Le Secrétaire d'Etat aux Transports, Alain Vidalies, a fait le point sur la démarche TET (voir le communiqué de presse). Des annonces attendues, notamment sur le devenir des trains de nuit, le renouvellement du matériel roulant et l'évolution des dessertes.
Et sans surprise : une démonstration de plus de la politique de déménagement du territoire !
Trains de nuit : une offre laminée
Sans surprise, ne resteront à terme que les trains de Paris vers Rodez, La Tour de Carol et Briançon. Cependant, l'Etat maintient la liaison Paris - Hendaye jusqu'à la mise en service de la LGV SEA, c'est à dire jusqu'au 1er juillet 2017. La liaison Paris - Nice est maintenue jusqu'au 1er octobre 2017. Une négociation est en cours pour le devenir de la desserte Paris - Cerbère entre l'Etat et la Région Occitanie.
Sur les liaisons maintenues, le matériel roulant actuel sera modernisé sans qu'on connaisse le contenu de ce programme. On sera cependant interrogatif sur le devenir du Paris - Briançon au-delà d'octobre 2017 puisque cette liaison est associée au Paris - Nice de Paris à Valence. Mécaniquement, le coût de production du Paris - Briançon augmentera lors de la tranche Nice...
Si de nouvelles locomotives sont arrivées sur Paris - Briançon, le sort de la ligne n'est pas totalement assuré : quel sera l'impact sur les coûts d'exploitation de la suppression de la tranche Nice qui permettait de mutualiser les coûts de Paris à Valence ? Quel plan de pérennisation de l'infrastructure pour accéder à Veynes alors que planent de sérieuses menaces de fermeture de Livron - Aspres sur Buech et de Grenoble - Veynes ? © D. Gubler
L'Etat annonce qu'aucune offre recevable ne lui est arrivée suite à l'Appel à Manifestation d'Intérêt sur les trains de nuit. L'offre de Transdev est jugée non-recevable car elle demandait d'intégrer les liaisons vers Briançon, La Tour de Carol et Rodez, exclues de de la procédure, et de maintenir le principe d'un conventionnement sur les autres liaisons, alors que l'Etat exigeait un engagement aux risques et périls. Un choix contestable, plaçant la SNCF dans une situation avantageuse, et clairement destiné à démontrer que l'ouverture du marché ne permet pas de répondre aux enjeux de mobilité et ne permet pas d'influer sur le cours des choses, à savoir le report modal du train vers l'autocar tant vanté par l'actuel gouvernement. Bref, une belle manipulation et une illustration de plus du principe "mieux vaut mourir dans l'illusion de la vertu du monopole que d'essayer de survivre en concurrence".
La Roche sur Foron - 12 mars 2016 - Le Paris - Saint Gervais disparaîtra le 30 septembre prochain. Pas de potentiel pour une desserte directe vers la vallée du Mont Blanc, une des destinations de notoriété mondiale et à l'accès routier encombré ? Pas d'envie plutôt... et pas de capacité à proposer un produit attractif probablement ! © transportrail
Nice Ville - 28 mai 2016 - Encore une destination mondialement connue et une demande soutenue (avec une opportunité de positionnement sur le crédo des séjours à coût complet maîtrisé en optimisant durées de séjour et de trajet) : Paris - Nice est maintenue jusqu'au 30 septembre 2017. L'expérimentation de 3 mois de voitures de première classe des RZD saura-t-elle amorcer une inflexion sur l'avenir de cette relation ? © transportrail
Liaisons de jour : l'Etat conserve 6 lignes... et pour le reste ?
L'Etat s'engage à conserver 2 liaisons radiales dans son périmètre : Paris - Limoges - Toulouse et Paris - Clermont Ferrand, qui feront l'objet d'un schéma directeur et d'un renouvellement complet de leur matériel roulant d'ici 2025. L'Etat privilégie un matériel à 200 km/h, fermant la porte à une vitesse supérieure, en l'occurrence à la possibilité de circuler à 220 km/h sur les sections autorisant actuellement 200 km/h. Le lobbying d'Alstom pour placer son produit Coradia Liner semble porter ses fruits... d'autant qu'Alstom vient de remporter un marché similaire aux Pays-Bas (voir notre article à ce sujet).
Pour l'axe Bordeaux - Marseille, l'Etat réserve la possibilité d'un matériel plus rapide (jusqu'à 249 km/h) afin de permettre la circulation des TET sur les lignes nouvelles, notamment LN5 entre Marseille et Manduel pour desservir Avignon et Aix en Provence plus porteuses qu'Arles, voire d'utiliser la LGV Bordeaux - Toulouse lorsqu'elle sera réalisée (à supposer que la desserte d'Agen et de Montauban soit acceptable, ce qui n'est pas acquis). S'agissant de CNM, le problème de desserte de Nîmes et Montpellier reste toujours aussi aigu.
On ne voit pas l'intérêt de dissocier les deux matériels, si ce n'est pour assurer à Alstom la capacité de placer son Coradia Liner, renchérir le coût unitaire d'acquisition et se priver de la possibilité de rouler à 220 km/h en Beauce, en Sologne et dans le Bourbonnais.
Gondreville - 18 janvier 2014 - Un Intercité Tours - Paris au travers de la Beauce en direction de Paris, avec 12 voitures Corail emmenées par la 26001 : le nouveau matériel devrait plafonner à 200 km/h. © transportrail
Au-delà de ces trois liaisons nationales, l'Etat conserve dans son giron les axes Nantes - Bordeaux, Nantes - Lyon et Toulouse - Hendaye. Une concertation est en cours jusque mi-octobre 2016 sur les autres liaisons. On notera toutefois que l'Etat avait déjà commandé 34 Coradia Liner, couvrant d'autres axes, dont Paris - Belfort et Paris - Boulogne sur Mer dont l'avenir est incertain. En outre, 30 éléments supplémentaires avaient été annoncés en février dernier. Difficile d'y voir clair car 64 éléments sont largement excédentaires par rapport aux besoins de ces trois axes.
Les axes Paris - Granville, Paris - Cherbourg, Paris - Le Havre et Caen - Tours basculent dans le giron de la Normandie. L'Etat confirme un apport de 720 M€ pour le renouvellement du matériel des axes de Cherbourg et du Havre, pour acquérir une quarantaine de rames : un volume insuffisant pour couvrir à offre constante le remplacement des 300 voitures Corail et des 45 voitures V2N. Il faudrait une vingtaine de rames supplémentaires - car on peut compter sur une meilleure fiabilité des Régio2N par rapport aux Corail - mais le budget actuellement alloué par l'Etat n'est pas suffisant.
Pau - 3 juillet 2016 - La liaison Toulouse - Hendaye est peut-être la seule bonne nouvelle des annonces du jour : dans le rapport Duron, elle servait de faire-valoir à l'autocar. Elle devrait donc rester dans le giron national. La 7399 emmène 4 voitures Corail vers Bayonne. On peut supposer que les Coradia Liner feront l'affaire d'autant que 30 éléments supplémentaires avaient déjà été annoncés... © transportrail
Ainsi, on notera l'absence de Bordeaux - Lyon dont la disparition est entérinée, mais aussi des axes Paris - Picardie, Paris - Val de Loire / Berry et de Paris - Belfort. Pour cette dernière, il semblerait que des discussions aient été engagées avec la Région Grand Est. En revanche, pour les deux autres secteurs, avec un fort trafic pendulaire vers Paris, la trajectoire reste incertaine. On rappellera quand même qu'en 1998, à la veille de la création des Aqualys Paris - Orléans - Tours, la Région Centre souhaitait récupérer l'intégralité des trains... ce que la SNCF avait refusé. Mais que se passera-t-il si les Régions, comme on peut le pressentir, refusent de reprendre ces liaisons ?
La mission du Préfet François Philizot sur l'offre Intercités est prolongée jusque fin 2017. Un comité consulatif des TET est créé sous l'égide du Secrétaire d'Etat aux Transports. Une nouvelle convention Etat - SNCF sur la période 2016-2020 sera signée d'ici octobre pour assurer le financement de l'exploitation des liaisons restant sous l'égide de l'Etat. Son périmètre dépendra de l'issue des négociations avec les Régions Hauts de France, Centre, Grand Est et Bourgogne - Franche-Comté pour la reprise des liaisons Intercités les desservant.
En revanche, on attend toujours les orientations sur l'organisation des dessertes : pour l'instant, on ne voit dans les annonces de l'Etat que les éléments négatifs, les renoncements, les suppressions et les incohérences. Le rapport Duron préconisait des renforcements de desserte sur plusieurs axes, mais ces propositions restent lettre morte.
Mais qu'on se rassure, Ouibus quadruple son offre dès lundi !