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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
10 avril 2021

Libéralisation du marché intérieur : nos dossiers actualisés

On continue la mise à jour des dossiers de transportrail en s'intéressant cette fois-ci à la libéralisation du marché intérieur : bientôt 10 ans après la parution du rapport Grignon, le contexte change, parfois avec un peu de foisonnement de la part des opérateurs voire de certaines autorités organisatrices, y compris l'Etat. L'adaptation du système ferroviaire français au quatrième paquet ferroviaire pourrait profondément transformer le paysage ferroviaire français, mais il va aussi impliquer de notables évolutions de posture des puissances publiques. Ce sera peut-être un peu plus facile pour les Régions, qui ont déjà acquis un peu d'expérience, y compris avec les dessertes routières de plus en plus gérées en direct sans l'intermédiaire de la SNCF, et qui préparent déjà la constitution de leurs lots. La tâche sera un peu plus vaste pour l'Etat, dont les responsabilités vont être significativement accrues et qui va devoir profondément interroger l'organisation actuelle des liaisons longue distance majoritairement aux risques et périls de la SNCF.

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29 mars 2021

La Cour des Comptes s'inquiète pour la SNCF

C'est quand même assez rare pour être souligné et à transportrail, on a déjà eu l'occasion d'observer une propension au grand écart des Sages de la rue Cambon en matière ferroviaire, avec des analyses à la pertinence assez inégale. Et cette fois-ci, il y a tout lieu de considérer que le chapitre du rapport annuel 2021 intitulé SNCF : mobilisation réussie mais un modèle fragilisé pourrait se situer du bon côté de la barrière.

Outre son titre qui souligne que la SNCF a globalement réussi à tenir le cap dans la crise sanitaire en dépit d'obstacles de tous ordres, la Cour s'inquiète de la situation du groupe ferroviaire dans les prochains mois et prochaines années. En 2020, l'excédent brut avant impôts, taxes et amortissements (Ebitda si vous êtes rompus aux finances), a plongé à -5 MM€.

Le rapport s'inquiète à plusieurs titres, et pas seulement financiers :

  • le spectre d'une SNCF qui continue de s'endetter, alors que l'Etat s'est engagé à reprendre 35 MM€ de dette historique dans la réforme ferroviaire de 2018 ;
  • les 4,05 MM€ de recapitalisation annoncés par l'Etat dans le plan de relance ne concernent que SNCF Réseau, essentiellement pour couvrir des dépenses identifiées mais démunies de ressources, et donc absolument pas pour financer les investissements de modernisation nécessaires du réseau ferroviaire ;
  • les efforts de productivité demandés à SNCF Réseau vont peut-être au-delà de sa capacité réelle de restructuration et ne sont en aucun cas suffisants pour couvrir les besoins de modernisation ;
  • la situation de SNCF Réseau est aussi fragilisée par la diminution des recettes liées aux circulations (-1,11 MM€ en 2020) ;
  • SNCF Voyageurs a pu résister grâce au concours des activités subventionnées, notamment les TER et Transilien, mais la chute du trafic est forte, le rythme du retour est incertain car les évolutions de comportements de la population pourraient laisser des traces : aussi, les autorités organisatrices doivent être soutenues et donc bénéficier de la compensation des coûts induits par la crise sanitaire, car les impacts pourraient être assez durables et on n'en connaît pas encore totalement la vigueur ;
  • la situation des activités commerciales de SNCF Voyageurs, et donc du TGV, devient dans ce contexte particulièrement préoccupante puisque l'exploitant ne pourra pas rétablir un niveau de desserte tel que celui d'avant le 16 mars 2020 si la clientèle ne revient pas (surtout si elle en est empêchée...) : pour la Cour des Comptes, une activité TGV structurellement déficitaire ferait courir le risque d'un effondrement du financement du système ferroviaire français.

On retient donc de ce rapport qu'il pointe assez clairement les responsabilités de l'Etat, ce que la réponse du Premier Ministre ne semble pas apprécier. La critique d'un Contrat de Performance (du moins qualifié comme tel...) conçu dans l'unique objectif de limiter les engagements de l'Etat au financement du réseau ferroviaire tombe au bon moment, même si elle ne doit irriter nombre d'oreilles ministérielles. La relance de l'activité ne pourra faire l'économie de puissants investissements publics et ce principe d'inspiration keynesienne ne semble guère être contredit. Ce serait l'occasion pour l'Etat de rattraper le retard ferroviaire français. Cela tombe bien, la loi Climat et Résilience a débuté son cycle parlementaire. Malheureusement, elle est d'une déprimante pauvreté en la matière. L'Etat n'arrive toujours pas à considérer le chemin de fer comme une industrie et non comme une administration... alors qu'il a imposé le passage en Société Anonyme dans la dernière réforme.

On savait de longue date qu'il y avait urgence sur les infrastructures. Il y a aussi un sujet de fond, plus complexe, sur les dessertes, et pour l'instant, Etat et SNCF Voyageurs semblent jouer leur propre partition mais sans vision d'ensemble, il est vrai plus difficile à établir avec malgré tout l'ouverture du marché intérieur. 

28 mars 2021

Eurostar dans la tourmente franco-britannique

Eurostar va mal. Personne ne peut l'ignorer... mais pour l'instant, la France et le Royaume-Uni semblent se rejeter la responsabilité du sauvetage d'une entrprise considérée française par les anglais et anglaise par les français. Le cocktail du Brexit et de la crise sanitaire se révèle explosif et l'activité depuis un an n'a cessé de s'éroder au point que la desserte a été limitée à un unique aller-retour et à plusieurs reprises complètement interrompue. L'actionnaire majoritaire (à 55%), la SNCF, fait état d'un besoin de trésorerie à très court terme, d'ici un mois tout au plus après avoir perdu 95% de son trafic et emprunté déjà 450 M€. Le scénario du pire n'est pas encore écarté et la tâche est rude. La France et le Royaume-Uni ne sont pas particulièrement en bons termes après de Brexit (et en plus, la France a perdu contre l'Angleterre dans le Tournoi des 6 Nations au dernier moment, mais sur une décision discutable d'arbitrage vidéo).

En parallèle, il faut envisager aussi les conséquences de la crise sanitaire sur les possibilités de voyages touristiques et sur la dynamique de la clientèle d'affaires qui s'est largement convertie à la téléconférence. Quelle serait la demande dans le cadre d'une liberté de déplacements retrouvée pour les motifs sanitaires ?

Eurostar avait quand même réussi, tout comme Thalys, à être un symbole de la réussite du transport ferroviaire dans la connexion des pays européens, et à remplacer l'avion pour les liaisons entre Paris, Londres et Bruxelles. Le lancement de la liaison vers Amsterdam s'annonçait prometteuse. Une faillite serait un très mauvais signal, ferait tomber le projet de fusion avec Thalys et mettrait à mal une réussite ferroviaire européenne.

Dans ce contexte, on a un peu de mal à comprendre la position des opérateurs privés qui demandent en contrepartie d'un plan de sauvetage d'Eurostar la mise à disposition de rames françaises à grande vitesse pour favoriser l'ouverture du marché, mettant également dans la balance le lancement de la production de 100 nouvelles rames TGV.

Certes, Eurostar avait été installée à Londres pour des raisons de compromis politiques et d'avantages fiscaux et en tant que filiale de la SNCF, c'est en principe à elle de renflouer son entreprise. Mais à partir du moment où la situation résulte d'événements de nature exceptionnels, ne faudrait-il pas envisager une solution hors cadre normal ? Eurostar revêt un côté symbolique, qui, dans l'hypothèse d'une faillite, laisserait d'abord le champ libre... à l'avion.

7 mars 2021

Et si on parlait de Railcoop ?

Assurément, la communication de la coopérative Railcoop est assez réussie puisque dans le petit monde ferroviaire, l'initiative s'invite fréquemment dans les conversations, et la plupart des amateurs de la chose ferroviaire ont déjà été sondés par leurs proches (oui ça sent le vécu) pour savoir ce qu'ils en pensaient.

Pas facile d'aborder le sujet : la médiatisation importante, la focalisation sur des territoires et des liaisons « délaissés » par la SNCF et l'Etat, la structure coopérative véhiculant une image désintéressée en font un objet difficile à appréhender sans s'exposer à des critiques sur des présupposés orientés. Le projet de relance d'une première liaison Bordeaux - Lyon, un axe d'ouest en est traversant le Massif Central, est très symbolique.

Essayons donc de l'aborder le plus factuellement possible dans ce nouveau dossier de transportrail, au moment où la coopérative annonce avoir recueilli les fonds suffisants pour entamer le processus d'obtention d'une licence d'opérateur ferroviaire.

Si vous n'avez pas le temps, en résumé : l'analyse territoriale, la compréhension du besoin de liaisons entre villes de taille moyenne dans une logique autre que celle tournée vers Paris est cohérente et bien formulée. En revanche, les aspects techniques font émerger de nombreux sujets sur :

  • la construction du service et donc l'évaluation a priori des coûts de production sur des hypothèses horaires trop ambitieuses par rapport à ce que permet l'infrastructure ;
  • la gestion du matériel roulant, le choix même des rames,
  • le dimensionnement humain des besoins de l'exploitation,
  • le modèle économique aux risques et périls pour des liaisons à cabotage dominant et la présence de collectivités locales parmi les sociétaires.

Enfin, Railcoop se retrouve - à son corps défendant - assimilé à la solution universelle de la relance des liaisons transversales en France. C'est double tranchant...

25 février 2021

Loi Climat : un texte décevant

Le moins que l'on puisse dire, c'est que, communication gouvernementale mise à part, le projet de loi Climat ne suscite guère d'enthousiasme. Ce n'est pas seulement l'avis de mouvements associatifs ou de membres de la Convention Citoyenne, mais c'est d'abord celui du Haut Conseil pour le Climat : le projet de loi est jugé trop limité dans ses actions et dans les délais de mise en oeuvre. Il ne permet pas de respecter l'engagement de la France de réduire en 2030 les émissions de gaz à effet de serre de 40% par rapport au niveau de 1990. Bref, les objectifs de l'accord de Paris ne sont pas respectés : à vrai dire, ce n'est pas une surprise !

Cette mise en garde du HCC intervient alors que l'Etat a été reconnu responsable dans l'insuffisance de la lutte contre la pollution. Autant dire que pour étoffer le bilan écologique de ce quinquennat, il va falloir accélérer.

La FNAUT juge elle aussi ce projet trop édulcoré dans ses ambitions et trop conservateur sous certains aspects : ainsi, le texte conforte le primat du transport individuel, avec en tête d'affiche la voiture électrique mais aussi l'essor du vélo. En revanche, l'amélioration des transports en commun urbains et interurbains, épine dorsale d'un nouveau partage de la voirie dont bénéficieront aussi les piétons et les cyclistes, reste mal considérée dans ce texte et ne permet pas de donner un coup d'accélérateur : celui-ci serait d'ailleurs parfaitement compatible avec un soutien puissant à l'activité économique pour compenser les dégâts de la crise sanitaire.

Ainsi, l'Etat est très conservateur dans son hostilité à abaisser la TVA à 5,5% sur l'ensemble des transports en commun, comme l'a fait l'Allemagne il y a plusieurs mois. Il est particulièrement frileux sur le report du trafic aérien vers le train, en maintenant un seuil à 2h30 qui ne concerne que quelques liaisons où le TGV a de longue date pris une position dominante. Ne pas aligner le projet de loi sur une vision pragmatique est incompréhensible : le train est déjà le mode de transport dominant sur des trajets de 3 heures et même 3h30. Il serait donc assez cohérent de s'aligner sur ce seuil, concernant évidemment la plupart des liaisons au départ de Paris (Nice, Toulouse, Perpignan, Bayonne, Pau et Tarbes étant les principales exceptions), mais aussi des liaisons transversales (Lille - Lyon ou Strasbourg - Lyon).

Le projet de loi se focalise sur la création d'une nouvelle forme d'écotaxe, gérée à l'échelon régional, ce qui pourrait s'avérer assez délicat : ce serait rejeter la responsabilité du manque de ressources pour financer des projets de transports plus propres sur les Régions (à l'approche des élections régionales, c'est malin !) mais aussi un risque de pagaille si chaque Région décide de son propre système (les collectionneurs de vignettes, en manque de créativité sur leur pare-brise seront en revanche satisfaits).

Autre point que l'on peut souligner : l'objectif de division par 2 de l'artificialisation des sols est un premier pas, mais il est lui aussi timide car, pour les zones commerciales, une franchise a été établie, en-deçà de laquelle les promoteurs peuvent continuer leurs activités : elle correspond à environ 80% des cas d'extensions !

En revanche, les zones à faibles émissions seraient généralisées à partir de 2025 pour toute agglomération d'au moins 150 000 habitants : il faudra juger des moyens que ces collectivités mettront en oeuvre pour développer des solutions alternatives, notamment pour les transports en commun, mais on ne peut nier que ce projet tend à accroître le clivage entre les citadins d'une part, les rurbains ensuite (ces habitants de communes rurales qui travaillent en ville quitte à faire des grands trajets) et les ruraux enfin (ceux qui vivent hors des grands centres urbains... mais qui en sont de plus en plus dépendants).

Voir également le dossier de transporturbain Urbanisme, déplacements et choix modaux.

Reste donc à voir quelles améliorations seront proposées par le Parlement... et celles qui seront acceptées par le gouvernement. Mais après une LOM assez timorée, critiquée par le HCC, la loi Climat ne semble pas sur les bons rails...

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20 janvier 2021

Des Régions encore plus impliquées sur l'infrastructure

C'était l'objectif de l'Etat... et il a été tenu, de justesse. Le 29 décembre 2020, donc avant la fin de l'année, est paru au Journal Officiel le décret 2020-1820 qui définit les modalités d'application de l'article 172 de la Loi d'Orientation des Mobilités (LOM pour les intimes).

Outre le fait qu'il précise l'évolution des modalités d'externalisation de certaines missions de gestion de l'infrastructure sous contrôle de SNCF Réseau, il prévoit de nouvelles dispositions autorisant des ruptures plus ou moins fortes dans la gouvernance du réseau. Elles concernent les lignes de desserte fine du territoire. Les Régions peuvent désormais saisir le Ministère des Transports pour :

  • un transfert de missions, essentiellement de maîtrise d'ouvrage pour les études et les travaux ;
  • un transfert de gestion, en lieu et place de SNCF Réseau, donc assurer les missions assurées aujourd'hui par la Société Anonyme ;
  • un transfert de propriété, au-delà du transfert de gestion, sachant que depuis le 1er janvier 2020, le réseau appartient de nouveau à l'Etat.

Les conditions d'application sont cependant en voie de clarification car elles concernent des lignes à faible trafic, majoritairement composé de trains régionaux, sans exclure les activités nationales et le fret dès lors qu'elles restent limitées à quelques circulations. En revanche, pour les Régions envisageant une reprise avec réintégration entre l'exploitation et l'infrastructure, l'Etat doit encore définir la liste des lignes éligibles et la transmettre à l'Union Européenne, en dérogation au processus de libéralisation d'une part, mais aussi aux règles d'interopérabilité. Dans ce scénario, probablement assorti d'un transfert du contrôle de la sécurité de l'EPSF au STRMTG, la présence d'autres circulations et notamment du fret, doit être encore clarifiée : à ce jour, le décret STPG autorise la présence d'autres circulations sous réserve d'une exclusion temporelle (pas de trains de voyageurs pendant la circulation du train de fret sur la section assujettie à ce décret).

A ce jour, la Région Grand Est est la plus engagée dans cette voie, commençant par un premier lot, dans le cadre d'un appel d'offres emportant aussi l'exploitation des trains pour une durée de 15 ans sur 2 territoires : la relation Nancy - Vittel avec le transfert de la section non exploitée au sud de Pont Saint Vincent, et l'ensemble Molsheim - Saint Dié - Epinal assorti de Molsheim - Sélestat (encore que Molsheim - Obernai ne soit pas considérée comme une ligne de desserte fine). La Région Occitanie a manifesté son intérêt pour 2 réouvertures (Montréjeau - Luchon et Alès - Bessèges).

Les Régions engagées dans cette voie espèrent qu'elle procurera une réduction des coûts d'investissement et de maintenance sur l'infrastructure. L'exercice peut être éclairant car aujourd'hui, sur ces lignes, les dépenses réellement opérées par SNCF Réseau sont supérieures aux recettes générées par les circulations. Ces démarches seront peut-être l'occasion d'une opération-vérité sur les coûts inhérents au système ferroviaire, révélant forces et faiblesses du système actuel, et notamment sur l'impérieuse nécessité d'amortir les frais fixes autant que possible pour optimiser le coût du service pour la collectivité.

14 janvier 2021

2021 : année européenne du rail, même en France ?

Des anniversaires symboliques

C’est à la fois le 175ème anniversaire de la liaison ferroviaire Paris – Bruxelles, les 40 ans du TGV français et les 30 ans de la grande vitesse allemande. C’est aussi la première année d’entrée en application complète des dispositions du quatrième paquet de mesures de libéralisation des activités ferroviaires. C’est aussi peut-être une modeste contribution à la vie du collectif européen, passablement malmené ces dernières années (mais le Royaume-Uni n’est pas le seul fautif…).

La Commission Européenne semble considérer le rôle du chemin de fer dans une activité économique qui a été bousculée comme jamais depuis 70 ans par la crise sanitaire mondiale, mais ne perd pas de vue qu’une autre crise, beaucoup plus grave encore, n’a pas été confinée – elle – durant l’année 2020 : la question environnementale est chaque jour plus urgente. Beaucoup soulignent avec insistance l’opportunité de la conjonction entre la relance économique et l’écologie. Le Green Deal proposé par l’Union Européenne essaie d’impulser cette direction, mais le démarrage reste laborieux dans une Europe désormais à 27 où l’unanimité est devenue non seulement un vœu pieu mais un obstacle à son fonctionnement.

Si l’Union Européenne veut concrétiser cette louable intention, il faudrait donc qu’elle ouvre sa tirelire et cible des actions fortes : beaucoup auront en tête ERTMS, dont l’avancement fluctue aujourd’hui du fait d’une implication très variée des Etats, sur l’infrastructure et à bord des rames. Un financement soutenu de l’interopérabilité permettrait donc d’avancer plus rapidement. On pensera aussi évidemment à des projets d’infrastructure concourant notamment à l’amélioration des liaisons internationales. Beaucoup pensent à la Transalpine, mais elle est déjà largement financée par l’Union. L’effet sera probablement bien plus perceptible sur des projets plus opérationnels et à une échéance plus courte, tant sur le passage des points-frontières (pour la France, songeons un instant à Hendaye…), ou à l’amélioration des corridors européens pour le fret, que ce soit sur le gabarit, la longueur des voies de garage, la qualité des voies de service, ou encore la création d’itinéraires contournant les grands nœuds (vous devriez avoir VFCEA en tête…).

En France, toujours autant d’incertitudes

Tout au long de l’année 2020, le gouvernement français n’a pas lésiné dans ses discours à mettre en avant ses préoccupations en matière ferroviaire. Mais dans les faits ? Il a fallu le supplier de venir en aide à la SNCF pour compenser les conséquences du premier confinement, mais l’entreprise sait qu’elle y laissera des plumes, car les montants annoncés par l’Etat début septembre dans le plan de relance anticipent des cessions d’actifs.

De ce plan de relance, personne n’a encore réussi à en déchiffrer précisément le contenu. Sont annoncés 4,7 MM€ pour le secteur ferroviaire dont 4,05 pour recapitaliser la SNCF (modalité liée au statut de Société Anonyme). Cette opération assure selon le gouvernement une trajectoire de renouvellement du réseau à 2,9 MM€, couvre les effets de la sortie du glyphosate et la sécurisation des ouvrages d’art ainsi que l’intégration de 14 lignes de desserte fine du territoire dans le réseau structurant dont le renouvellement sera pris en charge par l’Etat. Les crédits supplémentaires portent sur le fret (250 M€ dont un quart pour la prise en charge des péages jusque fin 2021), les lignes de desserte fine du territoire (300 M€, principalement pour apporter des crédits en souffrance dans les CPER) et 100 M€ pour la relance des trains de nuit). D’autres moyens seront obtenus… par des cessions d’actifs, sujet pour le moins délicat tant sur le fond (cela revient à faire payer les effets du confinement à l’entreprise) que sur la forme (toujours en référence au « quoi qu’il en coûte »…)

Cependant, les pertes d’exploitation liées au confinement sont pour l’instant évaluées à 5 MM€ et le trou continuer de se creuser. Sur ce point, pas de clarification en vue… mais pour autant, il faut maintenir l’objectif de retour à l’équilibre financier en 2022 pour le groupe, en 2024 pour SNCF Réseau. Il se murmure que face l’érosion du trafic, et en particulier de la clientèle d’affaires, SNCF Voyageurs étudierait un scénario de rabotage sévère des dessertes nationales. Mais en parallèle, les TGV2020 sont en production : un effet de ciseau infernal !

Bref, 2021 ne commence pas vraiment comme une année « pro-rail » en France : disons tout au plus que ces enveloppes évitent tout au plus que la situation n’empire ! De l’autre côté du Rhin, le propos d’Angela Merkel est intéressant : « Ce n’est qu’avec le rail que nous atteindrons nos objectifs climatiques ». Avec 8,6 MM€ d’investissements annuels sur le réseau, cela ne semble pas trop mal parti…

Autre sujet d’inquiétude, la revoyure du contrat Etat – SNCF Réseau qu’on a quand même du mal à qualifier de « contrat de performance ». Il va falloir s’entendre sur cette notion : elle ne peut se réduire au renouvellement à l’identique comme c’est trop souvent le cas…

Un bon sujet mettant l’Etat face à ses propres responsabilités est le développement de RER dans les grandes agglomérations : quels moyens est-il prêt à engager pour passer de la théorie à la pratique ? Le fret aussi est de tous les discours, de façon encore quasi incantatoire, mais il va falloir passer au concret, ce qui va nécessiter plus qu’une étrenne à la géométrie imprécise : parlons gabarit, installations électriques, voies de service, longueur des garages en ligne, ERTMS… ce qui sera l’occasion de penser à la globalité des besoins de l’ensemble des activités ferroviaire. Puisque tout ceci finit sur des rails, les bénéfices « pensés » pour une action peuvent aussi bénéficier à une autre…

Le rail, plus que jamais au cœur des enjeux de société

Les atouts du chemin de fer demeurent plus que jamais d’actualité : la crise du covid-19 a un peu relégué – malheureusement – une autre crise, bien plus sévère et bien plus durable. Seulement 5 cinq ans après la signature de l’accord de Paris à l’issue de la COP21, la température moyenne de la planète n’a cessé d’augmenter, battant record sur record. La France n’est pas du tout dans la trajectoire à laquelle elle s’était engagée dans cet accord en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. « Les diseux et les faiseux » comme on dit parfois encore dans nos campagnes… Ceci dit, le bilan à l’échelle de la planète n’est pas meilleur, battant là encore record sur record.

Alors, à l’échelle des transports, si on profitait – vraiment – de l’occasion qui se présente pour infléchir les politiques publiques vers des modes de transport plus vertueux ? Investir dans la modernisation du système ferroviaire français, tordre un peu le bras à une lecture un peu trop financière de court terme, rappeler que les investissements d’aujourd’hui – à condition qu’ils soient bien pensés – font les économies de demain, se méfier du penchant français pour « la solution universelle miraculeuse », resserrer les liens entre le réseau ferroviaire, les services qu’il accueille, les populations et activités qu’il dessert, et naturellement regagner la confiance des utilisateurs (actuels et potentiels) par une offre structurée, attractive avec une tarification lisible et équitable : voici ce qu’on peut souhaiter au système ferroviaire français pour cette nouvelle année.

3 décembre 2020

TET : l'Etat face à la seule candidature de la SNCF

Après l'échec en 2016 de l'appel à manifestation d'intérêt sur les trains de nuit, l'appel d'offres sur les liaisons Nantes - Bordeaux et Nantes - Lyon était sous de nombreux projecteurs. L'Etat voulait en quelque sorte donner l'exemple... et doit faire face à une déconvenue dont il se serait bien passé, car un autre étendard s'est déchiré : les services librement organisés d'autocars, qui, avant même la crise sanitaire, avaient déjà démontré leur échec par rapport aux intentions initiales (tant sur le maillage du territoire que le nombre d'emplois créés).

Finalement, l'appel d'offres sur ces lignes Intercités n'a reçu qu'une seule offre : celle de la SNCF. Transdev, Arriva et Eurorail avait fait un tour de piste et tous ont finalement décliné. Ils motivent leur décision par le contexte économique actuel d'une part, des imprécisions sur le contenu du dossier de présentation des lignes et une incertitude persistante sur la performance de l'infrastructure, en particulier sur la section Saintes - Bordeaux, qui devient déterminante dans les prochaines années pour déterminer le temps de parcours cible, et surtout à quelle échéance il pourrait être atteint. Autre sujet, pour lequel Transdev avait tenté de batailler : le matériel roulant (B85000 affectés à ce marché) et une maintenance indépendante des installations existantes à Nantes.

En la matière, les orientations de l'Etat et de SNCF Réseau semblent envisager un temps de 4h20 à l'issue de la modernisation de La Roche sur Yon - La Rochelle en cours de réalisation. Mais il faudrait assurément repasser sous les 4 heures afin d'être à peu près crédible par rapport au temps de parcours routier. En revanche, le retour d'une quatrième liaison journalière semble acquis : c'est un premier pas, modeste, mais il faut parfois savoir se satisfaire de peu !

La SNCF considère qu'il n'y a pas lieu de déclarer l'appel d'offres infructueux, sauf à ce que son offre soit jugée irrecevable ou non conforme sur le fond, et parce qu'elle engagé des moyens pour être, selon elle, en capacité de l'emporter. En la matière, on ne peut donner tort à M. Farandou, fraichement confirmé à la tête de l'entreprise : les compétiteurs ont aussi joué de leur influence pour se faire entendre, mais faute de candidature concrète, leur audience se retrouve altérée. Il faudra donc voir le résultat des procédures en cours en PACA sur le transport régional, et évidemment comparer le contenu des procédures, ce qui semble assez central pour comprendre la position des autres opérateurs.

Bien évidemment, les organisations syndicales de la SNCF ne sont pas mécontentes de la situation, d'une certaine façon, en pointant le coût de la procédure et le désintérêt - selon elles - des entreprises privées pour les lignes d'aménagement du territoire. Si on ne peut pas totalement leur donner tort sur le premier point, il sera difficile de leur donner raison sur le second à la lumière de la réalité de ce qu'on peut observer par exemple en PACA, mais aussi dans différents pays européens ayant plus d'antériorité en la matière. Il faudra donc vraiment s'interroger sur les raisons de fond et de forme de cette situation sans oeillères idéologiques : il ne faut malheureusement pas exclure quand même que les entreprises privées aient eu de bonnes raisons de ne pas déposer d'offre...


 

Post-scriptum : le 17 décembre 2020, l'Etat a décidé de déclarer infructueux cet appel d'offres. Il sera relancé probablement après la fin de la crise sanitaire.

23 novembre 2020

Une mission de plus pour Philippe Duron

L'Etat reste fidèle à certaines personnalités politiques pour jouer les démineurs sur certains sujets de transport : outre le préfet Philizot (la vallée de la Seine, les lignes de desserte fine du territoire, la régionalisation de certains TET), le député Philippe Duron a aussi été à la tête de plusieurs missions (citons la révision du SNIT, avec Mobilités 21, le Conseil d'Orientation des Infrastructures, l'avenir des TET). Il en décroche une de plus, sur le financement des transports publics, au sens large, suite aux effets de la crise sanitaire et du confinement.

En Ile de France, le premier confinement a donné lieu à une bataille entre l'Etat et la Région, pour obtenir une compensation, qui a bien été accordée, mais sous forme d'un pret remboursable dans la durée. Pour les autres, c'est une autre affaire : la position du ministère des finances amenait à concentrer l'aide, également sous la forme de prêts, aux seuls organismes dédiés, c'est-à-dire les syndicats de transports. Pour les réseaux gérés par les Régions et les intercommunalités, c'était l'impasse. Cela semble être en voie d'ouverture, mais il semble bien que les collectivités locales en soient pour leurs frais, l'Etat demeurant toujours aussi méfiant à leur égard.

Sur le fond, et hors effet conjoncturel de ce fichu virus, le transport public en France souffre de difficultés économiques et financières pour diverses raisons. Le domaine ferroviaire présente probablement la situation la plus tendue avec un déficit d'investissement, qui explique le retard sur le renouvellement du réseau classique, l'atonie des développements utiles et la tentation toujours vive à la contraction du réseau. Il est aussi pénalisé par un taux de couverture des charges par les recettes qui demeure faible dans le domaine du transport régional et une remise en question de la situation des grandes lignes.

Dans le domaine des transports urbains, le sujet des investissements est peut-être un peu moins prégnant que celui du fonctionnement avec une tendance à la baisse de la part supportée par l'usager, la tentation de la gratuité, dont les bénéfices semblent assez limités dans les villes où elle a été mise en oeuvre. Il ne faut pas négliger la question des transports routiers interurbains, souvent négligés et cantonnés à un rôle scolaire, mais qui reste un domaine mal traité alors qu'il est dans bien des territoires essentiel pour maximiser la couverture du territoire et complémentaire du réseau ferroviaire.

Verra-t-on réapparaître des sujets tels que l'écotaxe, le péage urbain, l'équilibre entre la participation de la collectivité et celle de l'usager ? Puisqu'on parle tarification, cette mission portera-t-elle sur de nouveaux équilibres économiques compatibles avec une augmentation de la fréquentation... on serait tenté de dire une reconquête... ?

29 septembre 2020

Plan de relance : c'est clairement confus !

Près d'un mois après son annonce en fanfare, le plan de relance est-il en train de retomber comme le soufflé préparé par Gaston Lagaffe pour remonter le moral de Bertrand Labévue ?

C'est toujours la confusion quant au fléchage des 4,7 MM€ destinés au transport ferroviaire : aucune communication gouvernementale claire n'est exprimée pour clarifier les montants alloués. Il est toujours question d'un dosage entre l'amélioration du réseau structurant, notamment pour le fret, les lignes de desserte fine du territoire, les évolutions législatives ou encore plus simplement le traitement des compensations liées au confinement du printemps qui pèsent toujours sur les comptes des sociétés du groupe SNCF.

En outre, l'actualisation du contrat Etat - SNCF Réseau, avec la question fondamentale de la dotation pour le renouvellement du réseau (précisons qu'il s'agit du réseau structurant seulement), reste dans le flou le plus complet.

Il faut aussi ajouter que la FNAUT pointe aussi la faiblesse des moyens alloués aux transports urbains - 1 MM€ - et la consommation des deux tiers de cette enveloppe par l'Ile de France. En comparaison, près de 2 MM€ sont accordés au soutien de la filière des voitures électriques. Et on attend toujours les mesures de compensation du déficit engendré par le confinement pour les réseaux hors Ile de France !

Sur le volet ferroviaire, accorder - après plusieurs mois de suppliques - 4,7 MM€ au secteur ferroviaire mais en entretenant le flou sur sa destination est à mettre en regard de la rapidité avec laquelle plus de 7 MM€ ont été accordés à Air France, sans nier la nécessité d'une mesure de soutien. Mais encore une fois : deux poids, deux mesures.

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