Hyperloop : entourloupe confirmée
Et pas par n'importe qui : par celui qui en est à l'origine !
La révélation dans la biographie d'Elon Musk qu'Hyerploop n'était pas vocation à devenir un projet concret, mais uniquement à tuer le projet de train à grande vitesse en Californie, fait tomber des nues. Et pourtant, nombre de têtes bien pleines se sont engouffrées dans la brêche ouverte par le milliardaire, manifestement sans vraiment se poser quelques questions élémentaires, sur la consistance de l'idée et son adéquation au marché des déplacements.
Les médias ont aussi une part de responsabilité en ayant d'emblée qualifié l'idée de train du futur. Relayer la communication d'entreprise ne suffit pas à informer : il ne fallait pas être un grand spécialiste de l'industrie des transports pour faire preuve d'esprit critique et identifier les quelques questions de nature à mettre en doute la crédibilité d'un tel dessein. Certains annonçaient un Lyon - Saint Etienne en capsules à subsonique dès 2020. Seuls ceux qui sont aussi fous que les instigateurs de ces propos pouvaient croire à cette entourloupe.
Malheureusement, dans cette affaire, des fonds publics et privés ont été engagés, y compris en France, puisque des investisseurs ont tenté l'aventure afin de déployer le concept Hyperloop à court terme. Fin 2021, le bail pour la piste d'essais sur l'ancienne base aérienne de Toulouse Francazal avait été résilié. La base d'essais dans le Limousin, à l'initiative de la société Transpod, entretient encore quelques illusions, mais pour combien de temps ? SpaceTrain est passé de la rubrique Technologie aux pages judiciaires. C'est au Canada que la situation pourrait être un peu plus compliquée, puisque 550 M$ ont été engagés pour un projet destiné à relier Edmonton à Calgary. Néanmoins, la faisabilité technique et la viabilité commerciale restent à démontrer. Le propos de M. Musk pourrait bien siffler tardivement la fin d'une onéreuse et inutile récréation...
Etats-Unis : un plan pour les infrastructures
Il est rare que nous évoquions les transports ferroviaires aux Etats-Unis, mais l'information a traversé l'océan Atlantique non seulement par des chiffres donnant le vertige pour nous autres européens, mais aussi par la dimension politique.
Ainsi, le Sénat a adopté le plan présenté par l'administration Biden pour moderniser les infrastructures américaines, d'un montant de 1200 MM$. Les Démocrates voulaient porter cette enveloppe à 2300 MM$ mais les discussions à la chambre haute ont abouti à se limiter au montant initial. Singularité de ce plan, il a dégagé un certain consensus puisqu'un tiers des sénateurs Républicains, essentiellement les non-Trumpistes, ont voté en faveur de ce plan prévoyant près de 550 MM$ destinés aux infrastructures de transport dont :
- 266 MM$ pour moderniser les réseaux d'eau et d'électricité, et étendre le déploiement d'Internet à haut débit
- 110 MM$ pour la rénovation des routes ;
- 66 MM$ pour les infrastructures ferroviaires ;
- 40 MM$ pour les transports publics locaux ;
- 25 MM$ pour les aéroports ;
- 21 MM$ pour la dépollution des sites industriels et miniers ;
- 17 MM$ pour l'entretien des fleuves et des canaux ;
- 7,5 MM$ pour le déploiement de bornes de recharge des batteries des voitures électriques :
- 5 MM$ pour renouveler la flotte des Yellows Buses du transport scolaire afin de les décarboner ;
- 2,5 MM$ pour renouveler les ferries.
Le volet ferroviaire prévoit la rénovation de 32 000 km de voies ferrées soit environ 20% du réseau américain et le renforcement des dessertes sur les parties les plus denses du pays : évidemment la côté Atlantique, l'étoile de Chicago, autour de San Francisco, Los Angeles et sur l'axe Vancouver - Seattle - Portland - Eugene. C'est le plus important budget pour le transport ferroviaire aux Etats-Unis depuis 1971.
Cependant, l'estimation initiale était autour de 80 MM$, signifiant que l'accord obtenu résulte d'un compromis serré entre Démocrates et Républicains, et qu'il faudra donc encore faire des choix.
Qui plus est, l'accord porte sur les principes : il va encore falloir préciser les modalités de financement... et c'est là que la négociation s'annonce la plus serrée.
En revanche, l'administration Biden a réinscrit dans le budget fédéral les 929 M$ destinés à la ligne nouvelle rapide californienne axée évidemment sur la liaison entre Los Angeles et San Francisco : sur les 1292 km du projet complet (desservant aussi Sacramento et San Diego), une première section de 191 km Madera - Backersfield a été engagée, mais suspendue après l'abandon du financement par l'administration Trump.
Enfin, dans cette actualité américaine, notons aussi la commande de 73 nouvelles rames Venture par l'AMTRAK à Siemens pour un montant de 3,4 MM$. Une centaine de rames est déjà livrée ou en cours de production. Ces rames seront mises en service entre 2024 et 2030. Le marché prévoit une option de 140 unités. Ces rames sont composées d'une locomotive monocabine et de 6 voitures, offrant au total 366 places dont 50 en classe business et un espace bar. Elles peuvent atteindre 200 km/h, toujours en traction Diesel...
Alstom : marché historique aux Etats-Unis
C'est l'information qui a animé le week-end (du moins ce qui ne concerne ni les retours de vacances, ni les amabilités politiciennes pré-électorales) : Alstom fournira et maintiendra durant 15 ans une flotte de 28 trains Avelia à AMTRAK, l'opérateur ferroviaire américain, pour le corridor ferroviaire entre Boston, New York et Washington, sur lequel circule déjà une première génération de trains rapides baptisée Acela. Le montant du marché avoisine les 2 MM$.
Avelia Liberty, le train pendulaire à grande vitesse d'Alstom, vendu aux Etats Unis (document Alstom)
Le train vendu est une rame articulée comprenant une seule locomotive et 9 voitures, munies de la technologie pendulaire Tiltronic capable de circuler à 300 km/h. Dans un premier temps, les trains circuleront au mieux à 257 km/h, vitesse maximale autorisée sur la ligne existante. Les nouvelles rames sont plus capacitaires grâce à la réduction de la longueur occupée par la motorisation et une amélioration de la conception des voitures.
Fait à souligner, le gouvernement américain a accepté l'adoption de normes européennes de sécurité pour la construction de ce nouveau matériel, se fiant sur l'expérience acquise depuis plus de 30 ans : les normes américaines, fondées sur le transport de marchandises au moyen de trains hyperlourds, s'avéraient inadaptées pour atteindre les objectifs.
L'officialisation du marché a été faite par le Vice Président des Etats Unis, Joe Biden, qui s'est livré à un plaidoyer pour le développement du transport ferroviaire de voyageurs dans un pays où celui-ci est réduit à un rôle anecdotique. Jusqu'à présent, aucun des projets de lignes nouvelles pour des trains à grande vitesse lancé puis abandonné au cours des 30 dernières années n'a pu aboutir jusqu'à l'apparition d'Acela en 2000. Cette relation est un succès, en dépit de temps de parcours assez moyens (3h30 entre Boston et New York et New York - Washington en 2h30). La politique de tarifs compétitifs par rapport à l'avion et surtout l'accentuation des mesures de sécurité à l'embarquement ont favorisé l'usage du train qui fait aujourd'hui quasiment jeu égal avec l'avion.
L'administration américaine espère pouvoir présenter d'autres projets de liaisons ferroviaires rapides dans les principaux corridors urbanisés du pays. C'est même devenu un enjeu électoral, à trois mois de l'élection présidentielle.
En revanche, en France, on a entendu durant le week-end des craintes sur l'emploi chez Alstom, en arguant d'une production de ces trains dans les usines américaines d'Alstom. Il était pourtant évident que la construction sur place de ces trains allait être un atout décisif pour des arguments rigoureusement identiques à ceux déployés sur le marché français...