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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

4 juillet 2014

Rive droite du Rhône : l'abandon ?

Le dossier avait déjà connu un net ralentissement depuis deux ans et les annonces de retour du train en 2013 puis en 2014 n'ont pas été suivies d'effet. La réouverture de la rive droite du Rhône a pris du plomb dans l'aile en même temps que la facture augmentait. Il faudrait dépenser plus de 107 M€ - infrastructures, gares et matériel roulant inclus - pour rouvrir la ligne et la gare au service voyageur sur la section ardéchoise, prenant la forme d'une liaison Romans - Valence TGV - Valence ville - Rive droite - Avignon centre - Nîmes avec rebroussement à Avignon. Pas moins de 13 gares seraient à nouveau desservies : Le Pouzin, Cruas, Le Teil, Viviers, Bourg Saint Andéol, Bagnols sur Cèze, L'Ardoise, Roquemaure, Villeneuve les Avignon, Aramon, Remoulins et Marguerittes, desservies par 7 allers-retours, à raison de 3 trains le matin, 3 le soir et un aller-retour de mi-journée. Le volume de desserte serait contraint par le plan de prévention des risques d'une usine chimique à Aramon.

Le potentiel de trafic serait de l'ordre de 2500 voyageurs par jour. Le projet serait phasé en deux étapes, avec dans un premier temps Romans - Avignon et dans un second temps Avignon - Nîmes, après la mise en service du contournement de Nîmes et Montpellier. Reste que les reports successifs de la desserte de rive droite rendent ce phasage caduc.

Le coût du projet était estimé en études préliminaires à 30 M€ : il a été renchéri par de nouvelles normes s'imposant aux réouvertures de ligne au trafic voyageurs, comme l'obligation d'un franchissement dénivelé des voies en gare, nécessitant la construction de passerelles dans chaque gare, soit près de 15 M€ de surcoût en plus de la mise en accessibilité des gares représentant 10,5M€ d'investissement.

S'ajoute à cela des contraintes de gabarit ferroviaire, le raccordement sud de La Voulte sur Rhône comprenant un rayon inférieur à 150 m, valeur minimale d'inscription des AGC, et le spectre de la suppression des passages à niveau qui ferait exploser la facture, en application de la "directive Bussereau" qui condamne bien des projets.

Enfin, le coût de 5 M€ par rame pour assurer la desserte semble ne pas intégrer les coûts réels du matériel actuel (Régiolis notamment) à moins d'envisager des acquisitions d'AGC en seconde main. Qui plus est, le volume de 10 rames apparaît assez exagéré puisqu'il n'y aurait que 6 rames en roulement. Le calcul semble avoir été effectué sans tenir compte d'une globalisation du roulement du matériel avec les parcs existants, en particulier les conséquentes flottes d'AGC de Languedoc Roussillon et de Rhône-Alpes.

Surtout, les estimations de charges et de recettes assombrissent sérieusement le bilan puisque les recettes ne couvriraient que 10% des charges d'exploitation. C'est la principale raison qui conduit les Régions à ajourner le projet. Toutefois, c'est oublié plusieurs points :

  • le bienfondé des coûts d'exploitation présentés par l'opérateur,alors même que plusieurs Régions soulignent l'inflation galopante à offre constante des factures de la SNCF,
  • la justesse du dimensionnement du parc de matériel roulant, sans tenir compte des roulements avec l'ensemble des flottes des Régions concernées,
  • la possibilité de fermer la ligne pendant les travaux puisque la capacité de la ligne de rive gauche est largement suffisante au sud de Valence pour accepter le report de la dizaine de trains de fret diurnes transitant aujourd'hui par la rive droite. Il faudrait simplement veiller à maintenir la rive droite circulable pendant les semaines de maintenance de la rive gauche. Hors exploitation, le coût des travaux pourrait être singulièrement diminué, d'environ 30%,

C'est aussi oublier qu'à force d'ajouter des normes et des directives, sous couvert de bonnes intentions (accessibilité, suppression des passages à niveau, généralisation des franchissements dénivelés...), on aboutit au statu quo sur le maillage territorial par un service public de transport.

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27 juin 2014

Dossier Saint Gervais - Martigny

Nouveau dossier de transportrail consacré à la modernisation de la ligne Saint Gervais - Martigny, notamment sur son versant français jusqu'au Châtelard : système d'exploitation, infrastructure, matériel roulant ont fait, font ou doivent encore faire l'objet d'investissements pour faire de la ligne de la vallée du Mont Blanc un véritable outil de transport en commun dans un secteur mondialement connu, au potentiel touristique considérable et une attraction touristique en soi. Il reste encore quelques kilomètres de voie à renouveler. Le déploiement du système de signalisation suisse existant sur la section Martigny - Châtelard a fait grincer des dents compte tenu de l'inflation des coûts, mais il permettra d'instaurer un service à la demi-heure... et, sujet non négligeable, le ratio coût / usage de la rénovation du tunnel de Montroc pour améliorer les conditions de circulation routière, à 200 € par véhicule et par passage, mérite qu'on se penche sur l'équité des investissements entre le rail et la route.

Saint Gervais - Martigny : métrique... mais désormais belle et bien internationale... A vos commentaires !

25 juin 2014

IDBus s'installe sur Marseille - Barcelone

Six mois après le lancement des relations ferroviaires à grande vitesse sur la ligne nouvelle Perpignan - Figueras, la SNCF lance une offre concurrente avec ses IDBus entre Marseille et Barcelone avec desserte de Nîmes, Montpellier et Gérone, en 7h35, La relation directe est assurée par la RENFE en 4h17 et des solutions avec correspondances sont possibles en 5h11 à 5h26.

Si la SNCF a pris les dessertes Paris - Barcelone, la RENFE assure les liaisons depuis Toulouse, Marseille et Genève. La SNCF réplique donc avec une offre à bas coût par autocar pour saper la chalandise de l'opérateur espagnol. Le genre d'amabilités qui doit assurément faire progresser l'Europe ferroviaire !

... Ou comment faire la démonstration qu'il est pas forcément bon que l'opérateur ferroviaire auto-proclamé "de référence mondiale" se mue en opérateur de mobilités dont l'objectif est de faire circuler le moins de trains possible en devenant autocariste...

 

25 juin 2014

Publicité malencontreuse

SNCF-coupe-du-monde

Publicité malencontreuse ou détournement d'actualité ? N'y a-t-il pas un fond de vérité ?

 

23 juin 2014

La Poste arrête le TGV pour le combiné

C'est une page symbolique qui se tourne. Au lancement de la ligne Sud-Est en 1981, La Poste - on disait à l'époque les PTT - avait acquis 2 rames TGV aménagées pour le transport du courrier entre Paris, Mâcon et Cavaillon. Rejointes par une troisième dans les années 1990 (l'ex rame 38), les rames postales arrivent en fin de vie et La Poste ne souhaite pas investir dans le renouvellement de ce parc. En outre, la chute du volume de courrier prioritaire, de 50% depuis 2007, accentué par la dématérialisation, réduit l'utilisation de ces rames dont le taux de remplissage est devenu insuffisant.

La Poste souhaite désormais miser sur le transport combiné pour acheminer les courriers dits de gestion et les documents de marketing. C'est à Bonneuil sur Marne, dans la banlieue sud de Paris, que les caisses passeront de la route au rail pour rejoindre le sud de la France. La Poste considère que le flux de trafic devrait permettre de relancer le transport combiné, mal en point en France. La part de courrier transporté par le rail pourrait passer de 7 à 8 %.

Il faudra quand même s'interroger sur le périmètre de la partie routière et miser sur un élargissement de l'aire d'utilisation du rail vers d'autres axes. La solution du transport combiné pourrait être intéressante si plusieurs hubs étaient créés pour collecter / distribuer le courrier, le train assurant la liaison entre ces hubs par des convois aptes à 120 voire 140 km/h sur plusieurs centaines de kilomètres.

Schématiquement, une collecte à Rennes, Metz, Lille, Toulouse, Lyon, et Avignon constituerait un projet susceptible de mettre le rail en bonne position dans le transport du courrier, en limitant à 200 / 250 km l'aire de collecte routière autour de ces plateformes. Bonneuil pourrait alors avoir une fonction centrale de tri des conteneurs pour des liaisons nord-sud et est-ouest.

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22 juin 2014

Ecotaxe enterrée : quelles ressources pour le rail ?

Ce dimanche, le gouvernement a annoncé le remplacement de l'écotaxe par un péage de transit appliqué aux véhicules de plus de 3,5 tonnes en transit international sur 4000 km de routes empruntées par plus de 2500 camions par jour. Il était prévu de déployer l'écotaxe sur 15000 km de routes. Le péage de transit devrait rapporter de l'ordre de 550 à 600 M€ contre 1,1 MM€ par an pour l'écotaxe.

Mauvaise nouvelle pour le transport ferroviaire car la division par 2 des recettes de l'écotaxe diminuera d'autant la capacité de financement de la modernisation du réseau : les prochains Contrats de Plan Etat-Région s'annoncent donc minimalistes et plusieurs opérations pourraient être reportées voire abandonnées.

On n'ose évoquer l'inconséquence de la décision ministérielle, pour le ferroviaire mais aussi pour le transport routier, qui pourra se jouer des zones à perception de l'écotaxe et créer des reports de circulation sur des axes parallèles, peut-être un peu plus longs, mais dispensés de cette taxe.

La faiblesse de l'Etat sur ce dossier, où quelques bonnets rouges s'arrogent le sens de l'intérêt général, est révélatrice d'une absence de véritable politique des transports.

 

20 juin 2014

Autoroute Ferroviaire Atlantique : des questions

L'autoroute ferroviaire constitue une réponse de plus en plus courante aux questions sur le devenir du fret ferroviaire en France. Après la traversée des Alpes et l'axe Bettembourg - Perpignan, une troisième autoroute est prévue entre Dourges et Tarnos, entre le bassin nordiste et la côte basque. Dans la déconfiture du fret ferroviaire français, l'autoroute ferroviaire ressemble plus au radeau de la méduse qu'à un véritable navire de conquête.

A près de 4.00 M€, le projet est cher, très cher, puisqu'il ne proposerait que 2 allers-retours, une goutte d'eau pour les 85 000 camions journaliers de l'autoroute A10. Ajoutez que le transport des tracteurs sur 1000 km n'a absolument aucun sens et constitue un poids mort qui diminue la productivité des trains, fussent-ils de 850 ou de 1000 m de long. Pour aggraver le cas, mettez des oppositions locales, sur le terminus de Tarnos, et le non dégagement du gabarit GB1 qui imposera - transitoirement dit-on - un itinéraire entre Poitiers et Bordeaux via Niort et Saintes, c'est à dire par un itinéraire en partie non électrifié (Niort - Bordeaux) et de surcroît en voie unique. A la clé, un double relais-traction, dont il semblerait qu'il soit positionné aux Aubrais et à Bordeaux : l'étape Les Aubrais - Bordeaux serait donc intégralement assurée par des engins Diesel sur un parcours à 70% électrifié : pas très "développement durable".

Dès lors, l'ARAF pourrait être saisie du dossier car, pour couronner le tout, le financement du projet est délicat : il sera exploité par VIIA Atlantique, filiale à 100% de SNCF Geodis. L'Etat contribue à 82 M€ et RFF à 208 M€, tandis que le concessionnaire sortira 108 M€ de sa poche.

L'autoroute ferroviaire est-elle une bonne solution ? Oui lorsqu'il s'agit de courtes sections destinées à franchir des obstacles naturelles, comme les montagnes ou les détroits (exemples : Alpes et tunnel sous la Manche). Non lorsqu'il s'agit de longues distances avec un poids mort de tracteurs qui diminue la productivité du convoi ferroviaire en réduisant la masse nette de marchandises transportées. Le combiné reste la solution de référence pour les transports de longue distance. Une solution qui devrait être relancée, les mouvements actuels étant trop sporadiques et limités en nombre : nouvelle plateforme de Château-Gontier, Cognac, création d'un site à Niort, relance des  sites de Perpignan et de Morlaix, deuxième relation au départ de Clermont Ferrand vers Fos sur mer...

18 juin 2014

Réforme ferroviaire : 3 avis

Le Monde daté du 17 juin publie 3 tribunes contrastées sur le projet de réforme ferroviaire. La première est celle de la FNAUT. La deuxième celle d'ATTAC et de la fondation Copernic. La troisième celle de Transdev.

Lemonde_20140617_fnaut  

Lemonde_20140617_attac_copernic

Lemonde_20140617_transdev

La FNAUT met en avant l'écart grandissant entre la stratégie de la SNCF et l'intérêt des voyageurs, la nécessité d'un Etat pleinement stratège, d'une autorité de régulation forte, d'un gestionnaire d'infrastructures ayant sa propre politique de développement de l'usage du réseau (ce qui est antinomique avec la logique de rentabilisation de la place offerte de la SNCF) et souhaite que les Régions puisse lancer des appels d'offres en délégation de service public à l'instar du modèle allemand, appliqué depuis 20 ans, et qui loin d'avoir affaibli la DB (qui a conservé 80% du marché régional) se retrouve consolidée par sa réorganisation et la décision de l'Etat sur son désendettement.

Position voisine de Transdev, qui rappelle les 40 MM€ de dette du système ferroviaire français et l'explosion des coûts d'exploitation des TER de 90% en 10 ans. Transdev soutient l'idée d'un gestionnaire d'infrastructures fort et indépendant de la politique de l'opérateur, et demande, comme certains députés, le transfert des gares à l'infrastructure plutôt qu'à l'opérateur. Sans surprise, Transdev met en avant ses références ferroviaires en Europe pour valoriser le savoir faire d'une entreprise française autre que la SNCF pour développer un service public sans passer par une entreprise publique monopolistique.

Son de cloche différent, sans surprise, dans la tribune co-signée par ATTAC et la fondation Copernic. Il est évoqué l'échec "patent" de la réforme de 1997, sans faire référence à la situation de 1995 qui prévoyait 10000 km de fermetures de ligne avec une ancienne SNCF en posture difficile. La décrépitude du fret est imputée à l'ouverture à la concurrence depuis 2005, alors que la tendance à la baisse a commencé en 1974. En revanche, le propos rappelle avec justesse que la dette ferroviaire est en réalité une dette d'Etat, fruit du financement des LGV de facto par la SNCF depuis le TGV Nord... En revanche, le retranchement derrière le service public est fragilisé par le fait que la législation française ne définit pas aujourd'hui explicitement son périmètre : si de facto, les convention TER y remédient, si la convention TET a constitué une première étape, une évolution des textes serait souhaitable pour poser des bases claires au débat. Reste que service public doit-il se concrétiser par une entreprise public monopolistique ?

POST SCRIPTUM : un 4ème article, vu de Belgique cette-fois ci.

17 juin 2014

Besançon - La Chaux de Fonds : une question de normes

Modification de la réglementation sécuritaire après l'accident de Granges-Marland intervenu le 29 juillet 2013 : l'Office Fédéral des Transports impose un renforcement des dispositifs de protection des trains par la signalisation ce qui devrait conduire à retirer l'autorisation de circulation des X73500 assurant la liaison Besançon - La Chaux de Fonds au 1er janvier 2015. De leur côté, les CFF prévoient d'équiper la ligne en ETCS de niveau 1 dès 2017 alors que cette échéance n'est pas programmée côté français. La FNAUT monte au créneau pour obtenir une dérogation et un double équipement temporaire de la section Le Locle frontière - La Chaux de Fonds pour ne pas casser la liaison directe et fragiliser l'économie de la ligne française qui pourrait perdre de son attractivité si la correspondance était établie.

L'Europe ferroviaire a décidément bien du mal à progresser !

16 juin 2014

La réforme ferroviaire sur le grill

Réformer une réforme - volontairement ? - inachevée

Au sixième jour de grève à la SNCF et à la veille du passage en première lecture à l’Assemblée Nationale du projet de réforme ferroviaire, la mobilisation contre le projet reste forte. Après avoir été opposés en 1995-1996 à la séparation – partielle – entre l’exploitant et le gestionnaire d’infrastructure aboutissant à la naissance de RFF, les organisations syndicales s’opposent au projet de réforme qui vise à constituer un gestionnaire de plein exercice des infrastructures en réunissant tous les métiers au sein d’une seule entité, laquelle serait séparée des métiers d’opérateur et de gestionnaire des gares, tout en faisant partie du même groupe public. En résumé, l’Etat propose un système ferroviaire à 3 entités (SNCF, SNCF Réseau, SNCF Mobilités) contre 2 aujourd’hui : « choc de simplification » avez-vous dit ?

Une réforme est pourtant nécessaire et même indispensable : l’entité hybride que constitue le « gestionnaire d’infrastructure délégué » (SNCF infra) par lequel RFF est obligé de passer est une source majeure de perte d’efficacité et de surcoûts. Dans un système ferroviaire plombé par 44 MM€ de dette, l’équation économique est cruciale pour l’existence même d’un réseau voies ferrées en France. La réforme partielle de 1997 était restée au milieu du gué afin de ne pas trop froisser les organisations syndicales.

Il est temps d’achever le processus, pas tant parce que les directives européennes l’imposent, mais parce que le bon sens légitime le principe. Rien à voir avec la crise d’hystérie collective, semble-t-il initiée par certaines Régions, autour des rectifications de quais avec les nouveaux matériels, ou avec les enseignements de l’accident de Brétigny l’été dernier.

L’objectif de l’unification de l’infrastructure est donc technique, au travers d’une meilleure efficacité de la structure au service de la modernisation du réseau, et financière en parvenant à maîtriser la dette et les coûts des projets, pour les rendre plus soutenables pour les collectivités les projets de développement en Régions. Si le récent audit mené en PACA – qui démontrait que seul 25% des coûts présentés par RFF pour la réouverture de Saint Auban – Digne étaient justifiés – est peut-être un peu réducteur, du moins avait-il pour avantage de poser la question d’un manque de justification des coûts présentés.

Des intérêts contradictoires

Plus délicate est la question de l’intégration de l’opérateur et du gestionnaire d’infrastructure dans le même établissement public. Dans le monde ferroviaire d’aujourd’hui, les intérêts du premier et ceux du second ne sont pas strictement identiques.

Le premier cherche à réduire sa dette, qui augmente mécaniquement de 4% par an, hors créations de nouvelles LGV, et à faire circuler un maximum de trains sur l’ensemble du réseau.

Le second cherche surtout à faire circuler ses trains d’abord, et de préférence le moins possible pour avoir une rentabilité maximale de la place offerte. En voulant s’autoproclamer comme « la référence mondiale en matière de service de mobilité », la SNCF mise aussi sur ses autres activités, notamment routières : la SNCF est de fait de moins en moins un opérateur ferroviaire. La contradiction est flagrante.

Et quand la SNCF considère que le projet d’entreprise du gestionnaire d’infrastructure devra découler de celui de l’opérateur, on ne peut être qu’inquiet pour l’avenir du transport ferroviaire en France, puisque celui-ci ne cache plus son militantisme avéré pour l’autocar (avec IDBUS ou ses propositions auprès des Régions pour nombre de TER). Le gestionnaire d’infrastructure, doit donc être doté d’un projet autonome, plus large que celui de l’opérateur principal, si le transport ferroviaire veut pouvoir disposer d’outils de reconquête.

Il serait illusoire de croire que le retour à la « bonne vieille SNCF d’antan » serait le seul moyen de renouer avec l’efficacité du système ferroviaire, puisque de 1938 à 1997, la SNCF a certes eu quelques beaux succès, mais ses considérations techniques et économiques ont tout de même conduit à la disparition de 50 000 km de voies ferrées. Qui plus est, au sein de l’ancienne SNCF, les métiers de l’infrastructure et d’exploitation étaient déjà clairement séparés, y compris dans les mentalités.

La réforme de 1997 et ses vertus

Pourtant, la réforme de 1997 avait eu quelques avantages. En créant RFF, alors établissement de gestion de la dette, la France avait pu se qualifier pour la monnaie unique européenne.

Ferroviairement parlant, la montée en puissance de RFF a permis de faire émerger un nouvel acteur et de créer une troisième voix entre les Régions et la SNCF, de faire entrer de nouveaux opérateurs de fret qui ont permis d’éviter – ou du moins de retarder – le naufrage de cette branche d’activité, voire, selon l’avis de certains élus régionaux, d’avoir un dialogue plus ouvert et plus prospectif sur le devenir du transport ferroviaire en France.

Autre exemple : sans RFF, il est probable que le cadencement n’aurait pas vu le jour en France. Lorsque la Région Rhône-Alpes y a travaillé dès 2001, elle s’est heurtée à l’opposition systématique de la SNCF, avant que celle-ci ne s’en arroge la paternité en 2007.

La création de RFF a eu au moins cet avantage de montrer que l’infrastructure était un véritable métier avec son propre projet, même si la logique « faisons de l’infrastructure et on verra ensuite ce qu’on y fait rouler » a eu du mal à quitter les esprits des décideurs : en atteste le catalogue de lignes nouvelles issues du SNIT d’octobre 2011, dénué de toute connexion avec l’impact sur la dette ferroviaire. C’est d’ailleurs un des axes centraux de la réforme ferroviaire que de renforcer l’article 4 de RFF, destiné à empêcher la formation d’une nouvelle dette et la préservation des gains de productivité au sein du gestionnaire d’infrastructure tant que le système produit de la dette.

Les gares restent pour l’instant à quai

Si la réforme ferroviaire prévoit de fusionner la gestion du patrimoine foncier et immobilier de la SNCF et de RFF, le statu quo quant à la gestion des gares a été acté par le gouvernement, alors que nombre de voix, y compris parmi des députés fins connaisseurs du sujet, considèrent que les gares doivent intégrer non pas l’opérateur mais le gestionnaire d’infrastructures. La SNCF y est opposée car c’est un moyen pour elle de limiter à la portion congrue la concurrence et surtout, c’est un centre de profit à haute valeur ajoutée, alors même que le TGV ne nourrit plus les caisses de l’exploitant et que les Régions surveillent de plus en plus près l’utilisation de leurs subventions.

A l’inverse de la tendance européenne, comme en Espagne ou en Suède, ou les gares sont dans le gestionnaire d’infrastructures, la France se singulariserait par ce choix hybride, qui probablement ne tiendra que jusqu’au jour où des opérateurs de voyageurs viendront s’installer de façon plus visible que l’unique train de nuit de Thello.

La question du statut

Sujet sensible à la SNCF, la préservation du statut cheminot des agents SNCF transférés au gestionnaire d’infrastructure constitue l’un des principaux arguments de mobilisation, allant bien au-delà de ce seul domaine puisque les agents de conduite, bien que non concernés par la réforme, se mobilisent aussi pour la préservation du statut.

De leur côté, les opérateurs alternatifs sont favorables à un cadre social cohérent à condition qu’il ne soit pas calqué sur celui de la SNCF. Leur message est clair : si tel était le cas, ils envisageraient leur retrait du marché français. De quoi mettre quelques dizaines de milliers de camions en plus chaque jour sur nos routes… récupérés par Geodis, filiale de la SNCF ?

Inversement, le statut cheminot serait-il plus profitable aux actuels employés de RFF, la plupart sous contrat de droit privé ? Certes, la plus forte proportion de cadres et leur petit nombre (1500 soit 100 fois moins qu’à la SNCF) ne rendent pas leur parole très audible…

Du service public ferroviaire et du rôle de l’Etat

En outre, on rappellera le flou dans lequel demeure la notion de service public ferroviaire puisque la Loi d’Orientation des Transports Intérieurs de 1982 n’évoque qu’un « droit aux transports ». Elle précise dans son article 2 que « la mise en œuvre progressive du droit au transport permet aux usagers de se déplacer dans des conditions raisonnables d’accès, de qualité et de prix ainsi que de coût pour la collectivité, notamment par l’utilisation d’un moyen de transport ouvert au public ». Autant dire un flou quasi-total : le droit français ne sait définir ce qu’est le service public ferroviaire. En la matière, la régionalisation a permis de le définir par convention en faisant des Régions des autorités organisatrices. L’Etat est devenu AOT lui aussi, mais de façon plus souple et sur un champ limité aux « Trains d’Equilibre du Territoire », et avec une plus faible capacité à redresser l’offre qui lui incombe, contrairement aux Régions.

La question du rôle de l’Etat n’est pas négligeable dans le débat actuel. C’est à lui de fixer une véritable politique et une programmation des projets de transports nationaux. C’est à lui de donner le pouvoir aux Régions de dessiner le développement de leur territoire au travers du transport ferroviaire. C’est à lui de définir la consistance de l’offre ferroviaire nationale. C’est à lui de poser les règles du système, y compris pour l’ouverture du marché : à ce titre, il n’est plus question de savoir s’il faut ou non autoriser de nouveaux opérateurs, mais plus de savoir quand et comment.

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