes reste insuffisant. Aux CFF, l'amende de base est de 90 CHF soit 73,5 €, passe à 130 € à la première récidive et à 160 à la troisième. Elle est de 35 € en France. Le travail d'intérêt général est alors peut être une solution (nettoyage, détagage, sensibilisation du jeune public...).
Sur certaines lignes suisses "sensibles", l'agent commercial a été rétabli, au moins à certaines heures. Cependant, l'équipement des lignes pour la gestion des arrêts en pleine voie n'est pas celui des petites lignes françaises. Quant à la clientèle, il est courant d'entendre dire que le suisse moyen est un peu plus respectueux des règles que le français moyen : c'est un peu vrai... mais de moins en moins.