Le devenir de Fret SNCF en jeu
Coup de communication d’un syndicat
Hier, un groupe de syndicalistes Sud-Rail a fait irruption au colloque Osons le train organisé, dans les locaux de la Fédération Nationale des Travaux Publics près des Champs-Elysées, par la FNAUT et animé par Mobilettre, loupant l’intervention du ministre des Transports et interrompant une présentation sur la complexité tarifaire et la perspective d’une « convention collective de l’usager » (dont nous reparlerons). Il s’agissait de faire pression sur le gouvernement alors que le dossier des aides au renflouage de Fret SNCF depuis 2007 laissait planer le risque d’un démantèlement de l’activité. Seule conséquence : ledit colloque a été définitivement interrompu.
Vous avez dit libre concurrence ?
La Commission Européenne reproche au gouvernement français d’avoir effacé la dette de Fret SNCF (5,4 Md€ à l’époque) en la relogeant au niveau du Groupe lors de la dernière réforme ferroviaire, et à l’apport de 170 M€.
L’Etat est indiscutablement responsable d’avoir eu recours à des mesures en sachant pertinemment qu’elles pourraient être contestées par d’autres opérateurs.
La Commission Européenne n’est pas exempte de critiques concernant une approche parfois un peu trop orthodoxe voire schizophrénique. Le développement du fret ferroviaire implique de nombreuses conditions dont notamment d’avoir des opérateurs en bonne santé. Des contestations similaires ont également lieu à l’encontre de DB Cargo.
En outre, le soutien aux opérateurs de fret ferroviaire est à replacer dans un contexte plus large : quand l’Union Européenne a adopté sa directive sur les travailleurs détachés, elle a de fait accordé un avantage concurrentiel considérable au transport routier, déstabilisant non seulement le marché du transport routier, mais aussi celui du ferroviaire, déjà dans une situation délicate. L’équité ne peut être à sens unique.
Une nouvelle structure de moindre taille pour éviter la sanction ?
La solution proposée par le gouvernement consiste en la création de 2 nouvelles entités publique (majoritairement ou totalement) distinctes du Groupe SNCF selon un obscur principe de « discontinuité économique ». Pas de sanction à la clé (le remboursement des aides considérées indues) mais une sévère cure d’amaigrissement puisque la proposition prévoirait la cession des contrats de trains complets (20% de l’activité de Fret SNCF actuellement), la suppression de 470 postes (10 % des actuels effectifs) et de 53 locomotives. Et ce alors que l’activité a repris des couleurs et est parvenue en 2022 à dégager un petit excédent. Les nouvelles entités ne pourront pas se repositionner sur les marchés cédés avant 2034.
Nogent L'Artaud - 18 septembre 2021 - Fret SNCF se porte mieux mais son avenir à court terme est en jeu. Les règles européennes sont certes connues... mais sont-elles toujours si équitables ? Le transport routier a bénéficié de grandes latitudes déformant la concurrence rail-route. © transportrail
Développer le report modal
Solder le passé ne sera pas facile. Il va maintenant falloir construire l’avenir avec des solutions plus consensuelles. Dans la première partie du colloque d'hier, il a été beaucoup question de :
- l’équilibre des recettes du gestionnaire d’infrastructures entre les péages et les subventions de l’Etat ;
- la qualité et de la disponibilité du réseau (voir notre dossier à ce sujet) : travaux nombreux et modalités de réalisation à fort impact capacitaire faute d’itinéraires alternatifs en nombre et en qualité suffisants, faute de moyens de réalisation des chantiers qui limitent l’interception du trafic (pour les spécialistes, peut-on faire autrement qu’en interrompant par principe les 2 voies simultanément ?) ;
- la prise en compte du fret dans la planification capacitaire, compte tenu des enjeux du transport de voyageurs, notamment des RER autour des grandes agglomérations.
On pourrait aussi ajouter parmi ce champ des possibles une « prime locomotives » pour soutenir l’acquisition d’engins plus performants et plus polyvalents : outre les fonctionnalités ERTMS, l’industrie propose de plus en plus de machines bimodes aux nombreux avantages (possibilité de circuler sur des lignes non électrifiées, rationalisation du parc des opérateurs, intégration du moyen de traction sur les installations embranchées…) et/ou d’unités aux performances accrues pour augmenter la productivité des sillons. Le réel succès commercial des Euro 6000, Euro 9000 et EuroDual de type CC de Stadler montre que de nombreux opérateurs ont compris les avantages qu’ils pouvaient tirer de machines augmentant d’au moins 30 % les tonnages remorqués par rapport à des locomotives de type BB telles que les Prima ou les Traxx.