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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
9 mai 2019

Perpignan - Rungis : alerte sur le dernier train de primeurs

C'est le dernier train desservant le marché d'intérêt national de Rungis, en provenance de Perpignan. Il assure chaque année le transport d'environ 400 000 tonnes de fruits et légumes, à raison de 1400 tonnes en moyenne par train. En 2010, les travaux réalisés à Rungis pour le terminal ferroviaire ont quand même coûté 21 M€ : il y avait à l'époque 2 trains par jour. L'un d'eux a disparu peu de temps après : un investissement bien rentabilisé...

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Pompignan - 4 août 2017 - Longeant le canal latéral à la Garonne, le primeurs continue sa remontée vers la capitale et expose sa longue rame de wagons plus vraiment de la première fraicheur. Les conditions de leur renouvellement semblent être à l'origine de cette crise qu'on aura du mal à ne pas considérer stupide ! © S. Costes

D'où vient le problème ? D'abord de l'âge des 82 wagons frigorifiques : près de 40 ans. Le nouveau contrat - en achat ou en location - des wagons constitue manifestement le principal point de blocage dans ce dossier entre la SNCF et les deux transporteurs Roca et Rey. Le risque est évidemment de déverser encore un peu plus de camions sur les autoroutes françaises à partir du 30 juin, à la fin de l'actuel contrat : il s'agirait quand même de 20 000 circulations routières supplémentaires pour assurer le transport de ces denrées ! A vrai dire, on peut même considérer que le report sur route est inéluctable car on voit mal comment le train pourrait être maintenu dans ces conditions : peut-être par l'usage de wagons de caisses mobiles frigorifiques ?

La suppression de ce train mettrait fin à une longue histoire commune entre l'agriculture maraîchère et le transport ferroviaire, marquée par un désamour remontant à quelques décennies, du fait du développement du transport routier, d'une concurrence qui n'a cessé de se renforcer au fil des années, entretenue par une politique des transports ouvertement favorable à la route. La Provence, le Roussillon et la Bretagne étaient à l'origine de trafics ferroviaire qu'on jugerait aujourd'hui colossaux.

Alors que le label Bio a de plus en plus la cote, un transport des fruits et légumes par un mode de transport écologiquement bien plus vertueux que la route, ça pourrait pourtant être intéressant, non ?

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29 avril 2019

Gabarit : comment passer de l'incantation au réalisme ?

C'est un sujet assez technique, pas forcément des plus connus du petit monde ferroviaire, mais il est très important pour les clients fret et par conséquent dans une stratégie de reconquête du trafic, de report modal et verdissement du transport de marchandises en France et en Europe : le gabarit... ou plutôt les gabarits.

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Saint Martin de Crau - 30 septembre 2014 - Comment adapter avec pragmatisme et à moindres frais le réseau ferroviaire pour intégrer l'évolution générale du transport de marchandises et l'augmentation de la taille des Unités de Transport Intermodales ? © R. Lapeyre

Quatre notions fondamentales encadrent la définition du gabarit ferroviaire pour le fret : les caractéristiques préexistantes du réseau, l'évolution de la taille des éléments à transporter par voie ferrée, les modalités de chargement et la capacité de financement des aménagements. Et ce point n'est pas franchement neutre dans la situation française. Les moyens consacrés au rail en France sont déjà insuffisants en général, mais dès qu'il s'agit du transport de marchandises, la ressource se tarit encore un peu plus, malgré les discours incantatoires auxquels personne ne croit plus. En France, le fret est perçu comme générateur de coûts : SNCF Réseau considère que l'équation actuelle des péages lui fait perdre de l'argent à chaque circulation de train de fret ; l'Etat n'a pas forcément envie de pérenniser son soutien (aide au coup de pince, compensation partielle des péages) ; et comble de l'ironie, la lecture de l'utilité du réseau et ses principes de financement est définie par une règle qui bonifie - parfois à l'excès - les lignes qui accueillent du fret. Kafka est bien vivant !

Intéressons-nous donc à cette question malgré tout inévitable : comment faire évoluer à moindres frais le gabarit admis sur le réseau ferroviaire français ? Si possible en cherchant une cohérence au moins partielle avec nos voisins européens. Mais surtout pour prendre en compte la réalité de l'évolution de l'organisation logistique mondiale, incarnée par des caisses mobiles de plus grand format et la mise en avant de la solution de l'autoroute ferroviaire pour relancer une activité frôlant d'années en années son niveau d'étiage... Evidemment, en évitant des investissements qui, dans la situation actuelle, sont condamnés à être jugés hors de la trajectoire financière définie par l'Etat.

Le nouveau dossier de transportrail attend vos commentaires.

 

15 avril 2019

Nouvelle Aquitaine : des progrès sur les capillaires fret

Le devenir des lignes de desserte fine du territoire est déjà un morceau passablement indigeste pour les Régions voyant le duo Etat – SNCF Réseau se défiler – ou se limiter à une participation symbolique – dès lors qu’on évoque un plan de financement de leur renouvellement. Un peu plus dans l’ombre, le devenir de celles qu’on appelle « capillaires fret » (les UIC 7 à 9 SV, dédiées au fret), est moins saillant car il ne concerne pas le thème des mobilités quotidiennes, mais il n’en est pas moins important puisqu’il concerne le tissu industriel local.

La contribution de l’Etat reste des plus modiques, SNCF Réseau ne fait que l’appoint, ce qui met une fois de plus les Régions en première ligne. Mais ce n’est pas tout puisque les clients sont aussi appelés à financer ces lignes, en misant sur l’intérêt global du train dans leur circuit logistique. L’appel est d’autant plus facile que les besoins de transport ne sont pas toujours substituables par la route, du moins dans des conditions satisfaisantes. C’est par exemple le cas des céréales, mais aussi de certaines productions industrielles volumineuses. Il semble que certains clients y trouvent tout de même leur compte, et cette démarche de contribution des clients à un transport plus commode pourrait faire école, à condition qu'elle n'amène pas, comme pour le transport de voyageurs, à faire financer l'essentiel de la préservation du patrimoine par ses seuls utilisateurs.

En Nouvelle Aquitaine, plusieurs lignes sont concernées.

Le 22 janvier dernier, la section Mignaloux-Nouillé – Jardres a repris du service après 4,8 M€ de travaux sur 12 km, permettant d’assurer à nouveau l’expédition de 30 000 tonnes de céréales par la voie ferrée vers le Port de La Rochelle.

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Entre Mignaloux-Nouaillé et Jardres - 27 novembre 2015 - La desserte des silos céréaliers de Jardres peut à nouveau être assurée par la voie ferrée qui, avant les travaux, commençait à se perdre sous la végétation. Si le train est court, du fait des tonnages et du profil, l'UM de BB60000 n'est pas superflu. © V. Bussereau

Entre Mont de Marsan et Barcelonne du Gers, sur l’ancienne ligne qui rejoignait jadis Tarbes, un programme de 5 M€ de travaux (financés à 53% par la Région) doit permettre la remise en service de cet itinéraire pour les récoltes 2020. L’enjeu céréalier est assez conséquent (150 000 tonnes) et serait assez logiquement pris en charge par l’OFP du Port de Bayonne, dont les activités ont assez nettement augmenté en 2018, avec un peu plus de 1,6 Mt expédiées.

Entre Agen et Auch, la ligne est suspendue depuis 2015 en raison de son délabrement, malgré des travaux d’urgence qui ont permis de restaurer le service après les intempéries de 2014 pour l’expédition des récoltes. Un programme de 7,2 M€ de travaux a été validé en 2016 mais n’a pas été mené à terme. Résultat, la participation du Port de Bordeaux a été perdue, puisqu’elle était adossée à une aide de l’Union Européenne. Désormais, la piste envisagée se veut plus radicale puisque la ligne sortirait du réseau ferré national pour être reprise par une société d’économie mixte d’intérêt local.

Plus difficile encore est le cas de la ligne Niort – Parthenay – Thouars. Sur la section sud, 8 M€ ont été investis pour restaurer le débouché sud depuis Parthenay, afin de rejoindre l’axe Poitiers – La Rochelle. SNCF Réseau a renouvelé 21 km de rails après les travaux d’urgence réalisés en 2017, concernant 16 000 traverses et 15 000 tonnes de ballast. Ces travaux permettent en principe de restaurer la desserte de 2 clients à Mazières et Gâtine et Parthenay, cumulant 550 000 t par an.

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Travaux de rénovation entre Niort et Parthenay pour pérenniser la ligne capillaire fret. Les moyens engagés sont plus légers, avec essentiellement des engins routiers ou des rail-route pour réduire au maximum le coût du renouvellement. (cliché La Nouvelle République)

La situation de la section Parthenay – Saint Varent reste tendue puisque le trafic y est suspendu en dépit d’un fort trafic de plus de 2 Mt de granulats qui ne peut être expédié actuellement par le rail. La Région Nouvelle Aquitaine déplore les informations tardives et les réévaluations des opérations pour restaurer la circulation des trains même à allure réduire (40 km/h en général pour ce type de ligne, exceptionnellement 60 km/h). La Région a donc engagé une contre-expertise, notamment pour le viaduc de Parthenay.

1 avril 2019

Les nouveaux espoirs du transport combiné

Les résultats du transport combiné en France jouent ces dernières années au yoyo bien malgré eux : 2016 avait été une année difficile en raison des grèves à la SNCF mais 2017 s'achevait sur un rebond significatif, avec la plus forte croissance enregistrée depuis 1970. L'amélioration de la conjoncture entraine de nouveaux besoins de transport à l'échelon européen.

En France, le site de Vénissieux, près de Lyon, est le premier site du genre avec plus de 110 000 mouvements sur l'année, devançant Delta 3 à Dourges, approchant les 95 000 manoeuvres, et Valenton, avec un peu plus de 86 000 caisses. Les conflits du printemps 2018 ont affecté à nouveau l'activité, mais de façon assez constrastée selon les opérateurs puisque si Novatrans et Fret SNCF ont enregistré des reculs d'au moins 10%, TAB a réussi à se maintenir et Naviland Cargo a affiché une croissance de plus de 10%.

Plusieurs relations transfrontalières sont apparues en 2018 : en mars, un aller-retour Lyon - Anvers en 16 heures ; en septembre, la desserte du terminal de Lausanne-Chavornay vers Le Havre et Fos sur mer ; en septembre, 5 rotations par semaine sur la relation Perpignan - Sarrebruck ont été mises en oeuvre par DB Logistics. Sur ces trois relations, le potentiel est considéré conséquent pour envisager en cible au moins un aller-retour par jour.

Les opérateurs fondent d'importants espoirs sur l'année 2019. Naviland Cargo augmentera son offre entre Fos sur mer et Lyon pour atteindre 9 allers-retours par semaine contre 6 à 7 actuellement et devrait proposer un aller-retour quotidien entre Bordeaux et Le Havre.

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Beaucaire - 5 août 2014 - Les relations au long cours sont une des signatures du transport combiné : ici, la BB22388 emmène la relation Fos sur mer - Hourcade de Naviland Cargo. La connexion aux grands ports est un des principaux marchés de ce segment du fret ferroviaire. © R. Lapeyre

Le retour d'un trafic de conteneurs frigorifiques entre les Pays-Bas et l'Espagne est envisagé avec une relation Combi Express proposée par Fret SNCF, sous réserve d'obtenir des sillons performants pour ce trafic sensible par la nature des denrées transportées.

De son côté, T3M mise sur les relations Dourges - Vénissieux et Dourges - Miramas, avec en outre le développement d'une offre mixte accueillant des wagons traditionnels sur les circulations de transport combiné, afin de rentabliliser les sillons. En outre, l'opérateur se positionne sur des liaisons entre Zeebrugge, Dourges et Dunkerque pour anticiper les conséquences d'un Brexit dont personne n'arrive à anticiper encore les conséquences.

Il est également question de relancer une relation de transport combiné entre l'ouest et l'est, entre Rennes et Nancy. Lahaye Global Logistics envisage de relancer le marché abandonné par Combiwest mais reste confronté au déséquilibre des flux dans les deux sens.

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Courthézon - 8 août 2013 - Début de parcours pour cette relation de l'opérateur T3M Avignon - Sucy-Bonneuil emmenée par VFLI. Parmi les conditions du renouveau du transport combiné, l'adaptation du gabarit ferroviaire aux caisses mobiles de grand format. "P400" est dans toutes les têtes... mais reste à savoir comment y arriver... © R. Lapeyre

Les opérateurs du transport combiné continuent de sensibiliser l'Etat sur la nécessité de maintenir l'aide au coup de pince d'une part et d'autre part sur le rééquilibrage des coûts entre le transport ferroviaire et la route. La réduction des parcours routiers, avec la diminution de l'empreinte environnementale, devrait être encouragée et soutenue financièrement par l'Etat. Ils espèrent également la mise en oeuvre d'un programme de renforcement du maillage du territoire en plateformes multimodales... mais certaines sont actuellement à l'arrêt, comme Château-Gontier et Niort Saint Florent. Plusieurs projets pourraient aboutir d'ici 2 à 3 ans, à Laluque près de Dax, à Chalons en Champagne et à Laval sur l'ancienne base travaux de la LGV Bretagne Pays de la Loire, réalisée pour environ 10,2 M€. SNCF Réseau s'intéresse à la relation entre le maillage du territoire et les potentiels marchés intéressés par de telles plateformes. Les opérateurs sont cependant partagés sur le rythme de développement des plateformes : le développement des trafics sur les relations existantes serait déjà le moyen de consolider les positions actuelles, qui restent fragiles et trop exposées aux fluctuations de la conjoncture, sans compter les tensions internes au secteur ferroviaire.

Néanmoins, face à la pénurie de conducteurs de poids lourds dans l'Union Européenne, principalement du fait de l'activité en hausse en Europe centrale, offrant de bonnes conditions à la profession, le transport de longue distance avec une part significative assurée par le rail redevient attractif voire prisé par les chargeurs.

16 mars 2019

Extension du domaine français pour le fret XXL

En France, la cote standardisée pour les trains de fret est de 750 m : c'est la valeur la plus élevée en Europe de l'Ouest, mais Fret SNCF a exploré depuis plusieurs décennies le domaine des trains de grande longueur, jusqu'au récent essai Marathon avec un convoi de 1500 m de long.

Depuis 2012, les trains de l'autoroute ferroviaire Bettembourg - Le Boulou peuvent être théoriquement portés à 850 m : 20% environ de ces relations circulent déjà dans ce format. Sur ce même axe, une liaison Woippy - Sibelin a été également mise en oeuvre en décembre 2017 et cette cote est admise sur l'axe Valenton - Miramas depuis novembre 2018. L'objectif est d'atteindre en fin d'année 2021 une longueur de 1000 m, en visant d'abord l'artère Nord-Est entre le port de Dunkerque et le sillon mosellan, afin de porter le tonnage des trains à 5000 t et la longueur maximale à 850 m. Cette longueur sera disponible de Calais à Woippy au début de 2020.

Allonger les trains de fret peut être le moyen d'améliorer la compétitivité du train face à la route sur le terrain économique. L'argumentaire repose sur la recherche d'une plus grande productivité du sillon et des moyens humains et matériels de traction. Le gain est estimé entre 10 et 15% pour les opérateurs, même avec l'installation d'un dispositif d'accompagnement du freinage pour la queue du convoi. Le bénéfice principal est évidemment pour les chargements relativement légers par rapport à leur longueur (transport combiné, automobiles...) mais intéresse aussi le trafic lourd (minerais, granulats, céréales...) pour les retours à vide.

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Viviers - 3 août 2010 - L'autoroute ferroviaire Bettembourg - Le Boulou peut profiter de l'allongement des trains à 850 m. L'objectif de trains de 1000 m est-il compatible avec la capacité nécessaire à l'ensemble des besoins ferroviaires ? © transportrail

Pour le gestionnaire d'infrastructures, le bilan est plus nuancé. En repoussant la limite de longueur, on retarde le besoin de circulations supplémentaires, ce qui génère moins de recettes. Les trains plus longs nécessitent des investissements - certes limités - sur l'infrastructure, avec des modifications de signalisation. Sont concernées les longueurs de cantons mais aussi la gestion du risque de recul : au démarrage, un train immobilisé peut s'allonger d'une dizaine de mètres par la détente des attelages (phénomène accru évidemment dans les rampes) et peut par exemple empiéter sur un passage à niveau. Il se psoe aussi la question du besoins minimal de voies de garage en ligne, dont peu sont conçues pour accueillir des trains de 850 m (ou plus).

En outre, ces trains XXL sont plus consommateurs de capacité en ligne, puisqu'ils impactent le débit de l'infrastructure, par un temps de dégagement des cantons plus longs tant par l'effet de la longueur que celui de la masse du convoi. En outre, les efforts demandés étant plus importants, il est nécessaire de renforcer la puissance des sous-stations, d'autant que ces trains nécessitent un deuxième engin moteur.

On rappellera aussi que le KVB actuellement opérationnel en France est techniquement limité à des convois de 1000 m. Les expériences à 1500 m étaient à visée exploratoire pour progresser sur des sujets techniques et non pour un déploiement sur l'ensemble du réseau. Il faudra probablement attendre le déploiement d'ERTMS sur le réseau structurant.

Autant dire que les marges de manoeuvres sont limitées : des investissements non négligeables pour une activité qui, du point de vue du gestionnaire d'infrastructures, génère des pertes (du fait de la faiblesse des péages) et des coûts (d'usure du réseau), le tout dans un système ferroviaire cadenassé par une logique uniquement financière de fait contre-productive... alors qu'au niveau de l'économie d'un pays entier, l'intérêt ne fait aucun doute.

En revanche, allonger les trains peut retarder des investissements capacitaires en cas de pénurie de sillons, ce qui peut concerner quelques sections de grands axes et certains noeuds ferroviaires de premier plan (comme Lyon), mais en pondérant les avantages et les inconvénients (effet de la longueur sur le débit) et en prenant en considération de positionnement temporel de ces trains : les contraintes en ligne et dans les noeuds en soirée ou en nuit ne sont pas les mêmes qu'en pleine journée...

La démarche française de passage limité du 750 au 850 m dans un premier temps trouve son pendant sur le réseau allemand, confronté à une difficulté croissante à offrir des sillons fret sur des lignes très circulées. Pour 700 M€, il s'agit d'allonger 100 évitements sur le réseau principal allemand afin d'admettre des trains de 740 m contre 650 m actuellement. Les lignes autorisant des trains de 850 m (sur l'axe Hambourg - Danemark) resteront donc durablement marginales, sauf sur les NBS la nuit. Les marges de manoeuvres sont là aussi réduites, car pénaliser la capacité d'un réseau très demandé pour allonger les trains dans une logique d'efficacité économique pour les chargeurs, voilà qui pose clairement la question de l'équilibre avantage / inconvénients et d'une vision peut-être un peu trop cloisonnée.

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16 mars 2019

Un appel d'opérateurs européens pour le fret

Constatant que la COP21 n’a guère été suivie d’effets, sinon la hausse des émissions de gaz nocifs, et que les 3 conférences qui ont suivi l’accord de Paris ont été toutes à peu près le même fiasco, le groupement Rail Freight Forward a été constitué le 14 décembre 2018 à l’initiative de plusieurs opérateurs européens, parmi lesquels la SNCF, la DB, les CFF, les CFL, les ÖBB, les FS, les PKP, les CD et Lineas.

Ils proposent un objectif ambitieux : porter la part de marché du fret ferroviaire à 30% en 2030, soit un doublement du volume de marchandises transportées par le rail par rapport à 2018. C’est ambitieux, et ce n’est malheureusement pas la première fois que de telles intentions – si louables soient-elles, en restent à ce stade. N’allons même pas jusqu’à évoquer un ancien ministre des Transports Français qui annonçait en 1998 un doublement du trafic fret en 20 ans. On sait ce qu’il en est advenu (du résultat, et du ministre).

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Collioure - 9 mars 2019 - Le trafic combiné semble reprendre des couleurs avec la pénurie de conducteurs de poids lourds dans l'Union Européenne. Pour autant, les circulations fret sur les grands axes stratégiques européens restent, du moins en France, rares car devant composer avec un réseau d'une capacité et d'une disponibilité insuffisante. Dans le cas présent, les trains de fret peuvent emprunter la ligne nouvelle Perpignan - Figueras et bénéficier d'un itinéraire à voie normale jusqu'à Barcelone, mais la plupart continuent d'emprunter la ligne classique avec changement d'écartement à Cerbère - Port-Bou. Une affaire de coût du sillon ? © transportrail

Ces opérateurs mettent en avant la nécessité d’infrastructures ferroviaires fiables, disponibles et adaptées au marché, avec un appel indirect à l’homogénéisation des gabarits, notamment autour du fameux « P400 » qui suscite pas mal d’agitations chez les différents gestionnaires d’infrastructures, surtout ceux qui, comme la France, ont des infrastructures souvent de dimensions assez contraintes. A ce sujet, les CFF sont en train de plancher sur une méthode aboutissant à une configuration à peu près comparable avec des modalités a priori plus économiques que des opérations de dégagement classique du gabarit (soit abaissant la voie, soit en relevant les obstacles).

L’enjeu n’est tout de même pas mince : 75% des marchandises en Europe transitent par la voie routière rejetant 275 Mt de CO² (et autres gaz ou particules) dans l’atmosphère (et donc nos poumons).

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Müllheim - 1er août 2011 - Pour la traversée de la Suisse, une autoroute ferroviaire transfrontalière a été mise en place depuis l'Allemagne avec une origine à Freiburg im Breisgau. Sur ce cliché, c'est une Re 485 du BLS qui en assure la traction. ©  N. Hoffmann

Rail Freight Forward note que les Etats qui ont mis en place un dispositif de rééquilibrage des coûts entre le rail et la route sont ceux qui ont le plus accru le rôle du rail dans le transport de marchandises. C’est le cas de l’Autriche, où 32% des marchandises utilisent le train, et naturellement de la Suisse, avec 37%.

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Wiener Neustadt - 6 juin 2018 - Champion de la part de marché du fret, l'Autriche profite de sa position géographique, à la fois sur les axes est-ouest et nord-sud. Le trafic y est intense et les investissements quasi continus pour développer la capacité du réseau ferroviaire. © transportrail

La conjoncture est plutôt favorable, car, dans le domaine du transport routier, on assiste à un mouvement de fond lié à la croissance économique dans les pays d’Europe centrale. Le secteur du transport routier est très sollicité au sein des Etats et plus globalement sur des liaisons de courte et moyenne distance difficilement captables par le rail. Conséquence, les transporteurs routiers ont de plus en plus de mal à répondre à la demande sur des longues distances au sein de l’Union Européenne, ce qui redonne de la vigueur au marché ferroviaire et notamment au transport combiné.

Pour autant, cet appel risque de rester sans effet notoire : c’est une déclaration de principe et un lobbying de portée limitée. Les signataires demandent in fine des décisions politiques dans chacun des pays en faveur du rail. Certains ont réellement pris de l’avance. D’autres, dont la France, accumulent un retard considérable, amplifié par le scandale politico-financier de l’abandon de l’écotaxe. L’Union Européenne doit également prendre sa part de responsabilité du fait de son processus de décision qui favorise le statu quo.

La réorientation de certaines politiques nationales et de l’action européenne en faveur du transport ferroviaire de marchandises n’est malheureusement pas pour demain. Il y a pourtant de plus en plus urgence…

2 février 2019

Question de capacité dans le tunnel du Fréjus

Sujet potentiellement polémique... mais on assume.

Serpent de mer depuis bientôt 30 ans, le projet de nouvelle percée alpine, couramment appelé Lyon-Turin, est un sujet de tensions entre partisans et adversaires du projet, qui ne laisse guère de place pour la pondération et la mesure. Petit rappel qui a son importance : il faut distinguer le projet Transalpine, c'est à dire le tunnel de base entre Saint Jean de Maurienne et Suza, des accès ferroviaires français à ce tunnel de base. Ceux-ci comprennent une ligne nouvelle entre Grenay, (intersection entre la LN4 et la ligne Lyon - Grenoble) et Avressieux, se séparant en deux branches : vers le nord par le tunnel de L'Epine, une ligne voyageurs, se raccordant au nord de Chambéry, et vers le sud, une ligne évitant Chambéry et Montmélian par les tunnels de Chartreuse et de Belledonne pour rejoindre l'entrée du tunnel de base à Saint Jean de Maurienne.

Itineraire de la Transalpine LT juin 2015

Depuis plusieurs années, le débat porte sur l'utilité du tunnel de base, alors que le trafic fret s'est effondré depuis l'origine du projet, conséquence de la désindustrialisation mais aussi de la concurrence des itinéraires entre la mer du Nord et l'Italie du nord via l'Allemagne et la Suisse où de conséquents investissements ont été réalisés ou en cours (mise à 4 voies entre Karlsruhe et Bâle, tunnels du Lötschberg, du Gothard, du Ceneri pour ne citer que les plus importantes réalisations), jugés plus fiables que la traversée de la France où le fret a de plus en plus de mal à passer. Quant au trafic routier, après avoir lui aussi connu une période de stagnation voire de régression, il repart assez sensiblement à la hausse depuis 2017. Des riverains de la vallée de l'Arve, qui subit le trafic du tunnel routier du Mont-Blanc, ont, rappelons-le, porté plainte contre l'Etat l'année dernière compte tenu des taux de pollution bien au-delà des normes sanitaires...

D'études en contre-expertise, chacun conteste l'objectivité des analyses. Nous allons modestement essayer de naviguer entre les deux pour resserrer le débat. Manifestement, les règles récemment imposées par RFI, le gestionnaire d'infrastructures italien, modifient assez sensiblement les conditions d'écoulement des circulations. C'est un des arguments mis en avant pour expliquer que la capacité réelle du tunnel existant n'offre plus beaucoup de réserve. C'est loin d'être faux...

Dans ce nouveau dossier, transportrail part d'une hypothèse purement théorique : puisque l'argumentation repose sur des règles de succession des trains dans un tunnel ancien, imaginons un instant qu'il soit à voie unique sous la forme d'un canton unique. Plus de problème de succession ou de croisement puisqu'il n'y aurait plus qu'un seul train à un instant t dans cet ouvrage. Evidemment, ce cas d'école ne doit en aucun cas être considéré comme une alternative au projet actuel, mais juste un moyen de comparer les hypothèses.

Quant aux considérations politiques, il semble que la position française soit de profiter du désaccord entre les deux courants formant l'actuelle coalition gouvernementale en Italie pour laisser à nos voisins le soin d'endosser éventuellement le mauvais rôle, car il faut bien admettre que reculer sur ce projet serait aujourd'hui passablement douloureux. 

28 novembre 2018

A propos du camion électrique

Ce serait une des grandes innovations, une révolution pour le transport de marchandises à en croire ses promoteurs. Depuis deux ans, à l'initiative du constructeur de poids lourds Scania, un tronçon de 2 km d'une autoroute suédoise est équipée d'une caténaire sur la voie de droite, comprenant deux fils de contacts parallèles, utilisés par des camions bimodes dotés d'un moteur thermique de 360 chevaux, d'un moteur électrique de 130 kW et de batteries lithium-ion développant 5 kWh pour une autonomie de 3 km. La tension d'alimentation est de 700 V. 

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Loin d'être un projet mûr, il s'agit donc d'une courte expérimentation qui pose beaucoup de questions sur :

  • la montée / descente du pantographe et la prévention des risques d'arrachage de la caténaire ou de retournement du pantographe ;
  • la gestion de l'usure de l'archet : la caténaire doit être implantée en Z de sorte à répartir l'usure du fil ;
  • l'efficacité intrinsèque du fait du roulement sur pneumatiques à forte adhérence et donc forte consommation (et faible rendement énergétique) ;
  • les modalités d'alimentation électrique : où implanter les sous-stations, le contrôle-commande de l'alimentation ?

La suite d'un tel projet est cependant promise à un grand avenir dont on peut d'ores et déjà esquisser les étapes :

  • création d'un dispositif de couplage des camions entre eux pour réduire les coûts d'exploitation en s'affranchissant d'un grand nombre de conducteurs ;
  • retrait des pneumatiques sur les véhicules pour améliorer le rendement énergétique, moyennant la pose de barres métalliques sur la chaussée ;
  • regroupement des équipements de traction pour réduire le coût de possesion des ensembles.

Il paraît que cela s'appelle le chemin de fer : transport combiné ou autoroute ferroviaire selon les cas...

14 novembre 2018

En 2017, un fret toujours aussi atone

Cette semaine, l'Allemagne et la France ont publié leurs résultats de trafic de marchandises par le rail pour l'année 2017. Le contraste est saisissant entre les deux pays. On le sait depuis des lustres, mais l'écart continue, lentement mais sûrement de se creuser.

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Donzère - 1er août 2018 - La 27059 remonte la vallée du Rhône par la rive gauche avec un convoi diffus. Les trains de marchandises restent quand même rares, même sur ce grand axe européen stratégique. Et pourtant, le mur de camions est bien une réalité sur l'autoroute A7... © E. Fouvreaux

En France, le trafic fret, tous opérateurs confondus, atteint 33 milliards de tonnes-km. En Allemagne, prenez ce chiffre et multipliez-le par 4... ou presque, puisque le réseau allemand a vu transiter 129 milliards de tonnes-km.

Plusieurs raisons continuent d'expliquer cet écart. D'abord, la situation industrielle des deux pays, puis la position centrale de l'Allemagne sur le courant entre les ports italiens et ceux de la mer du Nord et ensuite l'état de l'exploitation ferroviaire : malgré un taux d'usage nettement supérieur, le réseau allemand est nettement plus disponible... sauf évidemment lorsque surviennent des incidents comme celui de Rastatt, dont ont constate qu'il n'a pas modifié la trajectoire d'évolution de l'usage du rail. En France, la question de la qualité et de la quantité des sillons reste toujours la première des critiques des opérateurs, en particuliers des opérateurs privés.

En 2018, le contexte social du premier semestre en France devrait peser sur les résultats de trafic, alors qu'on a pu constater un léger frémissement, notamment dans le secteur du transport combiné, en raison de la croissance économique dans les pays d'Europe centrale, où les chauffeurs de poids-lourds deviennent une ressource plus rare, donc plus prisée sur des parcours de plus courte distance et par conséquent moins disponibles pour les longs parcours trans-européens.

Notre dossier sur le fret ferroviaire en France.

6 novembre 2018

Calais - Orbassano : une autoroute ferroviaire de plus

Et de 4 ! Après Aiton - Orbassano par le tunnel du Fréjus en 2003, Bettembourg - Le Boulou en 2007 et Calais - Le Boulou en 2016, la nouvelle autoroute ferroviaire française opérée par VIIA, filiale de SNCF Logistics,  poursuit le maillage du réseau avec une liaison Calais - Orbassano pour capter une partie du trafic entre le Royaume-Uni et la Belgique d'une part et l'Italie d'autre part. Comme pour Aiton - Orbassano, VIIA assure la prestation en partenariat avec Mercitalia, filiale fret des FS.

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Salses le Château - 18 juillet 2012 - Un train bien chargé de l'autoroute ferroviaire Bettembourg - Le Boulou, emmené par la BB37039, approche de Perpignan. Equipée de wagons Modalohr, elle est aujourd'hui le service de plaine proposant l'offre la plus importante mais les prévisions de trafic en 2020 ne seront pas atteintes. (cliché X)

Elle débute prudemment avec un aller-retour tous les 3 jours, avant de passer à une rotation quotidienne en semaine (du lundi au vendredi) l'année prochaine. L'opérateur vise un équilibre à moyen terme avec 2 allers-retours du lundi au samedi, et vise un trafic annuel de 40 000 camions.

Si l'autoroute ferroviaire alpine Aiton - Orbassano est d'emblée calibrée en fonction des capacités de remorquage sur la ligne de la Maurienne, la rame de la liaison Calais - Orbassano est composée de 21 wagons doubles Modalohr jusqu'à Saint Jean de Maurienne, où elle est coupée en deux pour respecter la limite de charge de 1400 tonnes d'une BB36300 en tête et une seconde en pousse.

Cependant, les autoroutes ferroviaires françaises sont bien loin d'avoir atteint la prévision de trafic de 2009, celle inscrite dans l'Engagement National pour le Fret Ferroviaire, qui visait pas moins de 500 000 camions transportés par an. Certes, l'autoroute ferroviaire Atlantique n'a toujours pas été mise en service, mais avec 115 000 camions pris en charge par les 3 lignes existantes, le retard reste abyssal. Pour mémoire, on tablait alors sur pas moins de 40 allers-retours par jour dont 20 sur les relations transitant par la vallée du Rhône. En 2018, l'offre comprend :

  • 5 allers-retours par jour, 6 jours sur 7, sur Aiton - Orbassano : 175 km en 3 heures ;
  • 3 allers-retours quotidiens sur Bettembourg - Le Boulou : 1054 km en 15 heures ;
  • 2 allers-retours par jour, 6 jours sur 7, sur Calais - Le Boulou : 1200 km en 22 heures (dont on peut mesurer que sa performance doit encore progresser, puisqu'avec 54 km/h, elle est nettement moins rapide que les autres liaisons longue distance qui atteignent 70 km/h) ;
  • et donc donc désormais Calais - Orbassano : 1069 km en 15 heures, qui vise donc 2 allers-retours par jour.

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Il faut aussi ajouter la rotation hebdomadaire entre Bettembourg et Sète, pour le logisticien tuc Ekol, également assurée par VIIA.

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