19 novembre 2023

Voies ferrées alpines : ça ne va pas très fort...

Les voies ferrées dans les Alpes sont malmenées ces temps-ci.

Coulée de boue en Tarentaise

La ligne de Saint-Pierre d'Albigny à Bourg-Saint-Maurice est interrompue à son tour après une coulée de boue provoquée par la crue de l'Isère, à hauteur de Notre-Dame-de-Briançon. En Haute-Savoie, l'inquiétude grandit sur la capacité à acheminer les voyageurs dans les stations de sport d'hiver à l'approche des vacances de fin d'année. Si se pose de plus en plus souvent la question de l'enneigement, pour l'instant, c'est plutôt le contraire, du fait des nombreuses précipitations de ce début d'automne.

Cependant, cette ligne n'assure finalement qu'une desserte locale puisqu'elle est en cul-de-sac.

Maurienne : rendez-vous fin 2024 ?

En Maurienne, c'est autre chose, puisqu'il s'agit du principal itinéraire entre la France et l'Italie du nord. Les nouvelles ne sont pas bonnes : la stabilisation de la montagne reste difficile et incertaine compte tenu de la météo et de l'approche - du moins en principe - de l'hiver. Les trains ne devraient pas revenir à Modane avant la fin de l'année prochaine.

En attendant, Trenitalia continue d'adapter sa production : un contrat avec SNCF Voyageurs lui permet d'utiliser le technicentre de Paris Sud-Est avec des équipes détachées en France pour assurer certaines opérations de maintenance. On voit aussi les Frecciarossa circuler, derrière une locomotive, via Vintimille, pour les plus importantes, puisque pour l'instant, les rames ne sont autorisées à circuler que de Paris à Modane par les différents itinéraires possibles. Dans ces conditions difficiles, Trenitalia envisage de restaurer sa desserte à 5 allers-retours entre Paris et Lyon et de prolonger certains d'entre eux à Chambéry.

SNCF Voyageurs a aussi interrompu ses 2 allers-retours Paris - Milan, et on peut voir les rames Réseau tricourants se promener sur différentes relations. Pour les vacances, les trains pourront venir jusqu'à Saint-Michel-de-Maurienne où sera organisée la correspondance avec les autocars vers les différentes stations.

Gothard : du mieux

Le retour à la normale dans le tunnel de base du Gothard devrait avoir lieu en septembre prochain. Le trafic voyageurs est partiellement revenu fin septembre dans le tube utilisable et les CFF annoncent une augmentation de ce trafic dans le nouvel horaire 2024 : 31 circulations par jour l'emprunteront le samedi et le dimanche uniquement. En semaine, le trafic voyageurs emprunte uniquement la ligne sommitale, pour libérer le tunnel de base afin d'y faire passer un maximum de trains de marchandises.


11 novembre 2023

Paris – Dijon : l'impériale en petite forme

Elle conserve une place un peu particulière dans le monde ferroviaire : Paris - Lyon incarne la grande modernisation du réseau après la deuxième guerre mondiale, avec l'électrification, l'accélération des vitesses, les nouvelles locomotives plus puissantes et plus légères, l'augmentation de capacité avec la banalisation des voies pour écouler un trafic de plus en plus important.

L'ouverture, entre 1981 et 1983, de la première ligne à grande vitesse a profondément transformé l'image de celle qu'on appelle encore l'artère impériale : les projecteurs ont été braqués sur la flèche orange, et la ligne historique est devenue une besogneuse. Elle ne déméritait pas puisque son trafic restait encore important, autour de 200 trains par jour, et conservait une certaine estime par le prestige de certains trains de nuit.

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Fulvy - 21 juillet 2017 - Les grands trains ont quasiment disparu de l'axe Paris - Dijon, à l'exception des trains de nuit qui ne sont pas les plus faciles à photographier. Voici donc un AGC quadricaisse bimode assurant une des 3 relations Dijon - Auxerre qui complètent la desserte Paris - Dijon - Lyon. © transportrail

L'observation de transportrail en 2023 révèle une situation tout de même assez différente. Au-delà de l'influence francilienne, c'est-à-dire après Laroche-Migennes, la ligne paraît quelque peu assoupie jusqu'à l'arrivée à Dijon. Dans notre nouveau dossier, comptons non pas les moutons (quoique...) mais les sillons, sur la section la moins sollicitée de ce qui reste quand même un axe de premier plan du réseau ferroviaire français, ce qui en révèle - s'il le fallait - les très grandes disparités d'usage.

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15 octobre 2023

Augmentation de capacité en gare de Rennes

La mesure a été assez fortement médiatisée : il est vrai que c'est une première... du moins sous cette forme.

A défaut de pouvoir agrandir la gare de Rennes par adjonction de nouvelles voies, il fallait envisager une nouvelle exploitation des installations existantes. Hormis les liaisons assurées par TGV, les dessertes régionales recourent à des compositions qui sont loin d'occuper toute la longueur des quais, d'où l'idée de les décomposer en deux sections distinctes de sorte à pouvoir recevoir 2 trains sur la même voie à quai. Cette disposition existait déjà, mais avec des contraintes sur la gestion des entrées en gare, ralentissant le trafic. Par exemple, on pouvait avoir simultanément une rame Rennes - Saint-Malo sur une partie du quai et une rame Rennes - Vitré sur l'autre.

L'objectif de l'opération 2TMV est donc d'augmenter le nombre de trains pouvant être simultanément sur le graphique d'occupation des voies sans altérer les performances en entrée et sortie : l'entrée en gare se fait sur avertissement et non pas sur sémaphore (avec avertissement donc en amont). Elle va au-delà du principe de réception sur voie occupée (RVO pour les initiés), utilisée pour le raccordement de rames (par exemple un TGV venant de Brest et un autre venant de Quimper).

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Rennes - 26 janvier 2023 - Deux vues des nouveaux signaux installés à mi-longueur des quais avant leur mise en service, afin de distinguer les deux zones. S'il s'effacera pour la réception des TGV en unité multiple, pour les compositions régionales (ici 3 X73500 sur un Rennes - Châteaubriant), l'intérêt est manifeste. © transportrail

D'un coût de 12,5 M€, cette opération a été financée par la Métropole (16 %), la Région (17 %), SNCF Réseau (26 %) et l'Etat (41 %). Elle est donc bien plus économique que des solutions de génie civil, parfois illusoire, pour augmenter la capacité des gares.

2TMV présente quelques limites, à commencer par l'impossibilité d'une simultanéité d'entrée - sortie sur la même voie : il faut prévoir un décalage entre les deux trains  pour que la signalisation prenne en considération la situation du premier train et autorise le second à entrer sans les contraintes d'une voie réputée occupée (comprendre sur avertissement et non sur sémaphore) : c'est la conséquence des rigidités de la signalisation traditionnelle et du couple KVB - VISA (vitesse sécuritaire en approche). Est-ce qu'on améliorera le dispositif avec ERTMS ? Possible, mais pas encore certain.

Le principe 2TMV est appelé à d'intéressants développements dans d'autres gares de situation comparable : on pensera évidemment à Bordeaux Saint-Jean, Toulouse Matabiau, Nantes, Nancy, Strasbourg et évidemment à Lyon Part-Dieu, même si la densité de compositions longues (comprendre des TGV en UM) y est tout de même plus importante.

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03 octobre 2023

Dijon - Clermont-Ferrand : une transversale dans l'anonymat

C'est une liaison transversale quasiment anonyme, que seuls les ferroviphiles avertis connaissent. A vrai dire, on la croyait à sens unique, mais il y a bien un mouvement d'équilibre (merci de la précision). Vestige d'une desserte qui allait d'un foyer de stations thermales à un autre, de l'Auvergne aux Vosges, basculée au début des années 1990 (avec la première régionalisation) dans le purgatoire des Express d'Interêt Régional avant d'être confié aux Régions, il ne reste donc qu'un aller-retour entre Dijon et Cermont-Ferrand, transitant via Montchanin, Paray-le-Monial et Moulins.

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Gilly-sur-Loire - 24 septembre 1999 - Franchissant le fleuve sur un ouvrage depuis renouvelé, ce turbotrain ETG assure l'EIR 59550/1 sur cette transversale entre Dijon et Clermont-Ferrand, circulant ici sur la section Paray-le-Monial - Moulins. © F. Lanoue

Jusqu'au lancement des travaux sur l'axe Nevers - Chagny, le train régional 875504 quittait Dijon à 9h54 et parvenait à Clermont-Ferrand 4h27 plus tard après avoir desservi 19 gares intermédiaires, dont un rebroussement à Moulins et un stationnement d'une douzaine de minutes à Paray-le-Monial (pourtant sans rebroussement). Au retour 875550 quitte Clermont-Ferrand à 17h38 du lundi au vendredi et le dimanche. 

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Riom - 23 juin 2023 - Sur ces deux clichés, deux AGC de deux Régions différentes, dont le B81799/800 en charge ce jour-là de la relation Dijon - Clermont-Ferrand, avec une correspondance assurée avec l'X76813/4 venant de la capitale auvergnate et en direction de Lyon. © transportrail

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Par correspondance à Nevers, le temps de parcours est quasiment identique - 4h23 - en raison d'un battement de 30 minutes entre l'arrivée du Dijon - Nevers et le départ du TET Paris - Clermont-Ferrand. Soit tout de même environ 4 heures si on imaginait une correspondance au plus juste. En voiture, comptez 3h30 à 3h45 selon les itinéraires.

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05 août 2023

Pourquoi les trains sont plutôt rares en France ?

Le débat revient presque tous les jours dans les journaux, à la radio et à la télévision. Après la crise du Covid-19, beaucoup pensaient que la fréquentation dans les transports en commun mettrait de longues années à retrouver le rythme de croissance des années 2010. Si la situation des réseaux urbains n'est pas toujours facile, dans les trains, qu'ils soient régionaux ou nationaux, la demande atteint des niveaux particulièrement élevés.

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Lyon Part-Dieu - 15 juillet 2023 - Vers 10 heures du matin, on ne peut pas dire que la gare déborde de trains puisqu'on ne compte que 3 InOui en Duplex (au premier plan pour Toulouse et au second plan le croisement sur la relation Paris - Lyon) et un train régional pour Grenoble non visible sur ce cliché. Certes, le 14 juillet permettait de partir dès le jeudi soir, mais quand même... © transportrail

Pourtant, la France ferroviaire se singularise par une relative - et très inégale - rareté des trains. A cela plusieurs raisons d'ordres stratégique, économique, mais aussi des postures de principe. La récente étude publiée par Trans-missions constitue le déclencheur de l'analyse de transportrail.


13 mars 2023

Dijon - Bourg-en-Bresse : une conversion au 25 kV ?

Puisque, du moins pour l'instant, les orientations de l'Etat auraient tendance à retenir un accès au tunnel de base de la Transalpine par le réseau existant, il serait peut-être temps de s'interroger sur le niveau réel de performance des itinéraires potentiels, au premier rang desquels Dijon - Bourg-en-Bresse - Ambérieu - Culoz - Chambéry - Saint-Jean-de-Maurienne, et plus précisément, dans cet article, sur la section Dijon - Bourg-en-Bresse.

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Viviers-du-Lac - 20 décembre 2022 - Ce train d'utilitaires arrive d'Italie et traverse le secteur le plus urbanisé de l'itinéraire actuel d'accès à la ligne de la Maurienne, approchant ici d'Aix-les-Bains. Si le fret transalpin devait durablement passer par cet itinéraire, il faudrait alors engager un ambitieux plan de modernisation pour essayer de rendre le tunnel de base le plus utile possible. © transportrail

Point d'entrée, l'alimentation électrique en 1500 V est d'ores et déjà identifiée comme critique, imposant des contraines dans la construction horaire pour limiter les appels de courant. La solution la plus simple consistant en l'ajout de sous-stations en courant continu est la première venant à l'esprit, mais est-elle la plus efficace ? Quelle serait donc l'alternative ?

La ligne de la Bresse est l'un des rares cas français pour lequel existe un itinéraire alternatif, passant par l'axe PLM entre Dijon et Mâcon puis par la ligne dite de la Petite Bresse entre Mâcon et Bourg-en-Bresse. Accueillant en moyenne une trentaine de trains de fret par jour (circulant pour bonne partie la nuit) et une desserte voyageurs limitée, dont la moitié du service fait terminus à Seurre, les contraintes liées au trafic sont donc relativement modestes.

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Aiserey - 26 février 2023 - Les BB36300 sont des figures incontournables du trafic France - Italie. Elles sont donc assez présentes sur la ligne de la Bresse : les 36344 et 36359 en UM circulent en direction de Modane. Sur cette ligne, l'espacement des trains est relativement contraint par une alimentation électrique pas vraiment au niveau des ambitions... © Th. Girardot

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Saint-Jean-de-Losne - 18 septembre 2022 - En solo, la BB36355 circule en direction de Dijon. La ligne de la Bresse est un itinéraire pertinent pour le trafic franco-italien, que l'accès au futur tunnel de base s'effectuent par le réseau existant ou par la combinaison du contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise et de la ligne nouvelle entre Grenay et Chambéry. © transportrail

De ce fait, le renforcement en 1500 V, scénario de base qui a l'avantage de pouvoir être réalisé au fil de l'eau, pourrait être mis en compétition avec un scénario de réélectrification en 25 kV moyennant une fermeture longue et sans mesures transitoires complexes à gérer et occasionnant quelques surcoûts.

Dans un premier temps, la migration concernerait Dijon - Saint-Amour. Dans un second temps, il faudrait s'intéresser plus largement à l'étoile de Bourg-en-Bresse. La ligne de la Petite Bresse n'a pas non plus une alimentation de grande performance, ce qui affecte les liaisons Lyria Paris - Genève. De façon symétrique, la réélectrification entre Pont-de-Veyle (où se raccorde la LGV) et Bourg-en-Bresse procurerait une homogénéité d'alimentation en 25 kV de Valenton à Genève. En revanche, il faudrait logiquement convertir Saint-Amour - Bourg-en-Bresse au 25 kV et reporter - au moins transitoirement - la section de séparation en aval de Bourg-en-Bresse en direction d'Ambérieu.

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Bourg-en-Bresse - 3 septembre 2016 - Le trafic régional entre Dijon et Bourg-en-Bresse demeure des plus limités : l'est de la Saône-et-Loire est polarisé autant par Chalon-sur-Saône que par Dijon, tandis que Bourg-en-Bresse regarde essentiellement vers Lyon. Les AGC y assurent une desserte minimaliste. © transportrail

C'est une phase un peu plus complexe, puisqu'elle comprend le tronc commun aux lignes de la Bresse et du Revermont (où le trafic voyageurs est un peu plus significatif) et la gare de Bourg-en-Bresse. Un phasage avec modification de l'armement et de l'isolement (type CSRR en cours de déploiement sur la transversale pyrénéenne) faciliterait la conversion en prédisposant les installations au changement d'alimentation.

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Bourg-en-Bresse - 3 septembre 2016 - Dans l'hypothèse d'une réélectrification en 25 kV de l'étoile de Bourg, le trafic Paris - Genève pourrait y gagner en performance, en raison d'une alimentation en 1500 V également de performance moyenne depuis Mâcon. Quelques minutes à gagner pour s'approcher de l'objectif initial de 3 heures ? L'amélioration du plan de voies pour rejoindre la ligne de Bellegarde y contribuerait aussi significativement... mais à condition de réaliser des travaux assez impactants sur l'exploitation. © transportrail

Enfin, au-delà de Bourg-en-Bresse, l'hypothèse reste tout de même plus complexe compte tenu des modalités d'intervention et d'itinéraires alternatifs limités en nombre, en capacité et en performance. Le 1500 V y a donc encore de l'avenir, et on peut donc d'abord suggérer de renouveler les installations de traction électrique en prédisposant une conversion ultérieure, en recourant à la caténaire CSRR compatible avec cet objectif.

11 janvier 2023

Supprimer les passages à niveau

C'est peut-être un cas extrême, mais probablement pas tant que cela. A chaque accident grave à un passage à niveau, revient la question de leur nombre important - plus de 13 000 - sur le réseau ferroviaire français et une forme d'incompréhension sur leur maitien. Outre le fait que, dans 99 % des cas, l'origine de l'accident est du côté du trafic routier, il est considéré un peu trop systématiquement que la seule solution est de supprimer complètement ce croisement à niveau entre une route et une voie ferrée.

Il y a plusieurs moyens de supprimer un passage à niveau. Il est parfois possible de simplement fermer la route de part et d'autre de la voie ferrée. C'est assurément le moyen le plus économique... mais ce n'est pas une solution universelle. Par conséquent, il faut en passer par des ouvrages. Et donc des investissements importants. D'où le fait qu'une action par des aménagements routiers est à privilégier, pour maintenir les passages à niveau mais avec une contrainte accrue sur la circulation routière, par la signalisation, la réduction de la vitesse et un contrôle sytématique (par radar).

La suppression du passage à niveau de la gare de Viviers-du-Lac était attendue de longue date, car il était situé en agglomération, dans une rue en pente, avec un virage à angle droit et à hauteur d'une courbe sur la voie ferrée, le tout à proximité d'un point d'arrêt. Ajoutez un trafic assez intense, approchant les 200 trains par jour (c'est suffisamment rare hors de l'Ile-de-France) et vous aviez tous les facteurs d'un lieu critique. La réalisation de cet ouvrage a profondément transformé l'espace en lisière du bourg. Signe qu'il n'est pas toujours aisé de réaliser de tels aménagements. Coût de l'opération : 11 M€ !

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Viviers-du-Lac - 20 décembre 2022 - La gare et son passage à niveau sont situés à gauche du cliché. La réalisation du franchissement dénivelé a nécessité la transformation d'un vaste terrain pour que la route soit plus sûre et puisse passer sous la voie ferrée. A cette occasion, le parking de la gare a été complété d'un nouvel espace de stationnement. En revanche, les supports de la caténaire sont toujours d'origine PLM, sous lesquels passent les TGV pour Milan et Annecy transitant par Culoz : la rame de tête est à destination de Milan, celle de queue - pour Annecy - est séparée en gare de Chambéry et repasse une vingtaine de minutes plus tard dans l'autre sens. © transportrail

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07 janvier 2023

POLT : un axe dans le feu des projecteurs

Ces dernières semaines, l'axe Paris - Orléans - Limoges - Toulouse a été l'objet de nombreux reportages de différents médias. Trois points ont été particulièrement abordés : la régularité, le matériel roulant, le temps de parcours.

La régularité d'abord : il est évident que les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes légitimes des voyageurs qui ont l'impression que la succession de travaux qui pénalisent l'exploitation n'ont pas d'effets sur la fiabilité des infrastructures. Cependant, les plus gros incidents ne sont pas toujours de la responsabilité de l'entreprise ferroviaire : quand une voiture s'engage sur un passage à niveau fermé par exemple. Bref, il faudrait distinguer les problèmes liés à l'organisation de la SNCF des phénomènes qu'elle subit.

Le matériel roulant : il n'est pas innocent dans les résultats moyens de régularité. Les BB26000 n'ont certes qu'une trentaine d'années, mais elles ont assez mal vieilli, révèlent des fragilités, probablement amplifiées par des contraintes budgétaires sur l'entretien. Les voitures Corail posent plutôt des difficultés d'ordre qualitatives, comme lorsque les blocs de climatisation rendent l'âme en plein été. La sécurité peut être parfois en jeu, quand les portes ont du mal à être maintenues fermées. Ajoutez aussi l'apparence et notamment la propreté parfois très relative des compositions.

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Pierre-Buffière - 24 juillet 2020 - Après Limoges, la ligne Paris - Toulouse se fait plus sinueuse et la performance s'en ressent évidemment. La compétition avec l'autoroute A20 qu'on aperçoit en arrière-plan se fait plus forte. © transportrail

Le temps de parcours : les mythes font de la résistance et certains continuent d'exprimer des objectifs irréalistes. La dégradation actuelle est réelle mais elle est la conséquence d'un programme d'investissement de renouvellement et de modernisation. On ne fait pas d'omelettes sans casser des oeufs. L'effet des travaux est d'autant plus fort que le réseau est structurellement peu résilient : sans banalisation, avec trop peu d'installations permanentes de contresens, la cohabitation travaux - circulation est rendue plus difficile... voire impossible. Il lui faut aussi composer avec des moyens dont tout observateur sait de longue date qu'ils sont insuffisants. La séquence de rattrapage est donc rude à encaisser.

Autre dimension de la performance, la fréquence : le service actuel ne comprend que 8,5 allers-retours et il subsiste dans chaque sens un important intervalle sans service pouvant approcher les 5 heures. Bref, des trains assez rares, pas très rapides, à la ponctualité médiore et aux prestations plus vraiment au goût du jour, il faut bien reconnaître qu'il y a matière à critiques.

Il faut également être lucide : la vocation de POLT a changé. Cette mutation a commencé en 1990 avec la création des TGV Paris - Bordeaux - Toulouse. L'enjeu est donc moins le temps de parcours entre Paris et Toulouse que le renforcement du maillage du territoire (Berry, Limousin, Quercy), avec une nouvelle organisation de la desserte.

Il y a quand même quelques signaux positifs : le projet de service 2025 prévoit non seulement une desserte remise à plat organisée autour de 11 allers-retours entre Paris et Limoges, mais aussi l'arrivée des nouvelles automotrices Confort 200, pouvant non seulement moderniser le confort et les services à bord pendant le voyage et autoriser un réexamen à la baisse des temps de parcours. A cette échéance, 2 allers-retours accélérés relieront Paris à Limoges en 2h51 avec un seul arrêt à Châteauroux. C'est donc un peu mieux que le Capitole (2h50 sans arrêt). Pour les 9 autres, le temps de trajet sera de 3h06 avec 4 arrêts intermédiaires.

Pour aller plus loin dans cette analyse, le dossier de transportrail sur l'axe POLT a été mis à jour.

27 novembre 2022

L'Etat promeut les RER : une diversion ?

S'il fallait trouver le moyen de nous sortir d'une certaine torpeur par ce dimanche humidement automnal, c'est réussi. Dans son nouvel exercice de communication presque directe, répondant aux interpellations de la population par les réseaux sociaux, le président de la République a annoncé son souhait de développer des dessertes RER dans les 10 principales métropoles françaises.

On aimerait y croire mais :

  • la déclaration est complètement orthogonale avec la réalité des ressources disponibles et les pratiques actuelles de gestion du réseau : il faudra investir massivement - environ 2 MM€ par métropole - pour augmenter la performance, la disponibilité et la fiabilité des infrastructures, généraliser la cadence à la demi-heure, proposer une fréquence au quart d'heure sur les axes à fort potentiel, et mettre fin par exemple aux plages de maintenance diurnes, contribuant à la religion du train rare, antithèse du principe fondamental d'un RER ;
  • l'Etat, refusant de prendre en charge les coûts fixes de mise à disposition de l'infrastructure, en reporte le financement sur les opérateurs (et autorités organisatrices) par des péages particulièrement élevés, ce qui va forcément freiner les possibilités de développement des dessertes, d'autant plus que les Régions doivent se conformer à une trajectoire très restrictive d'augmentation des dépenses de fonctionnement (incluant la prise en charge des coûts d'exploitation des trains régionaux) et à une dépendance de plus en plus forte aux seules dotations de décentralisation après la réduction à peau de chagrin de l'autonomie de leurs ressources ;
  • elle est d'autant plus stupéfiante que l'Etat continue d'encourager les projets de voies routières rapides et autres autoroutes, y compris dans les zones urbaines denses : pour une A45 Lyon - Saint-Etienne abandonnée, combien d'autres opérations ont poursuivi leur route ?
  • elle laisse les observateurs d'autant plus interrogatifs que l'Etat tire les ficelles, tout en jouant les vierges effarouchées, et en étouffant donc les collectivités locales (plus de missions mais moins de ressources), avec en point d'orgue le cas francilien : en bloquant toute solution équilibrée pour augmenter les ressources d'Ile-de-France Mobilités, l'Etat - avec la complicité de certains élus Les Républicains cherchant manifestement à régler quelques comptes avec la présidente de Région - force de fait une solution reposant presque exclusivement sur la hausse des tarifs alors que l'offre peine à retrouver un niveau normal ;
  • l'affaire du bouclier tarifaire ferroviaire, innovation de la communication politique de la semaine dernière, piétine les principes de gestion d'une Société Anonyme, pourtant imposés - en partie contre nature - au groupe SNCF par la macronie ;
  • il n'y aura pas de démarche RER réussie si elle n'intègre pas une dimension d'aménagement des territoires périurbains pour éviter l'éparpillement de la population, des activités, des services, bref une planification intégrée transports - urbanisme, avec évidemment une dimension multimodale : croire que la réalisation de RER se limitera à des investissements ferroviaires - déjà considérables - est un leurre puisqu'il faudra aussi des moyens pour les offres de rabattement et de complément, qu'elles soient collectives, partagées ou individuelles.

Enfin, on a l'impression que ce propos essaie de museler les accusations de passivité de l'Etat sur les grands services publics en général et la paupérisation du réseau ferroviaire en particulier (financement des lignes de desserte fine du territoire et stratégie ERTMS en étant deux des meilleures illustrations). Après avoir relancé les grands projets qu'il avait lui-même mis en pause dès l'été 2017, le chef de l'Etat entretient l'impression d'une stratégie dans le sillage des rapports Guillaumat  puis Spinetta : hors des LGV, de la banlieue parisienne et de quelques étoiles autour des grandes villes, point de salut ! D'ailleurs, la déclaration de M. Beaune sur le fret, lors du colloque Objectif OFP, entretient le flou avec son « Je vous ai compris » aux opérateurs fret : au moins, il sait gérer les ambiguïtés en faisant preuve d'une certaine habileté à recycler à propos certaines petites phrases de l'histoire politique...

26 novembre 2022

Innotrans 2022 (3) : infrastructures et exploitation

Le dernier volet de notre reportage à Innotrans présente une partie des grands thèmes qui ont dominé les expositions.

Dans le domaine du fret, il convient de souligner l'issue prochaine d'une solution pour l'attelage automatique : le sujet est vieux d'un demi-siècle et il y a fort à espérer qu'un tel projet puisse être concrétisé : certes, cela concernerait plusieurs centaines de milliers de wagons en Europe, mais le jeu en vaut la chandelle au regard des bénéfices pour l'exploitation, la performance et la compétitivité économique du transport ferroviaire de marchandises.

Est-il besoin de développer le sujet ERTMS ? Probablement pas, mais en revanche, il n'est pas inutile de souligner qu'à chaque édition, les perspectives d'implémentation d'une fonction de pilotage automatique occupent une place croissante, notamment pour les axes à fort trafic, les zones denses et les dessertes périurbaines. Il n'y a pas de réelle compétition avec les solutions CBTC, plutôt destinées aux réseaux urbains ou aux systèmes ferroviaires en zone dédiée. Néanmoins, là encore, la dimension économique de la migration des réseaux reste en partie posée : sans une prise en considération significative de la part des Etats, les évolutions demeureront restreintes voire inexistantes. De ce point de vue, la France est plutôt dans le wagon de queue.

Quant aux infrastructures, on s'arrêtera sur les solutions de voie sur dalle, avec des solutions préfabriquées, avec un débat presque inépuisable comparant solution traditionnelle sur ballast, dalle classique ou préfabriquée.