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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

16 octobre 2022

Allemagne : un forfait transports publics à 49 € par mois

Cet été, plus de 52 millions de billets à 9 €, valables un mois sur l'ensemble des réseaux de transports publics (à l'exception des IC et ICE) ont été vendus en Allemagne. L'effet sur la fréquentation a été réel... et difficile à absorber : l'afflux de voyageurs était tel que les services n'arrivaient pas à l'absorber, causant de nombreux retards et une saturation des bus, trams, métros et trains régionaux. Qui plus est, l'analyse a posteriori montre que cette offre promotionnelle a intensifié le nombre de déplacements mais a eu peu d'effets sur le choix modal entre le transport public et la voiture particulière, puisque durant la validité de cette offre, le trafic automobile n'a pas diminué. Le report modal oscillerait, selon les sources, entre 3 et 10% : la vérité est probablement entre les deux, mais reste de toute façon relativement faible par rapport au coût de l'opération, estimé à au moins 2,5 MM€.

Une nouvelle mesure a été décidée par le gouvernement allemand : un abonnement numérique valable sur les mêmes services (donc hors grandes lignes) pour 49 € par mois. Evidemment, reste une question centrale sans réponse claire : le financement. L'Etat fédéral a pris en charge une partie de la perte de recettes liées à la promotion estivale, mais les communautés tarifaires ont été pénalisées par un manque de recettes (puisqu'il a parallèlement fallu augmenter autant que possible la capacité de transport sur les réseaux). La formule à 49 € reste évidemment très attractive mais devra faire l'objet d'une âpre négociation, notamment avec les Länders : le gouvernement fédéral, qui souhaite une mise en oeuvre dès janvier, serait prêt à mettre 1,5 MM€ dans la corbeille des compensations.

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Dresde Hauptbahnhof - 19 septembre 2022 - Départ d'un ET440 Mitteldeutsche Regiobahn opéré par Transdev en direction de Zwickau. La nouvelle formule d'abonnement à 49 € par mois reste très intéressante puisque l'offre de transport accessible couvre une large palette de besoins. Il faudra non seulement assurer la garantie de recettes pour les Länders... et veiller à l'effet sur la fréquentation de lignes parfois déjà très chargées. © transportrail

En attendant, à Berlin, le VBB propose un abonnement promotionnel à 29 € par mois valable sur l'ensemble du périmètre des transports urbains comprenant 3 zones.

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14 octobre 2022

Ouigo en Espagne : nouvelle offre vers Valence

Deuxième étape de la percée de la SNCF en Espagne, sous la bannière de Ouigo : l'opérateur français a lancé un service comprenant 5 allers-retours entre Madrid et Valence, en 1h50. Les départs de Madrid Chamartin ont lieu en semaine à 7h20, 10h15, 13h45, 17h20 et 19h25, et de Valence Joaquin Sorolla à 7h35, 10h10, 13h30, 16h50 et 20 heures.

Pour mémoire, l'offre entre Madrid et Barcelone comprend également 5 allers-retours et les horaires sont relativement similaires, mais sur une amplitude plus importante puisque le premier train quitte Barcelone dès 6h45 alors que le dernier, parti à 20h45, arrive à Madrid à 23h30. Même chose vers Barcelone, avec un premier train à 7h05 et le dernier à 21 heures.

La SNCF lancera 2 allers-retours Madrid - Alicante en 2023. Les destinations vers l’Andalousie sont également visées mais il faudra attendre le remplacement du LZB par ERTMS niveau 2 sur la première des lignes à grande vitesse d’Espagne.

En outre, sous la bannière française de Ouigo, 2 allers-retours Paris - Barcelone seront proposés, remplaçant l'offre préexistante qui était labellisée InOui, avec une troisième relation en été. Les voyageurs auront bien du courage à voyager plus de 6 heures dans des trains au confort si limité, et avec une politique d'arrêt dissymétrique. Les trains partiront à 9h42 et 14h56 de Paris, à 10h33 et 14h32 de Barcelone. La liaison Paris - Barcelone d'après-midi se distinguera ainsi en desservant les gares excentrées de Nîmes Pont du Gard et de Montpellier Sud de France, alors que les autres passeront par les gares centrales.

La RENFE n'est pas en reste puisqu'elle annonce lancer prochainement sur cette relation ses S112 en version AVLO, sur le même segment du marché. L'opérateur espagnol historique semble donc vouloir répondre à la SNCF avec la même logique de séparation des gammes tarifaires par l'horaire (AVE - AVLO étant l'alter ego du tandem français InOui - Ouigo). Dans un peu plus d'un mois, Trenitalia arrivera sous la marque Iryo, avec des trains proposant tous les tarifs à chaque horaire. Il sera donc intéressant d'évaluer dans la durée la réaction du public sur ces stratégie très différenciées, même s'il est probable que la RENFE et ses AVE continueront d'avoir l'ascendant, ne serait-ce que parce qu'elle a remporté le lot de sillons le plus consistant. Néanmoins, avec 2 sillons par heure en particulier sur Madrid - Barcelone, les prestations d'Iryo seront à suivre.

Notre dossier sur la grande vitesse en Espagne.

9 octobre 2022

Retour à Briançon (en train de nuit, évidemment)

On ne s'en lasse pas... et cette fois-ci, il y avait de la nouveauté. Objectif du reportage de transportrail : essayer les voitures-couchettes rénovées. Mission accomplie et on serait tenté de dire que le contrat est à peu près rempli. Les choix opérés sur la modernisation de ces voitures plus que quadragénaires sont bienvenus (à commencer par le duo prise 220 V + prise USB). Deux éléments n'ont pas été modifiés compte tenu de la dépense qu'il aurait fallu engager : les portes d'accès sont toujours aussi peu commodes mais le resteront jusqu'au passage au chalumeau de ces voitures, et les cadres métalliques des baies vitrées, générant des bruits d'air dans les compartiments, bien plus que des joints en caoutchouc. Bref, de quoi assurer honorablement la prestation, mais il faudra concrétiser la volonté de relancer les trains de nuit en France par un nouveau marché de voitures !

En outre, rappelons que le voyage est un peu plus confortable depuis la réalisation d'une première tranche de travaux entre Livron et Veynes, mais il reste encore beaucoup à faire. Espérons que cette fois, le train pourra être dévié via Grenoble et la ligne des Alpes !

A cette occasion, le dossier consacré à la relation Paris - Briançon a été complètement restructuré et actualisé.

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Montdauphin-Guillestre - 28 août 2022 - Avant de partir en randonnée, après cette nuit de voyage, c'est l'heure du petit-déjeuner. Sortez de la gare, c'est prêt ! La BB75320 toute seule tracte une rame composée majoritairement de voitures rénovées : il n'y a pas de source miraculeuse dans le coin... mais un député influent, ça compte ! © transportrail

7 octobre 2022

Donges : une courte ligne nouvelle

Ce n'est pas l'amorce du projet LNOBPL, mais c'est quand même une ligne nouvelle, fut-elle limitée à 4500 m. Depuis ce matin, les trains empruntent une infrastructure toute neuve entre Savenay et Saint-Nazaire pour contourner la raffinerie de Donges. Cet investissement de 154 M€ a été financé aux trois tiers par l'Etat, les collectivités locales et le groupe Total.

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La ville de Donges gagne donc une gare nettement mieux placée, sans dégrader l'accès au site industriel. En revanche, cette réalisation met en question la consistance de la desserte de cette localité située sur un axe Nantes - Saint-Nazaire qu'on peut considérer aux limites d'un RER nantais, mais sur lequel la densité de flux (principalement routiers) devrait inciter à aller au-delà :

  • 11 arrêts par jour et par sens du lundi au vendredi, avec un creux de desserte de 3 heures entre 9h08 et 12h08 puis de 2 heures entre 15h06 et 17h07 vers Saint Nazaire, le record étant de 4 heures en direction de Nantes entre 8h48 et 12h50 ;
  • 3 arrêts seulement le samedi ;
  • 2 arrêts le dimanche.

Les autres trains, soit 14 allers-retours en semaine par exemple, sont généralement directs au moins depuis Savenay vers Saint-Nazaire. C'est peut-être un des critères qu'il faudra évaluer dans les appels d'offres de la Région pour l'exploitation des différents lots de lignes.

5 octobre 2022

La grande vitesse se profile entre Lisbonne et Porto

Le projet d'une ligne nouvelle à grande vitesse réduisant à 1h15 la durée du trajet entre les deux principales métropoles du Portugal va être concrétisé avec l'annonce par le gouvernement de la mise en chantier en 2024 d'une première section entre Porto et Soure (au sud de Coimbra), dont le coût est estimé à 2,9 MM€. Elle serait livrée en 2028 et réduirait le temps de trajet à environ 2 heures pour les meilleurs services. La deuxième étape apporterait l'essentiel du gain de temps complémentaire (1h19 pour les trains directs) en se raccordant à l'entrée de la capitale. Il resterait une dernière section, au-delà de 2030, pour une arrivée plus rapide au coeur de Lisbonne et un gain de 4 minutes.

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La ligne nouvelle intègre :

  • l'extension de la gare de Porto Campanha en préfiguration de la future jonction avec Vigo,
  • un nouveau viaduc sur le Duro (incluant une liaison routière),
  • la création d'une gare nouvelle au sud de Porto, à Vila Nova de Gaia, connectée à un prolongement du Metro do Porto,
  • des raccordements pour la desserte d'Aveiro, Coimbra et Leiria,
  • l'aménagement de la gare de Lisbonne Oriente et Porto Campanhã pour accueillir les circulations supplémentaires.

Le coût complet du projet est estimé à 4,5 MM€ et bénéficiera d'une subvention européenne de 1 MM€.

La grande vitesse ferait pratiquement tripler la fréquentation du train entre les deux villes, passant selon les études de potentiel de 6 à 16 millions de passagers annuels. Actuellement, le temps de parcours des 15 allers-retoues oscille entre 2h58 pour les services assurés en trains pendulaires Alfa et 3h22 pour les offres classiques. Le schéma de desserte prévoit jusqu'à 60 circulations sur la ligne nouvelle, dont 9 sans arrêts et 17 desservant les gares intermédiaires, ainsi que 34 alternant la circulation sur la ligne nouvelle et sur le réseau existant, combinaison facilitée par le choix de construire la ligne nouvelle à l'écartement ibérique : il faut espérer que soient prévues des traverses compatibles avec la pose d'un troisième rail à écartement 1435 mm..

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Lisbonne Oriente - 26 mai 2014 - La très belle verrière de la gare Oriente contraste avec l'espace sous les voies, d'un agrément nettement moindre. Les liaisons rapides entre Lisbonne et Porto sont assurées en automotrices pendulaires Fiat-Alstom, similaires aux ETR460 italiennes. © transportrail

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Porto Campanhã - 28 mai 2014 - La gare des trains longue distance de Porto est à l'écart de la ville, accessible notamment par correspondance avec les services de banlieue depuis la gare de São Bento. Notez les quais à 760 mm qui réduisent le nombre de marches à gravir pour accéder à ces rames dont le plancher se situe à 1,25 m. © transportrail

L'appel d'offres pour 12 rames à grande vitesse (et 14 en tranche optionnelle) se poursuit. Le montant total du marché est aujourd'hui estimé à 650 M€. Alors, Alstom, Siemens, CAF, Talgo, Hitachi ?

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4 octobre 2022

Paris - Cherbourg : du Corail à l'Omneo Premium

Après plusieurs trajets à bord des Omneo Premium de Normandie, transportrail procède à l'actualisation de ses dossiers à bord des relations avec Paris. Premier cas, la relation Paris - Cherbourg, permettant de comparer l'époque, pas si lointaine, des Corail et celle contemporaine avec les automotrices à 2 niveaux.

Si on tente une synthèse, on évitera tout de même de disserter des heures sur le confort du siège des Corail, réel, mais non dénué d'inconvénients (siège fixe dans les deux classes, assise relativement molle qui ne satisfait pas tous les dos, selon la sensibilité de chaque voyageur). On pourra souligner que le nouveau matériel apporte de la capacité, de la modularité et de meilleures performances (par la motorisation répartie). L'aménagement intérieur peut dérouter de prime abord, mais elle permet quand même de réduire la durée des arrêts grâce à des accès plus commodes et les 120 places supplémentaires (en UM2) sont appréciables.

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Cherbourg - 11 août 2022 - Les Omneo Premium ont fait main basse sur la totalité des liaisons avec Paris depuis l'ancienne Basse Normandie. Et ce n'est que le début puisque 27 rames supplémentaires vont arriver pour remplacer les VO2N en fin de vie et les TER2Nng cédées à la Région Grand Est pour augmenter la capacité de transport en Lorraine. © transportrail

Sur cette relation, les enjeux sont ailleurs que dans un débat sur le matériel roulant, qui est désormais là et semble recueillir une majorité d'avis positifs. La consistance de la desserte pourrait encore progresser, mais la relation a échappé au pire puisque les préconisations de la SNCF en 2015 conduisaient à sa quasi-disparition tandis que la commission Avenir des TET avait elle aussi commis de préjudiciables contresens. Heureusement, il n'en fut rien.

Néanmoins, les allègements décidés par la Région à la fin de la pandémie, du fait d'une chute de la fréquentation (effet du télétravail) n'ont pas totalement été éliminés. Il manque encore des trains et sur l'offre maintenue, des arrêts supplémentaires entre Caen et Mantes la Jolie subsistent. Ainsi, en semaine vers Paris, on compte 5 liaisons depuis Cherbourg sans arrêt de Caen à Paris (desserte de référence) + 1 avec un arrêt à Mantes la Jolie + 2 liaisons avec arrêts à Lisieux, Bernay et Evreux, sans compter les variantes et forcéments du vendredi. L'offre est donc moins lisible et moins consistante en volume (8 trains au lieu de 9). En revanche, le week-end, la desserte de l'automne 2022 comprend bien 9 allers-retours (et toujours avec l'arrêt à Mantes sur le 3328). Dans le sens Paris - Cherbourg, figure toujours l'étonnant (et peu connu) train de nuit (en places assises) 3327 quittant Paris à 0h10 (0h32 le lundi) et arrivant à Cherbourg à 5h25. En revanche, le premier service rapide n'est qu'à 10h59 ce qui est inacceptable, d'autant que le train précédent quitte la capitale à 6h12 : le départ de 8h59 n'a lieu que le vendredi.

Il y a donc maintenant besoin de revenir à une offre clairement organisée, cadencée aux 2 heures et renforcée à l'heure dans le sens de la pointe, sans arrêt de Paris à Caen, en jouant la complémentarité avec les Paris - Caen et Paris - Deauville, chargés de la desserte des principales villes entre Evreux et le Calvados.

Il faudra aussi s'attacher au renouvellement et à la maintenance de l'infrastructure, avec en point d'orgue le bien connu remblai d'Apremont toujours limité à 40 km/h sur une zone apte à 140 km/h. S'il pouvait être consolidé avant la réalisation de LNPN, personne ne s'en plaindrait !

Notre dossier a donc été mis à jour. Prochainement, transportrail se penchera à nouveau sur l'axe Paris - Le Havre... et sur le débat un peu vif entre Ile de France Mobilités et la Région Normandie sur la desserte des gares situées à l'ouest de Mantes .

2 octobre 2022

Un terminal multimodal pour Rungis en 2026

Au printemps 2026 en principe, le marché d'intérêt national de Rungis disposera d'un terminal de transport combiné destiné à recevoir 4 à 5 trains par nuit sur un terrain de 13 hectares. Il pourra accueillir non seulement des caisses mobiles, mais aussi manoeuvrer des remorques et gérer des wagons classiques. Les liaisons envisagées proviendraient de Perpignan, d'une origine provençale à définir dans le delta du Rhône, de Sète, de Dunkerque mais aussi de Rotterdam et Anvers. L'opérateur sera désigné au premier trimestre 2023. Le coût de ce projet est estimé à 25 M€.

L'actuel train des primeurs, avec ses wagons réfrigérés, devrait circuler jusqu'à la fin de l'année 2025 selon les termes du contrat actuel avec Fret SNCF. S'il était reconduit, il pourrait donc être accueilli dans les nouvelles installations franciliennes. Cependant, le matériel a été rénové pour une durée limitée et le développement du trafic de transport combiné et d'autoroutes ferroviaires vers ce nouvel équipement pourrait être l'occasion de faire évoluer la relation, en changeant le type de convoi mais aussi son origine : il est régulièrement question d'une relation depuis l'Espagne, pouvant profiter d'une infrastructure largement disponible à travers les Pyrénées et à écartement standard qui progresse au-delà de Barcelone.

Cette solution faciliterait l'usage des wagons dans le sens nord-sud en diversifiant les possibilités d'équilibrage du trafic sur une relation dont l'intérêt théorique ne fait guère de doute, surtout avec la tension croissante dans le transport routier par la pénurie de conducteurs de camions.

 

1 octobre 2022

30 minutes à Weinheim (un samedi !)

Plantons le décor : Weinheim est une petite ville située entre Heidelberg et Darmstadt, desservie par la ligne organisée en T inversée entre Francfort au nord, Mannheim et Heidelberg au sud, sur ce qui est finalement l'itinéraire complémentaire à l'axe principal passant à moins de 10 km à l'ouest et qui devrait à terme être doublé par une ligne nouvelle apte à au moins 250 km/h.

Nous y sommes restés 30 minutes, un samedi matin entre 11 heures et 11h30. De quoi être tranquilles ? Que nenni. Observez plutôt dans ce nouveau dossier de transportrail !

27 septembre 2022

Coup de théâtre (?) à SNCF Réseau

L'Etat convoque pour demain un conseil d'administration extraordinaire de SNCF Réseau dont l'ordre du jour prévoit la révocation de M. Luc Lallemand, actuel PDG, et la nomination de M. Matthieu Chabanel à sa place. Un faux-vrai coup de théâtre ?

Le président de SNCF Réseau nommé en novembre 2019 et installé en mars 2020 avait imposé une ligne ferme, faisant de l'austérité financière la seule boussole de l'entreprise, en vue d'atteindre la neutralité financière en 2024. Une ligne managériale aussi dure en interne avait été instaurée, avec notamment une réduction d'un tiers des effectifs des directions centrales pour commencer et des difficultés à couvrir certaines fonctions dans les directions territoriales et sur le terrain. Dans les relations institutionnelles, les discussions avec les Régions n'ont cessé de se tendre, allant même jusqu'à poser des problèmes à l'Etat par des postures non alignées : ce fut notamment le cas sur les lignes de desserte fine du territoire, à propos de la participation de SNCF Réseau aux investissements, quand bien même l'Etat a couvert les fameux 8,5 % à la charge apparente du gestionnaire d'infrastructure par une dotation spécifique du plan de relance adopté en septembre 2020. L'affaire NExTEO, sans concertation manifestement tant avec SNCF Voyageurs qu'avec la RATP, partenaire technique du projet, a encore monté d'un cran ces clivages et la probabilité d'une crise ouverte.

Il faut d'ailleurs probablement voir dans cet événement une victoire d'un ministère technique sur le grand argentier : la balance a penché en faveur du ministère des Transports, mais il n'est pas impossible que Matignon ait fini par arbitré. Après tout, il n'y a pas si longtemps, les Transports étaient dans le portefeuille de Mme Borne.

L'annonce immédiate de la désignation de M. Matthieu Chabanel est le deuxième étage de la fusée. Il avait annoncé son départ de SNCF Réseau (dont il était numéro 2) au printemps, officiellement pour devenir numéro 2 du groupe La Poste mais on ne l'a jamais vu apparaître dans l'organigramme de l'entreprise. Il y a donc matière à penser qu'il a été mis en réserve et que l'exfiltration de M. Lallemand est un processus réfléchi... et probablement âprement négocié avec le ministère des Finances et ce depuis plusieurs mois.

Grand serviteur de l'Etat, M. Chabanel connaît donc parfaitement le gestionnaire d'infrastructures pour y avoir occupé différentes fonctions depuis 2012. Par rapport à M. Lallemand, il est probable qu'une approche un peu plus industrielle, voisine de la ligne qui était celle de M. Jeantet, puisse revenir en grâce. Il reste cependant à connaître les orientations de l'Etat en matière ferroviaire, dont on pourrait avoir un aperçu dans la lettre de mission à M. Chabanel, et évidemment dans les discussions parlementaires autour du budget 2023. On peut supposer que M. Chabanel a accepté la mission en échange de quelques assurances, sans lesquelles ses marges de manoeuvres seraient nulles.

La bataille va donc aussi se jouer à l'Assemblée Nationale et au Sénat : en l'absence de majorité à l'Assemblée Nationale, et compte tenu d'une opposition majoritaire au Sénat, le gouvernement devra lâcher du lest. Le ferroviaire en fera-t-il partie ? C'est une possibilité... mais il y a tant à faire en matière de grands services publics et de transition énergétique qu'il faut être prudent, d'autant qu'on connaît la faible sensibilité de la macronie à la chose ferroviaire. On sait depuis plusieurs semaines que les sénateurs LR devraient porter un projet d'amendement relevant de 2,8 à 3,8 MM€ le budget de renouvellement de SNCF Réseau. A l'Assemblée Nationale, les députés LR devraient en principe le soutenir (au moins en deuxième lecture) et il devrait - en principe - être compatible avec les orientations politiques des formations de l'alliance NUPES. L'idée d'une programmation pluri-annuelle est aussi envisagée. Sauf à ce que le gouvernement n'envisage le passage en force du budget par l'article 49-3, il est possible d'envisager qu'il lâche - un peu - la bride sur la question ferroviaire. Enfin, que devient l'actuel contrat Etat - SNCF Réseau dont tous les observateurs s'accordent à dire qu'il a vocation à passer à la poubelle ?

Mais il convient d'être prudent. Les coups de Jarnac existent... surtout en politique ! Et une chose est certaine : ce ne sera pas suffisant compte tenu de l'ampleur du retard accumulé.

24 septembre 2022

Grande vitesse : encore plus vite ?

C'était une question récurrente dans la presse grand public, et qui émaille les discussions finalement depuis les origines du chemin de fer : faut-il aller encore plus vite ? La présentation la semaine dernière de la première rame TGV-M a marqué une rupture puisqu'elle n'ira pas plus vite que les actuelles rames. Ses bénéfices sont ailleurs, sur l'investissement, la capacité, la modularité et l'empreinte énergétique et environnementale.

Des matériels aux ambitions de plus en plus marquées

Depuis les années 1990, en France, circuler à 300 km/h est devenu une performance banale. Les années 2000 ont encore relevé le plafond à 320 km/h et certains faisaient déjà des 360 km/h le prochain cap à atteindre. Très conquérant sur le marché européen, Trenitalia communique sur les 400 km/h accessibles avec les Frecciarossa 1000, alias ETR400. Talgo n’est pas en reste avec des rames prévues pour 330 km/h et la nouvelle génération Avril voudrait atteindre sinon dépasser les 350 km/h. Mais pour l’instant, il n’en est rien : même en Espagne où les lignes à grande vitesse réalisées depuis les années 2000 sont tracées pour 350 km/h, la vitesse de croisière est généralement de 300 km/h et les possibilités au-delà ne sont mises à profit que pour rattraper un retard et ne pas devoir indemniser les voyageurs. Alstom avait développé l'AGV dans la perspective de pratiquer les 350 km/h.

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Innotrans est évidemment le lieu pour observer l'évolution des tendances de l'industrie ferroviaire : voici les deux derniers exemples de matériel à grande vitesse exposés, mettant en avant une conception pour des performances plus élevées que celles des rames connues à ce jour. En 2008, Alstom exposait le démonstrateur de l'AGV et en 2014, le groupement Bombardier - Hitachi était venu avec un Zefiro italien. © transportrail

Le mirage des descendants de l'Aérotrain

Le débat sur la vitesse s'exprime aussi au travers de l'attrait toujours marqué des médias pour des concepts tels qu'Hyperloop ou SpaceTrain affichant des vitesses jusqu'à 1300 km/h. Pour le premier, le bail du site de Toulouse-Francazal a été résilié par la Métropole, qui a perdu près de 6 M€. Officiellement, la société Hyperloop TT lorgne sur un autre terrain du côté de Muret pour un tube expérimental de 10 km. Mais les collectivités ont été - enfin ! - refroidies. Compréhension rapide... mais il faut expliquer longtemps. Quant à SpaceTrain, le concept passe des pages technologiques à la chronique judiciaire, d'abord suite à une plainte pour non-versement de salaires et ensuite pour de fausses déclarations de chômage partiel pour bénéficier des aides de l'Etat, alors que certains salariés auraient continué à travailler... tandis que d'autres avaient déjà démissionné.

Et dès lors que Elon Musk lui-même a reconnu que le concept n'avait pour seul but de torpiller le projet de TGV en Californie, il n'est point besoin de s'étendre sur la questioN.

Comme un goût de pragmatisme

Ce plafonnement de la vitesse a plusieurs raisons d'ordre économique et liés pour partie aux choix de conception des lignes à grande vitesse en France, notamment le choix de la voie ballastée, la valeur de l'entraxe des voies et l'aérodynamique du matériel roulant. Ainsi, passer de 300 à 320 km/h entraîne déjà une augmentation des coûts de maintenance de 25 à 30% de l'infrastructure, et une consommation d'énergie plus importante. Nous y revenons par la suite. Autre élément à ne pas négliger, le bruit et les riverains, même si l'acceptabilité des lignes nouvelles n'a jamais été très élevée : tout le monde veut profiter du service, mais à condition qu'il passe loin de chez soi... pour critiquer ensuite une accessibilité difficile.

Du côté des gains, abordons d'abord quelques principes : il ne faut pas oublier que le système ferroviaire est fondé pour large partie sur des coûts fixes par paliers : c’est lorsque l’augmentation de la vitesse permet de faire la même offre avec moins de matériel ou une desserte accrue à iso-parc qu’apparaît le gain réel, sauf – évidemment – à concevoir des dessertes sur le seul critère de la rotation du matériel et à ne pas intégrer la structuration en horaire cadencé (comme Ouigo), mais en négligeant un peu la sensibilité du voyageur. Exemple : il faudrait pouvoir relier Paris à Lyon Perrache en 1h45 maximum au lieu de 2h08 pour gagner une rame dans une desserte cadencée à l'heure, à condition de généraliser de façon fiable des crochets aux terminus en 30 minutes. Qui plus est, le bénéfice d'une vitesse accrue ne vaut que sur de longs parcours sans arrêts : il est par exemple possible de tenir 1h48 sur Paris - Strasbourg sans pour autant dépasser 300 km/h.

Et dans l'absolu, on peut en profiter pour souligner un paradoxe français, qui ne lésine pas sur les investissements à quelques dizaines de millions d’euros par minute gagnée, mais qui ne s’offusque pas de voir une rame coûtant plus de 30 M€ circuler sur plusieurs kilomètres à 30 ou 40 km/h pour accéder aux grandes gares. Le temps gagné, c’est aussi celui qu’on ne perd pas… Avantage global pour le système ferroviaire, agir sur ces zones pour relever la vitesse à au moins 60 km/h ne bénéficierait pas qu'aux liaisons longue distance à grande vitesse, mais à tous les trains. « Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous ».

Conception de l'infrastructure : une autre limitation de la vitesse

Le classicisme dans la conception des lignes à grande vitesse française, essentiellement sur voie ballastée, tranche avec le recours à la voie sur dalle en béton dans la plupart des autres pays. C'est plus cher à la construction, mais plus économique en maintenance courante. La question ne se pose que pour le renouvellement, plus complexe. La voie sur dalle autorise, à rayon de courbe constant, des dévers accrus donc des vitesses légèrement supérieures, mais aussi une réduction de l’entraxe entre les voies, donc des emprises moins gourmandes en foncier. Une aérodynamique plus poussée du matériel, comme au Japon, permet des vitesses accrues.

Sur JR East, les rames du Shinkansen larges de 3,40 m (contre 2,89 m en France) peuvent circuler à 320 km/h avec un entraxe de 4,20 m comme celui de la LGV Sud-Est qui admet entre 270 et 300 km/h. En outre, les rames japonaises sont généralement encore plus légères : exemple avec la série E7 apte à 320 km/h, composée de 10 voitures dont 8 motorisées, développant 10 MW avec une masse de 453 tonnes réparties sur 40 essieux, soit 11,3 tonnes à l’essieu (à vide) et une puissance massique de 22 kW / t. Les rames Duplex Océane disposent d’une puissance massique légèrement supérieure (9280 kW pour 399 tonnes soit 23,3 kW / t), avec une motorisation concentrée sur les 8 essieux des 2 motrices, et une charge à l’essieu de 15,3 tonnes (à vide). Un écart non négligeable quant à la sollicitation de la voie, surtout sur plateforme ballastée. Le coût de maintenance supplémentaire entre 300 et 320 km/h a été évalué entre 20 et 30%.

L'aérodynamique joue aussi sur l'insertion des infrastructures et limite le recours aux murs anti-bruit, qui obèrent l'agrément de voyage en privant les voyageurs de la contemplation de certains paysages. Ceci dit, il y aussi le syndrome de la trumite, qui consiste à avoir des places assises borgnes, entre deux fenêtres...

La nouvelle génération de TGV français, développé par Alstom et SNCF Voyageurs, améliore son aérodynamique mais d’abord dans un souci de réduction de la consommation d’énergie : il n'est plus question d'une vitesse accrue, même si le profil en courbe, le dévers et l'entraxe des lignes réalisées depuis les années 1990 est compatible avec une vitesse théorique de 350 km/h, car l'ensemble des requis ne sont pas réunis.

Un peu de géographie pour finir

Enfin, rouler plus vite suppose de s'arrêter le moins souvent possible pour que le bénéfice soit réel, ce qui remettrait sur la table des discussions le lien entre la grande vitesse ferroviaire et le maillage du territoire. L'intérêt de pratiquer une vitesse plus élevée n'aurait de sens sur le plan commercial que pour de très longues distances entre deux gares, donc essentiellement sur des trajets au départ de Paris vers des destinations très éloignées. Le plus long parcours sans arrêt sur LGV reste Paris - Marseille, mais seule la partie au sud de Valence TGV dispose d'une vitesse de tracé de 350 km/h. Sur Paris - Bordeaux, trajet plus court, c'est après Tours que l'infrastructure est en théorie calibrée pour aller au-delà de 320 km/h. Reprendre l'entraxe des voies et rectifier certaines courbes est une option bien peu crédible au regard de l'investissement à consentir et du bénéfice réel.

Aussi, même dans une optique européenne, le bénéfice resterait modeste : sur un Paris - Barcelone, il faudrait, pour vraiment obtenir un gain de temps significatif, non seulement réduire le nombre d'arrêts desservis (par exemple Valence TGV), convertir CNM en LGV (le tracé le permet) au détriment du fret et avec l'épineuse question du choix entre les gares de Nîmes Pont du Gard et de Montpellier Sud de France et enfin réaliser LNMP en ligne à grande vitesse de bout en bout ce qui n'est pas le schéma retenu. Bref, beaucoup de conditions qui, à ce jour, rendent peu crédibles les perspectives de trains à plus de 320 km/h en France.

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